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QSPTAG #298 — 23 novembre 2023

vendredi 24 novembre 2023 à 17:40

Campagne de soutien 2024 : gros plan sur le Chiffrement

Comme bon nombre d’associations, vous le savez, nous avons lancé la semaine dernière notre campagne de soutien pour l’année qui vient. C’est pour nous l’occasion de présenter les grands chantiers qui nous attendent en 2024, principalement la promotion de l’interopérabilité des services Web, la lutte contre les algorithmes de contrôle social dans les administrations, la réflexion nécessaire autour du numérique nécessaire dans le contexte de la crise écologique, et la défense du droit au chiffrement des communications.

Cette semaine, nos publications ont mis l’accent sur la défense du chiffrement. Vous pouvez retrouver l’ensemble de ces « fils » sur nos réseaux sociaux : ici la présentation générale de la problématique, ici la nécessité du chiffrement pour que les réseaux soient structurellement compatibles avec le droit fondamental à la vie privée, ici les risques que le règlement européen CSAR, surnommé « Chat Control », fait peser sur le chiffrement de bout en bout des messageries instantanées, ici le rappel des fantasmes du ministre de l’Intérieur selon qui le chiffrement des communications par les militant·es politiques couvre la prolifération des projets « clandestins » fomentés par « les extrêmes », et enfin ici nous racontons comment le chiffrement, dans la logique de la DGSI, est carrément devenu un élément à charge dans le procès des inculpé·es de l’affaire du « 8 décembre ».

Nous avons besoin de vous pour travailler en 2024 ! N’hésitez pas à faire un don de soutien à l’association, ou à faire connaître notre campagne de dons autour de vous. Merci pour votre aide !

Présentation des grands chantiers de 2024 : https://www.laquadrature.net/donner/
Faire un don pour soutenir La Quadrature : https://don.laquadrature.net/

Censure constitutionnelle des mouchards audio, mais la géolocalisation passe l’épreuve

Le 16 novembre dernier, le Conseil constitutionnel, après avoir examiné la loi de programmation et d’orientation du ministère de la justice (LOPJ), a censuré la disposition qui autorisait les services de renseignement et de police à transformer les objets connectés en « mouchards » en les activant à distance (avec des techniques d’intrusion), pour utiliser leur micro ou leur caméra en toute discrétion dans le cadre de leurs enquêtes.

L’Observatoire des Libertés et du Numérique (OLN), dont La Quadrature du Net fait partie, s’était prononcé contre cette légalisation de l’espionnage policier, mal bordée par des conditions trop faciles à élargir dans l’usage, une fois l’idée rendue acceptable et banalisée.

Aujourd’hui, l’OLN se réjouit donc de la censure des « mouchards » comme micros ou comme caméras à distance, tout en soulignant le gros défaut de cette censure : l’activation à distance des objets connectés pour géo-localiser leur propriétaire reste autorisée par la loi. Si cela paraît moins grave, alors la stratégie du « chiffon rouge » chère au gouvernement aura fonctionné encore une fois : introduire une mesure inacceptable pour camoufler une mesure tout aussi contestable mais moins scandaleuse. Vous ne voulez pas être légalement écouté·es par les services de renseignement ? D’accord, d’accord… Mais vous serez légalement localisé·es.

La réaction de l’OLN : https://www.laquadrature.net/2023/11/23/censure-de-la-surveillance-par-mouchard-loln-ne-crie-pas-victoire/

La Quadrature dans les médias

Reconnaissance faciale et police

Agenda

Censure de la surveillance par mouchard : l’OLN ne crie pas victoire

jeudi 23 novembre 2023 à 13:10

Communiqué de l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN), Paris, le 23 novembre 2023.

Le 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision sur la loi de programmation de la justice en censurant une disposition relative à l’activation à distance des objets électroniques. Pour les organisations de l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN) qui s’étaient fortement opposées à cette mesure, cette décision est plus que bienvenue. Pour autant, elle ne saurait constituer une victoire criante.

Il faut se souvenir des récentes décisions de ce même Conseil constitutionnel faisant peu cas du respect des libertés : validation de la vidéosurveillance algorithmique dans la loi JOP 2024, légalisation des drones, blanc-seing à l’assouplissement de la procédure pénale dans la LOPMI au nom d’une « efficacité opérationnelle »… Si l’on peut saluer le sursaut de la décision de la semaine dernière, il est difficile d’y déceler une volonté de mettre fin à la fuite en avant sécuritaire, tant cette institution l’a accompagnée ces dernières années. Pour caractériser une atteinte au droit à la vie privée, le Conseil retient qu’il existe un risque pour les tierces personnes étant dans le champ d’une éventuelle captation déclenchée par cette activation à distance du micro ou de la caméra. Si nous saluons l’établissement d’une telle limite, qui pourra servir d’argument pour d’autres types de surveillance, nous regrettons que le Conseil ne prenne jamais en compte le changement de paradigme philosophique et politique qu’implique la possibilité de transformation de tout objet numérique en mouchard de la police.

Cette absence dans le raisonnement s’illustre par la validation pure et simple de l’activation à distance des fonctions de géolocalisation de téléphone et autres objets connectés (voiture, balises airtag, montre etc) qui repose exactement sur le même procédé technique que le dispositif censuré : la compromission d’un périphérique, en y accédant directement ou par l’intermédiaire d’un logiciel espion pour en prendre le contrôle à distance. Or, une telle possibilité soulève de graves problèmes en termes de vie privée, de sécurité et d’intégrité des preuves. On le comprend, le caractère intrusif de cette technique, pourtant au cœur des scandales Pegasus et Predator Files, n’intéresse pas le Conseil.

Pour justifier cette nouvelle forme de surveillance, le gouvernement et ses soutiens ont répété que les services de renseignement seraient déjà autorisés à activer à distance les micros ou caméras de terminaux. Pourtant, la lecture de l’article L. 853-2 du code de la sécurité intérieure montre précisément l’inverse : ne peuvent être mis en œuvre par les services de renseignement que des dispositifs qui permettent d’accéder à des données qui « s’affichent sur un écran », telles qu’une personne les « introduit par saisie de caractère » ou « telles qu’elles sont reçues et émises par des périphériques. » Autrement dit, le droit actuel ne permet aux services de renseignement que d’enregistrer l’activité d’une personne sur un téléphone ou un ordinateur, mais en aucun cas d’activer à son insu une fonctionnalité supplémentaire comme un micro ou une caméra. Cette pratique, pourtant avancée pour justifier le bien-fondé de la mesure, semble donc illégale et doit être sérieusement questionnée.

De façon générale, on assiste à un essor toujours plus important des technologies de surveillance et à une banalisation de leurs usages par les services de police et de renseignement alors que, souvent, elles ne répondent à aucun cadre. Ces pratiques illégales se généralisent aussi bien dans les ministères que sur le terrain, et la licéité de ces outils n’est jamais une préoccupation de ceux qui les utilisent. Qu’il s’agisse de logiciels illégaux de surveillance algorithmique et reconnaissance faciale, de fichage sauvage ou ou encore d’exploitation de téléphone en garde à vue, l’impunité se répand, l’illégalité se banalise. Dans ce contexte et avec ces tendances lourdes, la décision du Conseil constitutionnel est salutaire mais nous apparaît malheureusement trop peu engageante pour y voir un avertissement fort contre la surveillance.

Organisations signataires membres de l’OLN : Globenet, Creis-Terminal, la Ligue des droits de l’Homme (LDH), Le Syndicat des Avocats de France (SAF), le Syndicat de la Magistrature (SM), La Quadrature du Net (LQDN).

QSPTAG #297 — 16 novembre 2023

vendredi 17 novembre 2023 à 18:10

Campagne 2024 : c’est le moment de soutenir La Quadrature !

Comme chaque fin d’année à l’approche de l’hiver, nous lançons notre campagne de soutien pour financer l’année qui vient. Si vous pouvez faire un don pour nous aider à travailler en 2024, c’est maintenant, et c’est ici !

Pour nous, c’est bien sûr aussi un moment important pour réfléchir aux chantiers qui nous attendent, en plus de ceux qui nous occupent déjà beaucoup. Sans cesse il faut faire des choix, décider où mettre le temps et l’énergie qui ne sont pas illimitées. Alors on se donne une sorte de « feuille de route » pour garder le cap, sans s’interdire bien sûr de se consacrer aux surprises bonnes ou mauvaises de l’actualité quand elles se présenteront. Cette « feuille de route » est ici.

Nous porterons plus haut que jamais l’idée et la nécessité d’obliger les services web à l’interopérabilité, seul moyen de lutter contre la recentralisation du Web et la tyrannie de l’économie de l’attention. Nous lutterons autant que nécessaire contre les algorithmes utilisés par les administrations pour criminaliser et punir les bénéficiaires des services sociaux. Nous défendrons le droit au chiffrement des communications, attaqué de toutes parts par les gouvernements français et européens sous prétexte de lutter contre le terrorisme, au mépris du droit fondamental qu’est le secret des correspondances, vital pour les démocraties. Et enfin, nous réfléchirons à ce que le numérique fait au monde, non seulement selon les points de vues sociaux et politiques qui sont les nôtres depuis toujours, mais aussi du point de vue écologique, dans le contexte bien connu de la destruction de l’écosystème par les activités humaines. Quels usages faut-il promouvoir et lesquels abandonner ? Il nous semble que La Quadrature à quelque chose à en dire : « l’écologie sans la politique, c’est du jardinage », dit le dicton.

Nous aurons donc beaucoup à faire dans l’année qui vient. Alors si vous le pouvez, soutenez-nous ! Tous les dons sont les bienvenus, même les tout petits, et les dons mensuels même minimes auront toujours notre prédilection parce qu’ils nous permettent d’envisager le budget de l’année avec plus de sérénité. Merci pour tout ce que vous pourrez faire, et merci aussi de faire connaître cette campagne de soutien sur vos réseaux sociaux !

Lire notre feuille de route pour 2024 : https://www.laquadrature.net/2023/11/15/de-nouveaux-combats-pour-2024/
Faire un don pour soutenir La Quadrature : https://www.laquadrature.net/donner/

Révélation : la police nationale utilise de manière illégale les logiciels de VSA de la société Briefcam

C’est l’association Disclose qui a publié l’information après une enquête approfondie : la police nationale utilise en toute illégalité et en toute connaissance de cause les logiciels de la société Briefcam, qui appliquent un traitement algorithmique aux photos et aux flux de vidéosurveillance pour analyser les images et identifier des personnes par reconnaissance faciale.

Nous avons documenté depuis quelque temps l’utilisation de ce logiciel ou d’outils similaires par les polices municipales, mais nous n’avions pas de preuves concernant les pratiques de la police nationale. C’est aujourd’hui chose faite>. Nous rappelons dans un article de réaction à cette publication de Disclose les éléments juridiques qui posent l’illégalité du dispositif, et nous en appelons aussi à la CNIL, beaucoup trop conciliante jusqu’à présent avec les usages illégaux de la reconnaissance faciale et de logiciels d’analyse par les forces de police.

Lire l’article de Disclose : https://disclose.ngo/fr/article/la-police-nationale-utilise-illegalement-un-logiciel-israelien-de-reconnaissance-faciale/
Notre réaction : https://www.laquadrature.net/2023/11/14/videosurveillance-algorithmique-a-la-police-nationale-des-revelations-passibles-du-droit-penal/

Une coalition d’associations européennes attaque le Règlement Terro en France

Le 8 novembre denier, six organisations européennes — La Quadrature du Net, Access Now, ARTICLE 19, European Center for Not-for-Profit Law, EDRi et Wikimedia France — ont déposé devant le Conseil d’État un recours contre le décret qui doit adapter dans le droit français les dispositions du « règlement Terro » européen (ou TERREG) adopté en 2021.

Mais en quoi ce contentieux français concerne-t-il nos partenaires européens ? C’est que ce recours en France est pour nous un point d’entrée : nous demandons au Conseil d’État de transmettre à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) une « question préjudicielle » sur la validité du TERREG. Nous pensons que ce règlement, qui permet aux forces de police d’un pays de l’UE d’ordonner à un site web de bloquer dans un délai d’une heure (oui, une heure) tout contenu supposé être à caractère terroriste, contrevient au regard des droits fondamentaux protégés par le droit de l’UE.

La procédure durera plusieurs mois, avant que le gouvernement français produise sa réponse, et probablement plusieurs années avant que la CJUE ne rende sa décision. Mais comme nous rejetons les dispositions numériques du TERREG depuis sa première ébauche en 2018, on peut dire que La Quadrature a les idées longues. On suit l’affaire et on vous tiendra au courant !

Lire l’article : https://www.laquadrature.net/2023/11/09/une-coalition-de-6-organisations-attaque-en-justice-le-dangereux-reglement-de-lue-sur-les-contenus-terroristes/

La Quadrature dans les médias

Reconnaissance faciale et VSA

JO et VSA

Surveillance

Recours contre le TERREG

Loi SREN

Procès du 8 décembre

Divers

Agenda

De nouveaux combats pour 2024

mercredi 15 novembre 2023 à 14:40

La Quadrature du Net défend depuis quinze ans les droits et les libertés fondamentales de toutes et tous à l’ère du numérique. Ces quinze années de combat n’auraient pas été possibles sans vous, merci beaucoup ! Et nous avons besoin de vous pour continuer la lutte en 2024 !

Les chantiers que nous suivons depuis quinze ans déjà, vous les connaissez sans doute : contre la criminalisation du partage de la culture depuis la loi Hadopi de 2008, pour la neutralité du Net, contre l’exploitation des données personnelles et la tyrannie de la publicité en ligne, contre la censure et la surveillance du Web par les États, contre la Technopolice, les drones et la vidéosurveillance algorithmique.

Mais de nouvelles questions surgissent, de nouveaux fronts se réactivent, où nous sentons que nous pouvons jouer un rôle utile. On a vu les administrations publiques s’armer d’algorithmes dans la guerre aux pauvres et aux « fraudeurs », avec pour effet l’amplification des discriminations structurelles, le tout sous sous prétexte de modernité caricaturale, de pseudo-efficacité et de « dématérialisation ». On a vu la logique de la surveillance s’immiscer partout et s’étendre à tous les aspects de nos vies publiques et intimes. D’abord pour les besoins d’une surenchère publicitaire qui a transformé le Web en gigantesque galerie marchande, où chacune de nos curiosités, chacun de nos intérêts et chacune de nos relations amoureuse ou amicale devient l’enjeu d’une vente, d’un produit, ou d’un « service » toujours plus inutile et farfelu. Ensuite, et surtout, pour les besoins d’un pouvoir politique et étatique friand de fichage et toujours plus intrusif, beaucoup trop content d’exploiter nos innombrables traces numériques pour mieux nous surveiller, nous connaître, et anticiper nos comportements politiques et sociaux. Face à ces défis, nous voulons amplifier de nouveaux chantiers — sans pour autant oublier ceux sur lesquels nous travaillons déjà.

D’abord, nous continuerons de porter toujours plus loin et toujours plus haut (ça tombe bien, on entre dans une année olympique) l’idée d’un Web interopérable. L’Internet ouvert et horizontal des débuts, qui fut une réalité incontestable, s’est retrouvé ces quinze dernières années mis en « silos » par les grandes plateformes et les réseaux sociaux privés (Facebook, Twitter, Instagram bien sûr, mais aussi YouTube, etc.). Aujourd’hui, quitter un de ces réseaux c’est perdre les relations et les échanges qui sont tout le sel du Web. Alors que si les différents services sont interopérables, on peut déménager sans perdre de vue personne, et choisir l’environnement dans lequel on se sent libre de s’exprimer sans être soumis à l’hostilité qui fait vivre les plateformes et détruit le tissu des sociétés. Nous porterons avec entêtement cette idée simple, qui a déjà une réalité technique (dans le Fédivers par exemple), jusqu’à ce que les lois européennes et françaises en fassent un principe de base du Web et de l’Internet en général.

Nous allons aussi continuer notre travail d’enquête et de lutte contre les algorithmes de contrôle social, jusqu’à leur disparition. Aujourd’hui, des algos de « scoring » ou de profilage traquent les bénéficiaires des minima sociaux, que ce soit à la CAF, à Pôle Emploi ou ailleurs, pour transformer en enfer la vie des personnes les plus précaires, sous prétexte de lutter contre les abus. En réalité, ici comme ailleurs, l’outil numérique n’a servi qu’à introduire une surveillance très fine des vies les plus ordinaires pour contester les droits des personnes et criminaliser les comportements marginaux. Le numérique ne doit pas être l’instrument complaisant d’une politique sociale qui déresponsabilise la société dans son ensemble et déshumanise les personnes. Nous ferons tout pour que ces outils dangereux soient remplacés par une volonté d’humanité et le désir d’une société plus aimante et plus juste.

Ensuite, nous défendrons partout où il le faudra le droit au chiffrement des données et des communications. C’est une vieille lune des États, quels qu’ils soient : accéder aux correspondances des citoyens pour des raisons de police. Le « cabinet noir », c’était autrefois ce lieu secret métaphorique où la police lisait discrètement les lettres des opposants avant de les remettre en circulation. Alors que le numérique menace de rendre tout transparent aux yeux du pouvoir, le chiffrement des données a rétabli un peu de l’équilibre perdu entre le secret des correspondances et la prétention du « cabinet noir » à tout voir. Sans le chiffrement des communications, n’importe qui d’un peu déterminé peut accéder aux photos et aux blagues que vous échangez avec votre famille, aux échanges scientifiques inaboutis des chercheurs, aux discussions des groupes politiques ou syndicaux, etc. Le secret des communications est un des piliers de la démocratie bien tempérée : la transparence totale des opinions aux yeux de l’État est exactement la définition d’un régime policier. Pour mille raisons, dont le fait qu’il s’agit d’un droit fondamental, nous devons donc défendre notre droit au chiffrement et au secret contre tous les sophismes sécuritaires et policiers. Et plus les États voudront forcer ce droit au secret, plus nous aurons de raisons urgentes de le protéger.

Enfin, nous ne pouvons plus longtemps faire l’impasse sur les dangers immédiats et majeurs que notre mode de vie numérique fait collectivement peser sur les conditions de notre survie, et celle d’innombrables autres espèces. L’écosystème dont nous faisons partie craque de toutes parts, on le sait, on le voit, et la surproduction numérique a largement sa part dans ce désastre. Porté par le culte incontesté de la croissance et de la nouveauté permanente, le numérique entraîne avec lui une industrie colossale et polluante, qui détruit des territoires et des vies, pour alimenter notre ivresse d’écrans et de connectivité. Des mines de cobalt et de lithium jusqu’aux entrepôts des géants de la distribution mondiale, de la frénésie consumériste à l’économie de l’attention qui nous retient avec des procédés d’addiction, le numérique est aujourd’hui sans conteste un facteur de destruction autant que d’échanges, de liberté et de savoir. Il faut donc rendre au « digital » le poids de son corps physique, et à la « dématérialisation » sa matérialité, pour réfléchir aux outils et aux usages qui nous paraissent devoir être sauvés, préservés, cultivés ou inventés, et ceux auxquels ils nous faut renoncer.

Vaste programme ! Et on ne s’arrêtera pas à cela. Notre campagne Technopolice va connaître des rebondissements avec l’expérimentation prochaine de la vidéosurveillance algorithmique légalisée par la loi relative aux Jeux Olympiques. Nous voulons aussi participer de manière plus résolue à lutter contre la surveillance numérique croissante à laquelle font face les groupe militants. Enfin, nous envisageons d’ouvrir un front contre l’« intelligence artificielle », qui déferle partout sans qu’une résistance organisée puisse y faire face.

Tout cela pour vous dire à quel point votre soutien et vos dons seront précieux pour cette nouvelle année qui s’annonce !

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L’équipe de La Quadrature du Net

Vidéosurveillance algorithmique à la police nationale : des révélations passibles du droit pénal

mardi 14 novembre 2023 à 19:23

Dans un article publié aujourd’hui, le média d’investigation Disclose révèle que depuis des années, en se sachant dans l’illégalité la plus totale, la police nationale a recouru au logiciel de l’entreprise israélienne Briefcam, qui permet d’automatiser l’analyse des images de vidéosurveillance. Cette solution comporte une option « reconnaissance faciale » qui serait, d’après Disclose, « activement utilisée ».

Cela fait désormais près de cinq ans qu’à travers la campagne Technopolice, La Quadrature du Net, en lien avec des collectifs partout dans le pays, documente l’usage illégal de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) par les forces de police municipale. De fortes présomptions existaient quant à son utilisation par la police nationale. Nous l’évoquions d’ailleurs dans notre dossier sur la VSA publié lors de la campagne contre la loi sur les jeux olympiques et paralympiques (voir page 20). La confirmation faite aujourd’hui n’en est pas moins choquante. Non seulement compte tenu de l’échelle du déploiement de cette technologie, avec des licences Briefcam couvrant plusieurs départements. Mais aussi en raison des dissimulations dont ce marché public hautement sensible a fait l’objet de la part de hauts fonctionnaires et de responsables politiques.

Il faut se souvenir de Gérald Darmanin qui, l’an dernier en préparation des débats sur l’article 10 de la loi Jeux Olympiques, reconnaissait qu’il n’existait aucune base légale pour l’utilisation policière de ces technologies d’analyse automatisée. L’intelligence artificielle transforme radicalement l’économie politique de la vidéosurveillance, raison pour laquelle nous refusons la VSA. Même dans le cadre d’enquêtes judiciaires, l’État se devrait au minimum de prévoir une base juridique claire pour l’encadrer.

Tout aussi choquant est le sentiment d’impunité généralisé que révèle cette affaire. Les cadres de la Direction Générale de la Police Nationale, de même que les ministres successifs, ont sciemment organisé le secret par peur de la controverse, se sachant hors du droit.

Rappelons-le : « Le fait de collecter des données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. » (cf. art. 226-18 et -19 du code pénal). Par ailleurs, tout·e fonctionnaire est tenu·e de signaler sur le champ une infraction dont il ou elle aurait connaissance au procureur (article 40 du code de procédure pénale). Enfin, Disclose explique que pour financer le renouvellement des licences Briefcam, « la hiérarchie policière a pioché dans le « fonds concours drogue » ». Ce qui pourrait s’apparenter à du détournement de fonds publics.

Ces faits sont extrêmement graves. L’impuissance chronique à laquelle se condamnent les contre-pouvoirs institutionnels, de la CNIL à l’IGPN, est elle aussi symptomatique d’une crise systémique de l’État de droit. L’actualité donne d’ailleurs une nouvelle et triste illustration de cette coupable inaction : la CNIL s’est contentée d’un « rappel à l’ordre » à l’encontre de deux ministères après le détournement de fichiers et l’envoi au printemps dernier de 2 millions de messages de propagande destinés à manipuler l’opinion au sujet de la réforme des retraites.