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Réforme du droit d'auteur : le Parlement européen doit suivre le rapport Reda !

mardi 20 janvier 2015 à 11:04

Paris, 20 janvier 2015 — L'eurodéputée Julia Reda présente aujourd'hui devant la Commission des affaires juridiques (JURI) du Parlement européen un rapport sur l'harmonisation du droit d'auteur en Europe. Elle y soutient des propositions de réforme positive du droit d'auteur rejoignant sur plusieurs points celles que défend La Quadrature du Net.

Julia Reda – 31c3
Julia Reda

Tirant le constat des nombreux problèmes d'harmonisation qui subsistent au niveau européen et de l'inadaptation de l'actuelle directive face à l'évolution des usages, l'eurodéputée Julia Reda (Verts/ALE – DE) propose dans son rapport d'agir sur divers leviers permettant de renforcer les droits des utilisateurs. Elle incite notamment à promouvoir le domaine public, en ramenant la durée des droits de 70 à 50 ans après la mort de l'auteur. Elle demande également à ce que les exceptions au droit d'auteur figurant dans l'actuelle directive deviennent toutes obligatoires, de manière à ce qu'aucun citoyen de l'Union ne soit lésé par une législation nationale trop restrictive.

Pour libérer les usages innovants, Julia Reda propose d'élargir certaines des exceptions existantes. En ce qui concerne le droit au remix, mashup et autres usages transformatifs, elle invite à rendre applicable l'exception de citation dans le domaine audiovisuel, ainsi qu'à admettre l'exception de parodie pour des créations non-humoristiques. Dans le domaine de la recherche et de l'enseignement, Julia Reda propose d'élargir l'exception pédagogique actuellement existante et d'introduire une nouvelle exception en faveur de l'exploration de données (Text et Data Mining). Elle demande également à ce que les bibliothèques puissent mettre à disposition des œuvres sous forme numérique, dans le prolongement de leurs missions traditionnelles d'accès à la culture.

Contrairement à ce que soutiennent déjà les tenants d'une conception maximaliste du droit d'auteur, ces propositions ne visent en rien à « détruire le droit d'auteur ». Au contraire, Julia Reda rappelle en préambule à son rapport l'importance de reconnaître une protection au bénéfice des créateurs et la possibilité pour eux de toucher une rémunération appropriée, en appelant même à renforcer leur position face aux intermédiaires de type producteurs et éditeurs.

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La Quadrature du Net salue ces propositions, dont l'essentiel figure dans le programme de réforme positive du droit d'auteur défendu par l'association depuis le rejet de l'accord ACTA. Néanmoins, il est regrettable que la question de la légalisation du partage non-marchand des œuvres entre individus ait été laissée de côté. Centrale pour la reconnaissance de nouveaux droits des individus sur la culture, elle reste aussi la meilleure façon de mettre fin à la spirale répressive dans laquelle la plupart des pays de l'Union sont engagés sous la pression du lobby des industries culturelles.

Moyennant cette réserve, La Quadrature du Net invite les citoyens à soutenir et commenter les propositions du rapport Reda et à appeler les eurodéputés des commissions du Parlement européen à voter dans le sens proposé. Le débat devant la Commission des affaires juridiques (JURI) aura lieu les 23 et 24 février prochains, pour un vote final en session plénière prévu le 20 avril. Citoyens, créateurs professionnels et amateurs, entrepreneurs, chercheurs, enseignants, bibliothécaires ont intérêt à ce qu'une telle réforme positive s'engage !

« Il est temps de prendre la mesure de la révolution des usages impulsée par le numérique et d'adapter le droit d'auteur en conséquence. Les propositions du rapport Reda peuvent avoir un impact positif sur la création elle-même, mais aussi sur la recherche, l'enseignement et l'accès à la culture. Elles doivent en ce sens être soutenues comme la première étape d'une réforme positive du droit d'auteur européen ! » déclare Lionel Maurel, membre du Conseil d'Orientation Stratégique de la Quadrature du Net.

Piratage et régies publicitaires : non aux listes noires et à la régulation extra-judiciaire !

mardi 13 janvier 2015 à 14:46

Paris, le 13 janvier 2015 — Le ministère de la Culture annonce depuis le 2 janvier un nouveau train de mesures pour lutter contre les sites illicites permettant l'accès à des œuvres protégées par le droit d'auteur. Dans la lignée du rapport Imbert-Quaretta, la première action passera par une collaboration avec les régies publicitaires par le biais d'une Charte pour tenter d'assécher leurs ressources financières. Or un article paru dans la Tribune lundi montre que les acteurs du secteur de la publicité sont aujourd'hui prêts à agir de manière pro-active pour mettre fin à leurs relations avec des sites figurant sur une liste noire établie sans intervention du juge. Ces procédés traduisent une nouvelle étape dans l'implication des intermédiaires et de leur transformation progressive en une police du droit d'auteur, ainsi que de la volonté de contourner à la fois le juge et le Parlement.

Approchées en février 2014 dans le cadre de la préparation du rapport Imbert-Quaretta, les régies publicitaires s'étaient dites prêtes à coopérer, mais à condition que le juge reste bien présent dans le dispositif. La directrice du Syndicat des Régies Internet déclarait : « Si demain on nous dit qu’il faut exclure tel ou tel site web, c’est possible mais cela ne peut venir que d’une autorité compétente et sur décision du juge ». Cet attachement aux garanties apportées par la justice n'est visiblement plus à l'ordre du jour. Dans l'article de la Tribune, un représentant du secteur publicitaire impliqué dans l'élaboration de la Charte indique que les régies sont prêtes à agir de leur propre chef pour « retirer purement et simplement les publicités sur ces sites ».

Comme l'indique le ministère de la Culture, cette auto-régulation des publicitaires sera articulée avec une liste noire de sites « massivement contrefaisants », qui si l'on en croit les orientations du rapport Imbert-Quaretta, sera établie elle aussi sans intervention du juge, par une autorité administrative qui pourrait être la Hadopi. Or cette catégorie de « sites massivement contrefaisants » est particulièrement floue et ouvre la voie à un arbitraire important. Une fois que les régies publicitaires seront impliquées, rien n'empêchera d'élargir ce type de mesures aux intermédiaires de paiement, aux moteurs de recherche, aux hébergeurs, aux registraires de noms de domaine, etc.

Ces dispositions rappellent très fortement les principes de fonctionnement de la loi SOPA aux États-Unis ou de l'accord ACTA. Il s'agit à nouveau d'impliquer des intermédiaires dans la mise en œuvre du droit d'auteur, cette fois par une coopération volontaire et non plus par la contrainte de la loi et du juge. Mais en contournant à la fois le Parlement et la Justice, cette nouvelle stratégie renforce encore l'opacité du système et fragilise les garanties des droits fondamentaux.

Les sites ici visés par ces mesures seront principalement des plateformes centralisées de streaming ou de Direct Download ou des acteurs type T411, se livrant à des activités de contrefaçon commerciale. La Quadrature du Net rappelle qu'elle ne soutient pas ces formes d'accès aux œuvres, mais réaffirme que le meilleur moyen d'assécher les revenus de ces sites sans porter atteinte aux droits fondamentaux consiste à légaliser le partage non marchand entre individus pour revenir à des formes d'échanges décentralisés.

« En refusant d'approfondir la réflexion sur le partage non-marchand, comme l'y invitait pourtant le rapport Lescure, le ministère de la Culture s'est enfermé dans une lutte contre la contrefaçon commerciale qui révèle aujourd'hui sa dangerosité. L'acte II de l'exception culturelle se terminera en contournement du juge et du législateur, avec une fragilisation de la garantie des droits », déclare Lionel Maurel, membre du Conseil d'Orientation Stratégique de La Quadrature du Net.

#CharlieHebdo : Non à l'instrumentalisation sécuritaire

vendredi 9 janvier 2015 à 13:52

Paris, le 9 janvier 2015 — Sans même attendre la fin d'une quelconque enquête sur l'ignoble attentat ayant visé Charlie Hebdo le 7 janvier, le gouvernement persévère dans son obstination à accroître l'arsenal antiterroriste, en notifiant à Bruxelles du décret d'application permettant le blocage de sites « terroristes » ou pédopornographiques et en annonçant de nouvelles mesures antiterroristes. La Quadrature du Net appelle les citoyens à refuser cette surenchère absurde et à défendre coûte que coûte la liberté d'expression et d'information.

L'attentat commis contre l'équipe de Charlie Hebdo mercredi matin 7 janvier montre de façon terrible à quel point la liberté d'expression est une valeur à défendre comme un des fondements de notre démocratie. Les victimes de l'attentat, journalistes, policiers ou visiteurs, ont donné leur vie pour ce qui, plus qu'un symbole, est en démocratie la première des libertés publiques.

Je suis Charlie

L'immense émotion populaire qui s'est manifestée depuis lors, spontanément, en faveur de la liberté d'expression et en mémoire de ces victimes est un signe d'espoir dans la capacité des citoyens français (et ceux du monde entier) à défendre ces valeurs qui nous sont chères : la liberté d'expression, la liberté d'information, le respect de l'État de droit et l'idéal démocratique.

C'est pourquoi La Quadrature du Net met en garde solennellement le gouvernement de Manuel Valls contre toute tentative de récupération politique de ce terrible événement par l'instauration de nouvelles lois d'exception. Depuis 1986 chaque acte terroriste a été suivi d'une loi antiterroriste, lesquelles entraînent systématiquement un recul des libertés fondamentales au prétexte de la sécurité. Aujourd'hui, la dernière loi votée en novembre n'est même pas encore entrée en application que le gouvernement en annonce déjà de nouvelles, sans prendre le moindre temps de réflexion ou de mise à l'épreuve de la réalité, des effets ou de l'efficacité de ces lois.

Au lendemain de l'attentat contre Charlie Hebdo, le gouvernement a notifié à Bruxelles de la parution prochaine du décret d'application de la LOPPSI, permettant le blocage administratif, sans juge, de sites faisant l'apologie ou la provocation au terrorisme. Contre tous les avis informés protestant de l'inefficacité de ces mesures et de leur caractère attentatoire aux libertés publiques, sans même qu'il semble y avoir la moindre relation entre les actes terribles survenus quelques jours plus tôt et une responsabilité de sites internet dans ces actes, le gouvernement répond à une attaque contre les libertés par une restriction des libertés. Quel mauvais hommage à rendre à ceux qui ont donné leur vie pour la liberté d'expression !

La Quadrature du Net appelle la Commission européenne à entamer les procédures permettant d'évaluer les conséquences nuisibles de ce décret, le gouvernement à renoncer à de nouvelles législations restreignant les libertés publiques, et les citoyens à poursuivre leur engagement pour la liberté d'expression en marquant leur refus de ces mesures dangereuses.

Répondre à la terreur par la restriction des libertés et de l'État de droit est un piège sans fin. C'est trahir nos idéaux démocratiques, et trahir tous ceux qui, dans le monde et en France, sont morts pour ces libertés.

3141516... mercis pour votre soutien à La Quadrature du Net !

mardi 23 décembre 2014 à 13:55

Paris, le 23 décembre 2014 — Une mobilisation record : c'est ainsi que se conclut la campagne de dons de La Quadrature du Net en 2014. Ces derniers jours, les dons ont afflué sur le site de campagne de La Quadrature du Net, permettant ainsi de sécuriser l'avenir de l'association pour 2015. La Quadrature du Net remercie très chaleureusement les 6000 donateurs qui ont répondu à son appel.

Cette campagne de dons, inaugurée le 12 novembre par une soirée de présentation de La Quadrature du Net et de témoignages de ses acteurs, a connu des difficultés à décoller.

À la mi-décembre, la situation financière de La Quadrature du Net se faisant de plus en plus incertaine, Philippe Aigrain, cofondateur et président de l'association, sonnait l'alerte dans un billet sur son blog : déplorant le manque de mobilisation citoyenne, il rappelait l'évidence, à savoir que la survie même de l'association était en jeu si nous ne récoltions pas 45 000 euros supplémentaires d'ici la fin de l'année et que 40 000 euros de plus étaient nécessaires pour équilibrer le budget 20141. Philippe faisait également part de ses inquiétudes : comment expliquer nos difficultés à réunir le budget, pourtant modeste pour une association employant plusieurs salariés ? Fallait-il prendre acte de la fin du soutien citoyen et arrêter nos actions ? Rappelons que La Quadrature du Net refuse de chercher tout soutien public (subvention par exemple) par souci d'indépendance, et ne peut fonctionner sans une équipe opérationnelle à temps plein pour conduire les analyses juridiques et politiques, mobiliser les citoyens pour les campagnes et développer les outils nécessaires à son action.

La réponse à cet appel a été magnifique et extrêmement réconfortante : en quatre jours, plus de 150 000 € ont été réunis par 6000 donateurs, dont plus de 400 dons récurrents ! Cette fantastique mobilisation va nous permettre de nous concentrer, pour 2015, sur les combats essentiels de La Quadrature du Net : liberté d'expression, neutralité du Net, données personnelles, surveillance et vie privée, réforme du droit d'auteur, lutte contre les traités internationaux dangereux pour les droits fondamentaux, etc.

Merci !

Certains d'entre vous, en particulier parmi ceux qui nous soutenaient déjà activement, ont été heurtés par le billet de Philippe : nous le comprenons. Beaucoup nous ont également fait part de leur « réveil » lors de cette publication. Ce n'est pas de gaîté de cœur qu'il a fallu en arriver là, et c'est avec tristesse que nous avons constaté qu'il était nécessaire de dire, haut et fort, que l'existence de l'association était menacée. Nous espérons, après cette expérience, que de notre côté nous saurons vous toucher autrement à l'avenir et que du vôtre, le soutien à apporter aux petites associations citoyennes comme la nôtre vous semblera plus évident et plus crucial.

Merci à tous, les fidèles de la première heure, les nouveaux soutiens, les habitués de nos sujets et les néophytes, ceux qui partagent nos opinions et ceux qui les partagent moins mais nous estiment indispensables au débat démocratique. Merci aux relais, individus, associations et autres groupes, qui par leur engagement ont permis de toucher rapidement un très grand nombre de citoyens. Merci aux acteurs institutionnels et aux journalistes relayant par l'intermédiaire de leurs médias.

Du fond du cœur merci, avec mention spéciale (on en oublie sans doute !) à : Korben, Edwy Plenel, Xavier de la Porte, JCFrog, « Jacquie et Michel », l'April, Framasoft, LinuxFr, Indius.org, TheFantasio974, Laure de la Raudière, Isabelle Attard, GalouGentil, les gus derrière @UnGarage, et tous les autres.

Votre soutien, massif et franc, nous touche infiniment et nous invite à travailler toujours mieux avec vous, pour vous, pour nous tous et pour la défense des libertés fondamentales. Le conseil d'orientation stratégique et l'équipe opérationnelle de La Quadrature du Net se sentent d'autant plus redevables, après ce soutien spectaculaire, d'encore plus d'énergie, d'inventivité, de rigueur, d'accompagnement et d'entraînement des citoyens, de transparence, de communication envers vous tous.

Nous espérons être à la hauteur de ce que vous attendez de nous, et nous avancerons, plus que jamais, avec vous.


Blocage judiciaire de The Pirate Bay : un aveu d'impuissance et une fuite en avant

vendredi 5 décembre 2014 à 16:02

Paris, le 5 décembre 2014 — Le Tribunal de Grande Instance de Paris a ordonné hier à la demande de la SCPP le blocage du site The Pirate Bay, ainsi que de ses principaux sites miroirs. La France rejoint ainsi plusieurs pays ayant déjà opté pour cette « solution » du blocage judiciaire. Mais le recours à une telle mesure, aisément contournable, traduit avant tout un aveu d'impuissance et l'absurde acharnement à ne pas explorer les voies d'une reconnaissance du partage sur Internet.

Le fait même que les producteurs musicaux se soient tournés vers la justice pour ordonner le blocage de The Pirate Bay signe d'abord l'échec du dispositif de riposte graduée mis en place avec la loi Hadopi. En effet, à la différence de la galaxie Allo Streaming, dont le blocage avait été prononcé par la justice en novembre 2013, The Pirate Bay fait bien partie des sites recourant au protocole BitTorrent dont les utilisateurs peuvent être avertis dans le cadre de la riposte graduée. Chaque nouvelle approche de répression du partage dévie les usages vers des dispositifs moins intéressants culturellement et plus nuisibles aux revenus des créateurs. La répression du pair à pair les a poussé vers le streaming et le téléchargement centralisé, contre lesquels les ayants droit vont bientôt demander de nouvelles mesures de blocage.

Ironiquement, le blocage de The Pirate Bay se révélera également inefficace. Le jugement dresse en effet une liste fermée (et déjà incomplète...) de sites de redirection, de sites miroirs et de proxies que les principaux FAI français devront bloquer. Mais il sera aisé pour les internautes d'utiliser des outils comme les VPN pour contourner ces mesures, ou pour The Pirate Bay d'ouvrir de nouveaux sites miroirs. The Pirate Bay est rompu à ce jeu du chat et de la souris qui dure depuis des années avec les juridictions nationales et aucune mesure de blocage ne s'est jamais avérée efficace contre lui. C'est d'ailleurs ce qui avait conduit la justice néerlandaise à prononcer le levé des mesures de blocage au bout de deux ans, face au constat de leur inutilité.

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Néanmoins, le jugement comporte plusieurs points inquiétants, déjà présents dans la première mesure de blocage judiciaire prononcée à l'encontre d'Allo Streaming. On relèvera notamment la légèreté avec laquelle le tribunal a considéré The Pirate Bay comme un site globalement contrefaisant, alors que celui-ci sert aussi à l'échange licite d'œuvres, notamment placées sous licence libre et plus encore, rend accessibles de grandes masses de contenus indisponibles dans les circuits commerciaux. Par ailleurs, suivant la récente jurisprudence UPC Telekabel de la Cour de Justice de l'Union Européenne, le TGI de Paris laisse à l'appréciation des FAI les mesures de blocage à mettre en œuvre. Ce flou introduit le risque de mesures disproportionnées menant à des situations de surblocage qu'il sera difficile de contester. Enfin, si le tribunal n'impose pas la mise en place d'une automatisation du blocage des sites miroirs, il laisse comme dans le jugement Allo Streaming une marge de manœuvre pour que les ayants droit et les FAI puissent collaborer en dehors du tribunal pour gérer ces réapparitions. Une telle mesure fait craindre un glissement vers une censure privée exercée au nom du droit d'auteur, dont les titulaires de droits réclament l'instauration depuis longtemps.

Ni la riposte graduée, ni ce type de blocage judiciaire ne peuvent avoir de prise réelle sur les pratiques de partage des œuvres en ligne qui ont toujours un temps d'avance technologique sur la répression. De nouveaux dispositifs comme Popcorn Time par exemple, mêlant protocole BitTorrent et streaming, seront peu ou pas affectés par ces mesures de blocage, tout comme ils sont passés en dehors du radar de la Hadopi par la mise à disposition gratuite d'un VPN à leurs usagers.

Le système répressif est donc conduit à une fuite en avant, que l'on voit déjà se dessiner dans les propositions du rapport Imbert-Quaretta concernant la lutte contre la contrefaçon commerciale et qui risquent d'être reprises dans la future loi sur la création. Elles consistent à instaurer toujours plus de pressions sur les intermédiaires techniques, ainsi qu'à contourner au maximum le juge judiciaire.

Pour sortir de cette spirale d'échec, seule une légalisation du partage des œuvres, limitée aux échanges non marchands entre individus, permettra d'instaurer les bases d'un nouvel équilibre. C'est aussi un préalable pour envisager de nouvelles pistes de financement pour les créateurs, sous la forme notamment d'une contribution créative.

« Le blocage de The Pirate Bay en France n'est qu'une nouvelle étape dans la spirale d'échec où la politique de répression du partage s'enfonce depuis des années. Les limites du jugement condamnent cette mesure à l'inefficacité, ce qui montrera que seule la voie de la légalisation maîtrisée peut constituer une alternative crédible pour les politiques culturelles à l'heure du numérique », déclare Lionel Maurel, membre du Conseil d'Orientation Stratégique de La Quadrature du Net.