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source: La Quadrature du Net

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Droit à l'oubli : ne pas oublier l'État de droit !

jeudi 10 juillet 2014 à 16:07

Paris, 10 juillet 2014 — Aujourd'hui, le DAPIX, groupe de travail du Conseil de l'Union Européenne en charge du règlement relatif à la protection des données personnelles, s'est penché sur l'article 17 de ce règlement, dit « droit à l'oubli numérique et à l'effacement ». Dans ce cadre, le législateur européen doit impérativement prendre en compte les atteintes à la liberté d'expression auxquelles le droit existant a déjà donné lieu et doit assurer aux citoyens des procédures garantissant efficacement sa protection.

Les travaux du DAPIX – qui ne sont pas accessibles au public – font suite à l'arrêt du 13 mai 2014 rendu par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans une affaire opposant l'Agence espagnole de protection des données (AEDP) à Google. Cet arrêt établit de manière claire qu'un moteur de recherche est un responsable de traitement de données personnelles, tenu de faire droit aux demandes d'opposition et d'effacement des titulaires des données qu'il traite, lorsque les conditions posées par la directive 95/46/CE sont réunies.

Si la décision de la Cour affirme à juste titre la nécessité d'une garantie étendue du droit à la protection des données personnelles, elle n'approfondit guère le point crucial de la mise en balance de la protection des données personnelles avec celle de la liberté d'expression et d'information. De fait, par son arrêt du 13 mai 2014, la CJUE a confié aux moteurs de recherche la gestion de l'équilibre des droits en cause, alors mêmes qu'ils n'ont ni la compétence, ni la légitimité de se substituer à un juge, ce qui remet en cause les principes les plus fondamentaux de l’État de droit. De ce fait, la décision de la Cour a semblé ignorer les avertissements de l'avocat général quant à la nécessité de préserver la liberté d'accès à l'information. Or, le référencement par le biais de liens hypertextes est un mode d'accès et de partage de l'information protégé par la liberté d'expression.

Cette atteinte aux principes de l'État de droit est d'ailleurs confirmée par la pratique de Google suite à l'arrêt de la CJUE. Google a ainsi réagi à l’arrêt en établissant un formulaire en ligne, permettant à tout internaute de revendiquer son propre droit à l'oubli. Alors que l'entreprise américaine a reçu plus de 70.000 requêtes, (1000 par jour en moyenne), des médias d'envergure tels que The Guardian et la BBC se sont vus notifier le désindexation de certains de leurs articles la semaine dernière. Le cas de la BBC est particulièrement intéressant car il concerne M. Stan O'Neal, l'ancien directeur de la banque d'investissement Merrill Lynch, soupçonné d'avoir fait des investissements imprudents ayant provoqué l'écroulement du géant de la finance. Or, il s'est avéré que la requête ne vienne pas de M. O'Neal, mais d'un lecteur qui revendiquait le déférencement de son commentaire en bas de l'article. Un cas de ce type remet en question l'importance et la responsabilité de l'expression publique et montre les potentielles dérives d'un système mal conçu, qui confère des pouvoirs de censure à un organe privé, alors qu'ils devraient être l'apanage d'une autorité judiciaire.

La jurisprudence de la CJUE montre de manière évidente qu'en l'état, la liberté d'expression est insuffisamment protégée par les dérogations prévues par l'article 9 de la directive 95/46/CE et reprises à l'article 80 de la proposition de la Commission européenne en discussion depuis janvier 2012. En effet, alors que la législation européenne en vigueur prévoit des dérogations aux droits des titulaires de données personnelles aux « fins de journalisme », la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme a rendu plusieurs arrêts montrant à quel point les « fins de journalisme » ne sont pas toujours d'une évidence cristalline. Par exemple, dans l'affaire Von Hannover c. Allemagne, la princesse Caroline de Monaco n'a pas eu gain de cause lorsqu'elle s'opposait à la publication d'une photographie prise pendant des vacances au ski. La Cour n'a pas constaté la violation du droit au respect de la vie privée, non pas parce que Caroline de Monaco était un personnage public, mais parce que les images étaient accompagnées d'un article faisant état de la santé précaire du Prince Rainier, information, elle, considérée d’intérêt général.

L'arrêt de la CJUE et les dérives constatées dans la mise en œuvre du droit à l'oubli montrent que la mise en balance de la protection des données personnelles et de la liberté d'expression mérite la plus grande attention de la part du législateur. Tout d'abord, elles soulignent que les exceptions à la protection des données personnelles prévues pour la liberté d'expression s'avèrent parfaitement insuffisantes. Ensuite, elles montrent à quel point la pondération des droits concernés demande la prise en compte de plusieurs éléments, nécessitant d’être traités dans le cadre d'un procès équitable et qui ne peuvent en aucun cas faire l'objet d'une décision extra-judiciaire et donc arbitraire. Enfin, de manière plus générale, elles posent la question de savoir si la législation sur la protection des données personnelles constitue le bon véhicule pour la mise en œuvre du droit à l'oubli, lorsque les informations visées ont fait l'objet d'une communication au public et relèvent de la liberté d'expression.

« Il n'est pas acceptable que le droit de l'Union laisse place à des formes de censures extra-judiciaires. Seules les règles du procès équitable nous permettront de concilier les droits et intérêts de chacun. De ce fait, l'autorité judiciaire, garante de nos libertés, est la seule capable de trouver un juste équilibre entre vie privée et liberté d'expression. Il est primordial que les citoyens puissent, au plus tôt, faire valoir leurs prétentions devant le juge » déclare Jean Cattan, membre du comité d'orientation stratégique de La Quadrature du Net.

« Afin de réaffirmer un juste équilibre entre le droit à la protection des données et la liberté d'expression, nous appelons tout d'abord le Conseil à créer un droit commun européen non seulement en matière de protection de données, mais aussi en matière de liberté d'expression. Le sujet exige un traitement harmonisé, endiguant les dérives anti-démocratiques qui malheureusement existent déjà dans certains pays de l'Union » déclare Miriam Artino, en charge de l'analyse juridique et politique à La Quadrature du Net.

Terrorisme : le gouvernement Valls veut la censure administrative du Net !

mercredi 9 juillet 2014 à 19:19

Paris, 9 juillet 2014 — Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, a présenté aujourd'hui en Conseil des ministres son projet de loi de lutte contre le terrorisme. Véritable arsenal de mesures de surveillance et de restrictions des libertés, ce texte réintroduit notamment le blocage administratif et sans juge de sites Internet, et propose d'étendre à nouveau l'extra-judiciarisation de la censure des contenus en ligne.

Le projet de loi de lutte contre le terrorisme présenté ce matin en Conseil des ministres par Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, rappelle douloureusement les projets similaires régulièrement présentés alternativement par l'UMP ou le PS.

Une fois encore, un sujet parfaitement légitime – ici la lutte contre le terrorisme – est instrumentalisé pour justifier la restriction de la liberté de communication et la fuite en avant vers la surveillance en France. Cette fois-ci, le gouvernement souhaite non seulement étendre encore les responsabilités des intermédiaires techniques dans la suppression de contenus en ligne encadrée par la Loi pour la Confiance dans l'Économie Numérique (LCEN) (à charge pour eux, acteurs privées, de déterminer ce qui est licite ou non, hors de tout contrôle judiciaire), mais il pousse encore plus loin la volonté de censure extra-judiciaire en remettant en avant les mesures de blocage administratif dans l'article 9 du texte (dans un premier temps article 6).

Comme l'indiquait le parti socialiste avant d'accéder au pouvoir, la censure administrative de sites Internet porte gravement atteinte à nos droits fondamentaux1. Elle banalise des restrictions de liberté sans intervention préalable d'un juge, et donc les mesures d'exceptions. Quant à la mention d'un magistrat chargé d'assurer le soi-disant contrôle de ces mesures, il ne s'agit que d'une parodie de justice dès lors que ce dernier, nommé par le ministère de la Justice et travaillant seul, ne présentera aucune garantie d'indépendance, sera dépourvu de moyens, et agira a posteriori sans aucun pouvoir de suspension des mesures de blocage ordonnées.

Cette mesure de censure administrative, qui reprend celle votée au nom de la lutte contre la pédopornographie en 2011, s'appuie sur les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) pour faire appliquer les blocages de sites. La Quadrature du Net tient à mettre particulièrement en garde les citoyens et le législateur contre les risques de dérives des techniques permettant de tels blocages :

Par l'extension de l'article 6 de la LCEN à l'incitation ou à l'apologie de terrorisme, le projet de loi de Bernard Cazeneuve continue également l'interminable élargissement de la liste des contenus pour lesquels la responsabilité des hébergeurs peut être mise en cause (le troisième en moins d'un an). Comme La Quadrature du Net l'a expliqué à maintes reprises aux parlementaires ces derniers mois, l'état du droit et de la jurisprudence poussera les hébergeurs à censurer largement tous les contenus signalés, là encore sans aucune intervention judiciaire. Cette nouvelle extension des obligations de signalement est proposée alors même que la définition de l'incitation au terrorisme est floue et particulièrement difficile à déterminer, renforçant la nécessité d'une procédure contradictoire et équitable pour s'assurer du respect de la liberté d'expression.

Ces mesures, qui visent à rendre inaccessibles aux internautes français les contenus de ces sites et non à lutter effectivement contre les réseaux terroristes, rappellent celles votées en décembre 2013 avec la loi de programmation militaire. Elles inquiètent par leur caractère attentatoire et disproportionné aux libertés fondamentales, et ce d'autant plus que les contenus violents ou appelant à la violence sont déjà couverts par la LCEN et que des procédures judiciaires d'urgence sont déjà prévues.

« Les mesures proposées pour censurer les sites qui font l'apologie du terrorisme mettent directement en cause la liberté d'expression et le droit au procès équitable, deux composantes essentielles de l'État de droit. La force de notre démocratie est de savoir se défendre sans abdiquer ses principes ni les libertés fondamentales de ses citoyens. Nous appelons donc le gouvernement de Manuel Valls, et particulièrement Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, à renoncer à ces mesures extra-judiciaires et à œuvrer pour que la lutte contre le terrorisme se fasse dans le strict respect de l'État de droit » déclare Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes de La Quadrature du Net.

Le nerf de la paix

vendredi 4 juillet 2014 à 16:09

Tribune de Philippe Aigrain, co-fondateur de La Quadrature du Net, publiée sur son blog le 4 juillet 2014

Il y en a qui disent que le fric c'est le nerf de la guerre, mais ici, je voudrais vous convaincre que dans le cas particulier des dons à La Quadrature du Net (et à des organismes similaires), c'est le nerf de la paix. Allez, vous me connaissez, on va commencer par un détour. Dans le local de La Quadrature du Net (le garage pour les intimes), il y a un bout de papier auto-adhésif sur lequel j'ai gribouillé une liste des devoirs qu'une association comme La Quadrature du Net a selon moi à l'égard du public.

Le troisième point, portant sur qui y décide quoi et comment, affirme un devoir de transparence sur les processus de décision (collégiale au sein du conseil d'orientation stratégique et en pratique aussi avec l'équipe opérationnelle). Ce point affirme : « La Quadrature du Net n'est pas une organisation démocratique, mais collégiale et à l'écoute ». Le caractère collégial n'est pas un vain mot : en 5 ans comme association de fait, et en un an et demi comme association loi de 1901, il n'est pas une décision que nous n'ayons prise à l'unanimité (dans certains cas, une personne concernée par la décision s'abstenait d'y participer). Le devoir d'écoute non plus et il s'exerce aussi bien à l'égard de nos adversaires qu'à l'égard de ceux qui nous soutiennent. Mais c'est une autre partie de mon énoncé qui mérite débat : « La Quadrature du Net n'est pas une organisation démocratique ». Oui, alors que nous agissons chaque jour avec le souci de préserver les biens communs et les capacités de chacun à s'exprimer, créer, collaborer, se coordonner et innover, nous ne pouvons et ne devons pas prétendre être une organisation démocratique. Nous sommes porteurs d'une vision spécifique de l'intérêt général, et pour que nous puissions la porter avec efficacité dans un monde qui la refuse encore, nous avons des processus de décision qui ne mobilisent qu'un petit groupe. Si vous nous soutenez, et nous en avons besoin de façon critique, qu'il s'agisse de participation à nos actions ou de soutien financier, cela signifie que vous considérez, temporairement et non exclusivement, comme utile qu'existent des groupes comme le notre qui rendent publique leur vision et s'engagent à la défendre.

Les deux dernières campagnes de sollicitation de dons en juin-juillet 2013 et en décembre 2013 ont été des succès relatifs. Pourquoi ? Parce que nous avions de puissants alliés : la peur et l'indignation. Peur et indignation des faits révélés par Edward Snowden, et des persécutions dont, après d'autres, il est l'objet. Peur et indignation de l'article 20 de la loi de programmation militaire et d'autres textes manifestant que notre gouvernement ne se préoccupait1 que de légaliser en toute hâte les pratiques a-légales de surveillance qui par malchance pour lui ont été révélées au public et non de retrouver le chemin du respect des droits fondamentaux. Pas de problème : nous pourrions continuer à vous faire peur. Il y a l'inimaginable obstination conjointe de la Commission européenne et des gouvernements à inventer sans cesse de nouvelles façons de tenter d'éradiquer le partage non marchand des œuvres numériques (aujourd'hui en attaquant toute fourniture de moyens à ce partage). Il y a la négociation pour le traité TAFTA/TTIP et sa généralisation de l'arbitrage privé permettant mettre en cause des lois démocratiquement adoptées. Il y a toujours, avec d'importantes exceptions, l'ignorance de la culture et de la socialité numérique réelles de la part de décideurs qui font de chacun de nous des orphelins numériques même quand, comme moi, nous sommes plus âgés que la plupart d'entre eux.

Mais ce coup-ci on a mieux dans les cartons comme nouvelle façon de vous faire peur et surtout j'espère aussi de vous donner envie et espoirs. C'est l'ami Jérémie (tiens, au fait il va de nouveau être par ici, et pas seulement chez La parisienne libérée) qui en a eu l'idée. Et c'est le genre d'idées qu'il faut voler d'urgence. C'est une idée qui va prendre du temps à être comprise (autant donc commencer tout de suite). C'est une question de paix. Parce que ce que nous promet le développement de nos sociétés et du numérique version NSA & compagnies (et celui de ses imitateurs jaloux), c'est une guerre civile planétaire qui débouchera probablement sur des guerres tout court. La guerre civile planétaire résulte du développement conjoint de la suspicion généralisée et de la surveillance généralisée. Oui, chacun de nous est devenu suspect, jusqu'à qu'il ait apporté la preuve jamais complète et toujours provisoire de son innocence. Les raisons d'être soupçonnées varient selon les espaces géopolitiques. Chez nous, c'est genre mauvais consommateur, pirate, inemployable, membre d'une mouvance insurrectionnelle dont les actions relèvent du sit-in numérique, détenteur de mauvais gènes qui vont coûter cher ou de mauvais indicateurs de performance, peu importe finalement la raison. Et c'est là que nous avons un projet de paix. Un peu moins ambitieux que la paix perpétuelle dans les nations, dont l'instrument (la concurrence dans le commerce, aka guerre économique) est aujourd'hui lui même source de dangers guerriers. Ce dont il s'agit c'est de pouvoir construire notre autonomie dans l'espace numérique, notre personnalité dans l'usage que nous en faisons comme dans nos interactions dans l'espace physique. De déposer les armes qu'on nous a forcés à porter les uns contre les autres et de construire les liens de la collaboration, de l'émulation et de la mutualisation entre les individus, les groupes et les sociétés.

On va essayer d'y contribuer, par la promotion inlassable des conditions du développement humain et de la collaboration dans l'espace numérique puisque c'est sur lui que nous agissons2. Mais on est à la limite, la limite de la possibilité de certains de travailler dans les conditions actuelles, la limite du stress parfois. Il y a des dizaines d'autres formes d'action importantes. Soutenez La Quadrature du Net, si vous voulez qu'on puisse continuer à promouvoir le soubassement numérique de leurs activités. Nous avons besoin de passer de 2200 à 4000 donateurs. Si vous êtes déjà donateur, parlez-en à votre grand-mère, à ceux que vous aimez, à vos collègues, aux passants dans la rue.

Rapport Toledano : Faire des fréquences hertziennes le support de nos libertés

jeudi 3 juillet 2014 à 10:21

Paris, 3 juillet 2014 — Faire des fréquences hertziennes un véritable bien commun pour les communications sans fil. C'est le sens des propositions portées par Joëlle Toledano, chargée d'une mission sur l'optimisation de la gestion des fréquences. Le rapport rendu hier par la mission Toledano s'inscrit dans la lignée des positions défendues par La Quadrature du Net depuis 2011 visant à promouvoir un accès ouvert à la ressource hertzienne, notamment dans le but de favoriser le développement d'un Internet citoyen. La balle est désormais dans le camp des pouvoirs publics, qui doivent s'engager à rapidement faire évoluer les politiques en la matière, trop souvent inféodées aux intérêts commerciaux des grands opérateurs télécoms.

À l'issue d'une étude aux dimensions à la fois techniques, juridiques et économiques, la mission dirigée par Mme Toledano soumet huit propositions à l'attention d'Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. En premier lieu, le rapport identifie de nouvelles plages de fréquences susceptibles de faire l'objet d'un accès libre, sur le modèle du Wifi (sans octroi préalable de licence)1, propose d'étendre les fréquences allouées au Wifi2, et enfin d'ouvrir les fréquences allouées à la radiodiffusion mais non utilisées (les « espaces blancs ») à des projets d'expérimentation3. En second lieu, le rapport propose de rénover les politiques en la matière grâce à l'inscription dans la loi d'une incitation à l'ouverture et au partage des fréquences.

Ces propositions constructives vont dans le sens des positions exprimées en 2011 par le Parlement européen, ainsi que des recommandations d'une étude indépendante commanditée par la Commission européenne en 2012. Elles sont de nature à permettre à la France et à l'Europe de commencer à rattraper leur retard en la matière sur les États-Unis, en favorisant l'essor de nombreuses applications sans-fil.

« En se contentant de faire des fréquences hertziennes le pré-carré des opérateurs, les autorités françaises privent les citoyens d'une ressource fondamentale. L'étude réalisée par la mission dirigée par Mme Toledano démontre que gérer une plus grande partie du spectre comme un bien commun ouvert à tous va dans le sens de l'innovation, de la liberté de communication, et donc de l'intérêt général. Les propositions qui y sont faites marqueraient une rupture bienvenue avec les politiques actuelles si elles venaient à être appliquées. Outre les nombreuses PME qui pourront innover grâce à un accès élargi aux fréquences, un spectre plus ouvert facilitera le développement des fournisseurs d'accès associatifs qui déploient des réseaux sans-fil partout en France. À charge désormais pour le gouvernement et l'Arcep de se saisir des propositions qui leur sont faites pour réformer rapidement les politiques publiques dans ce domaine » déclare Jean Cattan, membre du conseil d'orientation stratégique de La Quadrature du Net.

Pour approfondir :

La Commission européenne cherche à faire revenir l'ACTA par la petite porte !

mercredi 2 juillet 2014 à 12:42

Paris, 2 juillet 2014 — Alors que l'actuelle Commission vit ses derniers jours suite aux dernières élections européennes, elle vient de publier « un plan d'action pour lutter contre les atteintes à la propriété intellectuelle » reprenant plusieurs des concepts figurant dans l'accord ACTA, rejeté en 2012 par le Parlement européen suite à une forte mobilisation citoyenne. Ses propositions pour lutter contre la contrefaçon à « échelle commerciale » s'inspirent également des propositions du rapport Imbert-Quaretta poussées par la France au niveau européen, qui font craindre une implication accrue des intermédiaires techniques dans l'application du droit d'auteur et leur transformation progressive en une police privée du copyright.

En reprenant comme objectif, la lutte contre la contrefaçon « à échelle commerciale », la Commission a choisi de réactiver l'un des pires mécanismes figurant dans l'accord anti-contrefaçon ACTA. Cette expression aux contours flous est en effet susceptible d'englober des activités non-commerciales de partage en ligne et elle introduit une insécurité juridique qui avait été au cœur de la mobilisation citoyenne contre ce texte, jusqu'à son rejet final par les représentants élus du Parlement.

Les mêmes commissaires qui avaient porté l'ACTA, Karel de Gucht et Michel Barnier, semblent envisager cette fois de mettre en œuvre cette lutte contre la contrefaçon « à échelle commerciale » en contournant le Parlement européen. Leur plan envisage en effet de passer par des « mesures non-législatives », impliquant la signature de simples accords entre les représentants des industries culturelles et des intermédiaires techniques, comme les régies publicitaires et les services de paiements en ligne.

Ces dispositions sont directement inspirées des recommandations issues du rapport Lescure de mai 2013 et du rapport Imbert-Quaretta publié récemment en France, que La Quadrature a déjà dénoncé comme susceptible d'entraîner une dérive vers une application extra-judiciaire du droit d'auteur, transformant ces intermédiaires en une police privée du droit d'auteur. La Commission souhaite qu'un tel système soit généralisé au sein de l'Union européenne par le biais de « Memoranda of Understanding » encadrant des ententes contractuelles négociées entre acteurs privés.

La Commission propose également de renforcer la protection de la propriété intellectuelle au niveau international dans le cadre de négociations multilatérales. De tels propos font craindre qu'à nouveau comme avec l'accord ACTA, ou comme pressenti pour les accords CETA et TAFTA, les questions de « propriété intellectuelle » soient traitées de manière opaque dans le cadre d'accords commerciaux, laissant une marge de manœuvre minime aux parlements élus.

Ces annonces sont d'autant plus choquantes que la Commission a lancé fin 2013 une consultation publique sur l'évolution du droit d'auteur dans l'Union européenne. Un nombre sans précédent de réponses a montré l'intérêt que les citoyens européens portent à cette question. Au mépris de la société civile, la Commission a préféré publier son plan de lutte contre la contrefaçon avant le Livre blanc qu'elle s'était engagée à préparer suite à la consultation. Des fuites concernant ce Livre blanc ont de toutes façons déjà montré que la Commission n'envisage que des réformes cosmétiques, tout en recommandant un surcroît de mesures extra-judiciaires.

La Quadrature du Net dénonce ces agissements de la part d'une Commission déjà largement discréditée par son soutien à l'ACTA et qui n'aura su tirer aucune leçon du camouflet qui lui a été infligé en 2012 par le Parlement. La future Commission doit rejeter cette approche répressive et anti-démocratique pour mettre enfin à l'étude une réforme positive du droit d'auteur.

« La Commission européenne paraît penser que les citoyens européens dont la mobilisation a entraîné le rejet de l'accord ACTA n'ont aucune mémoire. Elle va jusqu'à employer les mêmes termes qui figuraient dans l'accord. Mais les mêmes causes produisent les mêmes effets, et la société civile européenne rejettera à nouveau cette vision dangereuse de l'application du droit d'auteur » déclare Lionel Maurel, cofondateur de l'association La Quadrature du Net.