Je vais même faire mieux que confirmer, voici le texte de l'article :
----
L'analyse de Stéphane Guerry, président Havas Sports & Entertainment, CEO Arena Media.
« Internet a merdé. » Ou plutôt, comme l'a dit son créateur Tim Berners-Lee à quelques jours du festival SXSW à Austin, « ce n'est pas moi, c'est ce que vous en avez fait, vous ! » : extrémisme et radicalisation, cyberattaques, surveillance, « fake news », autant d'attaques à la démocratie.
Les plates-formes détruisent de la valeur, paupérisent les chauffeurs de VTC et les livreurs à domicile. Et ça ne semble pas être l'intelligence artificielle qui va nous sortir de là. En lui sous-traitant notre cerveau, Sophia Yeres, de Huge Inc., estime que celui-ci va durablement se ramollir. Pis, pour Yuval Harari, auteur de « Sapiens », « en basculant l'autorité aux algorithmes, nous perdons notre capacité à trouver notre propre chemin ».
L'être humain, moins utile, pourrait devenir « sans importance ». Certains vont jusqu'à dire qu'Internet pourrait disparaître. Si une attaque venait à le faire tomber massivement, les experts en sécurité prédisent qu'il faudra l'abandonner. Avant d'en être tous orphelins, il est temps de réagir ! Filiale d'Alphabet, Jigsaw veut rendre Internet plus sûr - et se (r) acheter une bonne conscience ? -, Skynet conçoit un système pour détruire les drones, menaces croissantes. Sans aller jusqu'à vouloir sauver le monde, des initiatives émergent pour rendre son exploitation plus juste. Ainsi, Uber et Lyft ont été bloqués à Austin pour laisser la place à des plates-formes locales permettant aux chauffeurs de mieux vivre et de maîtriser leur destin. Local Roots investit dans la culture hors-sol avec ses TerraFarms pour répondre au challenge que pose l'explosion de la population. Un retour au local à nouveau.
Pourtant, la nouvelle menace pourrait venir du fait que, bien qu'ayant déjà réussi à pourrir Internet, l'être humain s'emploie maintenant activement à devenir un dieu. Jennifer Doudna, biologiste moléculaire, est parvenue, avec sa technologie CRISPR, à faire du couper-coller dans votre génome de manière « très simple, efficace et peu coûteuse ». Pour la première fois « l'être humain prend le contrôle sur son évolution », clame-t-elle. La technologie est déjà considérée comme une arme de destruction massive. Et là, l'état explosif actuel d'Internet, ça devrait être le cadet de nos soucis.
----
Globalement, c'est une analyse de merde :)
D'une part le mec n'a rien compris à Internet, même une cyberattaque de grande ampleur ne peut pas le détruire. Certes, on peut effacer les données qui composent le Web, faire tomber certains points centraux de l'infrastructure ou faire en sorte de casser les liaisons entre les réseaux, mais à la fin Internet lui même existera toujours (morcelée et partiel, peut être, mais certainement pas détruit). C'est du pur FUD. Allez, même en imaginant le pire scénario, on pourra toujours utiliser des pigeons voyageurs pour transmettre des paquets IP par pigeon voyageur (
https://www.ietf.org/rfc/rfc1149.txt). Cette RFC est une blague (1er avril 1990), mais elle a quand même été implémentée (
http://www.blug.linux.no/rfc1149) :D
Quant à Alphabet, ils ne souhaitent pas rendre Internet plus sur (ça on sait déjà le faire, du moins en partie), ils souhaitent surtout imposer leurs propres protocoles pour enfermer un peu plus l'utilisateur dans leurs technologies et forcer la main de toute l'industrie du net.
Enfin, sans qu'on comprenne pourquoi, l'auteur pète les plombs et dérive sur la biologie moléculaire, sans que ça n'ait le moindre rapport. Il critique au passage une technologie (CRISPR-CAS9) qui pourrait avoir un impact fort pour la guérison de certaines maladies. On nage en plein néo-luddisme.
Allez, tant que je suis à écrire un pavé, autant aller jusqu'au bout :p
Il y a une vraie incompréhension des techniques d'IA de la part de ce gars, du public, de reflets et de certains shaarlistes (cf sebsauvage qui imagine que l'on pourrait utiliser TensorFlow pour du piratage). En simplifiant, l'apprentissage profond se résume à un "bête" problème de régression de fonction : étant donné un ensemble de points (le dataset d'entraînement) le réseau détermine la meilleure fonction qui passe (ou qui reste dans le voisinage) de tous ces points. C'est tout con, mais la technique marche bien. Vraiment très bien, en fait, car les problèmes de traitement du signal (reconnaissance de formes dans une image, analyse d'ondes sonores, compression, etc.) se réduisent plus ou moins bien à de telles fonctions : reconnaître un visage, c'est déterminer la meilleure fonction qui mappe un espace de pixels vers un espace {user1,...,userN}. D'ailleurs, vous avez peut être entendu parler du "sur-apprentissage" (le réseau de neurones apprend trop bien, c'est à dire qu'il ne peut reconnaître que son dataset d'entraînement). Concrètement, cela signifie que la fonction optimisée reste trop proche des points ayant servi à entraîner le réseau.
Il y a un corolaire à tout cela : le problème résolu par l'apprentissage profond doit rester spécifique, très spécifique même (reconnaître un visage, reconnaître une tumeur dans des radios, etc.). Il n'est pas actuellement possible, ni même envisageable, de construire une intelligence généraliste à partir de ça. Les problèmes résolus étant très spécifiques, les techniques diffèrent fortement selon le type de données que l'on souhaite traiter (du texte, des images, du son, etc.), ce qui limite d'autant plus la possibilité d'une intelligence généraliste. On pourrait imaginer combiner un très grand nombre d'IA spécifiques mais ce n'est pas si simple : comment assurer une cohérence globale ? Après tout, l'intelligence généraliste ne se réduite pas à une somme de compétences spécifiques et déconnectées les unes des autres.
De fait, il n'y a pas "d'IA de Google", mais un très grand nombre d'IA différentes entraînées par Google sur des problèmes spécifiques. A ce titre, TensorFlow n'est pas une IA en tant que telle car une IA est un résultat du processus d'apprentissage. Au contraire, TensorFlow est une bibliothèque intégrant de nombreux algorithmes/outils différents pour créer vos propres IA. Cela implique que sans la puissance de Google (pour collecter des dataset et pour faire tourner les algos d'entraînements sur des GPU en parallèle), il est peu probable qu'un individu lambda parvienne à reproduire quelque chose d'aussi impressionnant que AlphaGo.
(
Permalink)