GuiGui's Show - Liens« À l'occasion du lancement la campagne de dons pour 2016, nous nous sommes entretenus avec Adrienne Charmet-Alix, coordinatrice des campagnes de la Quadrature du Net.
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Cette année, La Quadrature du Net a lancé plusieurs actions judiciaires à l’encontre d’actes du gouvernement, ce qui est relativement nouveau…
Oui, c’est un des gros points de l’actualité de 2015. Mais ce n’est pas uniquement La Quadrature. C’est une action qui est faite conjointement avec FDN (French Data Network) et FFDN (la Fédération FDN), par un petit groupe de juristes qui travaillent énormément.
Cette année nous avons attaqué les décrets d’application de la loi de programmation militaire sur la collecte de données personnelles sur les réseaux télécoms, les décrets d’application de la Loppsi sur tout ce qui est blocage de sites, les décrets sur le déréférencement de sites internet, et le décret secret sur la DGSE de 2008.
On s’attaque essentiellement à la mise en application des lois qui ont été votées (une liste intégrale des recours devant le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel est publiée sur le site de la Quadrature du Net, ndlr). Sur la plupart de ces recours qui sont des procédures très longues, nous sommes encore dans une phase d’échange d’arguments avec le gouvernement.
C’est une stratégie que l’on va poursuivre, qui nous semble très importante, parce que le processus législatif et politique est absolument bloqué, de partout. Une des armes majeures des ONG maintenant, c’est le terrain judiciaire. Donc pour nous il est très important d’occuper ce terrain, en remontant en bout de course jusqu’aux institutions européennes puisqu’on sait qu’en France c’est totalement bloqué.
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Et les autres travaux importants de cette année ?
Au niveau européen, on s’est retrouvé dans une situation complexe, puisque les deux gros règlements sur lesquels on travaille, qui sont la neutralité du net et la collecte des données personnelles, ont été en phase de trilogue pendant toute l’année 2015. Ce sont des phases où il est très compliqué pour nous d’avoir une action parce qu’on n’est absolument pas dans une phase de transparence, démocratique… On a fait un travail beaucoup plus sous-terrain, d’amendements, d’analyse juridique, etc., peu visible pour le grand public.
De même, nous avons réalisé un gros travail sur nos propositions positives, qui n’avaient pas été mises à jour depuis 2012. On a travaillé dessus en même temps que nos réponses aux deux consultations sur le projet de loi numérique, ce qui nous a permis de reprendre l’ensemble de nos sujets et de faire des propositions positives qui sont des grands principes détaillés, qui ne sont pas une réaction à des lois en cours de vote.
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Et y a-t-il une écoute gouvernementale sur ces propositions ?
C’est particulier… Je pense qu’on est parfaitement identifié par le gouvernement. On a vraiment de très mauvaises relations avec le ministère de l’Intérieur — je crois que Bernard Cazeneuve ne nous aime pas, et je crois que c’est réciproque d’ailleurs (rires). Sur les questions de surveillance, vraiment il y a une incompréhension totale, il n’y a absolument pas de dialogue possible.
Avec Axelle Lemaire (secrétaire d’État au numérique, ndlr), c’est un peu différent. Elle dit qu’elle nous écoute, mais en même temps on voit bien qu’elle n’a pas de pouvoir — et le projet de loi numérique sorti vendredi en est l’illustration. Elle peut nous écouter, c’est très bien, mais en réalité on voit que les pouvoirs ne sont pas du tout de son côté.
Justement, que vous inspire le projet de loi sur la République Numérique d’Axelle Lemaire ?
Ça aurait pu être une loi fondamentale. En réalité elle s’est tellement vidée au fur et à mesure du temps, et elle continue tellement à se vider de son sens et de son contenu, qu’elle ne va servir à rien et qu’en tout cas sur nos sujets, elle n’aura probablement aucun impact.
Le processus de consultation était une bonne chose, mais on a prévenu dès le départ qu’il serait validé par ce qu’il resterait ou non dans la loi. Et là ce qu’on voit sortir, c’est qu’en gros la consultation a eu lieu, les gens ont participé, des propositions (notamment les nôtres) ont été très massivement soutenues par les citoyens qui ont participé… et pour autant on n’en retrouve pas grand chose dans le projet de loi. Le jeu traditionnel des lobbys et des arbitrages ministériels fait que finalement le processus de consultation n’a pas servi à grand chose.
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Et quels seront les grands sujets pour La Quadrature du Net en 2016 ?
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On voit également arriver des choses comme la régulation des plateformes en ligne, où il y a beaucoup d’enjeux en termes de centralisation ou décentralisation du Web, de protection des données, et de souveraineté ou non.
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2016 sera aussi une année pré-électorale. Quelle sera votre position dans le débat politique ?
Pour l’instant nous n’avons pas terminé de réfléchir là dessus. Le problème des années pré-électorales, c’est que les candidats sont prêts à s’engager sur tout et n’importe quoi, et derrière ils ne font jamais ce qu’ils ont dit. En revanche, ce qui est extrêmement important pour nous, c’est de faire entrer la question des droits fondamentaux dans l’espace numérique dans le champ des politiques.
Aujourd’hui on a très peu de positionnements politiques forts sur ces questions là. On a une majorité de responsables politiques qui ne comprennent pas très bien, ou qui sont près à céder à l’impératif de sécurité à n’importe quel prix. C’est à nous de faire entrer ces questions là dans la conscience politique et de mobiliser les citoyens pour qu’ils interpellent les candidats sur ces questions là, afin qu’ils définissent une vraie ligne politique.
C’est quelque chose qui m’a beaucoup frappé lors de la loi sur le Renseignement. Les parlementaires me disaient : « mais moi, personne ne vient me voir dans ma permanence pour me dire qu’il faut défendre les droits des citoyens en ligne ». Et donc, ils ne les défendent pas. »
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