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source: La Quadrature du Net

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Égalité Femmes-Hommes : Le Sénat aggrave encore l'extra-judiciarisation de la censure sur Internet

vendredi 18 avril 2014 à 01:30

Paris, 18 avril 2014 — Cette nuit, les sénateurs viennent d'adopter en seconde lecture le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes de Najat Vallaud-Belkacem. Plutôt que de supprimer les mesures de censure privée de ce texte, les sénateurs viennent d'en étendre la portée, risquant d'aggraver encore un peu plus les dérives de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN). Avant la prochaine et dernière lecture du texte à l'Assemblée nationale, il est maintenant urgent que les citoyens se mobilisent et appellent les députés à mettre en place des mesures permettant à la fois la lutte contre les propos haineux et la protection de la liberté d'expression.


Najat Vallaud-Belkacem,
Ministre des Droits des Femmes

Malgré un amendement de suppression déposé par Mmes Benbassa, Bouchoux et les membres du Groupe écologiste – mais retiré sans être voté –, le Sénat vient d'adopter en seconde lecture les dispositions de l'article 17 du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Adopté en l'état, celui-ci modifierait le régime de responsabilité des intermédiaires techniques de l'Internet1 pour élargir leurs missions de contrôle et de censure des communications aux propos haineux diffusés en ligne. Pire, un amendement de la rapporteure du texte Virginie Klès (SOC d'Ille-et-Vilaine), adopté en commission des lois, vient de réintroduire les images de violence à la liste des contenus concernés par la loi de confiance dans l'économie numérique (LCEN), alors que l'Assemblée nationale avait supprimé ce passage.

Comme l'a déjà dénoncé à de multiples reprises La Quadrature du Net, cette extension poursuivrait la transformation des hébergeurs et autres plateformes en ligne en police privée du Net, les incitant à censurer automatiquement tous les contenus signalés, qu'ils soient légaux ou non, sans l'intervention d'un juge. Alors qu'elle était encore députée, la secrétaire d'État au numérique Axelle Lemaire avait d'ailleurs bien compris le problème puisqu'elle avait déposé un amendement proposant la suppression de l'article 17 de ce projet de loi, avant d'accepter de le retirer sur demande de Najat Vallaud-Belkacem.

En vue de la prochaine et dernière étape du processus législatif à l'Assemblée nationale, il est urgent que les citoyens se mobilisent et appellent les députés à refuser l'instrumentalisation de la lutte contre les discriminations pour promouvoir un régime de censure contraire à l'État de droit. Plutôt que la censure privée, le législateur doit donner à la police et à la justice les moyens d'agir contre les abus auxquels le texte entend s'attaquer, comme le prévoit la proposition d'amendement de La Quadrature du Net.

« À nouveau, au nom de la lutte contre les discriminations, le Parlement vient de sanctuariser la privatisation de la censure déjà encouragée par la LCEN. Comme l'a déjà indiqué le Conseil Constitutionnel2, le dispositif mis en place par cette loi comprend un risque inhérent de censure extra-judiciaire. Or, pour peu que l'on s'en donne les moyens, il existe des mesures alternatives plus proportionnées et respectueuses de l'État de droit. Lors du second et dernier examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, les députés auront l'opportunité de corriger ce projet de loi en amendant son article 17, comme l'avait d'ailleurs proposé la secrétaire d'État Axelle Lemaire lorsqu'elle était députée. Au-delà, et notamment à l'occasion du projet de loi numérique annoncé par le gouvernement, la LCEN doit être réformée pour que la France respecte pleinement le droit international attenant à la liberté d'expression » conclut Félix Tréguer, cofondateur de l'association La Quadrature du Net.

Politique culturelle en France : les lobbies font toujours leur loi

mercredi 16 avril 2014 à 13:15

Paris, 16 avril 2014 — Alors que le projet de loi sur la création n'a pas encore été présenté en Conseil des Ministres, Pascal Rogard, directeur général de la SACD (l'une des principales sociétés d'auteur en France), se vante d'avoir déjà pu avoir accès au texte. Ce comportement traduit l'emprise du lobby des industries culturelles sur le gouvernement et un déficit criant de transparence dans l'élaboration des textes touchant au droit d'auteur. Ce dérapage intervient alors que le CSA dans son rapport annuel pousse l'extension de ses pouvoirs de « régulation » à Internet, faisant craindre la mise en place d'une censure larvée, en connivence avec les intérêts des titulaires de droits. Les citoyens doivent réagir pour condamner cette confiscation de la politique culturelle par des intérêts privés et la complaisance du Ministère de la Culture à leur égard.

Pascal Rogard avait déjà affirmé être à l'origine du cœur répressif de la loi Hadopi, à savoir le mécanisme de riposte graduée assorti de la coupure de la connexion Internet des usagers. Alors que le futur projet de loi sur la création va vraisemblablement transférer cette compétence de la Hadopi au CSA, le directeur général de la SACD se vante à présent d'avoir pu lire ce texte, attestant par là que les lobbyistes des industries culturelles bénéficient d'un accès « à discrétion » aux textes de loi à venir.

Cette nouvelle illustration des relations incestueuses entre le gouvernement et certains milieux culturels intervient alors que s'est tenu, il y a deux semaines, le forum de Chaillot sur l'avenir de la Culture en Europe, organisé par le Ministère de la Culture. Ces deux journées ont constitué une tribune à sens unique ouverte aux titulaires de droits pour réclamer un durcissement drastique du droit d'auteur (un « copyright éternel » demandé par exemple par Jean-Michel Jarre, président de la CISAC) et la mise en place d'une « régulation d'Internet ». Or comme l'avait rélévé le Canard enchaîné dans son édition du 26 février 2014, ce forum a été financé en grande partie par les sociétés de gestion collective françaises : SACEM, SCAM et encore une fois la même SACD de Pascal Rogard, expliquant l'absence criante de débats contradictoires.

C'est dans ce climat que le CSA a fait connaître, par le biais de son rapport annuel, ses ambitions d'étendre ses pouvoirs au-delà de la télévision et de la radio à Internet, à travers la nouvelle catégorie très vague des « services audiovisuels numériques ». Une telle notion pourrait englober les plateformes de partage de vidéos comme YouTube ou Dailymotion, des services de streaming musical comme Deezer ou SoundCloud ou encore les magasins en ligne d'applications. Le CSA entend leur appliquer les pouvoirs de contrôle dont il dispose, au nom de la protection de l'enfance, de l'interdiction des atteintes à la dignité humaine ou des incitations à la haine et à la violence. Une telle extension des pouvoirs du CSA ouvrirait la porte à une censure administrative exercée sur les contenus en ligne, alors que des recours au juge sont déjà prévus par la loi en matière d'abus de la liberté d'expression. Malgré les dangers évidents d'une telle réforme, ces propositions ont immédiatement reçu le soutien de sociétés de gestion collective, comme la SCAM qui y voient le moyen de forcer les plateformes en ligne à participer au financement de la création et à déployer une police privée du droit d'auteur pour lutter contre le partage des œuvres.

Le projet de loi sur la création pourrait être présenté en Conseil des ministres au mois de juin, et les citoyens devront faire preuve de la plus grande vigilance quant à son contenu. À nouveau, La Quadrature du Net appelle le gouvernement de Manuel Valls à saisir l'opportunité du récent remaniement pour orienter sa politique en direction de la protection des droits et libertés des citoyens, notamment dans le domaine culturel.

« Le pouvoir politique et les représentants des industries culturelles ne prennent même plus la précaution de préserver au moins les apparences de la démocratie. Depuis la remise du rapport Lescure, la préparation de la loi sur l'acte II de l'exception culturelle s'est effectuée dans l'opacité et sous le contrôle des lobbies, sans prendre en compte les aspirations des citoyens à la préservation des libertés et à l'évolution du droit d'auteur. Ces procédés discréditent la démarche du gouvernement et ne pourront qu'être sanctionnés par les citoyens », conclut Lionel Maurel, co-fondateur de l'association La Quadrature du Net.

La Quadrature du Net appelle le gouvernement Valls à agir pour les libertés sur Internet

jeudi 10 avril 2014 à 13:55

[MÀJ – 27 mai 2014 : Réponse de Harlem Désir, Secrétaire d’État aux Affaires européennes]

Paris, 10 avril 2014 — À l'occasion de la nomination du gouvernement de Manuel Valls, La Quadrature du Net publie les lettres qu'elle vient d'envoyer à tous les ministres et secrétaires d'État en charge des dossiers liés à nos libertés et droits fondamentaux en ligne. Loin de se détacher de celle de ses prédécesseurs, l'action du gouvernement Ayrault n'avait jusqu'à présent représenté aucun progrès dans ce domaine, voire avait empiré la situation1. La Quadrature du Net appelle les ministres nouvellement nommés ou et ceux confirmés dans leurs fonctions à se saisir de l'occasion que leur offre ce remaniement ministériel pour réellement orienter leur politique en faveur de la protection des droits des citoyens sur Internet.


Lettres envoyées aux Ministres

Après le vote de confiance à l'Assemblée nationale et la nomination des Secrétaires d'État, La Quadradure du Net vient d'envoyer des lettres à plusieurs membres du gouvernement afin d'attirer leur attention sur les sujets relatifs aux libertés numériques :

« Le changement de gouvernement doit être l'occasion de réorienter profondément la politique concernant les dossiers numériques en France, systématiquement abordés d'un point de vue répressif depuis près de 10 ans. Tant en faveur de la neutralité du Net, que de la liberté d'expression, de la transparence des accords commerciaux négociés au nom de l'Union européenne, des droits à la vie privée ou au partage de la culture, il est plus que temps de rappeler à nos dirigeants l'importance de la protection des libertés et droits fondamentaux, ainsi que leurs engagements passés. » déclare Lionel Maurel, cofondateur de l'association La Quadrature du Net.

Rétention des données : La CJUE dénonce le fichage systématique des communications

mardi 8 avril 2014 à 10:15

Paris, 8 avril 2014 — Dans un arrêt rendu ce matin, la Cour de Justice européenne (CJUE) vient de s'opposer au fichage systématique de nos communications en ligne en invalidant la directive européenne sur la rétention des données adoptée en 2006. En plein débat sur la surveillance de masse, cette nouvelle jurisprudence représente une étape importante dans la reconquête de notre droit fondamental à la vie privée et à la protection de nos données personnelles.

Depuis son adoption en mars 2006, la directive sur la rétention des données a fait l'objet de nombreuses critiques, tant de la part des organisations de la société civile, que d'eurodéputés1, d'autorités indépendantes2 et des cours constitutionnelles de certains États membres3. L'obligation pour les opérateurs télécoms, et donc les fournisseurs d'accès à Internet, de stocker toutes les données relatives aux communications de leurs abonnés pour une « durée minimale de six mois et maximale de deux ans à compter de la date de la communication », afin d'assurer « la disponibilité de ces données à des fins de recherche, de détection et de poursuite d'infractions graves », figure parmi les dispositions les plus controversées de ce texte. Ces dispositions sont d'autant plus critiquées et jugées inutiles que les mesures de préservation (et non pas de conservation) pratiquées dans une trentaine de pays, qui permettent aux enquêteurs d'enjoindre les opérateurs et autres intermédiaires techniques de préserver certaines données ou de leur communiquer les données techniques en leur possession, s'avèrent efficaces et montrent donc l'existence de solutions alternatives beaucoup plus ciblées et donc plus proportionnées4.

L’arrêt rendu ce matin par la Cour de justice de l'UE fait suite aux saisines initiées par la Cour suprême irlandaise et par la Cour constitutionnelle autrichienne. En donnant gain de cause aux requérants, la CJUE affirme que la directive sur la conservation des données viole les droits garantis par les traités de l'Union européenne et la Charte des droits fondamentaux, qui protège notamment les droits des citoyens européens à la vie privée et familiale ainsi qu'à la protection de leurs données personnelles5. Cet arrêt de la CJUE ayant un effet erga omnes, sa portée dépassera les dossiers des instances irlandaise et autrichienne, et risque d'obliger les États membres à s'y conformer en réformant leur législation nationale en matière de conservation des données6. En France, cette décision pourrait notamment concerner les mesures de rétention des données imposées aux opérateurs télécoms et aux hébergeurs (dispositions renforcées à l'occasion de l'adoption de la loi de programmation militaire).

« Cette décision historique est une victoire pour tous les défenseurs de la vie privée qui, partout en Europe, s'étaient mobilisés depuis 2006 contre le fichage généralisé des communications. Alors que depuis près d'un an se tient un débat sans précédent sur la surveillance de masse, la Cour de Justice de l'Union européenne souligne à son tour que les mesures d'exception adoptées au nom de la lutte contre le terrorisme ont abouti à des violations inacceptables de la vie privée. Cet arrêt est une invitation à continuer le combat contre la surveillance par tous les moyens appropriés, qu'ils soient techniques, politiques ou juridiques. Lois après lois, nos gouvernements se sont affranchis de l'État de droit. Il est désormais temps de leur rappeler que les libertés fondamentales constituent la pierre angulaire de nos démocraties et qu'elles ne sont pas négociables. » déclare Félix Tréguer, cofondateur de La Quadrature du Net.

La Quadrature s'engage dans la lutte juridictionnelle contre la surveillance de masse

vendredi 4 avril 2014 à 13:20

[MÀJ : dans une lettre datée du 11 avril, la CJUE a annoncé l'ajournement de cette procédure. L'examen du cas pourrait n'avoir lieu qu'après la fin des procédures démarrées au Royaume-Uni et être retardé de 10 mois]

Paris, 4 avril 2014 — En octobre 2013, les ONG Big Brother Watch, Open Rights Group, English Pen ainsi que Constanze Kurz ont engagé un recours1 devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) contre le Royaume-Uni afin qu'il soit mis fin aux mesures de surveillance de masse mises en place, sans aucun contrôle, dans le cadre des systèmes PRISM et TEMPORA.

L'association néerlandaise Bits of Freedom a récemment formé une coalition d'organisations de défense des droits et libertés sur Internet, à laquelle s'est jointe La Quadrature du Net, dans le but de soutenir ce recours engagé auprès de la CEDH. À cette fin, cette coalition a formulé le 1er avril dernier une demande auprès de la CEDH en vue d'intervenir au soutien des prétentions des requérantes (via un amicus curiæ). La réponse de la Cour de Strasbourg devrait intervenir d'ici quelques semaines.

En France, où les éléments s'accumulent pour démontrer l'existence d'une surveillance massive des communications Internet – qu'il s'agisse des révélations concernant la coopération entre Orange et la DGSE en dehors de tout cadre légal ou de l'adoption de la loi de programmation militaire –, la jurisprudence qui se dégagera de la décision de la CEDH sur PRISM et TEMPORA pourrait avoir d'importantes retombées.

Les groupes signataires de cette demande à la CEDH :