Dans leurs plans de reconstruction de la Société, les collectivistes commettent, à notre avis, une double erreur. Tout en parlant d’abolir le régime capitaliste, ils voudraient maintenir, néanmoins, deux institutions qui font le fond de ce régime : le gouvernement représentatif et le salariat.
Pour ce qui concerne le gouvernement soit-disant représentatif, nous en avons souvent parlé. Il nous reste absolument incompréhensible, comment des hommes intelligents — et le parti collectiviste n’en manque pas — peuvent rester partisans des parlements nationaux ou municipaux, après toutes les leçons que l’histoire nous a données à ce sujet, soit en France, soit en Angleterre, en Allemagne, en Suisse ou aux Etats-Unis.
Tandis que de tous côtés nous voyons le régime parlementaire s’effondrer, et tandis que de tous côtés surgit la critique des principes mêmes du système — non plus seulement de ses applications, — comment se fait-il que des hommes intelligents s’appelant socialistes-révolutionnaires, cherchent à maintenir ce système, déjà condamné à mourir ?
On sait que le système fut élaboré par la bourgeoisie pour tenir tête à la royauté et maintenir en même temps, et accroître sa domination sur les travailleurs. On sait qu’en le préconisant les bourgeois n’ont jamais soutenu sérieusement qu’un parlement ou un conseil municipal représente la nation ou la cité : les plus intelligents d’entre eux savent que c’est impossible. En soutenant le régime parlementaire, la bourgeoisie a cherché tout bonnement à opposer une digue à la royauté, sans donner de liberté au peuple.
On s’aperçoit, en outre, qu’à mesure que le peuple devient conscient de ses intérêts et que la variété des intérêts se multilie, le système ne peut plus fonctionner. Aussi les démocrates de tous les pays cherchent-ils, sans les trouver, des palliatifs divers, des correctifs du système. On essaie le referendum et on trouve qu’il ne vaut rien ; on parle de représentation proportionnelle, de représentation des minorités — autres utopies parlementaires. On s’évertue, en un mot, à trouver l’introuvable, c’est-à-dire une délégation qui représente les millions d’intérêts variés de la nation ; mais on est forcé de reconnaître que l’on fait fausse route, et la confiance dans un gouvernement par délégation s’en va.
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