"Aux États-Unis par exemple, Neil deGrasse Tyson est un vulgarisateur de premier plan en astrophysique mais on en déduirait trop vite qu’il est un physicien important. En réalité, pour les chercheurs en astrophysique, deGrasse Tyson est un parfait nobody : il n’a eu quasi aucune influence intellectuelle dans le domaine et n’a presque jamais été réellement actif en tant que chercheur."
"Un deuxième travers est d’essayer d’en mettre plein la vue à son auditoire pour gagner son admiration. Un grand nombre de phénomènes en physique, en particulier en relativité et en mécanique quantique, ressemblent à des tours de magie. Il se passe quelque chose de contre intuitif, presque choquant et qui attire immédiatement l’attention. C’est positif et c’est en partie ce qui fait que la physique est intéressante. Mais il ne faut pas perdre de vue que l’objectif est in fine de comprendre l’astuce; le magicien doit ici expliquer le tour sans quoi il ne fait que mystifier l’auditoire (ou le lecteur) sans rien lui apprendre. Il doit rendre des résultats complexes intelligibles et dissiper le mystère initial, pas le renforcer en tombant dans le sensationnalisme."
"En effet, en entretenant l’obscurité, il s’accorde un rôle privilégié d’oracle : “vous voyez, le monde n’a aucun sens, sauf pour les rares élus qui comme moi ont vu à travers le voile : écoutez/lisez moi religieusement”. C’est une position très agréable pour l’ego et qui est par conséquent souvent irrésistiblement attractive"
"Mais d’abord qu’est ce que la dualité onde-corpuscule ? C’est typiquement le sujet sur lequel on peut lancer une centaine de formules qui “claquent” et qui n’ont essentiellement aucun sens comme “la lumière est à la fois une onde et une particule”. [...] La mécanique quantique est une théorie instrumentaliste, c’est à dire qu’elle ne parle pas du réel mais exclusivement de la statistique des résultats de mesure que l’on fait. C’est une sorte de méthode de prédiction mais qui ne dit pas ce qui se passe en coulisses pour produire les résultats que l’on observe. Suivant la situation, les prédictions que fait la mécanique quantique pour la lumière ressemblent aux prédictions que l’on ferait usuellement pour des ondes ou au contraire pour des corpuscules. Mais la mécanique quantique ne dit rien de la nature même de la lumière. La réponse honnête est donc que l’on ne sait pas ce qu’est la lumière mais que dans ses manifestations, on retrouve tantôt des propriétés typiques des ondes, tantôt des propriétés typiques des corpuscules. La dualité n’est pas ontologique (au niveau de ce qui est) mais simplement dans les observations. On ne comprend pas plus que ça."
"Je me trompe peut-être, mais il me semble que cette réponse honnête est rarement faite. En général, on file les métaphores à l’infini, on en appelle à la poésie, prend des airs inspirés pour insister sur la beauté, le mystère de la chose; comme des exégètes devant la trinité. Je ne critique pas, je l’ai fait comme tout le monde. Je pense que lorsque l’on cherche à expliquer un sujet de manière simple et honnête les métaphores sont parfois dangereuses car on donne l’impression que la compréhension n’est accessible que par une forme de méditation ou de transcendance."
La lecture de cet article permet de comprendre ce qui ne va pas du tout avec certains vulgarisateurs scientifiques qui officient dans la communauté shaarli.
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