Suite à ça «Les bibliothèques universitaires bientôt tenues de livrer en temps réel leur nombre de places disponibles»
http://www.nextinpact.com/news/98320-les-bibliotheques-universitaires-bientot-tenues-livrer-en-temps-reel-leur-nombre-places-disponibles.htm
J'ai demandé à une bibliothécaire ces impressions. Voici ça magnifique réponse à faire circuler :
«
XD MDR PTDR LOL ! (vaut mieux en rire qu'en pleurer ^^)
C'est une aberration totale. Et malheureusement ce n'est pas la seule ineptie qu'ils nous pondent en ce moment (article du monde (
http://www.lemonde.fr/campus/article/2016/02/01/les-bibliotheques-universitaires-vont-ouvrir-en-soiree-et-le-week-end_4857260_4401467.html) j'aime particulièrement le titre de cet article qui ne laisse place à aucun doute sur la faisabilité du truc).
Commençons par le début. Je te préviens je suis en train de réviser pour mon concours donc je vais te faire tout un discours.
D'abord le nombre de places assises en bibliothèque universitaire en France est ridiculement bas. Je ne retrouve plus les chiffres que j'ai vu récemment mais grosso modo, les statistiques qui date de 5 ans dénonçait le manque de places assises en France en comparaison du RU et de l'Allemagne (genre en Allemagne ils avaient un tiers de places en plus) et depuis ces dernières statistiques le nombre d'étudiants par université à exploser alors que les BU n'ont pas bougé. Exemple, à Nantes, à la rentrée 2015, l'université a accueillit 5 000 étudiants en plus que la rentrée 2016 (l'équivalent d'une petite université Française), sauf que les infrastructures sont les mêmes et qu'il n'y a pas plus de budget.... Donc déjà, c'est bien beau c'est bien beau de glorifiant le taux de fertilité de la France et de permettre à tout ce petit monde d'aller à la fac (en donnant le Bac et dévalorisant les diplômes inférieurs, type CAP) mais si les moyens suivent pas, ça coince.
Ensuite, malgré ce taux de places assises très bas, en journée, toutes les BU ne débordent pas. Il y a du monde, mais les BU ne sont pas fréquentées par tous les étudiants en même temps d'une part, et d'autre part ils ont de plus en plus besoin de travailler en groupe et les BU ne sont pas adaptées pour ça. Le réel problème de manque de places assises se voient essentiellement sur Paris. En partie parce que le ratio étudiants par nombre de place est en encore plus ridicule, et en partie parce que les logements insalubres des étudiants les poussent à se réfugiés à la bibliothèque. Donc déjà pour un problème quasiment exclusivement parisien, ils essayent de généraliser des directives à la c*ns sur le plan national.
Je ne suis pas une spécialiste des appli, donc peut-être que je me plante, mais il me semble que pour que cela fonctionne il faut :
- ou un portique qui compte de manière fiable les entrées-sorties pour déterminer le nombre de places libre. Problème 1 : ça ne prendra pas en compte les gens qui viennent prendre un livre mais qui ne s'installe pas. Problème 2 : ça ne prendra pas en compte les fumeurs qui sortent mais bloquent leur place et reviennent après. Problème 3 : actuellement je sais de source sûre que les portiques de comptage (qui nous servent pour les statistiques) ne sont pas fiables, tombent régulièrement en panne, qu'il faut parfois plusieurs années avant qu'ils soit réparés.
- ou que le personnel s'amuse à compter "à la main". Est-ce utile de développer là dessus ?
- il parle d'estimé le temps d'attente avant qu'une place se libère. les étudiants doivent en entrant s'engager à ne pas rester assis trop longtemps ? L-O-L
- j'en reviens à mon histoire de groupe, si l'appli affiche 3 places dispo, que les places sont dispatchés dans la BU et que tu as un groupe de 3 qui doit faire un travail commun, je doute qu'ils soient satisfaits.
- qu'il y ait un contrôle des entrées/sorties pour empêcher à un trop grand nombre d'étudiants d'entrer dans la BU. Il parle de faire appel à un prestataire pour développer l'appli est-ce qu'ils ont prévus de videurs-de-BU dans leur budget de mise en fonctionnement ? Pour ce derniers point il y a sûrement des vigiles déjà en place dans les grandes bibliothèques parisiennes qui débordent. A Nantes, il a fallu attendre l'état d'urgence pour obtenir des vigiles sur le campus où je bosse...
Par ailleurs, à défaut d'application smartphone, il y a déjà une méthode qui permet de gérer le nombre de places, qui est en place dans pleins de bibliothèque, et qui en général fonctionne très bien : la réservation. On ne peut pas mettre en place des réservations pour toutes les places assises, mais ça permet de gérer un bon nombre de situation critique. A la BnF (Bibliothèque Nationale de France), les chercheurs (je crois que les étudiants sont considérés comme chercheurs) réservent par le site internet une place assise ainsi que les documents qu'ils souhaitent consulter. Ils arrivent, posent leur manteau au vestiaire et vont à leur place réservée, les livres y sont déjà. Il n'y a jamais de pagailles dans les salles de travail de la Bnf ^^. A Nantes, on est actuellement en train de tester différents modèles de réservations pour les petites salles. C'est globalement bien accepter. On a pas attendu les directives ministérielles. (Scoop : les bibliothécaires n'attendent pas le ministère pour réfléchir, se remettre en cause et évoluer !)
Bon. Tout ça c'était pour la journée. Maintenant, il y a le problème des places le soir et les week-ends. Je ne parlerais pas du "problème" d'ouverture des BU pendant les vacances scolaires, à Nantes on ne ferme que 3 semaines par an, et je t'assure que c'est pas pendant les vacances scolaires que ce font nos pics de fréquentation.
Étant donné que les BU Françaises sont également nulles en terme d'amplitude horaire... ça fait longtemps que le ministère nous tape sur les doigts parce qu'on ouvre pas assez, nous sommes les mauvais élèves européens (note : on ne nous compare que aux RU et à l'Allemagne, si on ne parle pas des autres c'est que ça ne doit pas être si flamboyant...) et ça fait encore plus longtemps que les universités tapent sur les BU qui dépensent un fric fou en personnel (et oui, surprise le fait d'ouvrir les portes d'une bibliothèque nécessite du personnel). Donc à Nantes, comme on aime bien se la pété, nous avons créer un service de NoctamBU lors de la création récente de la BU santé en centre ville. Grâce à ce service merveilleux, les BU de Nantes affiche une amplitude horaire de 98H/semaine (59h en moyenne pour la France, 65h pour l’Europe et 69h pour ces premiers de la classe d'allemands). Youpi tralala ! Truc de OUF !
.... MAIS ! concrètement ? Comment fonctionne ce service au combien génial qui explose les statistiques ? Et pourquoi avons nous été submergés de tracts réclamant une plus grande ouverture de la bibliothèque (pas plus tard qu'hier) alors qu'on lamine même les Allemands en terme d'ouverture aux publics ?
Commençons par une note positive : NoctamBU (
http://nantilus.univ-nantes.fr/noctambu/) est un réel succès, c'est vraiment un service très apprécié des étudiants. Voilà j'ai fini avec la note positive, je peux passer à la suite.
Le principe c'est qu'il y a une salle de travaille indépendante de la bibliothèque, physiquement dans la bibliothèque, ce qui permet l'ouverture de cette salle de manière autonome, en dehors des ouvertures classiques de la BU, jusqu'à tard le soir (23h30) et le week-end (même dimanche). Mais cela signifie :
- que l'accès à la salle d'étude ne donne pas accès aux collections de la bibliothèque, il n'y a pas d'accès aux livres, il n'y a que la documentation numérique qui est accessible. Et cette documentation, les étudiants peuvent aussi bien y avoir accès partout dans l'université ou chez eux.
- pas de collections, donc pas de bibliothécaires. Il y a juste un vigile et un étudiant (peut-être 2) (la BU Santé est la seule à avoir obtenu un vigile pour le bâtiment). Officiellement les étudiants-moniteurs sont à même d'aider les étudiants dans leur recherches documentaires online (sympa pour les professionnels qui s'emm*rdent à faire des études).
- pas de bibliothécaires dit aussi pas de revendications syndicales. Les étudiants-moniteurs sont payés à l'heure faite (donc pas de congés payés ni même de congés maladie). Ils sont payés plus cher que nous à l'heure, mais c'est pas considéré comme des heures supplémentaires et ils se plaignent pas, donc la direction y gagne. En plus les étudiants-moniteurs sont mêmes plutôt contents de trouver un job pépère, qui ne mord pas sur leurs heures de cours, et qui paye un peu plus que le SMIC horaire. (Rappel : beaucoup de professionnel des bibliothèques sont payés au SMIC) (Rappel Bis : les BU sont ouverte le samedi matin, mais les heures faites le samedi ne sont pas payés, elles sont récupérées, et non ce n'est pas pareil) (mais ça c'est pas pareil dans toutes les universités) (faut que j'arrête avec les parenthèses... ^^).
Pour le coup, le service est victime de son succès, il croule sous les réservations, il n'y a pas assez de places pour tout le monde, nous en revenons au manque de places en BU. Donc les étudiants nous disent : "mais pourquoi vous ne faites pas des NoctamBU dans toutes les BU ?! Vous ne répondez pas à tous besoins : vous êtes inutiles et méchants". Réponse : les autres BU datent de Mathusalem, elles n'ont pas été conçues pour qu'une salle de travail soit ouverte de façon autonome, et puis si on avait du fric on commencerait par boucher les fuites du toit. Bon je dis ça mais en vrai, on y réfléchis de plus en plus dans la BU où je suis, sauf que ça peut pas se mettre en place aussi vite qu'un discours de ministre.
Pourquoi on ouvre pas la BU en entière si on ne peut pas en ouvrir un bout ? parce que selon les bâtiments ils faut 1 à 5 personnes pour assurer la sécurité, il y a 5 BU à Nantes + 1 à la Roche/Yon + 1 à Saint Nazaire (qui font parties de l'université de Nantes). Pour les ouvrir toutes en même temps pendant 5h il faut 15 personnes. Au delà de 5h d'ouverture consécutives il faut doubler le nombre de personne pour assurer le roulement. Et comme on a le droit de poser des congés sur l'année il faut assurer que les remplacements soient possibles (là je parle uniquement d'assurer légalement les conditions minimales de sécurité). Je pourrais aborder les conditions de travail, du fait que tout le monde n'a pas forcément envie de bosser le dimanche soir, etc, mais en fait on en revient surtout à notre refrain favori : le personnel ça coûte cher.
Maintenant, prenons un peu de recul, as-tu bien suivis tout ce que je viens de dire ? pour résumer, NoctamBU est une salle de travail sans livres ni bibliothécaires. Mais dis ! y aurait pas une autre institution qui pourrait fournir des espaces de travail pour que les étudiants révisent au chaud ? Genre... l'université ? Depuis toujours les BU tentent d'évoluer, certes on est loin de ce qui est idéalement possible de faire, mais on fait au mieux avec ce qu'on a, et ça quand même bien bougé depuis les bibliothèques des premières universités du Moyen-Age. On tente plein de chose, on essaye de développer au maximum des nouveaux services pour aider les étudiants-chercheurs et leur fournir de bonnes conditions de travail et de recherche. Donc c'est bien gentil de nous signaler ce qui ne va pour qu'on se concentre dessus pour l'améliorer, mais il n'y a pas que nous dans l'histoire. L'université regorge de salle de travail sous-exploitée, remplies de chaises et de tables, chauffées et vides les soirs et les week-ends ! Ils ont des vigiles et des gardiens, et l'université aussi peut embaucher des moniteurs-étudiants ! Mais non, c'est plus facile de taper sur les BU qui essayent mais sont au bout de leur capacité d'accueil.
Et rappel : ce sont le ministère et les universités qui décident des budgets alloués aux BU. Ce sont eux qui ne donnent pas les moyens aux BU parisiennes de s'agrandirent, eux qui possèdent des salles de cours vides les soirs, les week-ends et les vacances scolaires, eux qui ont le pouvoir d'ouvrir des postes de vigiles, de gardiens et de moniteurs-étudiants, et en l’occurrence, eux encore qui nous montre du doigt.
Funfact : outre l'amplitude horaire, en nombre de jours d'ouverture, même sans compter NoctamBU, les BU sont bien plus ouvertes que les services administratifs et la présidence de l'université. C'est arrivé plusieurs fois que les enseignants demandent aux étudiants de rendre des devoirs à une date butoir (pendant des vacances) et que les étudiants ne sachent pas quoi faire car tout était fermé en dehors de la BU, ils n'avaient physiquement pas la possibilité de transmettre leurs travaux (alors oui c'est débile de la part du prof de demander aux étudiants de rendre un dossier papier reliés, plutôt qu'un fichier PDF, à une date aberrante qui plus est. Mais là n'est pas la question). Mieux encore, une fois une enseignante à du emprunter une salle à la BU pour faire cours car l'université entière était fermée (pendant un pont je crois) alors qu'il était prévu que l'enseignante fasse un TD.
Donc tout ça pour dire que ce serait bien que la Ministre consulte le petit personnel avant de lancer des directives bidons, pleine de bonnes intentions mais vides de sens et irréaliste. Si elle a trouver un coffre plein de pièces d'or et qu'elle ne sait pas quoi en f**ttre, nous on a pleins de projets et d'idée top qui nécessites quelques sous. Exemple l'année dernière on avait demander un budget pour faire un coin détente : il nous fallait un distributeur de boissons, 3 tables hautes et 4 pouf : ça nous a été refusé. Et pourtant pour ça aussi on a une très forte demande de la part des étudiants. En ce qui concerne la BU où je bosse, je suis certaine qu'entre des poufs ou plus de chaises, les étudiants choisiraient les pouf.
Et puis tant que je suis dans mon coup de gueule du jour... Ce serait bien que les ministres se mettent d'accord entre elles, d'un côté on nous dit qu'il faut investir des milliers pour être à la page et de l'autre on remet en cause notre existence (
http://www.archimag.com/bibliotheque-edition/2015/09/25/biblioth%C3%A9caires-r%C3%A9pondent-marylise-lebranchu), alors : on est utile oui ou m*rde ?
Voilà Voilà !
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