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Pour une véritable politique numérique, arrêtons de mimer l'environnement physique !

jeudi 25 juillet 2013 à 09:51

Paris, le 25 juillet 2013 — Le Ministère de la Culture a créé une commission au sein du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) pour se pencher sur la question de la revente de fichiers numériques d’occasion. L’ouverture de ces travaux répond aux inquiétudes des titulaires de droits face à la multiplication des services d’occasion numérique qui menaceraient le marché primaire des œuvres. En réalité, aborder la question sous cet angle revient une nouvelle fois à plaquer les anciens schémas de l’environnement physique sur les pratiques numériques. Derrière le faux problème de la revente d’occasion, c’est à nouveau la question du droit au partage qui est posée et que le Ministère de la Culture refuse de prendre en compte.

Derrière l'occasion numérique, la question de l'épuisement des droits

Plusieurs intermédiaires ont commencé à proposer des formules permettant au propriétaire d’un fichier numérique de le revendre à un tiers, en « garantissant » que sa copie soit effacée de son ordinateur à l’occasion de la transaction1.

La revente du support physique d'une œuvre est possible légalement, sur la base du fondement de la doctrine de la première vente aux États-Unis (First Sale Doctrine [en]) et de l’épuisement des droits en Europe. Ces mécanismes encadrant le champ d’application du droit d’auteur dans le monde physique sont fondamentaux pour les pratiques culturelles, car ce sont eux qui permettent également le don et l’échange de supports (livres papiers, CD, DVD, etc) entre particuliers. Mais vouloir les décalquer à l'identique dans la sphère numérique, en exigeant la suppression des fichiers cédés, manifeste une profonde incompréhension du caractère non-rival des copies numériques.

Un faux problème

Les titulaires de droits ont réagi à ces nouveaux services de revente en les traînant devant les tribunaux, où ils ont obtenu pour l’instant gain de cause2, sauf en matière de logiciels, où la CJUE a considéré que l’épuisement des droits était applicable3.

Mais, en réalité, la revente de fichiers numériques constitue un non-problème, dans la mesure où cette pratique n’a tout simplement pas de sens dans l’environnement numérique. Au lieu de revendre un fichier et de le transférer à un tiers, il devrait être toujours possible à son détenteur de le copier et de le partager en ligne sans but de profit. Dans l’hypothèse où le partage non-marchand entre individus serait reconnu comme un droit, les titulaires de droits n’auraient en réalité plus rien à craindre de ces services de revente, puisque le partage assurerait la diffusion des œuvres.

Comme c’est le cas également avec les plateformes centralisées payantes, type feu MegaUpload et tous ses successeurs, on se rend compte à nouveau que le meilleur moyen pour les titulaires de droits d’éviter la concurrence de services marchands captant la valeur consiste à accepter la légalisation du partage.

Sortir du paradigme de la rareté

Admettre la revente d’occasion de fichiers conduit en réalité à des aberrations et à des successions de dérives potentielles. En effet, à défaut d’être possible sur la base de l’épuisement des droits, la revente s’effectuera sur une base contractuelle par l’entremise de systèmes de DRM qui continueront à bafouer les droits élémentaires des individus sur les contenus culturels. Par ailleurs, de gros acteurs du numérique, comme Amazon ou Apple, sont en train de se positionner sur le créneau de la revente d’occasion de fichiers, par le biais de solutions brevetées qui leur permettront de renforcer encore davantage leurs stratégies d’intégration verticale.

La revente d’occasion n’est pas seule à « mimer » ainsi l’environnement physique pour recréer artificiellement de la rareté dans l’environnement numérique. On retrouve la même logique avec les formules de « prêts » de fichiers que proposent des opérateurs comme Amazon pour les livres numériques ou Steam pour les jeux vidéo. Des fichiers achetés par des utilisateurs peuvent être transmis à des « amis » pour un temps donné, durant lequel ils sont indisponibles pour l’acquéreur initial. Les bibliothèques publiques se voient aussi proposer des formules de « prêt numérique », impliquant l’usage de DRM chronodégradables, notamment pour la mise à disposition de livres numériques à leurs usagers. Le Ministère de la Culture a d’ailleurs mis à l’étude un memorandum au niveau du Service du Livre et de la Lecture pour envisager le déploiement à grande échelle de cette solution en France.

Pour une extension de l'épuisement des droits aux échanges non-marchands

Les citoyens ne doivent pas s’y tromper : tous ces dispositifs constituent une régression de leurs droits fondamentaux et non de nouvelles facultés positives. La seule solution qui permette réellement de dépasser ces faux-semblants est la légalisation du partage non-marchand. Occasion ou prêt numériques ne sont que des façons de nier l’existence d’une sphère non-marchande de la Culture sur Internet.

Pour consacrer ces pratiques légitimes et tirer toutes les conclusions de la révolution numérique, La Quadrature du Net propose au contraire d’étendre le mécanisme de l’épuisement des droits aux échanges non-marchands entre individus. C’est la conséquence logique du passage à un univers d’abondance où la copie ne peut être contrôlée sans déployer des moyens de répression inacceptables. C'est également le moyen d'assurer une coexistence et une synergie entre les activités commerciales et la sphère non marchande.

Penser des politiques publiques adaptées à l'environnement numérique

Cela ne signifie pas pour autant renoncer au financement de la création. L’épuisement des droits permet au contraire d’envisager la mise en place de solutions innovantes, comme la contribution créative. Si le partage repose sur l’épuisement des droits, ces financements mutualisés n’ont plus à fonctionner selon les schémas du droit d’auteur, dans lesquels l’usage est vu comme un préjudice. Ce serait l’occasion de construire un volet de financement plus équitable pour les créateurs, y compris les praticiens en devenir qui foisonnent sur Internet.

Le Ministère de la Culture a fait un premier pas positif en acceptant d’aborder la question des « pratiques tranformatives » (mashup, remix). Il doit à présent faire de même pour le partage non-marchand.

« En se focalisant sur la revente d’occasion de fichiers, le Ministère de la Culture continue à raisonner selon des schémas anciens, alors que la vraie question réside dans la reconnaissance du partage non-marchand entre individus, sur la base de l’épuisement des droits », déclare Philippe Aigrain, co-fondateur de La Quadrature du Net.

« Les politiques culturelles doivent prendre en compte les spécificités du numérique, ce qui implique de regarder en face les paramètres de l’économie de l’abondance et oblige à prendre en compte de nouveaux droits fondamentaux vis-à-vis de la Culture », déclare Lionel Maurel, membre fondateur de l'association La Quadrature du Net.

[VIDEO] What Is Privacy? …

lundi 15 juillet 2013 à 16:53

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Neutralité du Net : Kroes dupera-t-elle les citoyens (en cédant aux telcos) ?

lundi 15 juillet 2013 à 16:12

Paris, 12 Juillet 2013 — La fuite d'un projet de règlement européen montre que la Commission européenne s'apprête à mettre à mort l'Internet libre et ouvert. Sous couvert de protéger la neutralité du Net, la Commission veut donner le champ libre aux opérateurs télécoms pour qu'ils mettent en place des modèles économiques qui détruiraient irrémédiablement la neutralité du Net. Depuis des années, la commissaire Neelie Kroes est alignée avec les grands opérateurs sur cette question fondamentale, mais avec ce projet, elle franchirait une ligne rouge et trahirait les citoyens.

L'association EDRi, basée à Bruxelles, a divulgué le texte du projet de règlement du marché unique des télécoms préparé par la Commission européenne. Comme l'avait récemment annoncé la commissaire Neelie Kroes, le projet - qui devrait officiellement être présenté en septembre - contient une disposition censée protéger la neutralité du Net (Article 20). Pourtant, au prétexte de garantir ce principe fondamental, la Commission souhaite au contraire permettre aux opérateurs télécoms de discriminer nos communications sur Internet, et donc de mettre fin à l'Internet libre et ouvert. Neelie Kroes

Après avoir affirmé le principe de la neutralité du Net1, le projet de règlement le vide de son sens en disant que « dans le but de poursuivre les libertés suscitées (sic) » les opérateurs télécoms seront libres d'imposer des limitations sur les volumes de données échangées ("data caps") (un non-sens du point de vue économique)2 et passer des accords commerciaux afin d'offrir des conditions de trafic privilégiées aux grands services en ligne (au hasard, Google ou Facebook).3

Ce dernier point est absolument contraire à la définition de la neutralité du Net, selon laquelle toutes les données doivent être traitées de manière non-discriminatoire par les opérateurs, quelles que soient la source des données, leur destinataire, ou l'application concernée. Cette disposition mettrait irrémédiablement en cause l'innovation en ligne, ainsi que l'universalité de la plate-forme de communications qu'est Internet. Le texte divulgué comprend également plusieurs autres exceptions au principe de neutralité4 qui pourraient contribuer à le rendre totalement inopérant.

Enfin, Neelie Kroes souhaite empêcher les autorités nationales de protéger la liberté d'expression en ligne et l'innovation en leur interdisant d'introduire de réelles protections de la neutralité du Net5, comme les Pays-Bas et la Slovénie l'ont déjà fait en 2012. Elle donnerait ainsi aux opérateurs télécoms un véritable « bouclier » européen pour les abriter de mesures contre lesquelles ils ont intensivement bataillé ces dernières années

« Nous savons désormais ce que Neelie Kroes sous-entendait lorsqu'elle disait que sa proposition ne correspondrait pas à "tout ce dont vous avez rêvé" ; elle entendait ainsi dire que ses propositions rendraient les citoyens furieux, et raviraient les lobbies des télécoms. Neelie Kroes semble se préparer à trahir les citoyens qui, depuis quatre ans, n'ont eu cesse de demander une législation européenne sur la neutralité du Net, afin de sanctuariser ce principe fondateur de l'architecture d'Internet. La Commission doit urgemment réviser sa proposition ; les citoyens et organisations de la société civile doivent se tenir prêts pour l'une des plus importantes batailles pour la protection d'un Internet libre, ouvert, et exempt de pratiques discriminatoires favorisant les grandes entreprises au détriment du plus grand nombre », a déclaré Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net.

Hadopi, la page n'est pas tournée !

mardi 9 juillet 2013 à 11:07

Paris, 9 juillet 2013 — Contrairement à ce qu'annonce la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, la « page » de l'opposition artificielle entre les auteurs, les artistes et leur public n'est pas « tournée » en supprimant simplement la sanction de coupure d'accès au Net de la Hadopi. Il faut maintenant réformer le droit d'auteur en profondeur pour reconnaître nos droits culturels.

« Il ne s'agit là que d'un effet d'annonce. La page ne sera définitivement tournée que lorsque tout le dispositif de la Hadopi (riposte graduée, délit de négligence caractérisée, ordonnances pénales) sera définitivement abrogé, et que les droits culturels du public à partager la culture seront effectivement reconnus par la loi. Il est urgent de mettre en œuvre une réforme profonde du droit d'auteur, dans lequel le partage non-marchand, entre autres pratiques répandues permises par le numérique tel que le remix, serait légalisé. Le changement d'ère, ça n'est pas encore pour maintenant… » conclut Jérémie Zimmermann, porte-parole de l'organisation citoyenne La Quadrature du Net.

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Les négociations transatlantiques nuiront inévitablement aux libertés en ligne

lundi 8 juillet 2013 à 16:08

Paris, 8 juillet 2013 — Aujourd'hui commence à Washington DC le premier round des négociations de l'accord commercial transatlantique, TAFTA (Trans-Atlantic Free Trade Agreement, aussi connu sous le nom de TTIP1), alors que demeure la question de la légitimité de négocier un tel texte sous la surveillance du gouvernement américain. La Quadrature du Net publie un document fuité [pdf] [text] (en) montrant que l'UE se prépare déjà à s'attaquer aux libertés des citoyens sur Internet, faisant de TAFTA un « super-ACTA ». La Quadrature appelle les citoyens à se mobiliser et les négociateurs à rendre public tout texte en leur possession concernant TAFTA.

Karel De Gucht
Karel De Gucht

Du 8 au 11 juillet, des négociateurs américains et européens (représentés par la Commission européenne) se réuniront à Washington pour le premier round de négociations de TAFTA, l'accord commercial transatlantique. Ces discussions visent probablement à déterminer le périmètre de l'accord commercial. Parmi les « barrières non tarifaires » et les « questions réglementaires » qui feront partie des sujets déjà annoncés, l'accord pourrait concerner l'accès aux médicaments, la sécurité alimentaire, le règlement des litiges investisseurs/États, la finance, le droit d'auteur, les brevets, etc. Il est hautement contestable que ces sujets, critiques pour l'organisation de nos sociétés et déterminants pour nos vies quotidiennes, puissent être abordés de manière plus satisfaisante lors de négociations opaques menées par des fonctionnaires non élus, plutôt que lors d'un débat démocratique au Parlement.

La Quadrature du Net publie un document provenant de négociateurs européens [pdf] [text] (en) de TAFTA, relatif à Internet. De façon alarmante, ce document montre leur intention de négocier des règles pouvant avoir un profond impact sur Internet, parmi lesquelles :

Il ne s'agit là que d'exemples nous montrant combien les dispositions négociées au sein de TAFTA pourraient être cruciales, chacune d'elles portant des risques majeurs pour nos libertés en ligne. Les négociateurs de l'UE pourraient non seulement affaiblir la protection de nos libertés et de la libre concurrence, mais aussi faire en sorte que de mauvaises dispositions législatives existantes ne puissent plus jamais être révoquées, leur ayant donné valeur d'« étalon-or ». L'expérience d'ACTA nous a démontré que les industries peuvent avoir une influence considérable (sinon totale) sur le contenu d'un tel accord, et que l'on peut difficilement faire confiance aux négociateurs de la Commission européenne pour défendre l'intérêt général, comme l'a démontré leur chef, le commissaire De Gucht, en mentant ouvertement aux citoyens et parlementaires européens.

La Quadrature du Net appelle tous les citoyens à se mobiliser et à exiger la publication de tous les documents sur TAFTA proposés ou négociés derrière des portes closes. L'organisation citoyenne lance également un appel solennel à tous les fonctionnaires impliqués dans la négociation (environ 80 personnes) : « Honorez les valeurs démocratiques et de justice en faisant fuiter les documents de TAFTA, et contribuez ainsi à favoriser la transparence et le débat public sur ces sujets cruciaux ! »

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