Un homme a été fiché par erreur comme terroriste durant 25 ans. Il affirme que les informations recueillies ont été manipulées pour lui nuire
samedi 16 mai 2015 à 12:38A l’aube de la Loi Renseignement française, il est intéressant de constater que des personnes incompétentes ou peu scrupuleuses peuvent choisir de manipuler des informations recueillies sur un citoyen pour le faire passer comme terroriste en puissance durant 25 ans.
C’est l’histoire malheureuse de Bekir Gunes qui nous révèle cette très concrète réalité.
Bekir est d’origine turque. En 1985, il devenait animateur socio-culturel et venait en aide à des communautés d’immigrés, sans aucune discrimination d’origine. Un fonctionnaire venait régulièrement l’interroger sur ses activités et Bekir lui répondait, ne voyant pas de problème particulier à sa prise d’informations.
Quelques années plus tard, Bekir décide de demander à avoir accès aux informations sur sa personne. Un véritable parcours du combattant : il lui aura fallu pas moins de 12 ans pour enfin accéder aux informations le concernant, malgré le fait que Bekir Gunes soit bien en droit de les réclamer.
Non seulement les renseignements le concernant se sont avérés incroyablement invasifs vis-à-vis de sa vie privée, mais ils ont aussi été manipulés (que ce soit par incompétence ou malveillance) afin de le faire passer comme étant lié à un mouvement terroriste :
« J’ai découvert des piles de 70 à 80 centimètres de dossiers me concernant dans une petite salle de la préfecture de Niort, entouré de trois agents. Je n’avais le droit qu’à un stylo pour prendre des notes. Et j’ai commencé à éplucher les documents…
J’y ai d’abord trouvé toutes sortes d’informations me concernant, de mes diplômes à la lettre de rupture que j’avais envoyée à mon ex-amie. J’ai vu ma vie s’étaler, jusque dans mon intimité. Une deuxième série d’informations concernait mes activités associatives dans l’insertion des migrants. Parmi elles, une partie était vraie et l’autre manipulée pour me nuire…
Mais ce n’est qu’en découvrant une troisième série d’informations que je suis tombé de mon siège.
On m’associait au PKK
J’y ai trouvé des rapports sur des gens que je ne connaissais pas, notamment celui d’un homme collecteur de fonds pour le PKK, un mouvement terroriste kurde. Je n’avais aucune idée de qui était ce monsieur, mais l’on m’avait identifié à lui.
Était-ce une erreur de classement ? Peut-être. Mais jusqu’au bout, les fonctionnaires ont continué à affirmer que j’étais cette personne, au lieu d’avouer leur erreur.
Plus tard, une association que j’ai créée, « Peuples d’ici et d’ailleurs » est devenue « un réseau kurde » alors que cette entité s’occupait de la jeunesse, de l’expression de toutes les minorités… Et ce n’est qu’un exemple parmi le nombre de spéculations sans preuve présentes dans le dossier constitué sur moi. »
Imaginez maintenant ce que des personnes malveillantes ou n’osant pas avouer leurs erreurs pourraient bien faire avec la récolte des données permise par la Loi Renseignement ? L’avenir de la France s’annonce bien sombre pour le respect des Droits de l’Homme…