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Rencontres à l'Etoile Noire (Laon, Aisne 02) !

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Deux rencontres à venir, une le 19 novembre autour des Mujres Libres avec Monica Jornet et une le 22 novembre autour de la Revue Z (N°15) et des forêts !

L'Etoile Noire c'est à Laon dans l'Aisne, c'est une jolie petite librairie libertaire !
Et aussi une bibliothèque qui se prépare.. On y fait des rencontres et voici les deux prochaines.

Discussion autour des Mujeres Libres
Le samedi 19 novembre 2022 à 19h30

Monica Jornet, du groupe Gaston Couté de la FA présentera à L'Étoile Noire, l'organisation anarchaféministe “Mujeres Libres” : son histoire depuis 1936 et surtout l'actualité de ses luttes dans la péninsule ibérique.

Rencontre avec la Revue Z
Le 22 novembre 2022 à 19h30

Des rédacteur.ices vont nous présenter le numéro 15 de cette excellente revue qui depuis les plantations d'arbres a quadriller la montagne limousine.
La revue “Z” s'attaque à la sylviculture industrielle qui détruit les sols comme les corps des personnes qui y travaillent. Avec celles et ceux qui se battent pour des usages populaires et collectifs des forêts.
La revue Z tente de faire entendre des voix trop souvent recouvertes par le vacarme des machines.
Alors nous échangerons, sur les forêts d'ici et d'ailleurs grâce à leur travail. Nous réfléchirons aux forêts qui nous entourent et leurs avenir !

Les Kurdes : un peuple colonisé ?

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

La situation du Kurdistan dont était originaire Jina Amina, assassinée par le pouvoir iranien est invisibilisée entre autre, dans la presse ainsi que dans les rassemblements de soutien appelés par diverses associations en soutien aux révoltes qui s'y déroulent.
Et les Kurdes ? pourquoi sont iels si invisibilisé.es ?
Cet Article rédigé par Azadî revient sur l'histoire de son peuple sous l'angle d'une colonisation singulière et au travers de sa situation géopolitique.

Les kurdes : un peuple colonisé ?

Les Kurdes sont rarement considérés comme peuple colonisé, ils sont plutôt décrits comme « minorité opprimée ». Drôle d'expression pour décrire l'état d'un peuple dont l'existence est niée par quatre pays, dont la population s'élève à plus de 50 millions. Cette lecture dissimule la dimension coloniale de la division et domination des Kurdes, une perspective très rarement abordée.

Le colonialisme désigne ici l'ensemble des pratiques et des doctrines utilisées par un état pour soumettre, détruire, exploiter un peuple et son territoire. Il peut prendre plusieurs formes : de la colonie de peuplement à celle d'exploitation et nous verrons d'ailleurs que la colonisation du Kurdistan est, à bien des égards, unique. Le colonialisme peut avoir diverses justifications (ethniques, raciales, civilisationnels) mais la raison principale reste l'exploitation économique. Celle-ci se fait à travers deux types d'exploitation : celle des ressources du sol colonisé mais aussi, et on l'oublie trop souvent, l'exploitation à bas coût de la force de travail du colonisé pour des tâches ingrates (des plantations au travail ouvrier dans des chantiers). Le colon, pour parvenir à un tel degré d'exploitation et d'asservissement, use des pratiques les plus odieuses contre le colonisé : violences physiques, psychiques, destruction et négation de son histoire, de sa culture, de sa langue jusqu'à effacer son existence toute entière.

En somme, comme le disait Fanon : « La colonisation est une négation systématisée de l'autre, une décision forcenée de refuser à l'autre tout attribut d'humanité. »

Cette démarche permet de tisser un fil indestructible reliant la cause kurde à celle des peuples d'hier et d'aujourd'hui luttant pour leur existence. Ce fil renforce la solidarité entre les peuples et donne des ressources inestimables à nous autres Kurdes dans notre quête de liberté. Du haïtien Toussaint L'ouverture au FLN algérien en passant par la guérilla cubaine, l'histoire coloniale mondiale est un long filament débordant d'espoir pour les peuples opprimés. Pour un Kurde comme moi, admiratif de ces récits anticoloniaux et bouleversé par la situation désastreuse de mon peuple, pouvoir m'accrocher à ce fil m'a sauvé des abysses du désespoir. Mon sentiment d'appartenance à la grande histoire décoloniale ne date pas d'hier. Dans Les damnés de la terre je n'ai pas lu un récit magnifique du peuple algérien dans sa lutte d'indépendance, j'y ai lu les tourments psychologiques de mes cousins et de mes parents provoqués par des années d'oppression coloniale. Dans L'an V de la révolution algérienne, je n'ai pas lu l'histoire de la révolte algérienne depuis les débuts du FLN, j'y ai lu la beauté et la misère de la lutte des Kurdes depuis les années 70 et la création du PKK. Dans les récits autour de Mehdi Ben Barka, Patrice Lumumba, Thomas Sankara, je n'ai pas lu une simple histoire de la décolonisation du XXe siècle, j'y ai découvert une grande inspiration pour la libération de mon peuple.

L'objectif de cet article est de déconstruire cette nomination de « minorité opprimée » et poser les vraies bases de la situation des Kurdes : un peuple divisé entre quatre États dessinés par des puissances impérialistes tels que la France et la Grande Bretagne pour répondre aux revendications des vestiges de l'Empire Ottoman notamment. Quatre États qui useront des techniques de domination coloniale : génocides, négation de l'identité, destruction de la culture, déportation, appauvrissement de la colonie.
Ainsi c'est dans cette perspective que nous aborderons :

  • Les bases de la situation coloniale kurde à travers le concept de "colonie internationale"
  • Le concept de "première balle" de Fanon dans la lutte pour la libération du joug colonial dans le cas kurde
  • La langue kurde à travers les luttes contre sa destruction et pour son développement à des fins libératrices
  • La poésie kurde comme témoin de la situation coloniale multiséculaire subie par les Kurdes

Le Kurdistan, une colonie internationale

Dans cet article, je me baserai essentiellement sur les travaux d'Ismail Besikci, grand sociologue emprisonné à maintes reprises par l'état turc pour son travail sur le peuple Kurde, et notamment son livre International Colony Kurdistan publié en 1991.

L'auteur soutient que le Kurdistan ne peut être considéré comme une simple colonie, et que les Kurdes ne peuvent être compris simplement comme un peuple colonisé. La nation kurde a été colonisée et réduite à une position inférieure à celle d'une colonie. C'est d'ailleurs dans la droite lignée de la stratégie du colonisateur : nier l'existence du colonisé ; sauf que dans le cas des Kurdes cette logique des colons a conduit à la négation même de sa situation de colonisé.

Tout d'abord il est important de faire une courte description de l'état des luttes après la Première Guerre Mondiale : « Toutes les luttes kurdes pour l'indépendance, la liberté et les droits nationaux depuis la fin de la Première Guerre mondiale ont été noyées dans le sang. Les luttes de Sheikh Mahmud Berzenci, et plus tard, celles de Mustafa Barzani au Kurdistan du Sud ; Simko et Qazi Mohammed au Kurdistan de l'Est ; les luttes à Kochgiri au Kurdistan du Nord, et les batailles menées sous la direction de Sheikh Said, Ihsan Nuri et Seyid Riza, se sont toutes terminées dans des bains de sang en raison de la complicité et de la coopération entre les impérialistes britanniques et leurs collaborateurs du Moyen-Orient. »

Une question se pose alors : quelle forme prend cette colonisation ? Réponse de l'auteur : « La richesse du Kurdistan en pétrole, eau, cuivre, fer, phosphate, charbon et autres ressources naturelles a été un élément important de la colonisation de la région. Aujourd'hui, cependant, le facteur déterminant est la division du Kurdistan, l'application de politiques colonialistes par plusieurs États et les intérêts stratégiques qui renforcent cet ordre. Il y a plus qu'une simple différence quantitative entre une nation colonisée par un seul État et une nation colonisée par plus d'un État. La colonisation du Kurdistan par quatre États crée un contexte différent dans les relations colonie-colonialisme. C'est ce que nous voulons dire lorsque nous soulignons que le Kurdistan n'est même pas une colonie. Il ne faut pas non plus confondre la division du Kurdistan en quatre sections avec la politique dite de "balkanisation". Cette dernière est une autre forme de « diviser pour régner », où l'hostilité est fomentée entre des personnes différentes afin d'introduire une instabilité politique dans des régions où vivent des personnes différentes. La division du Kurdistan est un processus totalement contraire à cela. » 

On comprend que le Kurdistan est soumis à la méthode de « diviser pour gouverner et liquider ». C'est le cas à travers le démantèlement du Kurdistan entre quatre états coloniaux. Mais c'est aussi la méthode utilisée à l'intérieur même de ces États où la discorde et la terreur sont en permanence sur la tête des Kurdes. Voici un exemple de méthode utilisée par le régime turc :

« La destruction de la nature et de l'humanité au Kurdistan a pour but de briser la structure psychologique du peuple et de détruire sa volonté. Les Kurdes sont censés être envahis par une peur et une panique constantes, un sentiment d'impuissance et un manque de confiance dans l'avenir de leur nation. Ces pratiques visent à éradiquer leurs coutumes et leur langue, à briser toute résistance, afin qu'ils soient incapables de faire autre chose que de se soumettre à la volonté de leurs maîtres. C'est ainsi que les colonialistes veulent que leurs sujets vivent. C'est la base des relations colonialiste-colonisé. L'exploitation économique ne peut se faire que dans un tel environnement de désespoir moral et psychologique.

La Turquie a tenté d'approfondir sa politique de "diviser, gouverner et liquider" en mettant en place un système de "gardes villageois" face à la recrudescence incontrôlée de l'activité de la guérilla kurde. Avec les gardes villageois, la violence endémique de la société coloniale est dirigée vers les guérilleros, leurs proches et leurs villages. Face à toutes les formes possibles de terreur d'État, de tyrannie, de torture et d'oppression, ceux qui se dressent encore et défendent l'identité kurde sont alors physiquement anéantis. La violence et l'agression de l'armée coloniale augmentent de jour en jour. L'État pratique toutes les formes de terrorisme qu'il peut concevoir. Des villages sont assiégés, des villages entiers sont fouillés, la torture de masse est pratiquée, les êtres humains sont traqués comme des animaux, des camps de concentration sont formés, des gaz toxiques sont libérés dans les zones urbaines et les sources d'eau, des personnes sont exilées, et bien plus encore. Des provocateurs et des espions sont implantés parmi les villageois.

Les États colonialistes peuvent confisquer les biens kurdes, y compris les terres et le bétail, à tout moment. Ils peuvent envoyer des soldats armés s'installer dans les villages. Ils peuvent forcer les villageois à semer et à récolter pour leur propre usage. Ils peuvent rendre les villageois responsables de la sécurité de la région et exiger qu'ils montent la garde à tour de rôle. Ils peuvent exiger des familles qu'elles livrent les leurs qui auraient rejoint la guérilla, et si les premiers refusent de le faire, chacun d'entre eux est susceptible d'être arrêté et interrogé. Ils s'efforcent de faire payer par les villageois eux-mêmes les dépenses engagées pour la sécurité de ces derniers. Ceux qui s'élèvent contre ces mesures peuvent être fusillés. Ceux qui acceptent de telles méthodes, en revanche, se dévalorisent. Ils deviennent caractérisés par la honte et la peur. Dans l'un ou l'autre des cas ci-dessus, l'État a atteint son objectif. »

L'auteur s'est uniquement concentré sur le cas de la Turquie mais une analyse similaire peut être faite :

  • Dans le cas de l'Iran qui a exterminé des dizaines de milliers de Kurdes que ce soit sous le régime des Shah ou celui des mollahs. L'appauvrissement de la population kurde et l'exploitation de ses ressources : https://www.revue-ballast.fr/entre-liran-et-lirak-les-kolbars-ne-plient-pas/. L'interdit de la langue, de la culture, de l'identité kurde : la jeune femme kurde de 22 ans, Jîna « Mahsa » Amini, tuée le 16 septembre 2022 en Iran a été tuée parce qu'elle était kurde et en raison de son voile.
  • dans le cas de l'Irak : le génocide kurde de 1988 appelé Anfal (50 000 à 180 000 civils kurdes tués) que trop peu de personnes connaissent (https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9nocide_kurde) avec le bombardement à l'arme chimique sur la population d'Halabja en 1988.
  • dans le cas de la Syrie : je citerai cet article (https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2006-1-page-217.htm) « Le « recensement exceptionnel » de 1962 a permis de retirer leur nationalité à quelque 150 000 Kurdes classés comme étrangers et qui, plus généralement, tendait à remettre en cause la citoyenneté syrienne des membres de cette communauté ainsi qu'à consolider leur opposition avec les autochtones du pays.

Un deuxième seuil fut marqué par l'expropriation de bon nombre de propriétaires kurdes et par le transfert à des colons arabes, à partir de 1966, des terres agricoles les plus fertiles situées le long des frontières turque et irakienne : c'est la stratégie de la « ceinture arabe » couplée à la réforme agraire. L'objectif était ici d'amoindrir le poids démographique et économique des Kurdes et de modifier par là les équilibres sociaux et géographiques de la région. Ces mesures faisaient à l'origine partie d'un plan radical visant toute la Djézireh : déplacement progressif des tribus « dangereuses » ; campagne de déscolarisation ; promotion de guerres locales par l'intermédiaire de tribus arabes « patriotiques ». Même s'il n'a pas été appliqué, le fait que ce plan ait existé est révélateur d'une tentation de « solution » kurde sur le mode de la déportation, de la militarisation, de la guerre civile, voire de l'élimination, dans la Syrie des années 1960.
Pour plus d'informations concernant les Kurdes, leur histoire ainsi que leur luttes actuelles, je vous invite à lire mon article sorti dans le QG décolonial : https://qgdecolonial.fr/2022/10/21/les-kurdes-manipules-par-loccident-contre-les-barbares-islamistes-une-raison-de-leur-isolement-au-sein-des-luttes-du-sud/

Ce qui est essentiel à retenir pour le besoin cet article peut se résumer ainsi : malgré notre longue histoire d'existence, la violence la plus dévastatrice qui s'est mise en place contre les Kurdes n'aurait lieu qu'avec le développement de la modernité capitaliste des deux derniers siècles. Bien que les responsable de ces politiques dans la région aient été les États de Turquie, d'Irak, d'Iran et de Syrie, ce sont avant tout les puissances impérialistes mondiales, principalement la Grande-Bretagne, la France et les États-Unis, qui ont préparé le terrain pour ces États, en leur offrant un soutien et des conseils pour commettre des massacres. 

Frantz Fanon et la « première balle » kurde

Ismael Besikci s'est aussi basé grandement sur l'œuvre de Frantz Fanon en tant qu'intellectuel ayant développé une pensée essentielle pour comprendre les peuples colonisés dans leur lutte de libération. Voici la description de la pensée de Fanon par l'auteur qui mérite d'être lu pour sa justesse et sa concision.

« Frantz Fanon a participé à la lutte de libération nationale algérienne. Il était un homme noir, né et élevé dans la colonie française de la Martinique, et a étudié la médecine à Paris. Au début des années 1950, il s'est intéressé au Mouvement de libération nationale algérien et, quelques années plus tard, il a réussi à être envoyé dans ce pays en tant que médecin. Une fois sur place, il a pu établir des relations secrètes avec le Front de libération nationale algérien. »

Frantz Fanon a développé une thèse sur les nations coloniales qui mérite d'être approfondie. En bref, son point de vue est le suivant : Organiser la résistance dans les nations coloniales et les amener au niveau d'une lutte armée est très difficile, étant donné que les colonisés sont conditionnés pour vivre dans la peur et l'intimidation. Les puissances coloniales leur font peur et les maintiennent sous leur contrôle. La répression, la force, la tyrannie, les insultes et le mépris entraînent une démoralisation qui fait que le peuple perd confiance en lui-même et en ceux qui l'entourent, et qu'il considère sa propre famille et sa nation comme extraordinairement basses et sans valeur.

Les puissances coloniales, quant à elles, semblent si puissantes que personne ne songerait à se battre contre elles. Les colonisés se résignent au sort qui leur est imposé, s'en remettant à Dieu plutôt que d'agir par eux-mêmes. L'État colonial souhaite deux choses de ceux qui sont sous sa domination. Premièrement, que les colonisés reconnaissent leurs dirigeants et pensent qu'ils ne pourraient pas exister sans leurs maîtres. Les colonisés doivent penser qu'ils ne sont rien d'autre qu'un peuple non qualifié, appauvri, sans foi ni loi, ignorant tout de l'économie, de l'administration et de la technologie.
Deuxièmement, alors que les colonisés doivent rester silencieux, la tête baissée, devant les insultes et le mépris les plus durs des puissances coloniales, ils doivent également être prompts à réagir à la moindre insulte ou menace de la part de leurs propres parents ou compatriotes, et faire de ces questions des questions d'honneur. Ce type d'environnement social et moral crée des individus agressifs et méchants, qui gaspillent leur colère sur leurs propres parents et compatriotes.

Les puissances coloniales exploitent cette condition psychologique au maximum. Elles approfondissent les conflits traditionnels au sein de la société, en créent de nouveaux, tout en encourageant les institutions traditionnelles à leurs propres fins. Dans les campagnes, les forces de sécurité violent les femmes locales devant leurs hommes, qui sont censés rester silencieux. Néanmoins, lorsqu'il s'agit de conflits entre villages ou tribus, ces mêmes personnes sont encouragées à se venger et à "sauvegarder leur honneur".

L'État colonialiste emploie des personnes dotées de telles mentalités dans les commissariats de police, les prisons et les chambres de torture. Tout cela indique qu'une société colonisée est une société blessée. Les personnes et les sociétés qui ne se rebellent pas contre la tyrannie et la répression sont blessées dans leur cœur.

Frantz Fanon souligne combien il est difficile pour les peuples de s'organiser et d'atteindre le point de guerre contre la puissance coloniale. Il s'attarde sur la nécessité de surmonter cette difficulté, et sur le travail concentré, insistant et décisif nécessaire pour obtenir des résultats. Il continue à dire que toutes ces conditions négatives peuvent être surmontées, et que n'importe qui peut être gagné à l'organisation. Lorsque ce militant tire sa première balle contre l'État colonialiste ou impérialiste, il se tue en fait lui-même. Avec cette première balle, il tue sa personnalité asservie, terrorisée, opprimée, donnant naissance à une nouvelle personne. Ce nouvel individu est celui qui a confiance en lui-même, en sa famille, en ses compatriotes et en sa nation. Il ne les considère plus comme inférieurs et sans valeur. Il ne voit plus les puissances coloniales comme écrasantes et omnipotentes. Il peut maintenant tout mettre en place, calculer sa propre force et celle de son ennemi, et agir en conséquence.

"La première balle" ne doit pas toujours provenir d'un fusil, mais doit être considérée sous un angle plus large. Son contenu peut changer en fonction du temps et du lieu. Une publication anticolonialiste pourrait également remplir la même fonction si le moment et le lieu s'y prêtent.

Cette « première balle » kurde est à bien des égards la fondation du PKK qui suit des années de revendications kurdes : « La fondation du PKK à la fin des années 1970, et les seconds procès orientaux qui ont débuté sous le régime du 12 septembre 1980 (en Turquie), ainsi que certains développements dans la prison de Diyarbakir, ont contribué à la propagation de la conscience nationale kurde. La lutte armée du PKK qui a commencé avec les opérations d'Eruh et de Shemdinli a constitué un tournant majeur dans l'éveil de la conscience nationale et la compréhension de la thèse sur le colonialisme. Selon les mots de Frantz Fanon, ce fut la "première balle". »

Cette première balle peut être différente pour chaque génération de Kurdes. Pour celles de mes parents ce fut le PKK au Bakur (Kurdistan du Nord, à l'Est de la Turquie), pour moi c'est le Rojava (Kurdistan de l'Ouest, au Nord de la Syrie) et la bataille de Kobanê contre Daesh, aujourd'hui ce sont les révoltes au Rojhelat (Kurdistan de l'Est, à l'Ouest de l'Iran) depuis la mort de la jeune femme kurde de 22 ans Jîna Amini qui peuvent amener les Kurdes à sortir de l'emprise coloniale.

Une des particularités de la colonisation du Kurdistan est le génocide culturel appliqué contre les Kurdes visant particulièrement la langue kurde, interdite voire même dont l'existence est niée.

La langue kurde : contre l'assimilation, moteur de la conscience kurde

La langue kurde est parlé par plus de 40 millions de personnes à travers le monde. Elle fait partie de la famille des langues Indo-européennes et appartient au groupe Irano-aryen de cette famille. Le kurde est, après le persan, la langue du monde iranien occidental la plus importante. Cette langue est le lien le plus fort de ce peuple politiquement et historiquement écartelé.

La langue kurde comprend différents dialectes qui, pour diverses raisons notamment historiques, n'ont pas pu s'unifier. On les répartit souvent en trois catégories :

  • Le kurmancî, kurmanji en français (langue parlée par quasiment 60% des kurdophones) comprenant le soranî. C'est la langue que je parle donc je me limiterai à une courte description de celle-ci uniquement.
  • Le zazakî ou zazaï ou encore dimili parlée majoritairement dans la région de Dersîm (ici autour de Bingöl) par plus de 3 million de Kurdes
  • Le goranî à l'extrême-sud du Kurdistan

Le kurmancî est écrit dans un alphabet kurdo-latin qui comporte 31 caractères, dont ceux qui ne figurent pas dans l'alphabet français sont : ç (comme le tch de tchèque), ê (comme é), î (comme i, en kurde « i » est un i muet), ş (comme dans chameau), û (comme ou). De plus le x se prononce comme la jota espagnole et le g comme dans Gabriel.

Quelques mots pour découvrir le kurmancî :
- Roj baş « bonjour ! »
- Navê min Azad e « Je m'appelle Azad »
- Tu çawa yî ? « Comment vas-tu ? »
- Ez baş im « Je vais bien »
- Spas « merci »
- Erê (ou belê) « oui »
- Na « non »
- Serçavan (formule très utilisée qui permet de saluer, remercier, ou dire « enchanté »)
- Bijî Kurdistan « Vive le Kurdistan »

La langue kurde a été et reste encore interdite dans les quatre pays colonisateurs. L'instruction de la langue kurde est interdite, les études sur la langue kurde sont prohibées, il n'y a pas de droit de porter un nom kurde (la jeune kurde de 22 ans tuée en Iran ne s'appelait pas Mahsa mais Jîna car le régime iranien lui a explicitement interdit ce nom), de donner un nom kurde à son village ou à sa ville sous peine de prison.

Plus encore, l'existence même de la langue kurde est niée. C'est plus qu'un interdit, c'est une négation d'existence. On retrouve là l'une des pratiques coloniales la plus violente et la plus répandue : la négation de l'autre, allant dans le cas kurde jusqu'à une négation de sa culture et de sa langue. Pour bien comprendre cela, je cite un extrait du livre Être kurde, un délit ? de Jacqueline Sammali dans lequel un Kurde explique la violence de ce type de négation :
« Ce que vous devez comprendre c'est qu'on ne disait pas "En Turquie, la langue kurde est interdite" Non, ce mot lui-même n'existait pas, un point c'est tout. À la télévision, dans les déclarations officielles, on entendait toujours la même rengaine : tous les citoyens de la Turquie sont des Turcs, le turc est la seule langue officielle, etc. Et on avait vraiment l'impression de ne pas exister. Ce qui frappe effectivement le plus les gens qui séjournent au Kurdistan de Turquie, c'est le fait que les mots soient gommés. On ne parle pas du Kurdistan turc comme on parlait de l'Algérie française, du Congo belge. Ce déni total a provoqué maintes situations où le cocasse se mêle au tragique. Puisque le mot kurde lui-même ne doit pas être prononcé, lorsque les autorités ont à faire avec des Kurdes qui ne parlent que leur langue maternelle, ils jonglent pour ne pas devoir prononcer "'le mot". En été 1989, on m'a rapporté cette anecdote publiée dans la revue "Vers l'An 2000" : Un officier turc voulait interroger un vieux ne sachant que le kurde. Il avisa un jeune du village et l'interpella pour lui demander : viens ici, toi, est-ce que tu parles la langue ennemie ?" »

Quels effets une telle situation peut avoir sur un peuple colonisé ? Réponse dans international Colony Kurdistan  : « Les dimensions psychologiques de l'interdiction de parler sa propre langue peuvent être exprimées comme suit. Les personnes interdites de parler leur propre langue sont comme des personnes à qui on a coupé la langue. Cela conduit à la perte de l'intégrité sociale, psychologique et physique. Il en résulte un peuple malsain, déséquilibré et sans confiance. Une société composée de telles personnes est une société malsaine, facilement gouvernée par d'autres. Dans une telle société, tout peut être imposé par des ordres, des coups et des menaces. Ils peuvent être canalisés dans n'importe quelle direction. La seule façon pour une telle société de recouvrer la santé est de prendre conscience des interdictions qui la frappent et d'examiner sa propre identité ».

Mais cette même atteinte à la langue kurde est devenue une arme pour l'individu colonisé. En se rapprochant de sa langue, le colonisé kurde ressent une joie et une force décuplée car il se sent de plus en plus solidaire de son peuple, de son histoire et de sa culture.

« On peut dire que les méthodes colonialistes ont réussi lorsqu'elles font oublier aux gens leur langue maternelle et les empêchent de prendre conscience de ce processus même. Une fois que les masses prennent conscience de ce qui se passe et remettent en question ce processus, cela signifie que l'assimilation s'est arrêtée. Nombre de ces personnes qui ont joué un rôle déterminant dans la fondation des associations culturelles révolutionnaires de l'Est (en Turquie) dans les années 1960 ne parlaient pas leur langue maternelle. Selon l'État, ils avaient été assimilés. Néanmoins, ayant pris conscience de leur véritable identité, ils ont ressenti le besoin d'entamer une lutte pour la démocratie. Beaucoup d'entre eux ont ensuite appris le kurde, tant à l'oral qu'à l'écrit. En effet, nombre des personnes qui se sont impliquées dans la publication de journaux kurdes ne parlaient pas le kurde, mais elles avaient pris conscience de leur identité et étaient devenues des militants. Aujourd'hui, une grande partie des Kurdes insistent pour parler le kurde, leur langue maternelle, dans les tribunaux, même s'ils connaissent le turc. »

La poésie kurde comme preuve de l'histoire coloniale des kurdes

Fanon : « La culture nationale est l'ensemble des efforts faits par un peuple sur le plan de la pensée pour décrire, justifier et chanter l'action à travers laquelle le peuple s'est constitué et s'est maintenu. La culture nationale, dans les pays sous-développés, doit donc se situer au centre même de la lutte de libération que mènent ces pays. »

La période allant du XVIe au XIXe siècle est l'âge d'or de la féodalité kurde avec une certaine autonomie voire une indépendance des seigneurs kurdes. La prospérité de cette époque a permis le développement de la culture et de la langue kurde. La poésie issue de cette situation atteste de la nature coloniale du peuple kurde depuis des siècles mais aussi, comme le décrit Fanon, des efforts faits par les Kurdes pour « décrire, justifier et chanter l'action à travers laquelle le peuple s'est constitué et s'est maintenu ».

Voici des extraits de poèmes kurdes :
Ehmedê Xanî (1650-1706) le plus grand poète kurde de la période classique, grande personnalité kurde qui est considéré par beaucoup comme l'aïeul du nationalisme kurde, Mem û Zîn, immense chef d'œuvre, grande histoire d'amour comparable à celle de Roméo et Juliette :traduction de Joyce Blau, Mémoire du Kurdistan.
« Réfléchis ! Du pays des Arabes à celui des Géorgiens
Les Kurdes se dressent comme des citadelles.
Ces Turcs et ces Persans s'en font des remparts
Les Kurdes les entourent des quatre côtés.
Les deux camps ont fait du peuple kurde
une cible pour la flèche du destin.
On dirait que [les Kurdes] sont les clés des frontières
Chaque tribu contient comme un barrage.
La mer des Turcs et l'océan des Perses
Lorsqu'ils se dressent, se rejoignent et s'affrontent.
Les kurdes en sont éclaboussés de sang
Ils les séparent comme un fossé.
Générosité, magnanimité, noblesse,
Autorité, ardeur, courage,
Tout cela est la marque du peuple des Kurdes,
Ils s'appuient sur l'épée et sur la puissance du droit. »
Melayê Cizîrî (1570-1640), aka le Ronsard kurde, se présente en ces termes :
« Je suis la rose de l'éden de Botan (ndlr : nom de la principauté situé au point limitrophe turco-syro-irakien dont il est originaire)
Je suis le flambeau des nuits du Kurdistan. »
L'un de ses élèves, Elî Teremaxî (1590-1653), La chanson de ma terre :
« Elle sont longues les routes des siècles
Elle est sans fin la vie des peuples.
J'ai trouvé des vestiges miraculeux
De ta langue si belle, ô mon peuple,
En contemplant le bleu
De tes eaux et de ton ciel pur.
Tant d'orages, tant de cris,
Tant de mots inconnus à nos oreilles.
La nuit était longue et l'horizon gris
Mais comme il est merveilleux le réveil.
Souffle dans cette flûte
De ses rythmes doux tombent des perles
Plus belles que celles qui dorment dans la nuit des mers.
Sur les plateaux de cette terre
Mot kurde ! Toi seul n'est pas éphémère. »

Ces vers d'Ehmedê Xanî, écrits il y a plus de trois siècles résonnent encore par leur actualité ardente. La situation des Kurdes, la description géopolitique du Kurdistan expliquant que tous leurs voisins leur ont refusé leur indépendance depuis des siècles, tout résonne encore aujourd'hui. C'est la clé pour comprendre le combat de libération des Kurdes et le caractère colonial de leur situation.

Le peuple Kurde est donc un peuple colonisé qui subit les ravages du colonialisme : expropriation des ressources, développement très inférieur au Kurdistan par rapport au reste de la région, violences physiques atroces, génocides, négation d'existence, négation d'identité, stigmates profonds dans l'esprit du peuple kurde, etc. L'aspect très particulier de l'histoire et de la géographie des Kurdes nous amène à préciser cette nature coloniale : à bien des égards, le Kurdistan est moins qu'une colonie car il n'est même pas reconnu comme tel ; la négation d'existence est poussée à son extrême allant jusqu'à refuser le statut de colonisés aux Kurdes, à nier leur langue. Mais le concept de colonie internationale développé par Ismael Besikci et décrit dans cet article permet de mieux comprendre la situation des Kurdes. C'est crucial d'affirmer la nature coloniale particulière de l'oppression subie par les Kurdes afin de déterminer la meilleure stratégie pour leur libération.

Bijî Kurdistan !

Écrit réalisé par Azadî le 20 Octobre 2022
Twitter : Azadî (@MockingMarx)
https://twitter.com/MockingMarx?t=tCqr75XqSCC6C8SKk-6exQ&s=03
Berxwedan jîyan e (la résistance c'est la vie) ✊ | Bijî Kurdistan ❤️💛💚

L'Actu des Oublié.es • S III • EP 4 • Iran (2/2) : Marg Bar Dictator

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

L'Actu des Oublié.es évoque deux fois par mois l'actu des luttes dans le monde. Cette semaine, deuxième volet sur la Révolution en cours en Iran.

Dans ce deuxième épisode sur la Révolution en cours en Iran, nous verrons comment le soulèvement de la jeunesse a gagné toutes les sphères de la société malgré une répression sanglante. Nous en évoquerons les perspectives, les victoires déjà acquises et ce qu'il symbolise au delà des frontières iraniennes, alors que certaines voix s'élèvent pour réclamer la construction d'un mouvement anti-patriarcal internationaliste, puissant et solidaire.

Avec Chahla CHAFIQ, sociologue et écrivaine, qui a publié notamment Le Rendez-vous iranien de Simone de Beauvoir ;
et Azadeh KIAN, sociologue, directrice du Centre d'enseignement de documentation et de recherches pour les études féministes, autrice de Femmes et pouvoir en Iran.

S IIIEP 4 • Iran (2/2) : Marg Bar Dictator

MEDIAS
Middle East Eye, le Conseil national de la résistance iranienne, 1500 Tasvir.
Slate, Lundi Matin, Révolution Permanente, site A l'Encontre...

MUSIQUES
1'36 Jiyan Beats - Ez Kurdim
9'42 Justina - Ghadam be Ghadam .
19'52 Toomaj - Meydoone Jang
24'52 Hamed Fard - Man Pesare Iran Zaminam

VISUEL Wikimedias Commons
Leonhard Lenz - Manifestation de soutien à la Révolution iranienne en cours qui a réuni 80000 personnes à Berlin le 22 octobre 2022.

Interview avec un camarade de l'UPC-Manidem/Cameroun

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

L'UPML a pu interviewer un camarade de l'UPC-Manidem concernant la situation de la jeunesse au Cameroun et leurs activités militantes.

Nous devons gagner la jeunesse !

L'UPML a pu interviewer un camarade de l'UPC-Manidem [1] concernant la situation de le jeunesse au Cameroun et leurs activités militantes. Les deux organisations sont membres et coopèrent dans la Coordination internationale des organisations révolutionnaires (ICOR). La conférence continentale de l'ICOR Afrique a décidé d'organiser une conférence de la jeunesse africaine en 2023 à Nairobi au Kenya.

UPML : Quelle est la situation de la jeunesse au Cameroun ?

Samuel [2] : Le Cameroun a 25 millions d'habitants et les trois quarts de cette population sont jeunes c'est-à-dire l'âge varie entre 15 et 40 ans. Comme dans beaucoup de pays, la jeunesse supporte des problèmes les plus dures de la société. Elle est au premier rang pour affronter les problèmes de précarité, de chômage, d'exploitation et surtout de chair à canon dans les différentes guerres que nous impose la dictature de Yaoundé (la capitale du Cameroun) car elle est en avant des belligérants.

Comme beaucoup de pays, le Cameroun subi ce que l'on appelle la « mondialisation ». Notre pays doit faire face à deux adversaires. L'impérialisme Français, sa volonté de dominer les Africains d'une manière générale et les camerounais en particulier, n'existe pas du fait d'une sorte de déséquilibre mental dont seraient frappés les représentants de l'État français et des élus français. La volonté de dominer naît du seul fait des intérêts français à préserver en Afrique et au Cameroun. Or ces intérêts sont AVANT TOUT ET EN GRANDE PARTIE ceux des grands groupes qui opèrent dans les secteurs miniers, financiers, industriels. Ces groupes exigent de l'État français, pourtant « garant des grands principes de la République » (Egalite, Liberté, Fraternité, Droits de l'Homme, etc.), qu'il veille à leur règne en Afrique, afin que leurs affaires prospèrent indéfiniment.

Deuxièmement les serviteurs des néo-colons qui ont remplacé les anciens colonisateurs. Ce sont des individus qui ne sont venus à la politique que pour le pouvoir et la fortune – comme cela se trouve aussi ailleurs dans le monde –, et qui par leur faible implantation populaire font d'emblée le choix de se mettre sous la protection de certains États impérialistes plus précisément l'État français. En vertu de quoi de tels dirigeants africains s'engagent à servir les intérêts prétendument de ces États-là qui ne sont pourtant que ceux des groupes monopolistes ; même si ces intérêts sont contraires à ceux de leurs propres populations. Plusieurs puissances y sont impliquées, dont toujours la France avec ses partenaires. C'est le grand capital qui agit à travers les néo-colons et qui travaille pour pouvoir perpétuer sa domination.

La jeunesse se bat et résiste. Une partie de la jeunesse malgré toutes les difficultés pense que les choses vont bouger un jour. Elle y travaille au niveau local et dans différents secteurs. Ce n'est pas la majorité, mais elle donne de l'espoir.

UPML : On voit en Europe des jeunes immigrés arriver aussi du Cameroun

Samuel : Les problèmes d'existence font qu'au Cameroun, il y a divers mouvements de migration : l'exode rural, la campagne se vide et les personnes âgées seules restent dans les villages. Il y a aussi la migration dans les pays voisins et enfin il y a l'émigration vers l'Europe à travers la mer dangereuse et en prenant beaucoup de risques parce qu'ils pensent y trouver l'Eldorado. Tout cela à cause de l'absence d'alternatives : car, pour beaucoup ils ne peuvent faire de bonnes études à cause de la vie dure, pas faire du sport à cause des infrastructures ni s'évader dans les loisirs. La boucle est bouclée.

UPML : Mais actuellement s'ouvre le Coupe d'Afrique des Nations (CAN), compétition de foot-ball au Cameroun ?

Samuel : Pour la CAN, 4 stades flambant neufs ont été construits dans le pays et d'autres rénovés – pour le prestige du pouvoir, pas pour la masse des jeunes qui manque du minimum pour se soigner et s'alimenter. Le stade d'Olembe Baptisé Paul-Biya proche de Yaoundé a coûté entre 300 et 350 millions d'euros, c'est le stade le plus cher d'Afrique ! Pour comparaison, les coûts du stade de France proche de Paris ont été de 260 millions d'euros. Un nouveau scandale politique s'ouvre dans un pays, où deux tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté.

UPML : que pense la population, surtout la jeunesse de la crise dans votre pays. Quelles idées existent sur un changement à venir ?

Image : Une foule de Camerounais·es faisant face à la caméra lève leurs mains et scande.

Samuel : Au Cameroun, la situation n'est pas très différente que dans d'autres pays africains. Beaucoup sont occupés par la survie au quotidien ce qui les éloigne de réfléchir sur le futur. Une frange de la jeunesse espère dans la religion, c'est un grand problème. Les églises et mosquées sont majoritairement fréquentés par les jeunes et les femmes. Les églises vendent de l'espoir et leur message est que plus tu crois en Jésus ou Mohamed, mieux tu iras demain. Il y a plein de charlatans-pasteurs qui les trompent et en abusent en vendant des rêves dans des miracles. Il y a même des nouvelles formes d'églises qui apparaissent et prospèrent, comme l'Église du réveil.

UPML : Et des positions plus politiques, une opposition contre Biya ?

Samuel : Le gouvernement Biya est un sujet, mais il reste souvent tabou à cause de la répression sur la population. Par exemple plusieurs jeunes camarades ont été arrêtés après une réunion et ont passé plus de quatorze mois en prison et jugés au tribunal militaire où ils ont été accusés d'attroupement révolution et tentative de rébellion. Avec cet acte de la dictature, plusieurs jeunes voient la politique comme un potentiel danger pour leur vie. Ainsi, militer dans un autre parti politique que celui au pouvoir parait être étiqueté et tu ne risques jamais trouver un emploi.

UPML : Comment travaillez-vous dans des conditions difficiles ? Vous organisez les vendredis noirs pour la libération des camarades en prison ou l'appel des mères contre la guerre dans le Nord-Est/Sud-Est.

Samuel : Notre mot d'ordre est « Un autre Cameroun est possible, d'autres choix sont nécessaires. » Pour pouvoir faire d'autres choix, il nous faut aider les masses à s'organiser et les éduquer. Même si les conditions sont difficiles, cet engagement, il nous faut le tenir parce que seulement par cette voie le peuple camerounais peut être libéré. Nous allons le plus possible vers les masses, faire un travail de persuasion dans un contact étroit. Certains jeunes vont aussi dans les villages plus grands, y vivent pendant un un certain temps avec la population et surtout les jeunes pour apprendre à les connaître et pour leur présenter le programme de l'UPC. Une fois la confiance installée, c'est plus facile de convaincre.

Nous travaillons avec les jeunes filles et femmes sur les violences de genre, par exemple dans le nord du Cameroun où ces violences sont fréquentes liées à la culture et aux conflits avec les groupes fascistes-terroristes comme Boko Haram.

UPML : Merci beaucoup pour cet interview, camarade, qui montre toute l'importance de la conférence ICOR pour la jeunesse. On vous souhaite beaucoup de succès pour ce projet !


[1] Union des Populations du Cameroun – Manifeste national pour Instauration de la Démocratie* ; membre de l'ICOR.

[2] nom changé

Cantine solidaire avec la résistance des prisonnier.es en Iran

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Nous organisons une Cantine solidaire avec la résistance des prisonnier·e·s en Iran le dimanche 13 novembre 2022 de 12h à 17h à La Cantine Syrienne de Montreuil. Nous invitons toutes celles et ceux qui soutiennent les luttes d'émancipation en Iran, en France et partout à venir.

Ce repas sera l'occasion d'entendre les voix révolutionnaires des peuples en lutte en Iran. Malgré la répression féroce de la République Islamique, libres ou emprisonnées, en texte, en vidéo, dans les rues, en hymne, ces voix ne se taisent plus et clament :
زن زندگی آزادی صلحی و امید و شادی
Femme vie liberté / Paix espoir et joie
‎ما همه باهم هستیم نترسید نترسید
N'ayez pas peur N'ayez pas peur / Nous sommes tous•tes ensemble
‎ بترسید بترسید‎ما دیگه با هم هستیم
Ayez peur Ayez peur / Maintenant nous sommes ensemble

Votre participation sera l'occasion de les entendre et de soutenir concrètement la résistance. Le repas est à prix libre et une partie des recettes sera reversé aux prisonnier·e·s en Iran.

Nous vous attendons donc en nombre.

Dimanche 13 novembre de 12h à 17h
à l'espace AERI, 57 rue Etienne Marcel, Montreuil, métro 9 - Croix de Chavaux

Depuis le meurtre de Jina-Mahsa Amini il y a plus de six semaines, un soulèvement populaire, avant tout féministe et anti-autoritaire a vu jour en Iran. Jour et nuit et dans tout le pays, dans la rue, sur les toits, dans les cimetières, les lycées, les collèges, les universités, les prisons, les usines et les ateliers des raffineries ou les mines, dans les transports, dans les marchés et dans les quartiers commerçants, on improvise des rassemblements et des manifestations ou des grèves pour renverser la République islamique d'Iran.

Chaque jour, les autorités militaires et politiques décrètent la fin de révolte. La rue rappelle pourtant qu'il s'agit du début d'une révolution.

La physionomie des villes a changé : des graffitis rappellent la haine sans borne à l'égard des Bassidji et du Sepah Pasdaran ainsi que de toute forme d'oppression ; des femmes manifestent ensemble, avec ou sans voile (selon leur bon vouloir !) ; des lycéennes chantent et occupent la rue, le poing levé ; à l'occasion des enterrements et des commémorations, des milliers de manifestant.es en marche vers la tombe des défunt.es forment une marée humaine qui bloque la circulation, « les martyrs ne meurent pas » ; à l'échelle des quartiers, les habitant.es se retrouvent autour de grands feux ou derrière des barricades, occupent l'espace et crient ensemble la chute de la République islamique et affrontent à mains nues les forces de l'ordre surarmées.

La répression est bien sûr omniprésente et a plusieurs visages : du meurtre en pleine rue (plus de 300 personnes estimées à ce jour dont 40 adolescent.es) aux condamnations à de lourdes peines, en passant par les arrestations massives, les disparitions forcées, le kidnapping de cadavres (pour éviter que les sévices commis par les forces de l'ordre soient rendus publics ou pour éviter de nouveaux rassemblements).

Plusieurs milliers de contestataires ont été incarcérés. Malgré les violences barbares que la République islamique inflige, la colère continue à s'exprimer de l'autre côté des murs des prisons où se retrouvent des manifestant.es ordinaires anti-autoritaires et des militant.es féministes, syndicaux, écologistes, militant.es contre l'oppression ethnique et raciste, plus expérimenté.es.

La prison est et a toujours été un foyer important de résistance. La nuit du 15 octobre 2022, la prison d'Evin à Téhéran, un des symboles de la répression de la République Islamique (et du régime du Chah), a été incendiée par les forces de l'ordre, faisant ainsi écho à des pratiques anciennes des fondateurs de ce régime. Selon les sources officielles, 8 prisonniers ont trouvé la mort. Les témoignages d'autres prisonnier.es évoquent l'organisation d'une répression sanglante des détenu.es à l'intérieur de la prison. Quelques semaines auparavant, des émeutes avaient éclaté à la prison Lakan de Rasht et les forces de l'ordre avaient déjà tiré sur des prisonniers désarmés.

Depuis les geôles de la République islamique d'Iran, de nombreuses voix se font entendre : des militant.es dénoncent leurs conditions de détention, les pressions et tortures subies ; certain.es incarcérées avant la mobilisation, témoignent leur solidarité avec les manifestations actuelles, dont ils et elles ont planté les graines par des années de luttes ; d'autres enfin, se font entendre par la voix de leurs familles et détaillent les conditions de leurs arrestations, de détention, les tentatives de manipulation et d'écrasement de la moindre contestation à l'intérieur des prisons.

Pour faire entendre les voix des prisonnier.es de la République islamique carcérale, rejoignez la cantine solidaire dimanche 13 novembre 2022 à partir de 12h !

Pour que la lutte fasse tomber les murs des prisons iraniennes !

Pour que cesse la répression !

Pour les luttes d'émancipation en Iran et ailleurs !

Femme Vie Liberté !

Cantine solidaire avec la résistance des prisonnier.es en Iran
Cantine solidaire avec la résistance des prisonnier.es en Iran (Persan)