Qui n’a jamais rêvé de changer de vie ? De partir à l’étranger sous des cieux plus cléments pour espérer réussir une vie professionnelle accomplie, dans des contrées où les opportunités semblent bien plus attrayantes qu’en France (et où accessoirement la météo est plus clémente ^^) ?
Nombreux sont les français à vouloir sauter le pas. Le mieux pour réussir dans un pays étranger est encore de débarquer avec un travail assuré, et le Pôle Emploi publie certaines offres offrant la possibilité de s’expatrier.
Je vais maintenant vous parler de mon expérience personnelle : je suis tombé sur une offre fort attrayante me promettant un job de chef de projet en informatique dans un pays exotique : l’Inde. Salaire de 1500 € net, logement fourni gracieusement avec personnel de maison, protection sociale, Visa et voyage Aller/Retour pris en charge par l’entreprise. Cela donne envie de partir à l’aventure non ?
Sauf que la réalité de cette offre validée par le Pôle Emploi est légèrement différente de ce qui est annoncé…
Mais je n’avais pas encore réalisé cela, puisque je venais tout juste de candidater à cette offre (pour information, la référence de l’offre est 005MTGM, visible sur Pôle Emploi => Recherche avancée => Numéro d’offre). On me propose rapidement d’envoyer une lettre de motivation, puis de faire un premier entretien via Skype pour valider le côté RH, puis un second entretien technique le lendemain, me confirmant que je dois donner ma réponse le jour-même ou le lendemain. Prêt à changer de vie quasiment du jour au lendemain ? Pour moi, la réponse à cette question est oui. Mais pas à n’importe quel prix (je ne parle pas du salaire attention, je reviendrais sur ce point), mais en fonction des conditions de vie et de travail que l’on me propose.
D’après ce que l’on m’a affirmé en entretien, il ne semble y avoir aucun problème : les semaines sont chargées certes (44h/semaine affichées sur Pôle Emploi, ce qui peut correspondre à une semaine de travail pour un cadre, jusque là c’est encore normal), mais la paye correspond à un niveau de vie plutôt élevé localement. On m’annonce lors de l’entretien que le salaire sur place d’un ingénieur informatique indien expérimenté est de 30 000 roupies, ce qui correspond environ à 350 €. Et que donc un salaire de 1500 € par mois dans un pays avec un pouvoir d’achat aussi faible représente une opportunité à ne pas manquer !
Je demande alors des traces écrites, des confirmations de ce que l’on m’a dit à l’oral. Et là, les choses devinrent tout de suite moins reluisantes : les 44h de travail par semaine deviennent 48h obligatoires, 6 jours par semaine, auxquelles s’ajoutent les heures supplémentaires que vous êtes obligés de travailler si la nécessité se fait sentir (et gageons que cela aurait sûrement été le cas à de nombreuses reprises, puisque cela est laissé à la seule discrétion de l’employeur), qui ne sont pas limitées, et qui ne sont pas payées. Je peux tout à fait comprendre que les conditions de travail en Inde puissent sembler très difficiles d’un point de vue européen, mais tout de même, pour une entreprise créée par des français, je trouve cela un petit peu abusé. On me rétorquera peut-être que je suis flemmard car beaucoup de gens arrivent à suivre le rythme, mais je pense que de vivre dans un pays étranger sans pouvoir sortir de l’immeuble dans lequel je travaille faute de temps, ni avoir du temps libre pour dépenser la soit-disant paye mirobolante fait perdre énormément de l’intérêt à cette offre.
Le salaire annoncé de 1500 € net passe en réalité à 1200 € avec le taux de change (depuis que j’ai émis une remarque à ce sujet lors de l’entretien, l’annonce Pôle Emploi à d’ailleurs été mise à jour…). Les salaires locaux annoncés se révèlent être différents de la réalité : « Un ingénieur en informatique qui a deux ans d’expérience gagne entre 652 et 850 euros par mois », précise Camille Allauzen, directrice du cabinet de conseil en recrutement international EuroTriade à Chennai, en Inde. Le salaire réel n’est donc pas aussi avantageux que l’on me l’a présenté au premier abord.
Autre surprise : le logement que l’on m’a annoncé comme étant offert gracieusement est en fait une location déguisée. Le contrat stipule que 20 000 roupies sont prélevées de mon salaire pour payer ce logement (qui plus est en colocation avec les dirigeants français de l’entreprise, à l’étage au-dessus de votre lieu de travail. Bonjour la vie privée). Encore une fois c’est étrange, on ne m’avait pas présenté les choses sous cet angle.
Je découvre aussi que les frais offerts du Visa de travail, ainsi que le billet d’avion Aller / Retour ne sont nullement pris en charge par l’entreprise : les sommes correspondantes sont prélevés chaque mois de votre salaire.
Et là où cela devient dangereux, c’est une toute petite condition du contrat de travail qui stipule que si vous devez de l’argent à l’entreprise, vous devez la rembourser immédiatement en cas de rupture du contrat. En clair, si votre période d’essai n’est pas approuvée, si vous êtes renvoyé dans un délais de préavis de 1 mois de la part de l’employeur sans justification (il faut par contre compter 4 mois de préavis si c’est l’employé qui souhaite partir), vous allez devoir rembourser le visa et le billet d’avion. Vous savez quand est-ce que j’ai entendu parler d’une telle méthode de gestion des ressources humaines ? Dans la série Maison Close, où une potentielle prostituée se voit criblée de dettes qu’elle ne peut pas payer par l’entreprise qui lui a fait miroiter des conditions de vie intéressantes, et qui se voit obliger de travailler avec des conditions de travail imposées pour rembourser ce qu’elle doit. Troublante ressemblance n’est-ce pas…
Une recherche sur Internet me démontre que je ne suis pas le seul à penser qu’il y a un problème avec ce genre d’offre : la même entreprise, Hangar 17, a déjà défrayé la chronique en 2008, obligeant le Pôle Emploi a retirer l’annonce en toute vitesse, et provoquant un débat national d’envergure. Mais 5 ans après, il semble que cette affaire ait été oubliée et que Hangar 17 puisse continuer de proposer ses offres Low Cost auprès de l’organisme chargé de l’emploi en France.
Ce qui me dérange un peu plus dans tout ça, c’est que le Pôle Emploi ait choisi de valider cette annonce en connaissance de cause. Avec la loi stipulant que vous pouvez être radié de l’organisme après le refus de deux offres raisonnables (le caractère raisonnable pouvant être sujet à toutes les interprétations personnelles de votre conseiller), je vous laisse imaginer ce qui pourrait advenir si ce genre d’offres d’emploi venait à se généraliser dans leur base de données…
Ce n’est donc pas tout de suite que je vais partir en Inde pour travailler. Mais je pense bien trouver dans un avenir proche une offre d’emploi potentiellement intéressante pour réaliser mon projet ^^