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Réforme du droit d'auteur : la Commission européenne pouvait-elle faire pire ?

vendredi 2 septembre 2016 à 12:34

Paris, le 2 septembre 2016 —  Une étude d'impact et un projet de directive européenne ont fuité ces jours derniers, qui révèlent les intentions de la Commission européenne en matière de révision du droit d'auteur. Après des années de tergiversations, la Commission reste enfermée dans une conception du droit d'auteur centrée sur la défense des industries culturelles. Ses propositions sont toujours largement décalées par rapport aux besoins d'adaptation aux pratiques numériques et elles recèlent même plusieurs menaces préoccupantes.

copyright

Quatre années ont passé depuis le rejet de l'accord ACTA suite à un vote historique du Parlement européen, mais les projets de réforme de la Commission restent invariablement centrés sur une vision dépassée du droit d'auteur, ignorante des attentes exprimées à plusieurs reprises par des centaines de milliers d'européens. Les documents qui ont fuité ces dernières semaines ressemblent encore une fois à un catalogue de mesures poussées par le lobby des industries culturelles.

La proposition la plus caricaturale est celle de créer un nouveau droit voisin au profit des éditeurs de presse, censé leur permettre d'obtenir une meilleure position face aux moteurs de recherche et autres agrégateurs de nouvelles. Cette approche a déjà été tentée en Allemagne et en Espagne, avec des résultats désastreux, mais la Commission persiste dans cette voie et va même encore plus loin avec un droit d'une durée de 20 ans, applicable au-delà des seuls moteurs de recherche, avec des interférences probables sur la liberté de faire des liens hypertexte.

Une même logique délétère est à l'œuvre en ce qui concerne le « partage de la valeur » entre les ayants droit et les grandes plateformes. La Commission n'est pas allée jusqu'à remettre directement en cause le régime de responsabilité des hébergeurs prévu par la directive eCommerce de 2000, vieille obsession des ayants droit. Mais elle prévoit que les plateformes susceptibles de diffuser des contenus sous droits postés par leurs utilisateurs devront chercher à conclure des accords avec les titulaires de droits pour améliorer la rémunération et mettre en place des systèmes pour éviter les infractions. Or ce faisant, la Commission pousse à la généralisation de solutions de filtrage automatisé des contenus, telles qu'on peut déjà les voir à l'œuvre sur Youtube ou Facebook. Ces accords, qui resteront nécessairement opaques, achèveront de transformer ces intermédiaires en une « police privée du droit d'auteur », comme la Quadrature du Net le dénonce depuis des années.

La Commission a néanmoins laissé sur sa feuille de route quelques exceptions au droit d'auteur, qu'elle entend rendre obligatoires pour les États membres. Ces dispositions concernent la copie pour conservation dans les institutions patrimoniales, la fouille de textes et de données (Text and Data Mining) ou l'usage de contenus à des fins pédagogique et de recherche, y compris sur Internet. On peut se réjouir de voir la Commission s'emparer enfin de ces questions, qui ont fait l'objet d'une campagne de dénigrement sans précédent de la part des ayants droit. Mais même sur ces sujets, les propositions de la Commission restent très largement en-deça des attentes des utilisateurs. Pour l'exception pédagogique, elle prévoit par exemple une clause que les États pourront faire jouer pour faire prévaloir des licences sur la loi, ce qui équivaudrait à une régression pour un pays comme la France.

Mais surtout, ces maigres éléments « positifs » sont très inférieurs aux propositions du Rapport Reda, lui-même déjà fruit de nombreux compromis. La liberté de panorama, soutenue par un demi-million d'européens, est ainsi évacuée et renvoyée au bon vouloir des États-membres. Rien n'a été retenu sur le prêt de livres numériques en bibliothèque, alors que le Parlement européen avait invité la Commission à se saisir de cette question. Et ne parlons même pas des vraies questions posées par le numérique pour la création : le partage des œuvres, les usages transformatifs (citation audiovisuelle, remix, mashup, fanart, etc), toujours obstinément ignorés par la Commission, alors qu'ils constituent la réalité des pratiques culturelles de millions d'européens.

Que les auteurs ne s'y trompent pas : ces orientations ne sont pas destinées à améliorer leur condition. Les seules mesures en faveur de la rémunération des auteurs figurant dans le projet de directive demeurent vagues et peu contraignantes pour les producteurs et éditeurs. Pire, en ouvrant la boîte de Pandore d'un droit voisin pour les éditeurs, la Commission introduit un risque majeur de fragilisation des auteurs. Pour contrer la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne, elle va même jusqu'à prévoir un partage complètement illégitime de la rémunération des exceptions entre auteurs et éditeurs !

La Quadrature du Net s'opposera aux dérives figurant dans ces propositions, au nom de la défense des libertés dans l'environnement numérique. Elle mettra en parallèle l'accent sur un travail de fond, conduit directement avec les auteurs et les créateurs pour les aider à mieux faire valoir leurs droits, à expérimenter de nouveaux modèles de diffusion de leurs œuvres et de nouvelles pistes pour un financement durable de la création.

Si vous êtes le produit, ce n'est pas gratuit

mercredi 17 août 2016 à 12:16

Paris, 17 août 2016 — La Quadrature du Net publie ici une tribune de Laurent Chemla, membre du Conseil d'orientation stratégique de La Quadrature du Net.

Le sempiternel « si c'est gratuit vous êtes le produit » est devenu si commun désormais que c'en est devenu un mantra. Une idée toute faite. Ce qui devrait toujours inciter à la méfiance.

À raison dans ce cas, parce que c'est tout simplement faux.

Même si la phrase est jolie et pratique pour convaincre sans débattre, comme tout slogan sorti de l'esprit d'un bon communicant, elle est fausse.

Si c'est gratuit, c'est sans contrepartie.

C'est la définition de la gratuité.

Vous n'êtes pas le « produit » de l'amour de vos proches, de la gentillesse d'un inconnu ou, pour rester sur le terrain du numérique, vous n'êtes le « produit » ni de Wikipédia, ni du logiciel libre, ni des (à la louche) centaines de milliers de blogs publiés sur des sites sans publicité.

Si vous êtes le produit, alors ce n'est pas gratuit.

Ce n'est pas forcément vous qui payez, en tous cas pas consciemment, mais votre utilisation du service n'est pas sans contrepartie : vous acceptez l'utilisation de vos données personnelles, vous acceptez des contrats d'utilisation léonins qui font de vous une main d’œuvre sans droit ni titre, vous acceptez d'être pistés, tracés, traqués pour que le client final (généralement une régie publicitaire) sache tout de vous pour mieux vous cibler.

Rien de tout ça n'est gratuit, et au final c'est toujours le consommateur (donc vous, et ce d'autant plus que vous êtes bien ciblé) qui paie la publicité. Il est sans doute utile de le rappeler.

La guéguerre Facebook/AdBlock+

Dans une conférence d'il y a longtemps, j'expliquais que Facebook était le plus grand voleur que je connaisse1. Pour résumer : Facebook publie vos contenus (sans vous payer) pour attirer du public vers les écrans de publicité qu'il vend. Il revend (sans les payer) vos données personnelles à ses clients (les régies publicitaires) pour qu'elles puissent mieux vous cibler. Puis il vous propose – à vous – de payer pour que vos contenus soient plus visibles que les autres (et donc pour attirer plus de visiteurs vers les écrans de pub de ses clients), avant finalement de vous proposer d'acheter ses actions pour espérer enfin toucher une part du fric que votre travail rapporte.

Et vous en redemandez.

Du pur génie.

Évidemment, Facebook n'est pas le seul à baser son modèle économique sur ce système du « pas gratuit mais qu'on dirait que si ».

L'actualité dans ce domaine, si vous l'avez loupée, c'est que Facebook est entré en guerre contre les ad-blockers. En utilisant des bidouilles techniques, Facebook fait en sorte de rendre « invisibles » aux ad-blockers les publicités de ses clients (vous, vous les voyez toujours, rassurez-vous), qui du coup passent au travers des murs que ces petits outils si pratiques avaient érigés.

Soyons clairs : je n'aime pas la publicité (qui aime ça ?), mais c'est une activité économique légitime.

Winner takes it all

Comme toute activité économique, elle tend à remplir tout l'espace qui lui est disponible. L'espace numérique étant infini et la régulation de cette activité économique particulière inexistante, autant dire qu'elle est devenue envahissante au point d'avoir suscité l'émergence des dits ad-blockers. C'est la vie.

Ce n'est d'ailleurs qu'un épiphénomène : le modèle économique « publicité contre fausse gratuité » est devenu tel qu'il remet en cause un tas de libertés fondamentales, si galvaudées de nos jours, comme la liberté d'expression (il faut que l'espace publicitaire reste assez propre pour attirer les annonceurs, cachez ce sein qu'ils ne sauraient voir), ou comme la vie privée (les publicitaires vont là où l'audience est la plus grande, donc les plus grands gagnent beaucoup plus de fric que les autres, donc deviennent encore plus grands, et finalement assez pour disposer d'informations sur tout un chacun qu'ils peuvent vendre au plus offrant ou offrir aux agences des gouvernements qui, oh bah ça alors, ne régulent pas leurs activités). Je simplifie, je sais.

Et je dérive. Pardon.

Bref. Donc le débat est de nouveau sur « ces méchants ad-blockers qui empêchent nos pauvres services de vivre de la publicité alors que vous les vilains utilisateurs refusez de payer autrement donc c'est trop injuste bouhouhou vive Facebook ».

C'est l'argument que vous lirez bientôt dans tous les journaux « gratuits » qui traiteront de ce sujet.

Je m'inscris en faux, bien entendu. Et je vous pose une seule question, simple : est-ce que TF1 risque de disparaître si vous allez pisser pendant la pub ?

Voilà.

Nous sommes pour ceux qui rêvent d'une banque

Financer un service par la publicité, c'est une chose. Mauvaise, mais acceptable. Plein de bonnes choses sont financées par la publicité. Par exemple, le salaire des publicitaires. Si c'est un tant soit peu régulé pour, disons, garantir que le « winner » ne puisse pas « take it all », ça peut même être justifié. Après tout personne ne vous force à regarder, et vous pouvez même décider (c'est ce que je fais souvent) de boycotter les marques dont les campagnes vous gonflent.

Sur le Web, utiliser un ad-blocker, c'est exactement comme décider d'aller pisser pendant la pub. Ça ne regarde que vous, et l'annonceur qui sait que son spot ne sera pas vu par une partie de la population. En aucun cas le diffuseur, qui a fait ce pour quoi il a été payé (diffuser le spot).

Le jour (proche, ou déjà là : je ne suis pas au courant des dernières innovations dans ce domaine) où ma télé mettra la pub en pause pendant que j'irai aux chiottes pour la reprendre à mon retour, le jour où elle vérifiera que le son est réglé assez fort pour que j'entende le jingle à la con, et où elle informera l'annonceur de mon degré d'attention, du nombre de personnes assises en face d'elle ou de la couleur du tissu de mon canapé, je la balance aux ordures.

Parce que faire ça, ce n'est pas diffuser de la publicité pour financer un service. C'est m'imposer un contenu que je ne veux pas voir. C'est une atteinte insupportable à ma liberté.

Les services qui vous expliquent que si vous refusez de voir les publicités de leurs clients, alors ils vont crever sont, soit des menteurs, soit des entrepreneurs ayant choisi un mauvais modèle économique (ou de mauvais clients). Vivre de la diffusion de la publicité est possible (la preuve : TF1), voire acceptable.

Vivre de la garantie que la campagne de publicité de ses clients sera affichée, et vue, et rapporter combien l'ont vue, en usant pour ce faire de ce qu'il faut bien appeler de l'espionnage (les cookies tiers, la détection des ad-blockers, la mise en pause d'une vidéo si vous passez à un autre onglet...), ce n'est pas la même chose. Et c'est absolument, définitivement, totalement inacceptable.

Alors cessez de l'accepter. Et allez voir ailleurs. Les contenus passionnants ne manquent pas, sur le Web, qui n'utilisent aucune de ces techniques.

Il en existe même des gratuits.

C'est vous qui choisissez le monde dans lequel vous voulez vivre.

La Quadrature du Net soutient Reporters sans Frontières contre la loi de surveillance allemande

vendredi 12 août 2016 à 12:35

Paris, 12 août 2016 – La Quadrature du Net apporte son soutien à Reporters sans frontières dans son action contre le projet de loi allemand sur la surveillance du BND, qui autoriserait le service de renseignement extérieur allemand à espionner les journalistes étrangers. Ce projet de loi est une atteinte caractérisée à la liberté d'information, et donc à la démocratie et à l'exercice des droits fondamentaux. Les parlementaires allemands doivent refuser de céder, en ce qui concerne la surveillance à l'étranger, sur les valeurs qu'ils défendraient pour les mesures de surveillance nationale. Les droits fondamentaux ne sont pas à géographie variable.

La Quadrature du Net rappelle à cette occasion que les atteintes aux droits des journalistes, si elles sont inacceptables, ne doivent cependant pas laisser tolérer à côté les atteintes massives aux droits fondamentaux de l'ensemble des citoyens qui sont contenues dans les différentes lois relatives à la surveillance votées ces dernières années dans les pays de l'Union européenne, et qui bien trop souvent sont en contradiction avec les principes de la Charte européenne des droits fondamentaux.

De même, les lois portant sur la surveillance à l'étranger doivent alerter sur les conditions d'échanges de renseignement, individuel ou massif, et les accords relatifs au partage ou aux accès aux dispositifs d'interception entre pays européens et avec les pays extra-européens : généralement totalement absentes des lois portant sur la surveillance internationale (en France ou ailleurs), ces dispositions font courir un danger grave de surveillance collatérale dans la plus grande opacité et sans le moindre recours.

Signer la pétition contre l'espionnage des journalistes étrangers en Allemagne

Newsletter #73

lundi 8 août 2016 à 17:20

Salut à toutes et à tous !

Voici la newsletter 73 de La Quadrature du Net !

Sommaire

L'activité de La Quadrature du Net

3.14 Chat : les plateformes

Parlons d'abord des nouvelles formes d'action voulues par La Quadrature du Net. Le mercredi 6 juillet, vous avez peut-être suivi le premier "3.14Chat" : un rendez-vous d'une heure, hébergé par canalchat.fr et diffusé en ligne dans tout le système solaire des internets. Adrienne Charmet, coordinatrice des campagne de La Quadrature, débattait en direct avec Charly Berthet, du Conseil National du Numérique (CNNum), sur la question des plateformes.
C'est-à-dire ? Les plateformes sont ces sites qui agrègent une très grande part de l'activité du web et se posent en intermédiaires entre différents acteurs, pour permettre de la publication de contenus ou proposer des services : typiquement, les GAFAM, ou les derniers venus comme Uber ou Airbnb. Leur statut et leurs pratiques posent des questions importantes, en particulier concernant les enjeux de liberté d'expression, la protection des données personnelles et la centralisation d'Internet. Le CNNum et La Quadrature explorent en détail et sans langue de bois leurs divergences de vues, avec le souci de cerner au mieux les enjeux d'une définition juridique des plateformes, et ce que cela peut entraîner comme conséquences sur les droits fondamentaux.
Les internautes étaient invités à réagir et à poser leurs question sur le chat de La Quadrature, et les deux interlocuteurs répondaient en direct.
Vous avez raté l'émission ? Rien de grave : la problématique du débat est toujours ici, la vidéo disponible là, et bientôt sur notre Médiakit.

Atelier : droit d'auteur

Le samedi 9 juillet, le Garage (c'est le nom du local de La Quadrature, immortalisé par "une célèbre ministre de la Culture"), accueillait les participants au premier atelier public organisé depuis notre réorientation stratégique.
À l'ordre du jour de cette journée de réflexion : le droit d'auteur, état des lieux et actions possibles. Vingt-cinq participants pour un sujet fort et inscrit dans l'histoire de la Quadrature, née dans la contestation de la loi Hadopi. Une journée remarquable, à en juger par la quantité d'idées qui sont nées sous la chaleur de la verrière du Garage. Pour tout savoir, lisez l'excellent compte-rendu de Lionel Maurel, organisateur et animateur de la journée. Dès septembre, les idées initiées lors de cet atelier seront approfondies et organisées afin de devenir des projets portés par La Quadrature, ses bénévoles et bien au-delà, afin de reprendre une action positive et autonome sur les questions de droit d'auteur, de rémunération des créateurs et de protection des utilisateurs.

Compte-rendu de l'atelier droit d'auteur : https://ateliers.laquadrature.net/2016/07/22/synthese-de-latelier-creati...

Terrorisme et surveillance

Le terrorisme et les mesures de surveillance votées en vue de le combattre sont évidemment au centre de l'actualité de La Quadrature du Net.
Depuis des semaines, nous rencontrions à Bruxelles et à Strasbourg les députés européens pour les convaincre de ne pas laisser la commission LIBE (Libertés civiles, justice et affaires intérieures) du Parlement européen adopter tel quel le projet de Directive pour lutter contre le terrorisme.
Le texte a cependant été adopté par la commission LIBE le 4 juillet, et La Quadrature du Net a publié le lendemain sa lecture de ce texte et des problèmes qu'il pose, en particulier la généralisation à l'Europe entière de certaines pratiques inspirées par la France, notamment le blocage de sites Internet « faisant l'apologie du terrorisme » sans contrôle judiciaire.
Le projet de directive adopté par le Parlement est désormais en cours de discussion au sein du trilogue (Parlement, Commission et Conseil de L'Union européenne), de manière totalement opaque et avant d'avoir été voté en séance plénière au Parlement.

L'attentat de Nice le 14 juillet a poussé encore plus loin qu'auparavant les dérives sécuritaires prônées par une classe politique inconsciente et outrancière, qui bien loin de donner l'exemple de la résilience et de la solidité morale dont on aurait besoin, s'est précipitée dans une récupération honteuse des attentats et a aggravé encore la situation déjà inquiétante des droits fondamentaux en France en prolongeant l'état d'urgence pour 6 mois, en rétablissant les perquisitions informatiques et en adjoignant au texte un élargissement des mesures de la loi Renseignement, ouvrant la voie à la surveillance très élargie et en temps réel des données de connexion.
La Quadrature du Net a publié un communiqué dénonçant cette course délétère à toujours plus de surveillance et moins de droits.
Philippe Aigrain, cofondateur et président de l'association, avait écrit un billet le 18 juillet pour mettre en garde, "encore une fois", contre les politiques sécuritaires irréfléchies et leurs conséquences.

À lire :

Surveillance : une victoire des "Exégètes amateurs"

Les Exégètes amateurs, une équipe de juristes rassemblant la Quadrature du Net, FDN et FFDN, attaque en justice certains point de la loi Renseignement promulguée en juillet 2015. L'un des ces recours, une question prioritaire de consitutionnalité, était étudié le 6 juillet lors d'une audience du Conseil d'État : il vise la conformité de l'article L-81165 de la loi Renseignement, qui reprend tel quel un article de loi de 1991, autorisant la surveillance de toutes les communications par voie hertzienne, sans passer par la commission de contrôle (CNCTR) établié par la loi Renseignement.
Problème : les communications qui passent par des téléphones portables, des téléphones sans fil, ou un réseau Wifi, sont toutes des communications hertziennes. C'est-à-dire que la grande majorité de nos communications quotidiennes peut, dans l'interstice de cet article vieux de 25 ans, être l'objet d'une surveillance spécifique par les services de rensignement (ou d'autres services de l'État), sans contrôle judiciaire ni administratif.

Le Conseil d'État a rendu sa décision le 22 juillet : la QPC est transmise au Conseil constitutionnel.
Une victoire pour les Exégètes "amateurs" !

Pour en savoir plus sur cette QPC, rendez-vous sur le site des Exégètes amateurs ou sur notre wiki, et lisez le paragraphe intitulé "Retour surprise devant le Conseil constitutionnel ?".

Neutralité du net

Le BEREC (ou ORECE en français), c'est-à-dire l'organe européen qui rassemble les régulateurs télécom des pays membres, s'est vu confier par la Commission européenne la tâche de rédiger les lignes directrices pour l'application du règlement européen sur la neutralité du Net : un enjeu essentiel aux yeux de La Quadrature du Net.
Les opérateurs télécom pèsent auprès des régulateurs nationaux pour influencer ces négociations. Ils prétendent en particulier que le déploiement de la 5G est menacé par la neutralité du net (qui les empêcherait de favoriser certains services plutôt que d'autres).
Le collectif d'ONG européennes Save The Internet, dont La Quadrature du Net fait partie, s'est constitué pour inviter les internautes européens à faire entendre leurs voix au sujet de la neutralité du Net.
Le 11 juillet, Save the Internet a publié un communiqué à l'intention du BEREC : saluant la participation massive des internautes européens , la coalition appelle les régulateurs à tenir bon face au chantage des opérateurs.
Signatrice du communiqué, La Quadrature du Net l'a publié sur son site.

Nous avons également participé à la consultation organisée par le BEREC, reprenant les points soulevés par la Fédération FDN et insistant sur ce qui nous semble primordial, notamment les dispositions sur le zero-rating et les capacités de défense des utilisateurs. Le communiqué de La Quadrature a été publié le 18 juillet : https://www.laquadrature.net/fr/consultation-orece-reponse-quadrature-ne...

République numérique

Dans une interview publiée par Mediapart le 16 juillet, Axelle Lemaire, secrétaire d'État au numérique, s'en est pris à l'Observatoire des Libertés et du Numérique (OLN), dont La Quadrature du Net est un des piliers.
Son reproche ? Le communiqué de l'OLN regrette que la consultation publique en ligne lancée au moment de l'élaboration de la Loi pour une République numérique ait été peu ou prou inutile, le gouvernement (et donc la secrétaire d'État) ayant rejeté presque tous les amendements proposés par les citoyens (dont ceux de La Quadrature, qui avaient recueilli un très grand nombre de suffrages des internautes).
Pour Axelle Lemaire, les critiques adressées à la loi et à son processus d'élaboration sont injustes : c'est ne pas reconnaître les combats qu'elle a dû mener contre les lobbys et les inerties politiques pour porter sa loi jusqu'à son terme.
Au reproche, La Quadrature a décidé de répondre : parce que les citoyens ont été consultés au sujet d'une loi, ils devraient se taire une fois qu'elle est votée ? La démocratie participative ne peut être brandie pour être ensuite ignorée et servir à refuser toute critique.

Pour reconstituer l'échange de vues, lisez dans l'ordre :

Europe et données personnelles : Privacy Shield et directive ePrivacy

Ce mois de juillet a été intense pour l'avenir de nos données personnelles au niveau européen.

La Commission européenne travaille avec le département du Commerce américain sur l'accord "Privacy Shield", un texte destiné à remplacer le défunt "Safe Harbor", pour encadrer l'utilisation des données personnelles des citoyens européens stockées aux États-Unis.
Malheureusement, l'état actuel du texte ne répare aucune des failles du passé : l'accès aux données personnelles des citoyens européens collectées en masse à des fins de "sécurité nationale" reste possible aux États-Unis, et l'absence de recours pointée par la CJUE lors de l'annulation du Safe Harbor n'est pas réellement corrigée. Un constat dressé par La Quadrature du Net dans un communiqué du 8 juillet où nous appelions au rejet de cet accord.
Le Privacy Shield a été adopté par la Commission européenne le 12 juillet.
Le G29, l'instance qui regroupe l'ensemble des équivalents européens de la CNIL, s'est réuni le 25 juillet, c'est-à-dire après l'adoption du texte. Isabelle Falque-Pierrotin, présidente du G29, a déclaré au sujet de l'accord : « Donnons-lui une chance », en revendiquant un certain pragmatisme. Mais tout en émettant des réserves sur l'indépendance du médiateur ("Ombundsperson") désigné par le Secrétaire d'État américain, et sur le respect réel des accords concernant la surveillance de masse des citoyens européens. Le G29 entend bien être à l'écoute des plaintes des citoyens européens... « Les États-Unis devront nous montrer que ce qu’ils nous ont promis
est effectif dans la pratique », déclare-t-elle dans une interview publiée par Contexte (réservé aux abonnés). Un examen conjoint du texte et de son application est prévu, entre Européens et Américains, pour l'été 2017. Pour le G29, rendez-vous est pris.

Par ailleurs, l'Union européenne planche aussi sur la révision de la directive ePrivacy, qui encadre l'utilisation des données personnelles au sein de l'Union européenne. Nous avions répondu à la consultation préalable à cette révision en juin.
Le Contrôleur Européen de la Protection des Données (CEPD) a publié le 25 juillet son avis consultatif sur le texte, notamment en soulignant l'importance du droit au chiffrement de bout en bout maîtrisé par l'utilisateur et sans backdoors.
Une bonne surprise saluée par La Quadrature du Net.


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Calendrier

Août 2016 :

Septembre 2016 :


English Version

3.14 Chat: Platforms

Let's talk first about our new forms of action.
On Wednesday 6 July, you might have watched the very first « 3.14 Chat »: a one-hour show on canalchat.fr, streamed online throughout the entire solar system.
Adrienne Charmet, Campaign Coordinator at La Quadrature du Net, debated with Charly Berthet, member of the French National Digital Council (CNNum) about the issue of platforms.
Platforms are websites that concentrate a very large part of the activity on the Web, and act as an intermediary for different contributors in order to provide content or services: typically the GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), or new-comers like Uber or Airbnb.
Their status and practices raise important issues, especially regarding freedom of expression, personal data protection, and Internet centralisation. The CNNum and La Quadrature explored their points of view and their areas of disagreement in detail and unequivocally, with the aim of a better understanding in order to develop a common definition of platforms and their consequences regarding fundamental rights.
The spectators were invited to ask their questions on the chat channel of La Quadrature, and the two speakers answered live.
Did you miss the broadcast? It's never too late: read (FR) the pitch of the debate and watch the replay (FR).

Workshop: Copyright

On Saturday 9 July, La Quadrature du Net hosted a workshop on Copyright. More than 25 people gathered to take part in this first workshop since we decided to change our strategy.
On the agenda of this day of reflection: the current status of copyright, and the possible actions in the near future. This topic is part of the history of La Quadrature, which was born in the fight against “Hadopi Law”. A remarkable day, judging by the amount of ideas that were born in the heat under the glass roof of the Garage. Read the excellent report (FR) written by Lionel Maurel, organiser and host of the day. In September, the ideas initiated at this workshop will be thorough and organized to become projects led by La Quadrature, volunteers and beyond, in order to take positive action on copyright issues, remuneration of creators, and users protection.

Copyright Workshop Report :https://ateliers.laquadrature.net/2016/07/22/synthese-de-latelier-creation-et-droit-dauteur/ (in French)

Terrorism and Surveillance

Terrorism, and surveillance measures taken to combat it, are obviously central in the current activity of La Quadrature du Net. For weeks, we have been meeting Members of the European Parliament (MEPs) in Brussels and Strasbourg to persuade them not to let the LIBE Committee (Civil Liberties, Justice and Home Affairs) of the European Parliament adopt the draft Directive on combating terrorism.
However, the text was adopted by the LIBE Committee on 4 July. La Quadrature du Net published the day after its reading of the text and the issues it raises : the extension throughout the European Union of French practices, including the censorship of websites accused of "glorifying terrorism", that are blocked without any judicial review.
The draft directive that was adopted by the European Parliament is now being negociated behind closed doors in the trialogue (Parliament, Commission and Council of the European Union) before coming back to the Parliament to be voted in plenary Parliament session.

The terrorist attack in Nice on 14 July pushed even further the security excesses, promoted by an unconscious and outrageous political class that, far from giving the example of resilience and moral strength that would be required, has rushed in a shameful political exploitation of the attacks and aggravated the already alarming situation of fundamental rights in France: by extending the state of emergency for six more months, by restoring the administrative computer searches, and adding measures to the Surveillance Law, paving the way for a much expanded surveillance and real-time data collection.
La Quadrature du Net published a press release denouncing this race to ever more surveillance and less rights.
Philippe Aigrain, co-founder and president of the association, wrote a short text to call "again" for more caution in security policies.

Read:

Surveillance: a success for the "Exégètes amateurs"

The Exégètes amateurs, a team of legal experts from La Quadrature du Net, FDN and FFDN, attacks in court certain aspects of the Surveillance Law (July 2015). One of their priority preliminary rulings on the issue of constitutionality (QPC, in French) was examined by the French Council of State on 6 July. It concerns the article L-811-5 of the Surveillance Law, which is the copy of a previous law article of 1991, allowing the tapping of any communication passing through radio waves.
The problem is that a large part of our daily communications go through Wi-fi or cellular phones, all using radio wave frequencies. Consequently, the French services can legally listen to any of our communications without the prerequisite of a judiciary authorisation.
The State of Council gave its answer (FR) on 22 July: the question will go before the Constitutional Council. A real success for the "Exégètes amateurs"!
Read further (in French) on the Exégètes' website or on our wikipage, under "Retour surprise devant le Conseil constitutionnel ?".

Law for a Digital Republic

In a recent interview published by Mediapart (FR, suscribers only), Axelle Lemaire, Secretary of State for Digital Affairs, attacked the OLN, a coalition of which La Quadrature du Net is an active member. The reason? This statement from the OLN, in which the group regrets that not a single amendment submitted during the public consultation prior to the vote of the Law for a Digital Republic hasn't been defended by the government (nor by Axelle Lemaire herself).
For Mrs. Lemaire, criticism against the law and its development process is unfair: it's not acknowledging the battles she had waged against lobbyists and political inertia to bring the law to be adopted.
La Quadrature du Net decided to answer: should the citizens shut up after they have been consulted and the law has been adopted? The "participatory democracy" can not be proclamed and then ignored.

Read, in the following order:

Neutralité du Net et très haut débit doivent marcher main dans la main !

lundi 8 août 2016 à 17:19

Paris, le 8 août 2016 — Aujourd'hui, une coalition de plus de trente associations et organisation de défense des droits du monde entier a envoyé une lettre ouverte aux législateurs en charge de la régulation des Télécoms pour les encourager à soutenir le développement et l'implémentation de règles strictes sur la neutralité du Net en même temps que le développement des réseaux de très haut-débit de nouvelle génération.
Cette lettre est une réponse à un texte publié récemment sous le nom de « 5G Manifesto » dans lequel les opérateurs télécoms menacent de freiner leurs investissements dans la 5G si les régulateurs ne renoncent pas aux règlementations européennes sur la neutralité du Net ainsi que d'autres règlementations sur l'accès au réseau et la protection de la vie privée. Cette attaque arrive au moment où l'autorité européenne de régulation des communications électroniques (ORECE) est en train de fixer les lignes directrices d'application du Règlement sur la neutralité du Net.

Cher Vice-Président de la Commission Européenne,
Cher Commissaires,
Chers Ministres en charge de la régulation des Telecoms,

Nous vous demandons d'apporter votre soutien au développement et à la mise en oeuvre de strictes règles de protection de la neutralité du Net conjointement avec le déploiement de réseaux de très haut-débit de prochaine génération dans le monde entier.

Lors de leurs campagnes de lobbying contre des règlementations favorisant la concurrence et la protection des utilisateurs, les industries des télécommunications ont souvent insisté sur leurs réticences à investir dans leurs propres réseaux. Mais en réalité les industries des télécommunications ont toujours été conscientes des bénéfices économiques réalisés en investissant dans leurs propres réseaux, et de telles affirmations peuvent être rapidement démenties. Récemment, un groupe de 17 sociétés de télécommunications - avec le soutien des fabricants d'équipement qui s'appuient sur elles pour diffuser leurs produits - a publié un « Manifeste pour la 5G » dans lequel il menace de suspendre les investissements dans la 5G si les régulateurs n'enterrent pas les règles sur la neutralité du Net mais également les dispositions sur les conditions d'accès au réseau et de respect de la vie privée.

Ces menaces ne sont ni fondées ni crédibles. Il est évident que les industriels des télécoms investiront en fonction de la demande et de la concurrence, et pas seulement s'ils bénéficient de régulations peu contraignantes. Les menaces qu'ils profèrent dans ce « Manifeste pour la 5G » sont par ailleurs fausses dans la mesure où elles prétendent que la neutralité du Net leur causerait un manque à gagner. De nombreuses études économiques d'investissement faites dans des endroits où la neutralité du Net est strictement encadrée montrent que ces règles pour un internet ouvert ne réduisent pas les bénéfices ni ne diminuent les investissements.

La neutralité du Net est au coeur du fonctionnement d'Internet, elle est cruciale pour garantir la liberté d'expression et la protection de la vie privée en ligne des utilisateurs. La protection de la nature ouverte d'internet est tout à fait compatible (si elle n'est un prérequis indispensable) avec l'apparition et le développement de l'Internet des Objets, et du nombre chaque jour plus important de produits et services innovants, comme ceux liés au transport et à la santé. En réalité, les principes sur lesquels la neutralité du Net repose, notamment la possibilité d'innover sans avoir besoin d'autorisations, la connectivité de bout en bout, la transparence et la non-discrimination, sont essentiels pour ces produits et services innovants. Comme ces produits nécessitent souvent une bande passante importante et constante, une stricte régulation est nécessaire, on ne peut fermer les yeux ou se contenter de principes vagues d'ouverture.

La neutralité du Net est l'assurance que le nombre de services et d'applications innovants sur Internet pourra continuer à augmenter. Alors que la demande mondiale pour un meilleur accès à Internet est en augmentation, les fournisseurs d'accès sont fortement encouragés à développer et investir dans le développement des capacités de leur réseau. Ce que l'on peut qualifier de « cercle vertueux » illustre bien l'intéret économique qu'ont les sociétés de télécommunications à investir dans l'infrastructure.

Les usagers, et à plus forte raison les régulateurs et le législateur ne devraient pas avoir à subir ces menaces et ce chantage infondés à chaque fois qu'une évolution technique apparaît. Un grand nombre de pays dans le monde ont désormais des règles pour un Internet ouvert, notamment l'Union Européenne, le Chili, les Etats-Unis et l'Inde, et ces règles doivent être appliquées. Nous vous exhortons à rappeler clairement que les principes d'un Internet ouvert, compétitif, innovant et neutre ne sont pas négociables.

Une neutralité du Net stricte et le déploiement de réseaux haut débit doivent cohabiter et se déployer ensemble pour répondre aux challenges technologiques du 21ème siècle. Nous vous demandons de protéger les droits des usagers à recevoir et communiquer de l'information en ligne sans interférence de la part des sociétés de télécommunications, et de résister aux demandes infondées présentes dans le « Manifeste pour la 5G ».

Dans l'attente de pouvoir travailler ensemble pour protéger un Internet ouvert, sécurisé, et rapide,