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À l'Assemblée nationale, toujours plus loin dans la censure privée

mercredi 18 juin 2014 à 11:57

Paris, 18 juin 2014 — Au cours de l'examen du projet de loi « pour l'égalité entre les femmes et les hommes », les députés de la commission des lois viennent d'accepter les dispositions encourageant la transformation des intermédiaires du Net en police privée. Malgré les amendements proposant la suppression de l'article en question ou la mise en place de mesures alternatives respectueuses des droits des citoyens, les députés ont choisi de persévérer dans l'extension de la censure sur Internet. En prévision de l'examen final du projet de loi, prévu pour le 26 juin, La Quadrature du Net invite les citoyens soucieux pour leurs droits fondamentaux à contacter leurs élus et à faire entendre leur voix.


Sébastien Dénaja,
rapporteur du texte à l'Assemblée nationale

Après le second examen par le Sénat en avril, le projet de loi « pour l'égalité entre les femmes et les hommes » de Najat Vallaud-Belkacem a été discuté ce matin par les députés de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Adopté en l'état, l'article 17 du texte modifierait le régime de responsabilité des intermédiaires techniques de l'Internet1 pour élargir leurs missions de surveillance et de censure des communications à tous les propos incitant aux discriminations diffusés en ligne.

Comme ne cesse de le dénoncer La Quadrature du Net depuis le début du travail parlementaire sur ce texte, une telle extension de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) inciterait les hébergeurs à censurer automatiquement tous les contenus signalés, qu'ils soient légaux ou non, et ce au détriment des droits de leurs utilisateurs, notamment à la liberté d'expression et à un procès devant un tribunal équitable. L'invocation de valeurs nobles et de la dignité humaine auxquelles nous sommes les premiers à être attachés sert ainsi de paravent pour donner des pouvoirs de police et de justice aux intermédiaires privés de l'Internet. Pire, l'amendement déposé par des députés du groupe Écologiste2, proposant une mesure alternative à la fois plus efficace et respectueuse des droits fondamentaux des citoyens, (mettre les pouvoirs publics au cœur des dispositifs de signalement des contenus en lieu et place des hébergeurs), n'a pas été discuté.

De manière inquiétante, les échanges de ce matin montrent l'acceptation générale de ces dispositions, comme l'illustrait déjà la semaine dernière la discussion sur la proposition de loi « renforçant la lutte contre l’apologie du terrorisme sur internet » déposée par des députés du groupe UMP, au cours de laquelle tous les députés ou presque3 se sont accordés sur l'extension de la LCEN. Malgré le rejet de cette proposition de loi, de telles mesures se retrouvent également dans d'autres textes en cours d'examen ou déjà annoncés. Ignorant à la fois les citoyens, les organisations de la société civile pourtant mobilisées sur ces sujets, les propositions d'amendements positifs, le risque de censure du Conseil Constitutionnel4, leurs positions et déclarations passées, les élus de la majorité persistent dans cette logique de groupe désastreuse qui leur impose de suivre la volonté du gouvernement, au détriment des droits et intérêts des citoyens.

Le prochain et dernier examen en séance du projet de loi « pour l'égalité entre les femmes et les hommes » est prévu pour le 26 juin. D'ici là, La Quadrature du Net invite tous les citoyens à se mobiliser pour appeler leurs élus à un sursaut salvateur et à la mise en place d'un dispositif réellement efficace et protecteur des droits fondamentaux en lieu et place de l'actuel article 17.

« Une fois encore, poussés par le gouvernement et la ministre Najat Vallaud-Belkacem, les députés viennent de s'exprimer en faveur de l'extra-judiciarisation de la lutte contre les propos haineux, au mépris des libertés publiques. L'instrumentalisation de causes ô combien légitimes à grand renfort d'arguments émotionnels ne peut justifier la remise en question de droits aussi fondamentaux que la liberté d'expression ou à un procès équitable, a fortiori lorsqu'il existe des solutions alternatives évitant ces dérives. Au-delà de ce texte, il est plus que temps que nos dirigeants cessent de confier aux acteurs de l'Internet des missions de police, et d'entamer l'indispensable remise à plat de la LCEN afin de replacer le juge au cœur de la régulation de la liberté d'expression, tout en donnant aux services publics les moyens nécessaires à la lutte contre la violence qui se fait parfois jour sur Internet » déclare Félix Tréguer, cofondateur de La Quadrature du Net.

Libertés en ligne : Mediapart et La Quadrature attendent vos contributions !

jeudi 12 juin 2014 à 16:55

Paris, 12 juin 2014 — La « commission sur le droit et libertés à l’âge du numérique » a été installée à l'Assemblée nationale ce mercredi 10 juin 2014. Créée pour proposer des réflexions et des propositions centrées sur les problématiques de droits et de libertés dans une perspective numérique, elle rassemble treize parlementaires et treize personnalités qualifiées. Philippe Aigrain, cofondateur de La Quadrature du Net, et Edwy Plenel, président de Mediapart, ont été désignés pour y participer.

Mediapart et La Quadrature du Net ont souhaité, en parallèle des travaux de cette commission, ouvrir un espace de partage et d'expression sur les questions dont s'occupera cette commission. Celui-ci est hébergé par Mediapart et co-animé par sa rédaction et La Quadrature du Net. En plus d'accueillir les contributions citoyennes, cet espace permettra également de rendre compte régulièrement des travaux de la commission.

Si vous souhaitez soumettre une contribution et nourrir la réflexion sur ces questions fondamentales, nous vous invitons à nous contacter afin de nous présenter vos propositions. Il ne s'agit pas forcément d'être d'accord avec les positions de Mediapart ou de La Quadrature du Net sur les libertés dans l'espace numérique, mais d'être constructif : nous demandons des contributions qui fassent progresser les idées, le débat, les réflexions.

La Quadrature du Net et Mediapart sont très attachés, chacun dans son espace particulier, à la défense des droits et des libertés, et à l'extension de ceux-ci. C'est ce message que nous porterons dans la commission « droit et libertés à l'âge du numérique », c'est également ce que nous souhaitons concrètement promouvoir en ouvrant cet espace de contributions.

Pour tout renseignement ou proposition de contribution : contact@laquadrature.net

Snowden, Terminator et nous

jeudi 5 juin 2014 à 13:23

Tribune de Jérémie Zimmermann, co-fondateur de La Quadrature du Net, publiée dans Mediapart le 5 juin 2014


Illustration de Terminator Studies

Il y a un an jour pour jour, un courageux jeune homme nommé Edward Snowden a sacrifié une grande partie de sa vie et de ses libertés pour nous révéler la dure réalité du monde dans lequel nous vivons. Ses révélations en cours nous enseignent et nous permettent de comprendre à quel point notre relation à la technologie a changé à tout jamais, et pourquoi nous ne pourrons plus faire confiance aux machines. Edward Snowden nous a aussi montré le chemin à emprunter pour reprendre le contrôle des machines, et l'importance de cette tâche que plus personne ne peut ignorer.

Nous vivons déjà à l'ère du Cyborg. Nos humanités sont pratiquement indissociables de nos machines. Les fonctions de nos corps, communiquer, se rappeler, nous reconnaître les uns et les autres, nos mémoires personnelles et communes, ainsi que la plupart de nos travaux sont maintenant inséparables des fonctions des machines.

Les ordinateurs, téléphones et serveurs sont tous interconnectés à travers des logiciels et les réseaux de communication. Cette Machine globale interconnectée est de plus en plus en train de s'imbriquer avec notre humanité interconnectée à l'échelle globale – bientôt sur nos visages, poignets, et sous nos peaux – et la plupart d'entre nous lui a jusqu'à présent accordé une confiance quasi-totale.

Pourtant, dans cette ère du Cyborg, nous voyons grâce à Edward Snowden que cette Machine mondiale a été tournée toute entière contre nous. Elle a été transformée en un outil de surveillance généralisée et de contrôle des individus, au prix de violations massives de nos droits fondamentaux. Alors que de nombreux abus ont déjà été exposés, la Machine représente un immense, horrifique, potentiel d'abus et de répression, de l'espionnage politique à l'espionnage économique. N'importe quel mouvement politique, n'importe quelle révolution, n'importe quelle idée, pourraient être écrasés en un clin d'œil.

Toute la Machine a été dévoyée de sa fonction initiale. Alors qu'elle nous obéissait, à nous, ses utilisateurs et propriétaires, elle a été reprogrammée pour obéir à ses vrais maîtres, une alliance aux contours flous mêlant quelques-unes des plus grandes entreprises du monde comme Google, Apple, Facebook et Microsoft, des services de renseignement hors de tout contrôle comme la NSA, le GCHQ ou la DGSE, et leurs milliers de partenaires publics ou privés (dont une myriade de contractants privés et au moins 950 000 citoyens américains disposant d'une accréditation « Top Secret »).

Beaucoup d'entre nous trouvent plus confortable d'ignorer la vérité que de modifier nos habitudes. La vérité est si violente et effrayante qu'elle devient trop difficile à accepter. Peut-être que l'écart entre la réalité et le confort des illusions est trop grand.

Pourtant, chacun d'entre nous porte l'immense responsabilité de se confronter à des questions qui seront déterminantes pour l'avenir de nos sociétés, notre relation au pouvoir ou nos relations entre individus. Ou est la frontière entre nos humanités et la Machine ? En avons-nous consciemment accepté la définition ? Comment pouvons-nous reprendre le contrôle de cette Machine devenue partie intégrante de nous-mêmes ?

Ce qui est en jeu est la définition même de nos humanités. Car la surveillance massive implique la violation et potentiellement l'annihilation de nos intimités, ces espaces où nous décidons, en pleine confiance – seuls ou avec d'autres – d'être pleinement nous-mêmes, d'expérimenter avec nous-mêmes, d'explorer de nouvelles idées ou théories, d'écrire, chanter et créer. Dans ces espaces, nous développons nos identités, la définition élémentaire de qui nous sommes…

Heureusement, Edward Snowden nous a aussi montré une voie de sortie. Nous pouvons exiger des comptes de nos gouvernements, et nous pouvons très certainement échapper à la surveillance de masse, et la rendre beaucoup plus coûteuse. En quittant les technologies qui nous contrôlent, nous pouvons utiliser, promouvoir et développer des technologies qui nous libèrent. C'est un long chemin, nécessitant de grands efforts, d'en finir avec les habitudes et la confiance aveugle que nous plaçons dans la Machine, et nécessitant que tous s'approprient la technologie. À travers l'utilisation de logiciels libres, d'architectures décentralisées et de chiffrement de bout en bout, nous pouvons – probablement – reprendre le contrôle de la Machine.

C'est notre devoir, en tant que civilisation et en tant qu'individus. Nous devons par tous les moyens combattre cette Machine d'oppression, avant qu'il ne soit trop tard, afin de reconquérir et reprendre possession de notre humanité.

Snowden, un an après : exigeons la fin de la surveillance de masse !

jeudi 5 juin 2014 à 11:31

Traduction française du communiqué de presse de l'EFF “34 International Experts Weigh in On Mass Surveillance on Snowden Anniversary

Plus de 450 organisations et experts, soutenus par 350 000 individus, continuent de se mobiliser pour l'application de principes internationaux respectueux des droits de l’Homme, un an jour pour jour après les premières révélations d'Edward Snowden sur la surveillance de masse mise en place par les gouvernements.

5 juin 2014 – De nombreux experts internationaux appellent les gouvernements du monde entier à adopter 13 principes visant à mettre fin à la surveillance généralisée des citoyens respectueux des lois. Cet appel est lancé un an après que Edward Snowden ait révélé l'étendue de la surveillance mise en place par les agences de renseignement, et notamment la NSA aux États-Unis, ciblant des citoyens pourtant respectueux des lois. Depuis 12 mois, malgré une pression grandissante, la plupart des gouvernements ignorent les appels des citoyens à mettre fin à cette collecte massive et généralisée.

Ce rassemblement de plus de 450 organisations et experts, soutenu par plus de 350 000 individus à travers le monde, ne cesse d'exiger l'adoption de nouvelles règles pour protéger les citoyens innocents de la surveillance des gouvernements. Les 13 principes internationaux sur l’application des droits de l’Homme à la surveillance des communications établissent des lignes directrices claires pour assurer que les pratiques des gouvernements dans ce domaine respectent les droits de l'homme. Ces principes sont le fruit d'une consultation globale menée pendant des mois auprès d'experts internationaux à propos des aspects technologiques et juridiques de la surveillance. Ils réaffirment l'importance du respect des droits de l'homme pour les gouvernements impliqués dans des pratiques de surveillance.

Enfin, les membres de cette coalition encouragent l'utilisation de logiciels libres, d'architectures décentralisées, et de chiffrement de bout-en-bout, qui contribuent à la protection du droit à la vie privée de tous : les citoyens méritent des garanties solides pour la protection de leurs données personnelles contre la surveillance des gouvernements.

De nombreuses déclarations d'experts internationaux à propos de ces 13 principes et de la nécessité de mettre un terme à la surveillance de masse sont en ligne ici [en].

Exigeons l'asile politique pour Edward Snowden !

mardi 3 juin 2014 à 15:25

Paris, 3 juin 2014 — L'Express publie aujourd'hui un appel à ce que la France accorde l'asile politique à Edward Snowden sans tarder. Depuis un an, La Quadrature du Net ne cesse de le répéter, la protection du lanceur d'alerte est primordiale. Sans cette protection toutes les déclarations des États ne seront qu'un rideau de fumée destiné à masquer la poursuite des politiques dont la révélation a secoué le monde entier. La Quadrature du Net appelle à signer cet appel et à faire du jeudi 5 juin une journée qui ne permettra à personne d'oublier Edward Snowden.

Le 5 juin 2013 paraissait le premier d'une série d'articles de Glenn Greenwald et Laura Poitras et une vidéo d'Edward Snowden. L'onde de choc des révélations d'Edward Snowden n'a pas fini d'ébranler l'édifice monstrueux du partenariat public-privé de surveillance planétaire de chacun d'entre nous. Ce même jour, chacun découvrait le pouvoir des actes d'un seul être humain, dévoué aux valeurs démocratiques et aux droits fondamentaux, lorsqu'ils sont relayés à destination de tous. Hélas, nous découvrions également l'indifférence, ou pire : la complicité d'États qui ne cherchent qu'à nier leur propre responsabilité, ou à légaliser rapidement leurs propres atteintes à la vie privée des citoyens.

Aujourd'hui, alors que se rapproche le terme de l'asile temporaire accordé à Edward Snowden en Russie, nous devons mettre les autorités de notre propre État devant leur immense responsabilité. En effet la Constitution de la République Française précise dans son article 53.1 :

Toutefois, même si la demande n’entre pas dans leur compétence en vertu [des accords internationaux], les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté […].

Le manifeste publié aujourd'hui par l'Express compte parmi ses premiers signataires les constructeurs historiques des lois informatique et libertés et des défenseurs clés des droits fondamentaux. Il ne réclame que l'évidence : protéger un homme qui a rendu un immense service aux droits et libertés de chacun et qui est persécuté pour son action pour la liberté. La France lui doit asile, et son président a le devoir de lui accorder.

La Quadrature du Net appelle à signer le manifeste, et à faire du jeudi 5 juin une journée où personne ne pourra oublier Edward Snowden. Que ce soit en portant un t-shirt, une pancarte, par un billet ou une bannière sur votre blog ou site, par une parole publique dans quelque enceinte que ce soit, une expression sur les médias sociaux, manifestez votre soutien à Edward Snowden.

« Nous sommes au pied du mur : soit nous libérons la parole des défenseurs des droits, soit nous consentons à la construction d'une société de surveillance généralisée en laissant persécuter ceux qui la dénoncent. L'asile politique pour Edward Snowden d'abord, et nous pourrons commencer à reconstruire les droits que nous avons laissé piétiner » déclare Philippe Aigrain, co-fondateur de La Quadrature du Net et signataire du manifeste pour l'asile politique à Edward Snowden.