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Gouvernance de l'Internet

jeudi 21 janvier 2016 à 11:50

Gouvernance de l'Internet

(télécharger les propositions en pdf)

Depuis environ 15 ans, les rencontres pour la « Gouvernance de l'internet » ont attiré l'attention et conduit notre imaginaire à croire que des règles consensuelles pour l'Internet peuvent émerger de discussions « multi-acteurs » (multi-stakeholder) dans des processus top-down (« descendants »). Cependant, les derniers sommets (NETmundial, IGF Istanbul etc.) montrent que rien n'est sorti de ces 15 années de réunions multipartites, alors que dans le même temps de nombreuses décisions politiques, économiques ou technologiques sont prises dans le but de mettre à mal les droits fondamentaux dans l'espace numérique. De multiples révélations montrent notamment que la technologie est trop souvent retournée contre ses utilisateurs, transformée en un outil de surveillance, de contrôle et d'oppression.

Les problèmes posés par la surveillance de masse, la protection des libertés numériques, la neutralité du Net ou l'accès universel à un internet libre ne peuvent être réglés dans des discussions multipartites stériles où la liste des participants et des sujets est définie en amont par des organisateurs dévoués aux États ou aux entreprises des télécoms ou des services en ligne.

Ces acteurs, États, entreprises ou services de renseignement, n'ont pas attendu les rencontres sur la gouvernance pour modifier la structure et le fonctionnement d'Internet vers plus de surveillance et de distorsion de l'accès libre et universel au réseau.

Cette « gouvernance mondiale multi-acteurs » cache la réalité d'une perte de contrôle du politique, sous l'influence et au bénéfice de grands groupes industriels. Dans une approche bottom-up (venant de « la base »), en sens inverse, les citoyens et les parlements nationaux feraient pression sur les États et les acteurs industriels pour forcer des décisions protégeant les libertés, afin de tenter de les propager de proche en proche dans les espaces politiques voisins. La seule chose que nous pouvons attendre des États, c'est qu'ils considèrent et sécurisent l'Internet comme un bien commun appartenant collectivement à tous ses usagers. Au même titre que l'eau, l'air ou les réserves naturelles, ou même la santé, les États doivent sans délai protéger l'Internet sans compromis, en sécurisant ses fondements : neutralité, non-surveillance, décentralisation.

À partir de là, collectivement les citoyens pourront ensuite s'engager dans un débat approfondi sur la nature de la confiance qui peut être placée dans les acteurs publics ou privés qui vont gérer cette ressource commune. Quelles conditions de transparence et de responsabilité (comme l'utilisation de logiciels libres et la capacité pour le public de le vérifier) demander, dans une société démocratique, à ceux qui sont responsables de la protection de nos libertés fondamentales, du fait de leur contrôle sur une partie de notre infrastructure commune ?

Sans garanties internationales fortes sur la protection d'Internet comme bien commun, et l'implication réelle des citoyens, toutes les actions de « gouvernance » ne seront vouées qu'à être perverties par les intérêts des États et des entreprises privées.

Conférence : La protection des données, une nécessité pour le respect des libertés fondamentales

mardi 19 janvier 2016 à 14:37

Paris, le 19 janvier 2016 — La Quadrature du Net publie ici l'invitation à la conférence qu'organise l'Observatoire des Libertés et du Numérique 1 dans le cadre de la journée internationale de la protection des données.

Communiqué de l’Observatoire des Libertés et du Numérique

Dans le cadre de la journée internationale de la protection des données, l'Observatoire des Libertés et du Numérique vous invite à une conférence qui aura lieu le :

Jeudi 28 janvier de 17h à 20h
Au sein de l’IUT d’Orsay de l’Université Paris Sud - Amphithéâtre Essonne

Avec :

IUT d'Orsay, plateau de Moulon, 91400 ORSAY (GPS : Rue Noetzlin à Gif-sur-Yvette), pour y accéder consulter ces infos .

Contacts presse
Le CECIL : 06.32.12.49.51
contact@lececil.org

Télécharger le flyer en PDF

Contribution à l'étude de la mauvaise foi gouvernementale en matière de Communs

mardi 19 janvier 2016 à 12:18

Paris, le 19 janvier 2016 — Le Ministère de la Culture n'aime pas les Communs, et refuse que ceux-ci soient reconnus par la loi lors de l'examen du Projet de loi pour une République numérique, n° 3318. Pour cela il n'hésite pas à utiliser les arguments les plus fallacieux, bas de gamme voire totalement mensongers. Cet argumentaire ayant été généreusement distribué aux députés français juste avant l'examen du projet de loi, nous estimons qu'il est de notre devoir d'en faire profiter l'ensemble des citoyens afin que chacun puisse avoir en tête le souci constant des biens communs dont fait preuve le gouvernement français, visiblement inspiré par les plus rétrogrades lobbys des ayants-droit1.

Bonjour,

Le gouvernement est totalement défavorable au "domaine commun".

Je vous envoie ci-dessous un argumentaire justifiant et expliquant cette position.

Je me tiens naturellement à votre disposition pour en discuter.

Nicolas Vignolles
Conseiller parlementaire de Mme Fleur Pellerin

Ministre de la Culture et de la Communication

Création d’un domaine commun informationnel :

La création envisagée d'un domaine commun informationnel est à la fois inutile, dangereuse, et inopportune :

1/ Inutile : Cette disposition est inutile: l'affirmation d'un développement croissant des pratiques de "copyfraud" n'a en aucune façon été démontrée, notamment lors de l'étude d'impact du projet de loi.

Le droit d’auteur est un droit reconnu internationalement dans une série de traités et de directives, mais il est limité dans le temps et nul ne peut proroger sa protection au-delà des durées inscrites dans ces textes. Les exemples fournis par les défenseurs de ce textes sont souvent issus d’exemples américains (Image de Mickey Mouse ou de Superman) et sont au surplus datés car se sont posés à une époque où le copyrignht pouvait être prorogé, ce qui n’est plus le cas.

2/ Dangereuse : Ce renversement de la perspective qui a toujours prévalu en matière de propriété intellectuelle entre le principe et l'exception soulève de nombreux problèmes, identifiés par un rapport récent du conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA). Il est évident qu'il sera source d'une insécurité juridique majeure, au préjudice de tous.

L'approche envisagée est notamment entachée de nombreuses imprécisions et omissions, s'agissant de son articulation avec le régime des droits voisins, du droit des bases de données, du droit des marques et du droit de la propriété industrielle. Son articulation avec le régime des lois de police applicables aux choses communes n'est en aucune manière précisée.

Le fait de citer les inventions, découvertes ou idées dans l’amendement, menace grandement tous les investissements de recherche et développement réalisés par nos industriels et nos start up dont la valorisation repose en majeur partie sur les incorporels ! Un pays qui ne protège plus la R&D et la propriété intellectuelle pousse les entreprises à se délocaliser ou à délocaliser leurs efforts de recherche, ce qui va à l’inverse de notre politique de soutien à la recherche (cf CIR ou crédit d’impôt innovation).

Plus fondamentalement encore, son articulation avec la propriété corporelle des oeuvres soulève une difficulté majeure : faudra-il incriminer le propriétaire d'un tableau ou d'un manuscrit tombé dans le domaine public dans la mesure où il ne donnerait pas à tout un chacun accès à cette oeuvre?

3/ Inopportune : Du point de vue de la défense de la création et des bénéfices économiques attendus, cette mesure aboutit à des effets exactement contraires à la finalité recherchée. Les interdictions posées en matière de constitution de droit exclusif, le risque contentieux, la pénalisation introduite par ces dispositions : tout concourt à entraver la création, en particulier en matière de droits voisins (interprétation artistique) ou d'oeuvres transformatives, lorsque celle-ci est construite à partir d'oeuvres tombées dans le domaine public comme cela est très fréquent.

Par exemple, l’enregistrement d’un morceau de musique ou d’une chanson qui n’est plus couvert par le droit d’auteur, ne pourra donner lieu à la commercialisation d’un CD.

Enfin, cette atteinte au fondement du droit d'auteur est extrêmement préjudiciable au moment même où la France est engagée dans une négociation européenne cruciale pour l'avenir du droit d'auteur et la défense de la création.

Domaine commun consenti

Le dispositif créant le « domaine commun informationnel consenti » est encore plus déstabilisant puisqu’il permet à un auteur de renoncer à ses droits de façon irrévocable.

Aujourd’hui, un auteur peut décider de mettre à disposition ses œuvres à titre gratuit mais ce n’est jamais irrévocable. La disposition de l’avant-projet de loi permettrait une expropriation définitive des créateurs (dans le monde artistique mais aussi industriel puisque la disposition toucherait les logiciels et brevets). Au vu des rapports de force économiques sur Internet, il sera facile à un intermédiaire technique placé en position dominante (tels le magasin d’application Apple ou Youtube par exemple) de conditionner l’accès à leurs services à un abandon unilatéral et irrévocable des droits d’auteur.

Au-delà du risque politique que nous prendrions à affaiblir nos créateurs et nos industriels, nous violerions plusieurs textes internationaux qui nous lient, tels que la Convention de Berne, l’accord ADPIC (OMC), la directive relative à la durée de protection du droit d’auteur 2006/116/CE, ou encore la directive logiciel de 1991 pour ne citer que quelques exemples.

Enfin, je vous rappelle que le Code de la propriété intellectuelle reconnaît d’ores et déjà aux auteurs la possibilité, dans des conditions précisément encadrée, de mettre leurs œuvres gratuitement à la disposition du public. L’article L. 122-7-1 précise en effet que : « L’auteur est libre de mettre ses œuvres gratuitement à la disposition du public, sous réserve des droits des éventuels coauteurs et de ceux des tiers ainsi que dans le respect des conventions qu'il a conclues. »

Contactez vos députés pour les appeler à défendre les Communs de la connaissance dans le projet de loi numérique !

[NextINpact] Loi Numérique : les amendements « à suivre »

mercredi 13 janvier 2016 à 13:28

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Les députés membres de la commission des lois de l'Assemblée nationale viennent de déposer les premiers amendements au projet de loi numérique d'Axelle Lemaire. Tour d'horizon des principales propositions des parlementaires, dont l'examen débutera mercredi matin. [...]

Plus de 500 amendements ont été déposés au fil des derniers jours par les membres de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Un grand nombre d'entre eux vise à rectifier des aspects purement rédactionnels. D'autres tendent en revanche à remodeler en profondeur le projet de loi d'Axelle Lemaire, quand il ne s'agit pas d'introduire de nouvelles mesures en lien avec le numérique. Next INpact vous propose une sélection des amendements pouvant être considérés comme « à suivre ». Celle-ci sera progressivement mise à jour si de nouveaux amendements venaient à être mis en ligne sur le site de l'Assemblée nationale.[...]

Précisions sur la définition de la neutralité du Net. Plusieurs amendements ont été déposés afin de revoir le périmètre de la neutralité du Net, telle qu'elle devra être respectée par les opérateurs français (416, 243, 409, 410) [...]

http://www.nextinpact.com/news/98034-loi-numerique-amendements-a-suivre.htm

Promouvoir les communs – pour une société de la connaissance partagée et inclusive

mercredi 6 janvier 2016 à 14:18

Paris, le 6 janvier 2016 — La Quadrature du Net propose les amendements suivants au Projet de loi pour une République numérique, n° 3318, en commun avec les associations et personnalités listés ci-après.

Déclaration commune des organisations :

Les biens communs – ou communs – nourrissent depuis toujours les pratiques d’échange et de partage qui structurent la production scientifique et la création culturelle. Mais ils s’inscrivent aussi dans une perspective plus large de défense d’un mode de propriété partagée et de gestion collective des ressources, sur le modèle des“communaux”, ces ressources naturelles gérées par tous les individus d’une communauté. L’irruption massive du numérique dans la plupart des champs de l’activité humaine a permis de faciliter l’émergence de larges communautés distribuées, capables de se mobiliser pour créer et partager les savoirs. Ces communs de la connaissance sont autant de gisements d’initiatives, de créativité et de mobilisation des individus dans un but collectif.

Il n’existe aucun statut juridique – et donc aucune protection associée – pour le domaine commun dans le code de la propriété intellectuelle. En France, aucune « liberté de panorama » ne vient faire rempart à la privatisation de l’espace public, et l’absence d’une exception pour la fouille de textes et de données fait peser la menace de la création d’un nouveau droit d’accès aux informations, dont les chercheurs devraient s’acquitter auprès des éditeurs afin de pouvoir traiter de manière automatisée les données dont ils sont pourtant souvent les auteurs.

À l’occasion de la future loi sur le numérique, la libre diffusion des savoirs et de la culture pourrait à la fois être protégée et promue par un nouveau cadre juridique, adapté aux potentialités nouvelles offertes à notre société par l’arrivée d’Internet, afin d’en faire une société plus solidaire, plus équitable et plus émancipatrice.

À ce titre, l’avant-projet de loi présenté par le Gouvernement contient d’ores et déjà plusieurs avancées notables, il faut s’en féliciter. L’ouverture des données publiques y est largement soutenue, et l’accès ouvert aux publications scientifiques financées par l’argent public semble enfin à portée de vue, par la reconnaissance d’un droit d’exploitation secondaire pour les chercheurs. D’autres éléments du texte favorisent une diffusion plus large des informations et de la connaissance. L’inscription du droit à la portabilité des données, qui permet à l’utilisateur de ne pas se retrouver enfermé dans un écosystème captif et de faire lui-même usage de ses données, ou encore le maintien de la connexion Internet pour les personnes en incapacité de paiement en sont des exemples. Ils constituent autant de nouveaux chemins pour une politique d’inclusion qui vise à développer l’accès partagé aux connaissances et le pouvoir d’agir de tous.

Toutefois, l’opportunité de légiférer sur les grands principes qui fonderont notre « République numérique » nous appelle à être plus audacieux, afin de ménager une place plus grande pour les communs de la connaissance, qui doivent être protégés des tentatives d’exclusivités abusives. Plus généralement , c’est leur développement global qui doit être favorisé, afin d’en faire la matrice d’un changement général, redéfinissant les modes de production, de distribution des richesses et de rapport à la valeur. Cinq mesures en particulier, largement soutenues au cours de la consultation citoyenne menée par le Gouvernement sur l’avant-projet de loi, nous semblent mériter d’être réintroduites dans le projet de loi au cours du débat parlementaire :

La définition positive et la protection des communs de la connaissance

L’inscription de contenus librement accessibles dans le régime de l’article 714 du Code civil revêt un double intérêt : tout d’abord permettre une protection large du domaine commun informationnel, qui n’est ni inscrit dans la loi ni codifié aujourd’hui,ensuite réactiver la notion de chose commune au creuset des nouveaux enjeux de la société de l’information. La valeur économique d’une promotion du domaine commun,et plus particulièrement ses effets bénéfiques sur l’innovation et la croissance – notamment pour les plus petits acteurs – ont été démontrés empiriquement . Or le péril aujourd’hui est la fermeture et la création d’exclusivités abusives sur ce qui appartient à tous, alors même que c’est la circulation des connaissances, des informations, des données, mais aussi des œuvres qui a permis l’essor de l’économie numérique et l’apparition de formes nouvelles, voire alternatives, de création et de production au cœur de la diversité culturelle. On observe en effet un risque de développement des pratiques d’appropriation qui, sans cause légitime, compliquent ou interdisent de fait l’accès à des choses communes, notamment à travers ce que l’on appelle le “copyfraud” (la revendication illégitime de droits exclusifs sur une œuvre). Les exemples sont nombreux : il est ainsi fréquent que la numérisation d’une œuvre du domaine public, ou même le simple fait de la photographier, serve de justification pour revendiquer un droit d’auteur sur cette œuvre ! N’est-il pas étonnant – et c’est un euphémisme – que le département de la Dordogne ait pu revendiquer un droit d’auteur sur les reproductions de la grotte de Lascaux, 17 000 ans après la mort de ses créateurs ? Parce qu’il limite la diffusion et la réutilisation des œuvres qui composent le domaine public, le copyfraud constitue une atteinte aux droits de la collectivité toute entière.

La création d’un domaine commun volontaire

Un domaine commun informationnel ne pourrait toutefois être complet sans prise en compte de l’apport des nombreux développeurs qui contribuent aux logiciels libres ou des millions d’auteurs qui ont recours aux différentes solutions contractuelles de type Creative Commons aujourd’hui. Cette forme de gratuité coopérative basée sur la contribution et le partage rassemble de nombreuses communautés d’échange et crée une nouvelle forme de richesse, aussi bien économique que sociale. C’est elle qui donne au domaine commun informationnel son caractère vivant et dynamique. La création d’un domaine commun volontaire garantirait une protection effective contre les réappropriations. Ainsi, à l’instar du droit d’exploitation secondaire accordé aux chercheurs, le domaine commun volontaire serait un nouveau droit pour les auteurs, et plus largement, une nouvelle arme de défense face aux pressions qui peuvent résulter de la possibilité d’acquérir une exclusivité commerciale sur une œuvre.

La priorité aux logiciels libres et aux formats ouverts dans le service public national et local

Le recours aux logiciels libres et formats ouvert représente des avantages majeurs pour l’Etat, mais aussi pour les collectivités territoriales. L’auditabilité du code, la liberté d’étudier le fonctionnement du programme, la libre exécution du logiciel pour tous les usages, la possibilité de l’adapter et de l’enrichir, l’interopérabilité, l’évolutivité ou les capacités de mutualisation du code, sont autant de caractéristiques propres au logiciel libre qui garantissent une véritable souveraineté, une meilleure sécurité, mais aussi un plus grande flexibilité aux systèmes d’informations gérés publiquement. De plus, selon une récente étude, réalisée pour le compte du Conseil National du Logiciel Libre et du Syntec Numérique, le marché du logiciel libre représenterait en France plus de 50 000 emplois, pour une valeur estimée à 4,1 milliards d’euros en 2015.

La création d’une liberté de panorama

La liberté de panorama est une exception au droit d’auteur par laquelle il est permis de reproduire et de diffuser l’image d’une œuvre protégée se trouvant dans l’espace public, notamment les œuvres d’architecture et de sculpture. C’est l’une des exceptions optionnelles prévues par la directive européenne 2001/29/CE relative au droit d’auteur. Nombreux sont les pays, parmi nos voisins européens, qui ont fait le choix d’appliquer cette exception. Certains pays tels que le Royaume-Uni, l’Inde ou l’Australie disposent même d’une liberté de panorama qui s’étend jusqu’à l’intérieur des bâtiments publics. L’absence de liberté de panorama pose nécessairement la question de la privatisation de l’espace commun. Les Français n’auraient -ils pas un certain droit sur le patrimoine architectural national? D’autant plus lorsque la construction a engagé des fonds publics et que les artistes ont sciemment consenti à exposer leurs œuvres dans l’espace public. Un juste équilibre entre droit d’auteur et biens communs semble également souhaitable afin de favoriser le rayonnement culturel français sur Internet. En développant un meilleur accès à la connaissance, la liberté de panorama permettrait de mettre en valeur le travail des artistes, mais aussi de permettre des retombées économiques consécutives à ce supplément de visibilité que ce soit pour le tourisme en France ou pour les artistes eux-mêmes à travers l’obtention de nouvelles commandes.

L’autorisation de la fouille de textes et de données pour la recherche

L’exception pour la fouille automatique de données de texte (text et data mining) consiste à autoriser la recherche automatisée parmi un volume très important de textes ou de données : il est possible d’accéder à des résultats qui n’auraient pas pu être découverts par une autre méthode. Cela donnerait une force nouvelle à l’entrée de la recherche française à l’heure des mégadonnées (big data) et de réaliser des gains de productivité très importants, alors même que d’autres pays, comme le Royaume-Uni, le Japon et les Etats-Unis, ont pris une avance considérable dans ce domaine. La fouille automatisée de textes et de données, en tant qu’activité de lecture et d’extraction d’informations, est une pratique qui ne se distingue pas fondamentalement du relevé manuel des informations qui a toujours été effectué par la recherche. Pourtant, les grands éditeurs qui détiennent la majeure partie des publications scientifiques, peuvent aujourd’hui proscrire, par des solutions contractuelles, la fouille de textes et de données – notamment la copie provisoire, techniquement nécessaire afin de la réaliser – aux chercheurs, même lorsque ces derniers disposent d’un accès légal à l’ensemble des publications scientifiques comprises dans les bases de données fouillées.

PROJET DE LOI

Pour une République numérique.

(procédure accélérée)

AMENDEMENTS COMMUNS

A/ Définition positive et protection des communs de la connaissance

I. Relèvent du domaine commun informationnel :
1° Les informations, faits, idées, principes, méthodes, découvertes, dès lors qu’ils ont fait l’objet d’une divulgation publique licite, notamment dans le respect du secret industriel et commercial et du droit à la protection de la vie privée ;
2° Les oeuvres, dessins, modèles, inventions, bases de données, protégés par le code de la propriété intellectuelle, dont la durée de protection légale, à l’exception du droit moral des auteurs, a expiré ;
3° Les informations issues des documents administratifs diffusés publiquement par les personnes mentionnées à l’article 1 de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 et dans les conditions précisées à l’article 7 de la même loi, sans préjudice des dispositions des articles 9, 10, 14 et 15 de ladite loi.

Les choses qui composent le domaine commun informationnel sont des choses communes au sens de l’article 714 du Code civil. Elles ne peuvent, en tant que tels, faire l’objet d’une exclusivité, ni d’une restriction de l’usage commun à tous, autre que l’exercice du droit moral. Les associations agréées ayant pour objet la diffusion des savoirs ou la défense des choses communes ont qualité pour agir aux fins de faire cesser toute atteinte au domaine commun informationnel. Cet agrément est attribué dans des conditions définies par un décret en Conseil d’Etat. Il est valable pour une durée limitée, et peut être abrogé lorsque l’association ne satisfait plus aux conditions qui ont conduit à le délivrer.

II. Au troisième alinéa de l’article L.411-1 du code de la propriété intellectuelle, après les mots « protection des innovations, », il est inséré les mots : « pour la promotion de l’innovation collaborative et du domaine commun informationnel ».

B/ Le domaine commun volontaire

Le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle, de quelque nature que ce soit, peut autoriser l’usage commun d’un objet auquel ce droit est rattaché par le biais d’une manifestation de volonté à portée générale, à condition que celle-ci soit expresse, non équivoque et publique. Cette manifestation de volonté peut notamment prendre la forme d’une licence libre ou de libre diffusion. Elle ne peut être valablement insérée dans un contrat d’édition tel que défini à l’article L. 132-1.

Le titulaire de droits est libre de délimiter l’étendue de cette autorisation d’usage commun pour la faire porter uniquement sur certaines des prérogatives attachées à son droit de propriété intellectuelle. L’objet de cette manifestation de volonté fait alors partie du domaine commun informationnel tel que défini à l’article 8, dans la mesure déterminée par le titulaire de droit.

Cette faculté s’exerce sans préjudice des dispositions de l’article L. 121-1 du Code de propriété intellectuelle relatives à l’inaliénabilité du droit moral.

C/ La priorité aux logiciels libres et aux formats ouverts dans le service public national et local

Les services de l’État, administrations, établissements publics et entreprises du secteur public, les collectivités territoriales et leurs établissements publics donnent la priorité aux logiciels libres et aux formats ouverts lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation d’un système informatique.

D/ La liberté de panorama

L’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
10°) Les reproductions et représentations des œuvres architecturales et des sculptures, réalisées pour être placées en permanence dans des extérieurs publics.

E/ Autoriser la fouille de textes et de données pour la recherche (text and data mining)

I. – L’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
Après le neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 10° Les copies ou reproductions numériques réalisées à partir d’une source licite, en vue de l‘exploration de textes et de données pour les besoins de la recherche publique, à l’exclusion de toute finalité commerciale. Un décret fixe les conditions dans lesquelles l’exploration des textes et des données est mise en œuvre, ainsi que les modalités de conservation et communication des fichiers produits au terme des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites »

II. – Après le cinquième alinéa de l’article L. 342-3 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Les copies ou reproductions numériques de la base réalisées par une personne qui y a licitement accès, en vue de fouilles de textes et de données dans un cadre de recherche, à l’exclusion de toute finalité commerciale. La conservation et la communication des copies techniques issues des traitements, au terme des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites, sont assurées par des organismes désignés par décret. Les autres copies ou reproductions sont détruites. »