GuiGui's Show - Liens 01/04/2015 « Monsieur le député,
Après avoir lu le projet de loi relatif au renseignement (
http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl2669.asp) et les amendements déposés à ce jour, je souhaite vous exposer mon avis de simple citoyen sur ce texte législatif sur lequel vous serez amené à statuer, en séance plénière, du 13 au 16 avril prochain.
Avant de commencer, et pour éviter tout malentendu, il est acquis les deux points suivants :
* Compte tenu de l'article 34 de notre constitution et que la France est en retard sur plusieurs de ses voisins européens concernant l'actualisation législative de ses moyens de renseignement, il peut être entendu qu'une loi sur le renseignement est nécessaire ;
* Néanmoins, une telle loi ne doit pas être un renoncement à l'État de droit, aux libertés les plus fondamentales ou bien encore à la vie privée comme cela en prend le chemin. Des représentants du peuple français ont d'ailleurs autrefois exprimé la nécessite de protéger ces éléments lorsqu'ils étaient embourbés dans des démêlés médiatico-judiciaires : « Je déplore profondément les atteintes au respect de la vie privée » - F. Hollande à propos de l'affaire Gayet ; « Quand il n'y plus de sphère privée, plus d'intimité, plus de secret des personnes, des correspondances, ça s'appelle, dans l'Histoire, le totalitarisme » - H. Guaino à propos de l'affaire des écoutes Sarkozy.
Quels problèmes posent ce projet de loi ?
* Ce texte est une réponse sécuritaire et médiatique qui, jouant sur le contexte actuel (attentats contre Charlie Hebdo) et, prétextant d'une lutte contre le terrorisme, va, en réalité, bien au-delà puisque le champ d'application est élargi à des motifs supplémentaires particulièrement flous : « les intérêts essentiels de la politique étrangère, les intérêts économiques ou scientifiques essentiels » ; « la prévention des violences collectives pouvant porter gravement atteinte à la paix publique ». Par son imprécision, ce dernier motif fait courir le risque d'utilisation de techniques très intrusives envers des militants politiques, associatifs et syndicaux. Il convient de restreindre fortement les motifs pouvant déclencher l'utilisation de techniques de renseignement ainsi que les services de l'état pouvant recourir à ces techniques et croiser les données collectées avec des fichiers existants (actuellement : ministère de la Défense, de l’Intérieur, de l’Économie, du Budget, des Douanes mais un élargissement futur est possible d'où un risque fort de dérives).
* Ce texte rend légales des techniques de renseignements sans en étudier ni le coût, ni l'impact, ni l'efficacité (l'étude d'impact est indigente sur l'efficacité et l'évaluation budgétaire). Toutes les techniques de renseignements doivent-elles être légalisées ? Non. Cela doit être discuté lors d'un véritable débat démocratique. L'usage de méthodes illégales par les services de renseignement doit être fortement sanctionné lorsque leur existence est révélée (et la source journalistique ainsi que le journal qui en sont à l'origine doivent être protégés). En l'état, ce texte vise à offrir l'impunité aux agents de l'État et notamment à ceux qui ont eus et auront recours à des techniques de renseignement illégales.
* Ce texte n'oppose concrètement ni juge, ni contre-pouvoir, ni aucune garantie à un exécutif tout puissant : les données de connexions/personnelles relatives aux personnes suspectées sont conservées pendant des durées clairement trop longues (la Cour de justice de l'Union européenne a statué en ce sens en avril 2014), la CNCTR est purement consultative, les recours des citoyens (auprès du Conseil d'État) sont inapplicables en pratique (procédure placée sous le sceau du secret défense, le citoyen ne sait pas qu'il est victime d'atteintes à sa vie privée,...). Dans un État de droit, il convient d'offrir de solides garanties proportionnées aux atteintes que peuvent occasionner les techniques de renseignement.
* Ce texte organise une véritable surveillance de masse en cela qu'il prolonge la Loi de programmation militaire de 2013 en permettant à l'exécutif de placer des mouchards (les fameuses boîtes noires évoquées par la presse) dans le coeur des réseaux informatiques des fournisseurs d'accès à Internet (Orange, SFR, Free,...) et des hébergeurs (OVH, Online,...) de France pour une analyse en temps réel des actions et des comportements de tous les clients desdites entreprises, le tout sans garanties suffisantes (autorisation du Premier Ministre uniquement, durée limitée mais renouvelable à l'infini sans que le nombre de renouvellements soit exposé dans les rapports de la CNCTR,...). Le fait de procéder à une pêche au chalut massive pour affiner dans un deuxième temps est inacceptable. L'utilisation d'un algorithme couvert par le secret défense est tout aussi intolérable. Letout ne peut conduire qu'à l'auto-censure des citoyens et à des dérives totalitaires sans précédent à l'heure où des pans entiers de notre société basculent vers le numérique : commerce, accès à l'information, expression (politique ou non), communications avec des entreprises, des professions réglementées (avocats, médecins,...) et administrations publiques, correspondance privée,... Il convient d'interdire catégoriquement ce type d'espionnage, au nom des libertés et du respect à la vie privée.
* De nombreux opposants à ce projet de loi, dans sa forme actuelle, se sont manifestés : journalistes, défenseurs des droits et libertés des citoyens, avocats, magistrats, opérateurs réseaux (y compris des fournisseurs d'accès à Internet), la CNIL, le Conseil National du Numérique et le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe. Ces groupements et personnalités vont bien au delà du militant. De même, le gouvernement refuse tout débat public en utilisant une fois de plus l'astuce de la procédure accélérée. N'est-ce pas là deux signes forts attestant du caractère profondément liberticide de ce projet de loi ?
* Comment peut-on accepter de suivre (de cautionner et de surpasser) les exemples de l'Angleterre et des USA quand on a vu le Patrioct Act puis le FISA (qui donne un cadre à la toute puissante NSA, actrice des révélations Snowden sur la surveillance de masse), Guantánamo, la légalisation de la torture,... ?!
En résumé, il faut :
* Restreindre les finalités/les champs d'applications ;
* Restreindre les services de l'État qui pourront avoir recours à des techniques de renseignement ;
* Réfléchir aux techniques de renseignement qu'il convient de rendre légales et celles dont il convient de condamner l'usage ;
* Introduire de la Justice/des contre-pouvoirs forts/des garanties fortes pour l'ensemble des citoyens ;
* S'opposer fermement à l'instauration de toute forme de surveillance de masse.
* Cette liste n'étant pas exhaustive, je vous invite à vous reporter au site web suivant (La Quadrature du Net est une association de défense des droits et des libertés à l'heure du numérique) : <
https://wiki.laquadrature.net/Amender_le_PJL_Renseignement>
Je vous invite vivement à prendre une position ferme en faveur de la liberté en soutenant les amendements de Messieurs Coronado, Molac et Cavard qui, bien qu'incomplets, vont dans le sens de la suppression de la surveillance de masse, la restriction des finalités et des champs d'application, augmentent les pouvoirs/facilités de la CNCTR. Il convient également de rejeter les amendements sécuritaires de Messeieurs Ciotti, Goujon et Geoffroy qui vise à l'augmentation de la durée de conservation des données personnelles relatives aux personnes suspectés, au renforcement des contrôles aux frontières,... Je vous incite également à faire naître et grandir un débat construit, rationnel et démocratique au sein de notre Assemblée.
Enfin, je vous invite vivement à protéger les citoyens français non pas contre les terroristes mais contre les fous sécuritaires qui veulent mettre un terme à l'État de droit et contre les futurs gouvernements possiblement moins démocrates (que ferait le FN avec de tels outils de renseignement rendus légaux s'il accédait au pouvoir en 2017, par exemple ?). Les seules réponses à apporter au terrorisme seront toujours plus de démocratie, de liberté et d'éducation.
Cordialement. »
Envoyé hier soir. Défauts :
* Trop long (mais d'un autre côté comment montré qu'on se sent concerné, qu'on a lu une partie du projet et des amendements, des résumés journalistiques et des avis contradictoires ?
* Le FUD sur le FN est totalement inutile (les autres partis ne se sont pas montré plus démocratiques en ce qui concerne Internet jusqu'à présent et jusqu'à preuve du contraire (présomption d'innonce du FN). Je n'ai pas remarqué ce vice de raisonnement jusqu'à ce que Johndescs me le signale...
* J'ignorais que les amendements seraient votés dès aujourd'hui en commission des lois. Je pensais que tout serait voté en séance plénière du 13-16 avril. Du coup mentionner les amendements de Messieurs Coronado, Molac et Cavard dont certains ont déjà été rejetés, ce n'est pas du plus bel effet. :(
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