PROJET AUTOBLOG


La Quadrature du Net

source: La Quadrature du Net

⇐ retour index

Mise à jour

Mise à jour de la base de données, veuillez patienter...

Pôle Emploi : dématérialisation et contrôle social à marche forcée

mercredi 22 décembre 2021 à 17:22

Alors qu’Emmanuel Macron veut « accélérer » la radiation des demandeurs d’emploi, Pôle emploi vient de franchir un cap dans la marche forcée vers la dématérialisation et le contrôle numérique des personnes privées d’emploi. Un travailleur sans emploi s’est vu récemment notifier sa radiation1Les courriers échangés entre Pôle emploi et ce travailleur nous ont été communiqués à titre confidentiel.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_18090_2_1').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_18090_2_1', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], }); au motif que l’envoi de ses candidatures par courrier recommandé, plutôt que par internet, ne permettait pas de constater le « caractère sérieux des démarches […] entreprises pour retrouver un emploi ».

Cette situation matérialise la volonté de Pôle emploi de forcer, quoi qu’il en coûte, les personnes sans emploi à l’utilisation d’outils numériques. Une radiation ayant pour effet la suspension du versement des allocations chômage, il s’agit ici d’un véritable chantage à la survie dans lequel Pôle emploi s’est lancé dans le seul but d’accélérer la dématérialisation de ses services. Ce faisant, Pôle emploi ignore volontairement les études et rapports2Voir notamment le rapport du Défenseur des droits « Dématérialisation et inégalité d’accès aux services publics ». 2019. Disponible ici.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_18090_2_2').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_18090_2_2', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], }); montrant que les politiques de dématérialisation représentent un obstacle à l’accès au service public pour les personnes les plus précaires et participent ainsi à leur marginalisation.

A l’heure où les administrations françaises sont fortement encouragées3Voir par exemple les recommandations du rapport « Lutter contre les fraudes aux prestations sociales un levier de justice sociale pour une juste prestation », remis au premier ministre en 2019, disponible ici.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_18090_2_3').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_18090_2_3', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], }); à mettre en place des algorithmes assignant à chacun-e un « score de risque », tel que celui utilisé aujourd’hui par les CAF pour sélectionner les personnes à contrôler, les politiques de dématérialisation s’accompagnent d’un risque de renforcement de contrôle social via la collecte toujours plus fine de données personnelles.

Chantage à la dématérialisation

La lecture des courriers échangés entre ce travailleur privé d’emploi et Pôle Emploi est édifiante. Après avoir reçu un courrier d’« avertissement avant sanction pour insuffisance d’actions en vue de retrouver un emploi », le travailleur transmet à Pôle emploi les justificatifs de ses 29 candidatures envoyées par courrier recommandé.

À la réception de ces documents, le directeur de l’agence maintient sa décision de radiation et la justifie en des termes kafkaïens. Selon lui, « la fourniture de très nombreuses candidatures adressées en recommandé par voie postale » ne démontre pas une véritable recherche d’emploi dès lors que l’utilisation de courriers recommandés ne correspond plus aux « standards adoptés par les entreprises depuis de nombreuses années »4Ce point est d’autant plus édifiant que le travailleur en question avait déjà été contrôlé en 2017 et qu’à cette date le fait qu’il candidate par courrier était accepté par Pôle Emploi.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_18090_2_4').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_18090_2_4', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });.

Au recours opposé, le directeur persiste quant à « l’absence de caractère sérieux des démarches […] entreprises », au motif que le travailleur « ne permet pas de justifier de l’impossibilité d’utiliser les modes de communication dématérialisés (téléphone portable, e-mail, ordinateur) » recommandés par l’institution afin « d’optimiser les chances de recrutement » et confirme la suspension des allocations pour une période d’un mois.

Dématérialisation et inégalités

Le chantage aux allocations mis en place par Pôle emploi pour accélérer le processus de dématérialisation est d’autant plus violent que ses dirigeant·es ne peuvent ignorer les inégalités de maîtrise et d’accès aux outils numériques. Personnes précaires, âgées, handicapées, étrangères, détenues, vivant en zone blanche : autant de publics pour lesquels la numérisation augmente les difficultés d’accès au service public.

Pour ces publics, la généralisation de la dématérialisation se traduit par une charge administrative supplémentaire accentuant leur exclusion sociale. Témoins de ces difficultés, les réclamations liées à la dématérialisation constituent un des premiers motifs de saisine du Défenseur des droits. Dans un rapport publié en 2019, ce dernier interpelle vivement les politiques sur les risques associés à une dématérialisation forcée et rappelle que « si une seule personne devait être privée de ses droits du fait de la dématérialisation d’un service public, ce serait un échec pour notre démocratie et l’état de droit ».

Il semblerait qu’à Pôle emploi ce document n’ait pas été lu, malgré les déclarations de bonne foi de son directeur général, Jean Bassère, selon lequel Pôle emploi doit « tirer parti des avancées technologiques, en veillant à ne laisser personne au bord de la route ».

Vers une dématérialisation généralisée ?

La situation décrite plus haut laisse pourtant présager de nombreux cas similaires à l’heure où Pôle emploi expérimente un « Journal de la recherche d’emploi » en Bourgogne-Franche-Comté et Centre-Val-de-Loire. Ce programme, créé en 2018 par la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », oblige tout·e demandeur·se d’emploi à déclarer en ligne ses « démarches de recherche d’emploi », et ce, une fois par mois.

Cette expérimentation vise à évaluer la possibilité de généraliser à l’ensemble du territoire l’obligation de déclaration numérique pour les chômeurs et chômeuses. Étant donné les injonctions à la rationalisation financière et la priorité politique donnée à la transformation numérique dans le plan « Action Publique 2022 » d’Emmanuel Macron, le risque est grand que Pôle emploi accepte les conséquences sociales nocives d’un tel changement et force à la dématérialisation d’un nombre croissant de ses activités d’ici quelques années.

Dématérialisation et contrôle social

Les politiques de dématérialisation comportent un risque important de renforcement du contrôle social, tout particulièrement des publics les plus précaires5Voir par exemple l’article d’Olivier Tesquet « Comment l’intelligence artificielle cible les plus précaires », disponible ici ou encore les travaux de Lucie Inland.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_18090_2_5').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_18090_2_5', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });, via une collecte toujours plus importante de données sur les usagers·ères du service public et le recours grandissant à l’intelligence artificielle.

À une question posée par une sénatrice sur les risques d’utilisation du « Journal de la recherche d’emploi » à des fins de contrôle, notre ancienne ministre du travail a indiqué que les données collectées par cet outil généreront des « alertes » qui seront « adressées aux conseillers » de manière à « analyser les situations de décrochage ». Elle ajoute que les conseillers pourront alors « initier une demande de contrôle auprès des conseillers dédiés en charge du contrôle ». Si elle assure qu’aucun contrôle ne sera déclenché de manière entièrement automatisé, il n’en reste pas moins que ces politiques conduisent à une utilisation accrue d’outils numériques pour détecter les « mauvais-e-s » chômeurs-ses.

Le projet de loi précise que ce journal a pour objectif de « repérer les demandeurs d’emploi qui seraient en difficulté dans leur recherche d’emploi ou ne feraient pas de démarches suffisamment actives de recherche d’emploi ». Il est ailleurs fait part d’un algorithme de machine learning utilisant les donnes collectées via le journal afin de mieux « détecter l’évolution de la situation » des travailleurs sans emploi6On sait également que Pôle Emploi avance vers l’automatisation de l’accompagnement des demandeurs d’emploi avec le projet « Mon Assistant Personnel », un outil fondé sur des techniques d’intelligence artificielle et qui, selon des témoignages que nous avons pu recueillir, aurait octroyé à des utilisateurs·ices un score d’employabilité de zéro.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_18090_2_6').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_18090_2_6', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });.

Les politiques de dématérialisation peuvent aussi servir à obstruer volontairement l’accès aux services de l’État, comme en témoigne le Défenseur des droits7Voir les travaux de la Cimade « Dématérialisation des demandes de titre de séjour » disponible ici et ceux du Gisti ici.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_18090_2_7').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_18090_2_7', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], }); lorsqu’il décrit comment certaines préfectures poussent les étrangers·ères vers l’illégalité en bloquant volontairement les demandes de prise de rendez-vous en ligne pour la demande ou le renouvellement de titres de séjours, qui constitue pourtant la seule procédure autorisée dans 30 préfectures en 2019.

Contrôle social et accès aux données personnelles

Un outil tel que le « Journal de la recherche d’emploi » est finalement à apprécier dans un contexte de développement sans précédent des politiques numériques de contrôle social depuis les années 2010. Porté par un discours néolibéral mortifère de « lutte contre l’assistanat », en vogue en cette période électorale, le renforcement institutionnel des politiques de contrôle s’est accompagné d’un accroissement du volume de données collectées sur les allocataires de prestations sociales. Ceci a été accompli via l’interconnexion de fichiers administratifs ainsi que via l’extension du droit de communication pour les agent-e-s en charge du contrôleC’est en 2013 qu’ont été créés les premiers postes d’agent-e-s dédiés spécifiquement au contrôle à Pôle emploi..

Pôle emploi peut ainsi consulter différents fichiers détenus par des organismes sociaux incluant le fichier des prestations sociales (RNCPS), le fichier national des comptes bancaires (FICOBA) ou encore le fichier des résident-e-s étrangers-ères en France (AGDREF)8Voir le rapport de la cour des comptes « La lutte contre les fraudes aux prestations sociales », 2020, pp. 53-57, disponible ici.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_18090_2_8').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_18090_2_8', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });.

Depuis décembre 2020, les agent-e-s de contrôle de Pôle emploi disposent par ailleurs d’un droit de communication les habilitant à obtenir des informations auprès de tiers. A ce titre, ielles peuvent accéder aux relevés bancaires, demander des informations personnelles aux employeurs-ses ou aux fournisseurs-ses de gaz et d’électricité.

Cette évolution concerne l’ensemble des organismes sociaux, et en particulier les CAF dont les droits d’accès sont encore plus étendus tant au niveau des fichiers consultables que du droit de communication9Voir le rapport de la cour des comptes « La lutte contre les fraudes aux prestations sociales » cité ci-dessus, pp. 53-57.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_18090_2_9').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_18090_2_9', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });.

Scoring et surveillance algorithmique

En parallèle de l’extension du droit d’accès aux données personnelles, s’est développée l’utilisation par les organismes sociaux d’algorithmes de “scoring” à des fins de contrôle dont les effets (déshumanisation, harcèlement, difficultés de recours et renforcement des discrimations) sont régulièrement dénoncés10Voir les rapports du Défenseur des Droits ici et ici. Voir aussi les travaux de Lucie Inland.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_18090_2_10').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_18090_2_10', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });. Ces algorithmes assignent à chaque allocataire un “score de risque”, c’est à dire une probabilité d’être “fraudeur-se”, servant par la suite à sélectionner qui doit être contrôlé-e.

L’utilisation à grande échelle des techniques de scoring a été initiée par les CAF en 2011 et serait actuellement en développement à Pôle emploi11 Voir le rapport de la cour des comptes « La lutte contre les fraudes aux prestations sociales.» Cité ci-dessus, pp. 50. Par ailleurs, si nous ne connaissons pas aujourd’hui de manière précise la façon dont les données collectées par le « journal de la recherche d’emploi » seront utilisées, la convention tripartite Etat-Unédic-Pôle emploi 2019-2022 évoque leur utilisation dans le cadre de solutions d’intelligence artificielle « d’accompagnement ».<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_18090_2_11').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_18090_2_11', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });. Dans un livre passionnant intitulé « Contrôler les assistés », Vincent Dubois étudie l’impact de ces techniques sur la pratique du contrôle par les CAF12Vincent Dubois, 2021. « Contrôler les assistés. Genèses et usage d’un mot d’ordre ».<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_18090_2_12').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_18090_2_12', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });. Il montre, chiffres à l’appui, que l’introduction du score de risque s’est accompagnée d’un sur-contrôle des populations les plus précaires, en particulier des familles monoparentales (femmes isolées principalement), des personnes à faibles revenus, au chômage ou allocataires de minima sociaux.

S’il n’est pas possible aujourd’hui de donner une liste exhaustive des variables utilisées pour le calcul du score de risque, Vincent Dubois cite: le montant des revenus, la situation professionnelle personnelle et celle de son ou sa conjoint-e, la situation familiale (en couple, seul-e, nombre d’enfants, âge des enfants), le mode de versement des prestations sociales (virement bancaire ou non) ou encore le mode de contact avec les CAF (le fait d’appeler ou de se rendre sur place)13Voir Vincent Dubois, Morgane Paris et Pierre-Edouard Weil. 2018. « Des chiffres et des droits ». Disponible ici. <script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_18090_2_13').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_18090_2_13', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });. La Cour des comptes ajoute que sont prises en compte les variables suivantes: la nationalité de l’allocataire regroupé en trois catégories (france, UE et hors UE), le code postal ainsi que les caractéristiques socio-économiques de la commune de résidence (part des actifs-ves occupé-e-s, part d’allocataires à bas revenus…)14Voir le rapport de la cour des comptes « La lutte contre les fraudes aux prestations sociales ». Cité ci-dessus, pp. 49.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_18090_2_14').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_18090_2_14', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });.

En plus des populations évoquées ci-avant, le simple fait que de telles variables aient été retenues laisse imaginer que le score de risque est plus élevé, et ainsi la probabilité d’être contrôlée, pour une personne étrangère ou pour les habitant-e-s des quartiers que pour le reste de la population.

Vincent Dubois montre finalement que dans leur très grande majorité, les sanctions prises dans le cadre d’un contrôle sont dûes à de simples erreurs de déclarations, erreurs elles-mêmes favorisées par la complexité des règles de calcul des minima sociaux… C’est dans ce cadre qu’il apparaît légitime de parler de véritables politiques numériques de harcèlement social, d’autant plus insupportables que les personnes les plus riches font l’objet d’un traitement bien plus favorables de la part des autorités. Rappelons notamment que l’État français a, sur la même période, favorisé le règlement « à l’amiable » des contentieux fiscaux15Sur ce sujet, voir Alexis Spire, « Faibles et puissants face à l’impôt », 2012.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_18090_2_15').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_18090_2_15', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });. Et ce, alors que les estimations disponibles montrent que la fraude aux prestations sociales, estimée aux alentours de 2 milliards d’euros, est marginale, en comparaison des 80 à 100 milliards d’euros de pertes dues à la fraude fiscale.

Une question européenne (et des victoires)

Ces questions se posent aussi à l’échelle européenne, à l’heure où le règlement IA est en cours de discussion. Outre les aspects sécuritaires, que nous discutions ici et ici, ce règlement ouvre aussi la porte au développement généralisé de tels systèmes16Voir le rapport d’Human Rights Watch « QA: how the EU’s flawed artifical intelligence regulation endangers the social safety net » disponible ici.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_18090_2_16').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_18090_2_16', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });.

Mais l’expérience européenne offre aussi des perspectives. Aux Pays-Bas, un système de lutte contre la fraude sociale a été déclaré illégal en 2020, après avoir été attaqué par un groupe d’associations. En Pologne, c’est un algorithme utilisé sur les personnes sans-emploi qui a été déclaré inconstitutionnel en 2019. À chaque fois, les risques de discriminations, les difficultés de recours ou l’atteinte disproportionnée à la vie privée ont été dénoncées et reconnues.

Appel à témoignages

C’est dans ce cadre qu’un appel à témoignages est lancé en partenariat avec plusieurs organisations auprès de celles et ceux ayant fait l’objet d’un contrôle Pôle Emploi ou CAF ou auprès des agent·es du service public qui en ont été témoins. Nous espérons que vos témoignages nous aideront à mieux comprendre les politiques de contrôle et les algorithmes utilisés, et à documenter les pratiques abusives et discriminatoires. Sur ces sujets, la mobilisation n’en est qu’à ses débuts, et nous comptons nous y associer!

References

References
1 Les courriers échangés entre Pôle emploi et ce travailleur nous ont été communiqués à titre confidentiel.
2 Voir notamment le rapport du Défenseur des droits « Dématérialisation et inégalité d’accès aux services publics ». 2019. Disponible ici.
3 Voir par exemple les recommandations du rapport « Lutter contre les fraudes aux prestations sociales un levier de justice sociale pour une juste prestation », remis au premier ministre en 2019, disponible ici.
4 Ce point est d’autant plus édifiant que le travailleur en question avait déjà été contrôlé en 2017 et qu’à cette date le fait qu’il candidate par courrier était accepté par Pôle Emploi.
5 Voir par exemple l’article d’Olivier Tesquet « Comment l’intelligence artificielle cible les plus précaires », disponible ici ou encore les travaux de Lucie Inland.
6 On sait également que Pôle Emploi avance vers l’automatisation de l’accompagnement des demandeurs d’emploi avec le projet « Mon Assistant Personnel », un outil fondé sur des techniques d’intelligence artificielle et qui, selon des témoignages que nous avons pu recueillir, aurait octroyé à des utilisateurs·ices un score d’employabilité de zéro.
7 Voir les travaux de la Cimade « Dématérialisation des demandes de titre de séjour » disponible ici et ceux du Gisti ici.
8 Voir le rapport de la cour des comptes « La lutte contre les fraudes aux prestations sociales », 2020, pp. 53-57, disponible ici.
9 Voir le rapport de la cour des comptes « La lutte contre les fraudes aux prestations sociales » cité ci-dessus, pp. 53-57.
10 Voir les rapports du Défenseur des Droits ici et ici. Voir aussi les travaux de Lucie Inland.
11 Voir le rapport de la cour des comptes « La lutte contre les fraudes aux prestations sociales.» Cité ci-dessus, pp. 50. Par ailleurs, si nous ne connaissons pas aujourd’hui de manière précise la façon dont les données collectées par le « journal de la recherche d’emploi » seront utilisées, la convention tripartite Etat-Unédic-Pôle emploi 2019-2022 évoque leur utilisation dans le cadre de solutions d’intelligence artificielle « d’accompagnement ».
12 Vincent Dubois, 2021. « Contrôler les assistés. Genèses et usage d’un mot d’ordre ».
13 Voir Vincent Dubois, Morgane Paris et Pierre-Edouard Weil. 2018. « Des chiffres et des droits ». Disponible ici.
14 Voir le rapport de la cour des comptes « La lutte contre les fraudes aux prestations sociales ». Cité ci-dessus, pp. 49.
15 Sur ce sujet, voir Alexis Spire, « Faibles et puissants face à l’impôt », 2012.
16 Voir le rapport d’Human Rights Watch « QA: how the EU’s flawed artifical intelligence regulation endangers the social safety net » disponible ici.
<script type="text/javascript"> function footnote_expand_reference_container_18090_2() { jQuery('#footnote_references_container_18090_2').show(); jQuery('#footnote_reference_container_collapse_button_18090_2').text('−'); } function footnote_collapse_reference_container_18090_2() { jQuery('#footnote_references_container_18090_2').hide(); jQuery('#footnote_reference_container_collapse_button_18090_2').text('+'); } function footnote_expand_collapse_reference_container_18090_2() { if (jQuery('#footnote_references_container_18090_2').is(':hidden')) { footnote_expand_reference_container_18090_2(); } else { footnote_collapse_reference_container_18090_2(); } } function footnote_moveToReference_18090_2(p_str_TargetID) { footnote_expand_reference_container_18090_2(); var l_obj_Target = jQuery('#' + p_str_TargetID); if (l_obj_Target.length) { jQuery( 'html, body' ).delay( 0 ); jQuery('html, body').animate({ scrollTop: l_obj_Target.offset().top - window.innerHeight * 0.2 }, 380); } } function footnote_moveToAnchor_18090_2(p_str_TargetID) { footnote_expand_reference_container_18090_2(); var l_obj_Target = jQuery('#' + p_str_TargetID); if (l_obj_Target.length) { jQuery( 'html, body' ).delay( 0 ); jQuery('html, body').animate({ scrollTop: l_obj_Target.offset().top - window.innerHeight * 0.2 }, 380); } }

Surveillance sonore : LQDN attaque l’expérimentation d’Orléans

mardi 14 décembre 2021 à 12:43

Nous venons de déposer un recours contre l’expérimentation de surveillance sonore d’Orléans.

Comme nous le décrivions la semaine dernière, la ville d’Orléans va équiper plusieurs de ses caméras de mouchards, c’est-à-dire de micros, pour détecter des sons « anormaux », ce qui avait pourtant déjà été déclaré illégal par la CNIL à Saint-Étienne il y a deux ans. Nous envoyons donc à la CNIL une copie de ce recours. Elle ne peut désormais plus rester les bras croisés face à ce nouveau genre de surveillance illégale..

Nous l’avions dénoncé la semaine dernière, à côté du déploiement de la vidéosurveillance automatisée de l’espace public se développe un autre type de surveillance algorithmique : la surveillance sonore.

Comme pour la vidéosurveillance, il s’agit de déployer des capteurs pour détecter des évènements dits « anormaux » (cris, détonations, hausse du ton de la voix…) et pouvoir orienter la police si besoin. Le plus souvent, ces capteurs sont directement liés aux caméras pour faciliter le travail des agents présents dans le centre de surveillance : les capteurs sonores les aident à diriger les caméras vers le bon endroit pour identifier la source du bruit.

Bref, une Technopolice qui ne se contente plus seulement d’épier mais qui veut désormais écouter, et réduire au silence.

Le maire d’Orléans met sa population sous écoute

La convention, signée entre Orléans et Sensivic le 12 octobre 2021, a pour objet d’autoriser l’entreprise à déployer et tester ses dispositifs de « détection de sons, en particulier la détection automatisée de bruits anormaux ». Ces derniers « demandent à être couplés à un système de sécurité, et plus particulièrement ceux s’appuyant sur un système de vidéoprotection ».

Il y est même précisé que ces dispositifs permettent « d’analyser en permanence le son ambiant pour pouvoir détecter des anomalies ». Impossible de savoir exactement ce que recouvre cette notion d’anomalies, la convention n’en donne que quelques exemples ponctués de « … » : « cris, hurlements… », ou « percussions, détonations… ». Comme tout dispositif de Technopolice, l’anormalité n’est donc jamais précisément définie et laissée à la libre interprétation de la police ou de l’entreprise privée – au dépend de la population et de l’État de droit.

Le tout est « gracieusement offert » par l’entreprise à la ville, exactement comme pour les portiques de reconnaissance faciale dans les lycées de Nice et Marseille, ou la surveillance automatisée à Valenciennes. La ville prête sa population en tant que cobaye forcée à une entreprise de surveillance pour qu’elle puisse développer ses produits et en faire la promotion.

La CNIL reste sourde

Nous l’avions aussi rappelé : la CNIL a clairement déclaré illégale une expérimentation semblable ayant lieu à Saint-Étienne (nous avions eu communication du courrier, publié ici), c’est-à-dire une expérimentation en ville de capteurs sonores de « bruits anormaux » liés à des caméras de vidéosurveillance. L’autorité avait notamment considéré qu’il n’existait aucun texte permettant le déploiement de tels dispositifs de surveillance sonore et en avait conclu à leur illégalité.

Pourtant, depuis que le projet a officiellement et fièrement été annoncé par la mairie dans la presse il y a plus de deux mois, aucune communication de la CNIL n’est sortie pour dénoncer l’illégalité du projet.

Encore plus inquiétant : le site de Sensivic revendique des expérimentations dans plusieurs villes de France, sans que ne soit à un moment précisé quel dispositif est installé et où : Menton, Rognac, Valbonne…

Le silence de la CNIL, comme de toute autorité de contrôle, nous oblige à intervenir, aussi bien devant le tribunal administratif pour faire annuler cette convention d’expérimentation que devant la CNIL directement pour la forcer à appliquer de nouveau sa décision. Alors que la CNIL aurait pu se saisir elle-même de ces affaires et mener des contrôles, nous sommes aujourd’hui contraint·es de devoir la saisir formellement d’une plainte afin de ne plus lui laisser la possibilité de se défiler.

Opacité du déploiement et du contrôle

De nouveau, l’opacité du déploiement de ces dispositif est plus qu’alarmante : où en est-on de l’installation de ces dispositifs ? L’expérimentation a-t-elle commencé ? Impossible de le savoir.

Même problématique du côté de la CNIL : la ville d’Orléans a-t-elle communiqué avec la CNIL ? L’autorité a-t-elle commencé un contrôle, y a-t-il eu un avertissement de sa part ou même des inquiétudes sur l’installation des capteurs sonores ? La CNIL n’a pas communiqué dessus. Nous lui avons adressé une demande CADA qui est pour l’instant restée sans réponse.

Les insuffisances de la CNIL en matière de surveillance de l’espace public sont criantes : pendant plusieurs années, la police aura ainsi pu utiliser illégalement des drones sans que la CNIL ne s’en émeuve le moins du monde (elle se réveillera seulement après deux décisions du Conseil d’État suite à nos actions devant les tribunaux). Rien non plus sur Veesion, cette entreprise qui surveille le comportement des personnes dans les supermarchés. La liste est longue.

Et même quand elle agit, son action n’apparaît malheureusement pas suffisante pour restreindre le déploiement de cette Technopolice. Son avis sur l’expérimentation de Saint-Étienne, bien que médiatisé, n’a aucunement empêché Sensivic de déployer ses outils en France (ou Marseille d’équiper son métro de micros).

C’est pourquoi nous déposons un recours non seulement devant la CNIL pour la forcer à faire respecter sa propre décision, mais également devant le tribunal administratif. La procédure devant le tribunal administratif nous permet d’être partie au contentieux, c’est-à-dire d’avoir accès aux pièces et de pouvoir répondre aux arguments d’Orléans et de l’entreprise – ce qu’une procédure devant la CNIL ne permet malheureusement pas.

Voilà le cœur de la Technopolice : des villes qui prêtent leur population à des entreprises pour que celles-ci perfectionnent les dispositifs de surveillance qu’elles commercialisent, des entreprises qui s’auto-évaluent et des autorités de contrôle qui restent silencieuses.

Comme nous combattons la vidéosurveillance automatisée ou la reconnaissance faciale, nous attaquons les mouchards qui ne sont qu’une énième facette de la surveillance algorithmique de nos espaces de vie. Nous refusons ces machines qui veulent espionner, écouter, identifier, pour mieux faire taire et réprimer. Ne laissons aucune place à la Technopolice.

Orléans : le retour des mouchards

mardi 7 décembre 2021 à 15:57

À Orléans, la municipalité a annoncé en octobre 2021 débuter une expérimentation consistant à équiper quatre caméras de vidéosurveillance de micros détecteurs de sons « anormaux », en partenariat avec l’entreprise Sensivic. Ces mouchards avaient pourtant été déclarés illégaux par la CNIL lorsque la ville de Saint-Étienne avait tenté d’en installer il y a deux ans.

De l’écoute urbaine couplée aux caméras

Le projet de la Mairie d’Orléans est d’installer des micros couplés aux caméras de vidéosurveillance pour que, dès qu’ils détectent un bruit « anormal », une alerte remonte au Centre de supervision urbain, c’est-à-dire dans la salle de commandement de la police où sont aussi acheminés les flux de vidéosurveillance. L’objectif de ce partenariat consiste à perfectionner ces dispositifs de détection sonore. L’argument principal de la municipalité pour ce dispositif est de dire que celui-ci respecte la vie privée, car le détecteur n’enregistrerait pas les sons mais un simple « paysage sonore ».

A la municipalité, c’est Florent Montillot (UDI), premier adjoint au maire à la sécurité qui porte ce projet. Il indique (à 3h01) que l’expérimentation est entièrement prise en charge par Sensivic, l’entreprise chargée d’installer et de gérer ces mouchards. Celle-ci cherche à améliorer et entraîner ses algorithmes afin, par exemple, de pouvoir différencier des cris de joie de ceux d’épouvante, ou d’identifier des bris de glace si une vitrine est cassée.
A noter que l’expérimentation n’a pas de durée déterminée, afin, selon Montillot, de permettre à Sensivic de faire toutes les recherches nécessaires.

La ville d’Orléans installe en effet ses détecteurs de sons anormaux pour permettre à une entreprise orléanaise de tester ses dispositifs sur ses habitant.es, l’ensemble du système étant « gracieusement » financé par ladite entreprise. Ce n’est pas sans rappeler ce qu’il se passe à Suresnes, où Two-I exerce ses algorithmes sur la population (lire notre article).

Sensivic en partenariat avec l’armée

Sensivic a été créé en 2015, à Sophia Antipolis, la technopole spécialisée en IA, et s’est depuis
installée
à Orléans, au sein de Lab’O, un accélérateur de start-up numériques. Ses fondateurs, Pascale et Jean Demartini, travaillent sur leur produit principal Soundscanner depuis 2015 (voir sa fiche technique ici)

Le produit phare de l’entreprise, Soundscanner, boîtier à fixer sous les caméras.

Sensivic a aussi rejoint le projet LORIAS, un laboratoire d’innovation pour l’armée de l’air : « Le projet consiste à développer des solutions pour améliorer la collecte, la gestion et la transmission de données sensibles diffusées par des objets de « troisième dimension » (drones, capteurs, objets connectés…) » comme l’indique le journal local. Ainsi, des start-up orléanaises, dont Sensivic, travaillent pour l’armée de l’air aux côtés des champions nationaux que sont Thalès, Engie, Atos et Orange.

Pour résumer, la municipalité encourage une entreprise à tester et mettre aux points ses produits sur la population orléanaise pour le compte de l’armée française, de Thalès et d’autres.

La composition du projet LORIAS.

Tout comme à Saint-Étienne, le dispositif est illégal

Déjà en 2019, la métropole stéphanoise avait tenté de déployer un dispositif similaire, appelé cyniquement SOFT, pour Système d’Observation des Fréquences du Territoires, par l’entreprise Serenicity, une filiale de Verney-Carron, fabriquant de LBD et ami du maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau (voir notre article).

À l’époque, le collectif « Halte au contrôle numérique » s’était mobilisé à Saint-Étienne pour lutter contre ce projet de micros « intelligents » et qui devaient être reliés à une nuée de drones envoyés sur les lieux en cas de bruits suspects. Ils ont organisé des conférences, ateliers et déambulations sonores pour lutter contre l’écoute urbaine.

La CNIL s’est ensuite intéressée au sujet et a averti Saint-Étienne de l’illégalité de ce dispositif, considérant qu’il s’agissait d’un « traitement illicite de données à caractère personnel ». Le projet a depuis été mis aux cartons et lorsque nous avons croisé Serenicity à Milipol au mois d’octobre, celle-ci affirmait avoir complètement changé de braquet pour se spécialiser dans la cybersécurité des PME.

La nouvelle surveillance déployée à Orléans ne corrige pas les illégalités de la surveillance envisagée à Saint-Étienne, ce type de surveillance automatisée de données biométriques étant intrinsèquement contraire à la loi.

Conclusion

Des mouchards de Saint-Étienne à Orléans, le marché de la technopolice n’est jamais à court de nouveautés. Ce secteur juteux est en recherche de débouchés. Maintenant que la vidéosurveillance est largement déployée, certains aimeraient faire pulluler de nouveaux types de capteurs — ici, des micros.

Nous refusons que nos villes soient le terrain d’expérimentations d’entreprises pour améliorer leurs gadgets sécuritaires. Nous refusons d’être des cobayes pour que des start-up puissent revendre leurs technologies, sur le marché français ou pour l’armée. Nous refusons ces technologies, qui risquent ensuite d’être utilisées dans les banlieues, lors des manifestations, ou encore pour surveiller des frontières mortelles.

Rendez-vous au Labomédia à Orléans le vendredi 3 décembre à 18h30, et sur le forum Technopolice pour organiser notre refus !

Retour des drones policiers – le Parlement doit saisir le Conseil constitutionnel

lundi 6 décembre 2021 à 15:22

La loi « responsabilité pénale et sécurité intérieure » a fini d’être examinée par le Parlement le 18 novembre dernier. Elle sera définitivement adoptée le 16 décembre. Elle prévoit notamment de ré-autoriser les drones policiers qui, l’an dernier, avaient été interdits par le Conseil constitutionnel lors de la censure de la loi sécurité globale.

Non seulement la nouvelle loi ne corrige aucun des graves manquements qui avaient justifié la censure de la loi sécurité globale mais, plus grave, elle en ajoute de nouveaux. Notamment, elle autorise les images captées par drones à être analysées par reconnaissance faciale, ce que la loi sécurité globale avait explicitement interdit.

En théorie, tout devrait conduire à une nouvelle censure des drones dans cette nouvelle loi. Pourtant, le Conseil constitutionnel n’a toujours pas été saisi par les parlementaires. Depuis trois semaines, nous attendons que les différents groupes de gauche réunissent les 60 député·es ou 60 sénateur·ices nécessaires pour saisir le Conseil, ce qu’ils avaient réussi à faire sans soucis contre la loi sécurité globale.

Pour une raison incompréhensible, surtout en période électorale où on attendrait de l’opposition qu’elle joue toutes ses cartes, il semble que le Parti Socialiste hésite encore à attaquer cette nouvelle loi, dont la contrariété à la Constitution est pourtant plus importante que la précédente loi qu’il n’avait pas hésité à attaquer.

Au sein de l’Observatoire des Libertés et du Numérique1Les membres de l’OLN s’étant joints à cette analyse sont La Quadrature du Net, la Ligue des Droits de l’Homme, le Syndicat de la Magistrature et le CECIL.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_17980_2_1').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_17980_2_1', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });, nous publions ci-dessous (ou en PDF) l’analyse juridique transmises aux députés et sénateurs de gauche le 16 novembre afin de les convaincre de saisir le Conseil constitutionnel (à noter qu’il s’agit d’une simple analyse juridique qui ne couvre pas l’ensemble de nos arguments politiques contre les drones policiers).

Analyse de constitutionnalité des articles 7 à 9 de la loi responsabilité pénale et sécurité intérieure

Articles 8 et 8 bis – Drones

Tout comme l’article 47 de la loi sécurité globale, les articles 8 et 8 bis autorisent la police administrative et la police judiciaire à déployer des drones de surveillance. Ces articles doivent être censurés par le Conseil constitutionnel pour deux raisons : ils échouent à présenter les garanties qui faisaient déjà défaut à l’article 47 et qui en avaient justifié la censure par le Conseil constitutionnel (I) ; ils présentent encore moins de garanties que cet article 47 (II).

I – Des garanties toujours absentes

La grande majorité des garanties qui faisaient défaut à la loi sécurité globale et qui en avait justifié la censure font aussi défaut à la nouvelle loi.

Finalités

Le Conseil constitutionnel a justifié la censure de la loi sécurité globale en rappelant la longue liste des finalités permettant la surveillance par drones (voir point 137 de sa décision).

En matière de police judiciaire et de police municipale, il faut reconnaître que le législateur a apporté quelques précisions utiles par rapport à la loi sécurité globale (par exemple, en matière municipale, la très large finalité consistant à « assurer l’exécution des arrêtés de police du maire » a été remplacée par une liste de finalités plus explicites : sécurité des événements public, régulations des transports, assistance aux personnes…).

En revanche, en matière de police administrative, la liste des finalités reste inchangée et toujours aussi excessive que le Conseil constitutionnel ne l’avait constaté pour la loi sécurité globale.

De plus, la nouvelle loi ajoute pour la police judiciaire une nouvelle finalité particulièrement large : la « recherche d’une personne en fuite ». La logique même de la fuite, couplée à la très grande mobilité des drones, est susceptible d’entraîner la surveillance de zones géographiques aussi larges qu’impossibles à anticiper.

Durée

Le Conseil a censuré de la loi sécurité globale au motif que « le législateur n’a lui-même fixé aucune limite maximale à la durée » des autorisations de déploiement des drones (point 138).

La nouvelle loi prévoit que l’autorisation rendue par le préfet en matière de police administrative ou de police municipale peut être renouvelée par le préfet tous les trois mois de façon illimitée. De même, elle prévoit que l’autorisation rendue par le procureur en matière de lutte contre les infractions ou de poursuite des personnes en fuite peut être renouvelée indéfiniment tous les mois.

Il n’y a que pour les recherches des causes de la mort ou des causes de la disparition que l’autorisation, renouvelable tous les quatre mois, est limitée par le législateur à une durée maximale de deux ans. Ce contraste souligne clairement que, en dehors de ce cas limité, les autorisations peuvent être renouvelles pour une durée à laquelle le législateur n’a fixé aucune limite maximale, contrairement aux exigences constitutionnelles.

Périmètre

De même, le Conseil a censuré la loi sécurité globale au motif que « le législateur n’a lui-même fixé […] aucune limite au périmètre dans lequel la surveillance peut être mise en œuvre » (point 138). Aujourd’hui, le législateur n’a toujours pas tenté de corriger ce manquement. La nouvelle loi continue de laisser la délimitation du périmètre surveillé à la discrétion du préfet ou du procureur sans que ce choix ne soit d’aucune façon circonscrit par la loi.

En pratique, cette absence de limitation empêchera toute autorité indépendante d’examiner au préalable la nécessité et la proportionnalité de la mesure de surveillance, contrairement à ce qu’exige le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence (voir décision 94-352 DC, 18 janvier 1995, §§ 6 et 12).

Par exemple, si le préfet de police autorise la surveillance par drones de l’ensemble de la région parisienne au cours des jeux olympiques de 2024, aucune autorité indépendante ne pourra examiner au préalable la nécessité de surveiller les lieux que la police choisira effectivement de surveiller. Cela permettrait par exemple aux agents de police, de leur seule décision et sans aucun contrôle extérieur préalable possible, de surveiller n’importe quelle manifestation ou local associatif situés dans la région parisienne grâce à cette autorisation. Ce n’est qu’a posteriori, une fois que l’atteinte aux libertés de la population aura été consommée et dans le cas hypothétique où elle en serait saisie, qu’une autorité extérieure pourra éventuellement examiner la mesure et demander à ce qu’elle prenne fin.

Subsidiarité

Le Conseil a censuré la loi sécurité globale au motif que le déploiement de drones ne présentait « pas un caractère subsidiaire » – autrement dit, que les drones pouvaient être déployés en l’absence de « circonstances liées aux lieux de l’opération [qui] rendent particulièrement difficile le recours à d’autres outils de captation d’image » (point 139). Cette garantie de subsidiarité fait toujours défaut dans la nouvelle loi : le préfet et le procureur ne sont toujours pas tenus de vérifier si d’autres outils moins intrusifs permettraient d’atteindre le même objectif avant d’autoriser le déploiement de drones.

Ce principe de subsidiarité est d’autant plus indispensable que l’article 10 de la directive européenne 2016/680 (dite « police-justice ») exige lui aussi que les données biométriques (telles que les images du visage) ou sensibles (tel que le fait de participer à une manifestation politique) ne puissent être traitées qu’en cas de « nécessité absolue » – autrement dit, si aucune autre mesure ne permet d’atteindre l’objectif poursuivi.

Or, dans sa décision du 22 décembre 2020 (décision n° 446155) qui a interdit les drones policiers à Paris, le Conseil d’État a lui-même souligné que « le ministre n’apporte pas d’élément de nature à établir que l’objectif de garantie de la sécurité publique lors de rassemblements de personnes sur la voie publique ne pourrait être atteint pleinement dans les circonstances actuelles, en l’absence de recours à des drones ». Le gouvernement n’a jamais pris la peine de chercher de telles preuves : il refuse de démontrer en quoi les drones seraient « nécessaires » à l’action quotidienne de la police – et échoue d’autant plus à en démontrer la « nécessité absolue ». Tant que le gouvernement refusera d’ouvrir un tel débat, le principe de subsidiarité exigé par le Conseil constitutionnel est incompatible avec le principe même de drones de surveillance.

Information

Le Conseil constitutionnel a censuré la loi sécurité globale au motif que l’information du public concernant les caméras mouvantes « n’est pas donnée lorsque « les circonstances l’interdisent » ou lorsqu’elle « entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis ». De telles exceptions permettent de déroger largement à cette obligation d’informer » (point 144).

Le caractère trop large de cette dérogation a justifié de censurer les dispositions qui en bénéficiaient, notamment l’article 48 autorisant les caméras embarquées, mais la disposition qui organisait cette information a elle-même survécu pour être codifiée à l’article L242-3 du code de la sécurité intérieure. La nouvelle loi ne modifie en rien cet article L242-3 mais prévoit d’y rattacher la nouvelle disposition autorisant les drones policiers. Cette nouvelle disposition devra être censurée de la même façon que le Conseil a censuré les dispositions de la loi sécurité globale bénéficiant des mêmes dérogations.

II – Des garanties en moins

La nouvelle loi devra aussi être censurée en ce qu’elle a retiré certaines des garanties prévues par la loi sécurité globale.

Reconnaissance faciale

La nouvelle loi propose de supprimer le second alinéa de l’article L242-1 du code de la sécurité intérieure qui, créé par la loi sécurité globale au sujet des drones, interdit « l’analyse des images issues de leurs caméras au moyen de dispositifs automatisés de reconnaissance faciale ».

La nouvelle loi remplace cette ancienne interdiction générale par une disposition bien plus limitée, introduite à l’article L242-4 de ce même code : l’interdiction d’installer des logiciels de reconnaissance faciale sur les drones eux-mêmes.

En comparaison avec le droit actuel, désormais, plus rien n’empêchera les images captées par drones d’être analysées par des logiciels de reconnaissance faciale installées sur d’autres dispositifs que les drones eux-mêmes. Or, la loi prévoit déjà que les images seront transmises en temps réel aux ordinateurs du poste de commandement et, en pratique, ce sera sur ces ordinateurs que les images seront le plus facilement et le plus efficacement analysées. Cette analyse pourra notamment être un rapprochement par reconnaissance faciale avec l’une des 9 millions de photographies contenues dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ), tel que prévu par le décret du 4 mai 2012 – ce que la loi sécurité globale avait jusqu’alors interdit explicitement.

Intérieur des domiciles

La loi sécurité globale exigeait que les captations d’image par drones soient « réalisées de telle sorte qu’elles ne visualisent pas les images de l’intérieur des domiciles ». La nouvelle loi prévoit désormais que les drones pourront capter de telles images si cette captation est réalisée par inadvertance – si les drones « ne visent pas à recueillir les images de l’intérieur des domiciles », mais les recueillent malgré tout. La loi prévoit désormais que les images ainsi captées seront conservées 48 heures afin d’être transmises au procureur si elles révèlent une infraction.

Une telle situation n’était pas permise par la loi sécurité globale qui s’opposait tout simplement à l’existence de telles images, tel qu’exigé par le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence (voir par exemple sa décision 94-352 DC, point 5) ainsi que dans sa décision contre la loi sécurité globale (point 144).

Autorisation facultative

La nouvelle loi reprend la procédure d’autorisation préalable du préfet prévue par la loi sécurité globale en matière de police administrative, mais lui ajoute une nouvelle exception. Désormais, lorsque les agents de terrain considéreront que « l’urgence résultant d’une exposition particulière et imprévisible à un risque d’atteinte caractérisée aux personnes ou aux biens le requiert », ils pourront se passer de l’autorisation du préfet et faire décoller des drones de leur propre chef pour une durée de 4 heures.

Cette absence d’autorisation préalable est en totale contradiction avec les exigences dégagées par le Conseil constitutionnel en matière de surveillance vidéo : le législateur « ne peut subordonner à la diligence de l’autorité administrative l’autorisation d’installer de tels systèmes sans priver alors de garanties légales les principes constitutionnels » protégeant la liberté d’aller et venir, la vie privée et l’inviolabilité du domicile (Conseil constit., 94-352 DC, 18 janvier 1995, point 12).

C’est notamment pour cette raison que le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions relatives aux caméras embarquées dans la loi sécurité globale : « la décision de recourir à des caméras embarquées relève des seuls agents des forces de sécurité intérieure et des services de secours » (décision 2021-817 DC, §147). Désormais, cette critique devra être étendue aux dispositions de surveillance par drones qui devront être censurées pour les mêmes raisons.

Information

Comme vu plus avant, la loi sécurité globale a ajouté un article L242-3 au code de la sécurité intérieure pour organiser la façon dont le public aurait du être informé du déploiement de drones par la police administrative, municipale ou judiciaire. Cette information prévoyait des dérogations jugées trop larges par le Conseil constitutionnel. Toutefois, aussi imparfaite était-elle, cette information avait au moins le mérite de constituer une potentielle base de travail à améliorer.

Non seulement la nouvelle loi ne corrige pas cette information (tel qu’exposé plus avant) mais, plus grave, elle en exclut désormais les drones déployés par la police judiciaire, qui ont été déplacés du code de la sécurité intérieure vers le code de procédure pénale qui ne prévoit plus la moindre information du public, ce qui était pourtant une garantie essentielle exigée par le Conseil dans sa décision contre la loi sécurité globale (point 144).

Article 9 – Caméras embarquées

L’article 9 de la nouvelle loi autorise la captation d’images à partir de caméras embarquées sur les navires, camions et voitures des autorités publiques. Pour ce faire, cet article 9 reprend presque à l’identique, en l’aggravant, l’article 48 de la loi sécurité globale que le Conseil constitutionnel avait entièrement censuré.

Absence d’autorisation

La principale raison pour laquelle le Conseil constitutionnel avait censuré l’article 48 est que, contrairement à ce que prétendait faire l’article 47 pour les drones, la loi sécurité globale ne prévoyait aucune forme d’autorisation extérieure s’agissant des caméras embarquées : «  la décision de recourir à des caméras embarquées relève des seuls agents des forces de sécurité intérieure et des services de secours. Elle n’est soumise à aucune autorisation, ni même à l’information d’une autre autorité » (point 147).

La nouvelle loi ne prétend même pas répondre à ce problème. De même que pour la loi sécurité globale, ce sont les agents qui, seuls, décideront comment et quand surveiller la population. L’article 9 de la nouvelle loi doit être censuré pour ce seul motif.

Finalités

L’article 48 de la loi sécurité globale dressait une liste explicite et exhaustive des finalités qui auraient permis de capter, de transmettre et d’exploiter les enregistrements réalisés à partir de caméras embarquées. Le Conseil constitutionnel rappelait la longue liste de ces finalités pour justifier la censure de la loi : « prévenir les incidents au cours des interventions, faciliter le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves, assurer la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public, faciliter la surveillance des littoraux, des eaux intérieures et des zones frontalières ainsi que le secours aux personnes et la lutte contre l’incendie, et réguler les flux de transport » (point 145).

Plutôt que de réduire ou de préciser cette liste, l’article 9 de la nouvelle loi change entièrement de logique : il ne prévoit plus aucune finalité, mais se contente de prévoir que les caméras embarquées pourront être activées « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident ». Avec cette nouvelle logique, la loi ne décrit plus ni la nature des « incidents » justifiant la surveillance (il pourrait à la fois s’agir d’infractions, de troubles à l’ordre public, d’altercations ou de simples désaccords avec les personnes contrôlées) ni l’objectif même de cette surveillance (il pourrait à la fois s’agir de collecter des preuves pour une future enquête judiciaire, de constituer des éléments pédagogiques, de contrôler la déontologie des agents ou de participer au travail des services de renseignement, notamment en manifestation).

Seules les étapes ultérieures de transfert et d’exploitation des enregistrements sont encore limitées à certaines finalités, par ailleurs excessivement larges et vagues : assurer la « sécurité des agents » et « faciliter l’établissement fidèle des faits ». Mais l’étape initiale de captation des images, elle, échappe entièrement à la logique des finalités. Cette logique est pourtant au cœur du droit des données personnelles, qu’on retrouve tant à l’article 4 de la loi informatique et liberté (les données doivent être « collectées pour des finalités déterminées, explicites »), qu’à l’article 5 du RGPD ou à l’article 4 de la directive police-justice. Tout traitement doit décrire clairement sa finalité, à défaut de quoi il est impossible d’en évaluer la proportionnalité ou de limiter au strict minimum les données traitées. Au contraire, en pratique, l’absence de finalité explicite incite le responsable de traitement à collecter un maximum de données dans la perspective qu’elles puissent servir à une finalité qui n’a pas encore été identifiée.

L’article 9 de la nouvelle loi doit être censuré pour ce seul manquement à l’essence du droit des données personnelles – manquement dont ne souffrait pas l’article 48 de la loi sécurité globale que le Conseil constitutionnel a pourtant censuré.

Durée et périmètre

De même qu’exposé ci-avant pour les drones, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 48 car, « si ces mêmes dispositions n’autorisent la mise en œuvre de ces caméras embarquées que pour la durée strictement nécessaire à la réalisation de l’intervention, le législateur n’a lui-même fixé aucune limite maximale à cette durée, ni aucune borne au périmètre dans lequel cette surveillance peut avoir lieu » (point 146).

Le législateur n’a pas pris la peine d’essayer de corriger ces deux manquements dans la nouvelle loi.

Intérieur des immeubles

Le Conseil constitutionnel a censuré l’article 48 au motif que les caméras embarquées pouvaient capter des images « y compris, le cas échéant, de l’intérieur des immeubles » (point 144).

De même qu’exposé ci-avant pour les drones, plutôt que de corriger ce problème, l’article 9 de la nouvelle loi prévoit désormais que, lorsque les caméras embarquées captent de telles images par inadvertance, elles sont conservées pendant 48 heures afin de pouvoir être transmise au procureur si elles révèlent une infraction.

Information

Tel qu’exposé ci-avant, le Conseil constitutionnel a censuré la loi sécurité globale au motif que l’information des personnes concernées quant aux mesures de surveillance « n’est pas donnée lorsque « les circonstances l’interdisent » ou lorsqu’elle « entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis ». De telles exceptions permettent de déroger largement à cette obligation d’informer.

L’article 9 de la nouvelle loi reproduit exactement ce même manquement puisqu’il prévoit de déroger à l’information du public « si les circonstances de l’intervention l’interdisent » ou s’agissant de « missions impliquant l’absence d’identification du service concerné ».

Article 7 – Caméras en cellule

L’article 7 de la nouvelle loi reprend l’article 41 de la loi sécurité globale que le Conseil constitutionnel avait entièrement censuré. Il autorise la vidéosurveillance des cellules de garde à vue et des cellules de retenue douanière – alors que l’article 41 concernait les gardes à vue et les centres de rétention administrative.

Les deux lois partagent les trois mêmes finalités : prévenir les risques d’évasion, prévenir les menaces sur la personne ou sur autrui, conserver des preuves dans le cadre de procédures judiciaires ou administratives. Les deux lois partagent aussi les mêmes modalités : enregistrement en continu, visionnage en temps réel, pare-vue supposé garantir « l’intimité de la personne tout en permettant la restitution d’images opacifiées », absence de dispositif biométrique ou de captation de son.

Le Conseil constitutionnel avait censuré l’article 41 de la loi sécurité globale pour trois manquements dont deux sont partagés avec ce nouvel article 7.

Premièrement, les dispositions de la loi sécurité globale ont été censurées car elles « permettent au chef du service responsable de la sécurité des lieux de décider du placement sous vidéosurveillance », et ce sans avoir à obtenir l’autorisation de l’autorité judiciaire (point 86). L’article 7 de la nouvelle loi offre exactement les mêmes pouvoirs au chef de la sécurité qui décidera seul du placement sous vidéosurveillance.

Deuxièmement, la loi sécurité globale a été censurée car « le traitement des images ainsi recueillies peut avoir pour finalité la collecte de preuves » (point 86). L’article 7 de la nouvelle loi prévoit que les enregistrements peuvent être « utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire » et bénéficient dans ce cadre d’une dérogation à la durée de conservation initiale de sept jours pour être conservés aussi longtemps que la procédure le requiert. Cette finalité s’inscrit exactement dans l’interdiction formulée par le Conseil constitutionnel, ce qui nécessite que la disposition soit à nouveau censurée.

Troisièmement, la loi sécurité globale a été censurée car la mise sous surveillance de 48 heures « peut être renouvelée sur la seule décision du chef de service responsable de la sécurité des lieux, et sous l’unique condition d’en informer le procureur de la République » (point 87). L’article 7 semble avoir corrigé ce manquement : la mise sous surveillance décidée par le chef de la sécurité ne dure plus que 24 heures et ne peut être renouvelée qu’avec l’autorisation du procureur.

Si cette évolution répond à l’une des trois critiques formulées par le Conseil constitutionnel, ses effets seront limités en pratique et ne suffiront pas à combler les deux autres manquement : en 2019, sur le 417 000 mesures de garde à vue recensées, 298 000 ont duré moins de 24 heures (rapport d’activité 2020 de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté). Ainsi, les deux manquements que la nouvelle loi n’a pas corrigés (décision arbitraire du chef de la sécurité et possibilité de collecter des preuves) continueront de concerner 71% des mesures de gardes à vue et justifient à eux seuls de censurer l’article 7 de la nouvelle loi.

References

References
1 Les membres de l’OLN s’étant joints à cette analyse sont La Quadrature du Net, la Ligue des Droits de l’Homme, le Syndicat de la Magistrature et le CECIL.
<script type="text/javascript"> function footnote_expand_reference_container_17980_2() { jQuery('#footnote_references_container_17980_2').show(); jQuery('#footnote_reference_container_collapse_button_17980_2').text('−'); } function footnote_collapse_reference_container_17980_2() { jQuery('#footnote_references_container_17980_2').hide(); jQuery('#footnote_reference_container_collapse_button_17980_2').text('+'); } function footnote_expand_collapse_reference_container_17980_2() { if (jQuery('#footnote_references_container_17980_2').is(':hidden')) { footnote_expand_reference_container_17980_2(); } else { footnote_collapse_reference_container_17980_2(); } } function footnote_moveToReference_17980_2(p_str_TargetID) { footnote_expand_reference_container_17980_2(); var l_obj_Target = jQuery('#' + p_str_TargetID); if (l_obj_Target.length) { jQuery( 'html, body' ).delay( 0 ); jQuery('html, body').animate({ scrollTop: l_obj_Target.offset().top - window.innerHeight * 0.2 }, 380); } } function footnote_moveToAnchor_17980_2(p_str_TargetID) { footnote_expand_reference_container_17980_2(); var l_obj_Target = jQuery('#' + p_str_TargetID); if (l_obj_Target.length) { jQuery( 'html, body' ).delay( 0 ); jQuery('html, body').animate({ scrollTop: l_obj_Target.offset().top - window.innerHeight * 0.2 }, 380); } }

Rallumez les ombres, faites un don à la Quadrature du Net

jeudi 18 novembre 2021 à 20:12

Plus aucun espace de nos vies n’échappe à la surveillance.

Nos ordinateurs connectés sont truffés de pisteurs publicitaires, nos téléphones sont des mouchards de poche, les caméras dans les rues commencent à observer nos démarches et analyser nos visages.

Les lumières n’ont aujourd’hui plus aucun rapport avec la recherche de la vérité ou de la liberté : elles sont accaparées par les néons publicitaires et les projecteurs policiers. Consommer et contrôler, voilà notre vie dans la lumière crue, sous des « lumières » si puissantes qu’elles ont changé la couleur du ciel. Les organisateurs du désastre voudraient même transformer le ciel en mirador, avec leurs drones téléguidés.

Qu’est devenue l’obscurité refuge ? Où est passée la nuit apaisante ? Qui se souvient de la pénombre ? Où sont ces espaces non surveillés où nous pouvons encore parler, créer, tester, contester, être non conformes, minoritaires, libres, et tout simplement vivre ? Ils sont trop rares, trop dispersés, trop isolés, comme des poches de résistance, comme les derniers îlots d’un archipel que l’eau finira bientôt par engloutir.

La technoville automatise la police et le déni de justice, elle déshumanise les rapports sociaux et systématise la traque des ombres clandestines : caméra sur la silhouette qui peint une fresque sur un mur, projecteur sur la silhouette qui distribue du réconfort et des vivres aux âmes dont la rue est le dernier refuge.

L’assaut sécuritaire sur nos espaces communs transforme les villes, non pas en espaces publics, mais en espaces impersonnels. L’ordre imposé renforce les discriminations, muselle les mouvements sociaux, dépolitise nos rues. Ou plutôt, impose à tout propos la sécurisation policière comme politique unique.

De plus en plus de villes, de rues, de places du pays sont surveillées par les mêmes logiciels, vendus par les mêmes sociétés cyniques. Partout nos villes sont remodelées par la même logique de contrôle, de méfiance, et d’enfermement.

Nous ne pouvons pas éternellement nous cacher derrière des capuches et des messages chiffrés. Le moment est venu de reconquérir la rue, de libérer les réseaux, d’affirmer que la surveillance est caduque.

La Quadrature travaille depuis plus de dix ans pour empêcher qu’Internet ne devienne une galerie marchande surveillée par une censure arbitraire. Par l’initiative Technopolice, lancée il y a deux ans, elle tente aussi de documenter et de faire reculer la mise sous surveillance des villes et des espaces publics.

Face à la dystopie qui est notre présent, nous essayons de retisser des fragments de nuit, de recréer des espaces sans surveillance.

Aidez-nous à rallumer la nuit, faites un don à La Quadrature

COMBIEN AVEZ-VOUS DONNÉ ?

1%

Cette année nous avons besoin de rassembler 270 000 € pour que notre budget 2022 soit à l’équilibre.
Grâce à nos donatrices et à nos donateurs régulier·es, nous recevons environ 10 000 € chaque mois (120 000 € par an).
Il faut donc réunir au moins 150 000 € supplémentaires pour passer l’année 2022.
Aidez-nous !

PARLEZ DE LA CAMPAGNE AUTOUR DE VOUS









POURQUOI DONNER À LA QUADRATURE ?

Pour faire le travail qui est le sien, l’association a une fantastique équipe de membres bénévoles, mais elle a besoin d’une équipe salariée. Elle se finance grâce à vos dons.
L’association ne touche aucun argent public, mais elle reçoit des subventions, à hauteur de 18 % de son budget, de la part de plusieurs fondations philanthropiques : la FPH, DFF et, jusqu’à fin 2021, l’OSF.
Tout le reste provient de la générosité des personnes qui estiment que nos droits et nos libertés doivent être défendues sans relâche.

COMMENT DONNER ?

Vous pouvez faire un don par CB sur notre site, par chèque, ou encore par virement bancaire.
Et si vous pouvez faire un don mensuel — même un tout petit ! — n’hésitez pas, ce sont nos préférés : en nous assurant des rentrées d’argent tout au long de l’année, les dons mensuels nous permettent de travailler avec plus de confiance dans la pérennité de nos actions.
En plus, le cumul de vos dons vous donne droit à des contreparties (sac, t-shirt, sweat, etc.)

DE NOUVEAUX PALIERS POUR LES CONTREPARTIES

Notre système de contreparties fonctionne par paliers. Il faut cumuler 64 € pour un tote-bag aux couleurs de La Quadrature, 128 € pour un t-shirt et un sac, et 314 € pour un sweat, un tee-shirt et un sac.
Attention, l’envoi n’est pas automatique, il faut vous connecter et faire la demande sur votre page personnelle de donateur/donatrice.
Et si les contreparties tardent un peu à arriver, ce qui n’est pas rare, c’est parce qu’on est débordé·es, ou qu’on attend le réassort dans certaines tailles, et aussi parce qu’on fait tout ça nous-mêmes avec nos petites mains. Mais elles finissent toujours par arriver !

Merci encore pour votre générosité, et merci beaucoup pour votre patience <3

À QUOI SERVENT VOS DONS ?

Tout simplement à faire exister l’association.
La Quadrature du Net emploie actuellement une équipe de 7 salarié·es à plein temps. C’est encore trop peu, pour tout le travail à abattre. Quand on en parle avec nos collègues à l’étranger, l’étonnement est toujours le même : « Vous êtes aussi peu nombreux pour faire tout ça ? ».
En 2021, vos dons nous ont permis de récolter 285 000 €, soit 79 % de nos recettes. Nos dépenses pour l’année se montent à 295 000 €. Pour l’année qui vient, nous nous fixons un objectif de 270 000 € de dons.

Les dons recueillis servent principalement à payer les salaires des permanentes de l’association (85 % des dépenses). Viennent ensuite le loyer et l’entretien du local, les déplacements en France et à l’étranger (en train uniquement) et les divers frais matériels propres à toute activité militante (affiches, stickers, papier, imprimante, t-shirts, etc.).

Quand on ventile toutes les dépenses (salaires inclus) sur nos campagnes, en fonction du temps passé par chacun·e sur les sujets de nos luttes, ça ressemble à ça :

Dons de matériel

La Quadrature du Net a aussi des besoins en matériel ! Que ce soit pour des actions que nous menons, pour nous permettre de fonctionner correctement en interne, ou pour nous faciliter la vie ! Si vous avez, parmi la liste ci-dessous, du matériel que vous souhaitez nous faire parvenir, écrivez-nous sur notre adresse de contact en précisant bien :

Pour des raisons d’hygiène, nous ne pouvons pas accepter des dons de nourriture, matériaux périssables, ou dangereux.

Voici la liste des besoins actuels, mise à jour le 18 novembre 2021 :