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source: La Quadrature du Net

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Safe Harbor : collecte abusive de données et surveillance de masse invalidées par la Cour européenne !

mardi 6 octobre 2015 à 12:00

Paris, le 6 octobre 2015 — Par une décision rendue publique ce matin, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), plus haute juridiction de l'Union, a invalidé le Safe Harbor. Cet accord, permettant le transfert de données personnelles entre l'Europe et les États-Unis, en application depuis 2000 dans différentes versions, autorisait le traitement par les entreprises américaines des données des citoyens européens, avec des garanties encore plus faibles que celles existantes en Europe. L'autrichien Max Schrems a attaqué Facebook en estimant que la surveillance exercée par la NSA sur les données hébergées par Facebook affectait ses libertés et sa vie privée. La CJUE lui a aujourd'hui donné raison, en invalidant le Safe Harbor et en jugeant que la Commission avait abusé de son pouvoir en l'approuvant. Elle a aussi affirmé qu'une autorité locale de protection des données avait capacité à contester un accord européen si les garanties offertes aux citoyens avaient été modifiées.

emblême CJUE

C'est un jugement historique ! En reconnaissant que la surveillance exercée par la NSA sur les données personnelles hébergées aux États-Unis portait préjudice aux citoyens européens, la CJUE met en application ce que les organisations de défense des droits et les parlementaires européens appelaient de leurs vœux : les conditions de transfert de données personnelles doivent être revues, à la lumière des législations sur la surveillance et des pratiques qui ont été mises au jour par Edward Snowden. En invalidant le Safe Harbor et en mettant les autorités de régulation en capacité d'examiner des demandes individuelles contre le transfert de données, c'est un signal fort envoyé à la Commission européenne qui renégocie en ce moment cet accord du Safe Harbor, mais également aux gouvernements qui mettent en place des mesures de surveillance. Ces mesures sont bien reconnues comme portant atteinte aux libertés fondamentales, et ce dès qu'il y a potentialité de collecte et de conservation1 des données (sans qu'il soit indispensable de prouver qu'on a effectivement fait l'objet d'une surveillance).

La Quadrature du Net salue ce jugement courageux de la CJUE, et appelle à en appliquer les principes aux différents dossiers législatifs en cours concernant les données personnelles et la surveillance :

« C'est un message clair qui est ici envoyé par la CJUE, après son jugement de 2014 sur la rétention des données : par deux fois en 18 mois, la CJUE estime que la collecte et la conservation des données à des fins de surveillance est contraire aux droits fondamentaux. Nous appelons les législateurs français et européens à en tirer les conclusions nécessaires, à travailler à la protection des citoyens à l'intérieur de l'Union et à revenir sur les législations de surveillance actuellement votées dans différents pays européens, notamment en France » déclare Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes de La Quadrature du Net.

Propositions de La Quadrature du Net pour la consultation du projet de loi pour une République numérique

vendredi 2 octobre 2015 à 17:59

Paris, le 2 octobre 2015 — La consultation publique sur l'avant-projet de loi numérique a pour objectif de faire remonter les demandes des citoyens et organisations quant aux améliorations à apporter sur le texte du projet de loi.

Bien que prudente sur le processus et attendant de voir ce qui sera effectivement retenu dans le projet de loi final, La Quadrature du Net soumet plusieurs propositions d'amélioration des articles existants et ajouts de nouveaux articles, et invite les citoyens à appuyer ses propositions.

Les propositions de modification de l'avant-projet de loi « pour une République numérique » mises en ligne par La Quadrature du Net s'appuient sur le travail effectué depuis 2008 en matière de propositions positives pour un internet libre et ouvert.

Cette page a pour objectif de lister les propositions apportées et sera mise à jour au fur et à mesure de l'avancée du travail d'amendement. Les citoyens qui souhaitent appuyer ces propositions sont invités à le faire sur la plateforme mise en place par le ministère.

Toutes les parties du projet de loi ne sont pas traitées, certaines étant davantage dans le champ de compétences d'autres associations ou ne faisant pas partie des thèmes prioritaires de La Quadrature du Net. Nous signalerons également les propositions émanant d'autres organisations que nous soutenons.

Les Communs

Article 8 : définition du domaine commun informationnel

Soutenir l'amendement 1 : éviter la légalisation du copyfraud

L'article prétend définir un domaine commun et garantir les usages associés, mais en l'état, il risque paradoxalement de conduire à une légalisation des pratiques de réappropriation abusives. Il est admis que les informations, les faits, les idées ne peuvent en elles-mêmes directement faire l'objet d'un droit de propriété. Même lorsqu'elles sont incluses dans une base de données, ce ne sont pas les données en elle-mêmes qui font l'objet d'un droit de propriété intellectuelle mais la structure de la base de données.

Or ici, l'article sous-entend que ces éléments pourraient faire l'objet d'un droit de propriété et fragilise la protection du domaine commun plus qu'il ne le protège. La même remarque vaut pour les « obligations contractuelles ou extra-contractuelles ». Avec une telle restriction, de simples conditions d'utilisation d'un site internet pourraient, par leur seule force contractuelle, faire obstacle à la réutilisation d'éléments du domaine commun. La fin de l'article doit donc être supprimée, sous peine de vider de son sens les dispositions qui suivent : « Elles ne peuvent, en tant que tels, faire l'objet d’une exclusivité, ni d'une restriction de l’usage commun à tous ».

Soutenir l'amendement 2 : élargir les possibilités d'action contre les atteintes au domaine commun informationnel

La rédaction actuelle du projet de loi restreint l'intérêt pour agir en défense du domaine commun à des associations agréés. Si l'on souhaite que la protection du domaine commun soit effective, il importe d'ouvrir plus largement ces possibilités d'action en supprimant la procédure d'agrément préalable, ainsi qu'aux simples individus. Par ailleurs, il est nécessaire que cette action ne se limite pas à demander que cesse l'atteinte au domaine commun, mais aussi que la responsabilité des fautifs puissent être engagée.

Soutenir l'amendement 3 : reconnaître les communs volontaires

Les Communs ne sont pas constitués uniquement d'un domaine public statique. La partie la plus vivante des communs est aujourd'hui constituée par des ressources mises volontairement en partage par leurs créateurs : logiciels libres ou Open Source, œuvres placées sous licence Creative Commons, objets en Open Design ou en Open Hardware, etc. Ces communs volontaires ou consentis méritent une existence législative et une protection par la loi contre les tentatives de réappropriation abusive. L'article ici proposé précise les modalités par lesquelles des titulaires de droits peuvent choisir d'autoriser des usages communs sur leurs créations, notamment par le biais de licences libres ou de libre diffusion. Il leur permet de moduler le degré d'ouverture de ces usages communs selon leur volonté et ne remet pas en cause le droit moral dont ils bénéficient.

Neutralité de l'Internet

Soutenir l'amendement 4 : préciser le périmètre d'application de la Neutralité du Net

Afin de pallier à toute éventuelle interprétation du principe de neutralité du Net qui irait dans un sens défavorable à celle-ci et aux utilisateurs, en y imposant des limitations, il est nécessaire de préciser dans la notion de neutralité dans la loi.

Droit au chiffrement

Soutenir l'amendement 5 : ajouter la promotion du chiffrement des communications dans les missions de la CNIL

Dans son rôle de promotion des technologies respectueuses de la vie privée et de la sécurisation des données, il convient que la CNIL porte une attention particulière au développement et à la promotion d'outils permettant un chiffrement sûr des informations, données et correspondances des citoyens. Le chiffrement joue un rôle fondamental dans la sécurisation des communications et est une protection efficace contre les atteintes à la vie privée et la surveillance, la CNIL doit donc explicitement l'intégrer dans ses missions d'information et de recommandation.

Soutenir l'amendement 6 : affirmer le droit et encourager l'usage du chiffrement des communications

La pénalisation plus lourde des crimes et délits lorsque des moyens de cryptologie ont été utilisés a pour conséquence de limiter la promotion, le développement et l'utilisation de ces techniques, au détriment de la vie privée des citoyens mais également de la sécurisation des opérations économiques.

L'affirmation du droit au chiffrement permet de mettre en cohérence la loi qui affirme le droit au secret des correspondances numériques. Cet amendement a pour objectif de permettre les conditions d'un développement des technologies de chiffrement et donc de permettre aux individus de d'exercer leurs droits au secret des correspondances et des communications.

La surveillance de masse, trou noir des libertés

vendredi 2 octobre 2015 à 14:44

Paris, le 2 octobre 2015 — Sans surprise, l'Assemblée nationale a voté hier la surveillance internationale de masse sans apporter de modification majeure au texte. Un seul député, Sergio Coronado, est venu défendre les libertés fondamentales dans un hémicycle presque vide.

Le même jour, le Gouvernement adoptait un décret relatif à la composition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Cette loi instaurant la surveillance de masse en France entrera en vigueur demain, le 3 octobre 2015, banalisant ainsi l'État d'exception, au détriment d'un État de droit moribond. Votée en extrême urgence et comme une simple rustine à la Loi Renseignement, elle met pourtant la France en état de surveiller les communications du monde entier sans qu'il ne puisse y avoir de contrôle effectif de cette surveillance.

« Le Sénat discutera et votera à son tour la proposition de loi sur la Surveillance internationale le 27 octobre, après un passage en commission des lois le 21 octobre. Aura-t-il à coeur de redonner un peu de vérité à l'image de la France comme pays des droits de l'Homme ? Il peut encore stopper ce processus délétère d'abandon des libertés fondamentales, au bénéfice de l'ensemble des citoyens français et du monde », déclare Agnès de Cornulier, coordinatrice de l'analyse juridique et politique de La Quadrature du Net.

Surveillance : parodie législative présidée par Patricia Adam en Commission de la Défense

mercredi 30 septembre 2015 à 16:58

Paris, le 30 septembre 2015 — La commission de la défense a rejeté massivement tous les amendements proposés par Laure de La Raudière, Lionel Tardy et Sergio Coronado (avec le groupe EELV) et ne conserve que des amendements de forme. Patricia Adam, présidente de la Commission de la Défense et rapporteure de la loi ne cherche même plus à cacher sa volonté d'étouffer tout débat sur le régime de surveillance internationale et l'énorme atteinte aux droits et libertés qu'il institue.

L'examen ce matin en commission de la défense et des forces armées des quelques amendements déposés sur la proposition de loi sur la surveillance internationale des communications montre à quel point le rouleau compresseur de la raison d'État est prêt à passer sur les libertés fondamentales lorsqu'il s'agit de surveillance et de renseignement.

Seuls quelques députés ont fait leur travail d'amendement : Sergio Coronado et tous ses collègues écologistes, Laure de la Raudière et Lionel Tardy chez Les Républicains. Ils ont tenté de restreindre la nocivité d'une loi qui instaure la surveillance massive des communications du monde entier. Mais du refus de la surveillance généralisée pour revenir à une surveillance uniquement ciblée, en passant par la protection des professions protégées ou le renforcement du contrôle en amont de la CNCTR sur les autorisations de mise sous surveillance, tout a été rejeté. Seuls quelques amendements rédactionnels de peu d'importance ont été débattus et acceptés.

Patricia Adam avait reçu La Quadrature du Net en audition le 22 septembre dernier, à notre demande. Nous avons à peine pu défendre nos arguments, nous heurtant à un mur de refus de compréhension et à un spectacle de regards tour à tour méprisants ou indignés. Nos tentatives d'explications techniques sur l'inanité d'une séparation entre surveillance « nationale » ou « internationale », nos remarques sur la nomination de M. Francis Delon à la tête de la CNCTR ou l'expression répétée de nos inquiétudes face à la légalisation explicite d'une surveillance massive se sont toutes heurtées à une porte close : dès avant la discussion parlementaire, Patricia Adam nous avait ainsi dit qu'elle n'accepterait que des amendements rédactionnels sur cette loi.

Alors même que de nombreuses organisations internationales appellent aujourd'hui les parlementaires français à renoncer à la surveillance de masse, comment accepter que la France continue de bafouer ouvertement l'universalité des droits tout en se faisant le parangon de la démocratie et des droits de l'Homme ? Faute d'amendements de fond, La Quadrature du Net appelle les parlementaires à refuser de voter cette proposition de loi portée en sous-main par le gouvernement et destinée à légaliser, en catimini et à vitesse accélérée, la surveillance des communications du monde entier. Il en va du respect de leurs propres fonctions.

Renseignement : la course folle à la surveillance internationale de masse

mercredi 30 septembre 2015 à 11:35

Paris, 30 Septembre 2015 — L’examen de la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales débutera à bas bruit le 1er octobre 2015. On lui prédit déjà un avenir radieux, fait d’examens éclair et débats expédiés. Après la censure du Conseil constitutionnel, qui avait amputé le système généralisé de renseignement de sa branche internationale, ce texte prétend combler le vide et introduire un « progrès décisif » : l’encadrement des activités du renseignement extérieur.

Communiqué commun de l'Observatoire des Libertés et du Numérique (OLN)1

En fait d’encadrement, le texte construit minutieusement la toute-puissance de l’exécutif dans la surveillance hors des frontières nationales. L’espionnage international à grande échelle y est pensé comme une nécessité incontestable et qu'il est donc vain de contrôler : à peine les rédacteurs se sont-ils astreints, sous la timide incitation du Conseil constitutionnel, à enjoliver le texte de quelques limites, aussi lointaines que peu contraignantes.

Excroissance survitaminée de la loi du 24 juillet 2015, la proposition de loi confie au Premier ministre le pouvoir d’autoriser la surveillance des communications émises ou reçues à l’étranger. Les fondations de l’interventionnisme massif ont été posées par le nouvel article 811-3 du code de la sécurité intérieur 2, mêlant prévention de la criminalité organisée, du terrorisme, défense et promotion des intérêts économiques, soutien de la politique étrangère, surveillance des mouvements contestataires, comme autant de motifs pour espionner quiconque présenterait, par ses idées ou celles de son entourage, sources hypothétiques d'actions, une menace toute aussi potentielle à ces «  intérêts fondamentaux de la Nation ».

Hors des frontières, quelle que soit la nationalité des cibles, il suffira aux services de se référer à l'un de ces critères, aussi larges qu’imprécis pour déclencher la collecte massive des données de connexion et communications, surveillance, sous la seule direction de l’exécutif. Le texte autorise les services à mener des surveillances ciblées et, surtout, à recueillir massivement des données de connexion et des communications sur des «  zones géographiques, des organisations, des personnes ou des groupes de personnes » : en bref, un permis général d’espionner. Le tout permettant de constituer de véritables réserves d’informations, mobilisables pendant des années, jusqu’à 8 ans pour les données chiffrées…

Dès lors qu’elles se trouveront à l’étranger, ni les professions dites protégées, ni les personnes utilisant des numéros ou des identifiants « rattachables au territoire français » ne bénéficieront ni des garanties d’un État de droit, ni même des conditions minimalistes de la loi du 24 juillet 2015. Leur exclusion de la surveillance internationale n’est que de façade, le texte organisant lui-même son propre contournement  : il suffira de supposer qu’ils représentent une « menace  » pour les soumettre au non-régime de la surveillance internationale.

La nouvelle commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), présidée par un ancien membre du SGDSN3, fait de la figuration : pas même sollicitée pour donner un avis préalable, elle devrait exercer un contrôle a posteriori. Sa marge de manœuvre au préalable encadrée par les choix du Premier ministre (dans la définition des dispositifs de traçabilité des interceptions, dans les modalités de la centralisation des renseignements collectés), la CNCTR devra digérer, après coup, les autorisations données et les renseignements massivement collectés, tout en restant dans l'ignorance des échanges d'information avec les services de renseignement étrangers et de leurs méthodes. Qu'il soit d’initiative ou sur la saisine des personnes visées -hypothèse d'école-, nul doute que le contrôle, par le double mécanisme de recommandations non impératives au Premier ministre et de la saisine du Conseil d’État, sera en réalité illusoire.

Le rythme et la publicité resserrés donnés à l’examen de ce texte ne leurreront ni les parlementaires ni les citoyens, qui avaient déjà identifié dans la loi du 24 juillet 2015 un basculement dans la surveillance de masse et une mise en péril de nos principes démocratiques. Nos élus doivent rejeter cette proposition de loi et le gouvernement, ouvrir un véritable débat public sur la course à la surveillance internationale, voilà ce dont notre démocratie a besoin.