GuiGui's Show - Liens« Cette année encore, il m'a été donné d'assister à l'évènement professionnel majeur de la sécurité informatique française, à savoir les Assises de la Sécurité.
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La seule conférence digne d'intérêt est la désormais traditionnelle keynote de l'ANSSI. Sans nier la qualité des autres "ateliers" – tantôt distrayant, tantôt édifiant – ils relèvent plus de l'anecdote quand il ne s'agit pas purement et simplement d'un vendor pitch. A contrario, l'ANSSI est probablement la seule institution qui dispose d'un plan. C'est la seule à pouvoir faire référence à ses interventions passées – réalisant un point d'étape sur différents sujets tels que la labellisation ou la législation. Tous les autres acteurs sont ballotés au gré des modes.
La détection et la réponse aux incidents sont des domaines qui ne tolèrent pas l'amateurisme ; le recours à des prestataires aguerris est vivement recommandé. On ne peut que partager ce constat, néanmoins j'ai la vague impression que les prestataires actuels – qu'ils soient en cours de labellisation ou non – manquent singulièrement d'expérience dans le domaine et font une large part à l'improvisation la plus totale (voire à l'amateurisme).
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3. Le Cloud élève le niveau de sécurité des petites entreprises dont le service informatique n'atteint pas la masse critique. Là encore, on ne peut que partager ce constat: vos emails sont bien souvent mieux protégés dans un service en ligne supportant l'authentification à 2 facteurs que sur un serveur de messagerie interne.
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Au delà de la keynote de l'ANSSI, et avec mon regard désormais extérieur, j'ai été frappé par les trois plaies de la cybersécurité françaises tandis que je déambulais dans les travées du salon.
1. L'empilement des boites
C'est une tarte à la crème sur laquelle tout le monde s'accorde: la technique ne résout pas tout (pas de silver bullet), il ne faut pas négliger l'humain, etc.
Pourtant on ne croise au fil des allées que des vendeurs de boites.
Quiconque a déménagé sait que les boites s'empilent plus facilement quand elles sont du même gabarit. Et c'est bien le problème: chaque vendeur conçoit des produits parfaitement autistes, comptant sur les autres pour s'y intégrer. Chacun son format de log, chacun sa console d'administration, chacun son périmètre fonctionnel.
Le sens de l'histoire nous emmène pourtant vers les micro-services et les API. Pourquoi déployer un agent de forensics sur des machines déjà équipées d'un antivirus ? Ne serait-il pas plus efficace d'avoir un seul agent minimaliste, avec une API simple et documentée, permettant l'accès au système de fichiers ? L'avenir de la sécurité n'est-il pas dans la conception de briques de base Open Source ?
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2. Le franco-français
Le milieu de la sécurité informatique français est si restreint qu'il frise déjà la consanguinité, mais ici tous les autres invités sont aussi des consommateurs de produits de sécurité. Quant aux intervenants, il n'y en a pour ainsi dire aucun qui ne soit pas exposant, à l'exception de quelques keynotes … très "high level". Ici, les organisateurs ne rémunèrent pas les intervenants pour assurer un contenu de qualité, mais monnaient au contraire le droit de s'exprimer.
Les échanges se limitent alors à un retour d'expérience sur tel produit ou tel prestataire, mais "on invente pas la bougie en perfectionnant l'électricité": les chances de repartir avec des idées disruptives ou de bousculer un visionnaire lors du cocktail sont assez minces. Surtout que l'appétence au changement n'est ni répandue, ni valorisée dans une profession de RSSI de plus en plus normée et standardisée.
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3. L'incompréhension des enjeux
L'ultime frontière – qui catalyse toutes les peurs et tous les espoirs de la profession – se nomme Cloud. Le Cloud, c'est comme le sexe chez les ados: personne ne sait ce que c'est, mais tout le monde pense que les autres en font.
Pourtant derrière le Cloud, se dessine une réalité tangible: l'informatique devient trop compliquée – et les investissements trop couteux – pour les utilisateurs finaux.
C'est le sens de l'histoire. J'ai connu la télévision en noir et blanc (la redevance était moins chère que sur la couleur) avec le condensateur en façade permettant de syntoniser les chaines. La génération précédente construisait elle-même son téléviseur en suivant les schémas disponibles dans feu Radio Plans. Aujourd'hui il ne viendrait à l'idée de personne de concevoir sa propre carte mère allant du démodulateur DVB-T au décodage de flux H.264.
[...] il n'y a plus de catalogues produits mais des briques de stockage, de traitement et de présentation qu'il faut assembler pour créer les services du futur. Docker everywhere. »
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