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Refdoc/INIST : les dessous juridiques de l’affaire

lundi 15 octobre 2012 à 13:09

Voilà plus de quinze jours que le monde de la recherche scientifique est agité par le scandale de l’Inistgate, révélé par Olivier Ertzscheid sur son blog Affordance, dans un billet repris sur Rue89.

L’INIST (Institut National de l’Information Scientifique et Technique) – une des unités de service relevant de la tutelle du CNRS – est accusé de vendre fort cher des articles scientifiques disponibles par ailleurs gratuitement dans des archives ouvertes, et ce sans le consentement de leurs auteurs. Ces actes s’effectuent par l’intermédiaire du service Refdoc mis en place par l’Institut : un catalogue de plus de 50 millions de références, incluant des articles de revues scientifiques, mais aussi des ouvrages, des thèses, des actes de congrès dans toutes les disciplines.

S’affirmant comme « la référence en matière de fourniture de documents scientifiques« , Refdoc propose des services de reproduction des documents et d’expédition des copies papier, par voie postale ou de télécopie, ainsi que pour une partie du catalogue, l’envoi de copies numériques.

L’affaire soulève une vive polémique, car comme le rappelle Olivier Ertzscheid, l’INIST a déjà été condamné en justice pour ces pratiques, une première fois en 2010 et une seconde fois en appel en 2011. Un auteur d’articles avait attaqué l’INIST pour contrefaçon du droit d’auteur, obtenant également condamnation du CFC (Centre Français d’exploitation du droit de Copie), impliqué dans le montage juridique qui sous-tend le service Refdoc.

Il existe en réalité deux problèmes majeurs avec Refdoc, qui ne se situent pas exactement sur le même plan d’un point de vue juridique. Le premier réside dans le fait que l’INIST exploite à des fins commerciales les articles produits par des auteurs, sans leur consentement. Après avoir été nettement condamné en justice par deux fois, il est extrêmement choquant que l’INIST ait persisté dans ce type de pratiques, comme s’il était possible « d’acheter » le droit de violer la loi en payant des amendes, en tablant sur le fait que les auteurs ne bougeraient pas de manière collective.

L’autre problème réside dans le fait que l’INIST inclut dans son catalogue des articles que les auteurs ont par ailleurs rendus disponibles gratuitement dans des archives ouvertes. Refdoc les propose pourtant à la vente, à des prix élevés (d’une dizaine d’euros pour une copie papier envoyée par courrier postal à plus de 50 euros pour un envoi par transporteur !), et ce sans indiquer à ses utilisateurs que les articles figurent par ailleurs dans des archives ouvertes.

Ces dérives soulèvent plusieurs questions juridiques, qui révèlent à mon sens les lacunes et insuffisances du cadre juridique français. Elles appellent un réaction vigoureuse et collective des auteurs, pour faire respecter leur droits et défendre l’Open Access. Le collectif SavoirsCom1 propose aux auteurs concernés de signer une pétition et d’exiger le retrait de leurs articles de la base.

Un système qui perdure malgré une condamnation en justice

Le jugement rendu par la Cour d’Appel de Paris est très clair concernant la condamnation des pratiques de l’INIST et du CFC. Le premier s’appuyait en effet sur le second pour donner, en apparence, une base légale au service Refdoc.

Le CFC est en effet la société de gestion collective, qui opère dans le champ de la reprographie (photocopies). La loi du 3 janvier 1995 a en effet mis en place un système de gestion collective obligatoire : dès lors qu’une oeuvre est publiée, le droit de reproduction qui appartient normalement aux auteurs, est réputé être cédé au CFC, pour ce qui relève de la reprographie (c’est-à-dire d’après la loi, la « reproduction sous forme de copie papier ou support assimilé par une technique photographique ou d’effet équivalent permettant la lecture directe« ). C’est donc le CFC qui devient compétent pour délivrer des autorisations, notamment par le biais de contrats qu’il propose aux organisations utilisant des photocopies. La société de gestion se charge ensuite de récolter les sommes perçues en échange de ces autorisations et de les reverser aux titulaires de droits (éditeurs, auteurs).

Pour Refdoc, l’INIST s’est donc tourné vers le CFC, qui lui a délivré une telle autorisation afin qu’il mette en place son service. Le problème, c’est que l’exploitation commerciale réalisé par Refdoc se situait en dehors du périmètre dont le CFC dispose du fait de la loi. L’auteur qui les a traîné en justice soutenait en effet que la loi n’organise une gestion collective obligatoire qu’en ce qui concerne les usages non-commerciaux des reproductions et le juge lui a donné raison.

La loi précise en effet que le droit d’autoriser ou d’interdire les reprographies est dévolu au CFC « sous réserve, pour les stipulations autorisant les copies aux fins de vente, de location, de publicité ou de promotion, de l’accord de l’auteur ou de ses ayants droit« . L’INIST et le CFC soutenaient qu’en acceptant la publication de ses articles, l’auteur avait cédé automatiquement ses droits de reproduction, y compris à des fins commerciales, au CFC, mais qu’il les conservait par ailleurs pour autoriser par lui-même des exploitations commerciales.

La Cour a rejeté ce raisonnement et a considéré que la cession légale opérée par la loi devait être interprétée strictement : l’autorisation explicite de l’auteur restait bien requise pour les copies aux fins de vente, ce qui correspond à ce que fait l’INIST.

C’est sur cette base que l’INIST et le CFC ont été condamnés à verser à l’auteur chacun 7000 euros à titre de réparations. Mais après s’être acquittés de cette amende, Refdoc n’en a pas moins continué à fonctionner normalement et c’est ce qui est particulièrement choquant dans cette affaire. La société INIST Diffusion, filiale de l’institut qui gérait le service, a bien été dissoute en juin 2011, mais il ne semble pas qu’il y ait eu de modifications fondamentales sur le plan juridique, puisqu’il aurait fallu par exemple que des millions d’autorisations soient demandées aux auteurs pour régulariser la situation. L’INIST a préféré s’asseoir sur le jugement, en tablant sur le fait que peu d’auteurs se lancerait dans des procédures similaires. C’est ce que confirme Rémi Mathis dans un billet paru sur son blog, où il raconte que l’INIST continue à ressortir aux auteurs qui demandent des explications les mêmes arguments qui ont été condamnés par la justice…

Quelle implication des revues elles-mêmes ?

Une question que l’on peut se poser, c’est de savoir dans quelle mesure les revues elles-mêmes, dans lesquelles paraissent les articles publiés par les auteurs, sont impliquées dans le montage juridique qui a donné naissance à Refdoc. En effet, si le CFC délivre l’autorisation à l’INIST, c’est en échange d’une redevance (on voit sur le site de Refdoc que les tarifs incluent une somme de 2 euros par copie papier délivrée, au titre du « droit de copie »). Ces redevances doivent donc reversées aux éditeurs de ces revues, qui sont par ce biais financièrement associés au fonctionnement de Refdoc.

Mais ne le seraient-elles pas davantage ?

Pour le cas spécifiques des copies à fins de vente, on peut lire sur le site du CFC que celui a mis en place un dispositif qui semble tirer les conclusions de la décision de la Cour d’Appel :

Dans le cas du régime général et du régime particulier, seul le CFC est habilité à délivrer les autorisations qui rendent légales les copies. Mais dans le cas du régime particulier des copies aux fins de vente, le CFC doit obtenir l’accord préalable des ayants droit concernés.
En effet, les dispositions du Code de la Propriété intellectuelle relative à la gestion collective obligatoire du droit de reproduction par reprographie permettent aux ayants droit d’accepter ou de refuser que le CFC délivre des autorisations pour ce type de copies.

Le CFC tient bien compte du fait qu’il est obligé d’obtenir une autorisation pour les usages commerciaux. Mais il peut très bien obtenir une telle autorisation de la part des revues, sans que cela règle pour autant la question relative aux droits des auteurs. En effet, lors de la publication dans des revues scientifiques, il arrive encore que les auteurs ne signent aucun contrat et s’ils en signent un, il n’est pas certain que les auteurs cèdent leur droit d’exploitation commerciale au-delà de la publication dans la revue.

Les revues accorderaient-elles au CFC une autorisation, sans elles-mêmes disposer des droits de leurs auteurs ? C’est une question que l’on peut se poser. Peut-être les choses s’opèrent-elles autrement : le CFC reverse des sommes aux revues, liées aux redevances acquittées par l’INIST pour le service Refdoc. Tant que les revues les acceptent, le CFC est fondé à croire que la revue « consent » à rester dans le catalogue de Refdoc. Ce serait donc une sorte de système d’opt-out qui aurait été mis en place.

Ce qui permet de penser qu’il en est ainsi, c’est que le Bulletin des Bibliothèques de France, revue professionnelle éditée par l’ENSSIB et disponible en ligne gratuitement, s’était indigné des pratiques de l’INIST et avait exigé que Refdoc cesse de vendre ces articles. L’INIST avait réagi en déréférençant la revue, ce qui semble bien accréditer la thèse d’un opt-out (ce qui, en droit français, ne constitue nullement une solution légale : il y a des précédents suffisamment fameux pour l’affirmer…).

En ce qui me concerne, j’ai dix articles qui sont vendus par le biais de Refdoc, provenant de différentes revues : Médecine & Droit, la Revue générale de droit médical, Archimag, Documentalistes, la revue de l’ADBS et Bibliothèque(s), la revue de l’ABF. Ces revues ont-elles explicitement passé un accord avec le CFC pour l’exploitation commerciale de ces articles ? Touchent-elles des redevances ? Ce sont des choses dont je vais m’enquérir et dont je vous tiendrai dûment informés par une mise à jour de cet article. Sachant bien entendu que je n’ai jamais signé de contrat cédant ce droit d’exploitation commerciale à ces revues…

La question est donc posée de l’implication des revues elles-mêmes, passivement ou activement, dans le système Refdoc.

Une forme de parasitisme des archives ouvertes ?

L’autre problème majeur posé par Refdoc vient du fait qu’il propose à la vente des articles par ailleurs disponibles gratuitement dans des archives ouvertes, sans le signaler à ses utilisateurs. Cette pratique est contestable pour les individus qui payent ainsi fort cher pour quelque chose qu’ils pourraient se procurer gratuitement. Elle est surtout choquante parce que l’INIST en exploitant ainsi le contenu des archives ouvertes fait passer des objectifs mercantiles avant ceux de diffusion de la connaissance scientifique. Pour un organisme proclamant fièrement à la une de son site que sa mission consiste à « faciliter l’accès aux résultats issus des différents champs de la recherche mondiale« , on avouera que c’est assez cocasse (ou pathétique).

Les archives ouvertes jouent pourtant un rôle essentiel pour l’accès et la diffusion de la connaissance, à travers la politique de l’Open Access. Elles ne peuvent exister que parce que les auteurs négocient avec les éditeurs de revues scientifiques de pouvoir déposer leurs articles dans ces réservoirs, dans des conditions souvent conflictuelles. En ne pointant pas vers les versions en libre des accès, Refdoc marginalise les archives ouvertes et détournent l’attention des utilisateurs vers ses propres services marchands. Cette instrumentalisation du contenu des archives ouvertes représente certainement des millions de références au sein du catalogue de Refdoc et cette inclusion « cachée » concerne aussi bien des sites comme HAL en France, que de grands réservoirs étrangers (par exemple, plus de 2,5 millions de références issues de l’archive ouverte PubMed).

Si la vente des articles constitue une violation du droit des auteurs, comme nous avons pu le voir ci-dessus, on peut se demander si le fait de ne pas pointer vers les archives ouvertes n’est pas également répréhensible d’un point de vue juridique. En effet, les archives ouvertes concernées pourraient à mon sens considérer que l’absence de liens constitue une forme de parasitisme exercé à leur détriment par l’INIST. Si l’on suit la définition donnée par exemple par ce site, il me semble que nous sommes assez proche d’une situation de parasitisme, au sens de la loi et de la jurisprudence :

Le parasitisme est un acte de concurrence déloyal d’un commerçant, lorsqu’il cherche à s’approprier indûment la réputation ou le savoir-faire d’un concurrent, en créant une confusion dans l’esprit de la clientèle entre son produit ou sa marque, et celui de son concurrent.

Le parasitisme donne donc un moyen aux archives ouvertes elles-mêmes, si elles souhaitaient agir pour dénoncer les pratiques de l’INIST et exiger notamment l’établissement de liens pointant vers les articles en libre accès.

Une mise en évidence des lacunes du paysage français

Cette affaire révèle à mon sens les lacunes du système français concernant le droit de copie et de diffusion des documents. La loi du 3 janvier 1995 relative à la reprographie avait été vivement critiquée lors de son adoption, au point d’être appelée par certains « loi scélérate« .

Par le biais des autorisations qu’il est à même de délivrer pour les usages non-commerciaux, le CFC a cependant été à même d’organiser des solutions relativement intéressantes pour certains usages : la mise à disposition de photocopieurs dans des établissements comme les bibliothèques, l’utilisation de photocopies dans le cadre des établissements d’enseignement  ou encore le système du Prêt entre Bibliothèques (PEB), comme le rappelait Philippe Masseron dans les colonnes du BBF :

Après la mise en œuvre du dispositif de gestion collective obligatoire de la reprographie, dans le cadre des actions conduites pour traiter la question des copies à usage pédagogique, le CFC va négocier des protocoles d’accord avec la Conférence des grandes écoles (pour les écoles d’ingénieurs) et avec la Conférence des présidents d’universités (CPU) pour les universités. Ces accords, comme tous les contrats passés avec des établissements d’enseignement, vont inclure tous les appareils de reprographie mis à disposition des élèves, des étudiants et des enseignants, et la copie dans les BU va ainsi être traitée. Elle l’est même encore plus, puisque l’accord avec la CPU incorpore les copies réalisées par ces mêmes bibliothèques au titre du prêt entre bibliothèques (PEB). Cet accord est particulièrement confortable pour les BU qui n’acquittent ainsi aucune redevance (le montant de la redevance établi par étudiant inclut toutes les copies réalisées) et n’effectuent pas de déclaration de copies (celles-ci sont uniquement réalisées par les centres de reprographie des universités).

Mais le scandale Refdoc montre les limites d’un tel système, dans lequel une société de gestion collective est appelée à jouer un rôle central, par le biais des contrats qu’elle élabore. La loi du 3 janvier 1995 montre également ses limites en matière de reproduction numérique, à tel point qu’utiliser un scanner en bibliothèque relève d’un véritable casse-tête ! Dans de nombreux pays, la question de la délivrance de copie d’articles n’est pas organisée de cette façon. C’est une exception au droit d’auteur qui sert de fondement à ces pratiques et les bibliothèques y jouent un rôle central. J’en avais parlé dans cet article consacré aux exceptions en faveur des bibliothèques dans le monde :

Les exceptions à des fins d’étude et de recherche

Ce type d’exception, le plus répandu dans le monde (74 cas), autorise les bibliothèques à réaliser des copies d’articles ou d’extraits d’œuvres pour les remettre à des usagers souhaitant les utiliser à des fins d’étude ou de recherche. Mais le rapport souligne la complexité et la lourdeur des mécanismes qui doivent prouver que les copies seront utilisées à de telles fins. Les exceptions restent encore souvent limitées à la remise de reproductions papier et rares sont les pays à avoir prévu la possibilité de réaliser des copies numériques (Australie, Nouvelle-Zélande, Singapour).

Une nouvelle étape a été franchie cette année au Canada dans la mise en oeuvre de ce type de dispositifs d’exceptions. Une exception pédagogique et de recherche très large a en effet été votée, qui comporte des aspects relatifs à la fourniture de documents. J’en avais parlé ici :

Les bibliothèques, musées et services d’archives sont autorisés à remettre à un de leurs usagers la copie, y compris sous forme numérique d’un article, pour un usage à des fins d’études privées ou de recherche. Ils peuvent également envoyer ces reproductions sous forme numérique à l’usager d’un autre établissement (PEB numérique, à condition qu’il ne puisse en faire qu’une seule impression, qu’il ne la rediffuse pas à des tiers, et qu’il ne la conserve pas plus de 5 jours).

L’exception pédagogique et de recherche en France est terriblement mal conçue. Une façon d’éviter que des dérapages tels que ceux commis par l’INIST se reproduisent serait de la réformer pour y inclure la question de la fourniture de documents, sous forme papier et numérique. On passerait ainsi d’une logique commerciale à une logique de consécration d’un droit, au bénéfice des usagers des bibliothèques. Le problème, c’est qu’il ne semble pas que cette voie soit à l’étude. Au contraire, dans le cadre des travaux de la BSN (Bibliothèque Scientifique Numérique), c’est plutôt en s’appuyant partiellement sur Refdoc que l’on envisage de refondre le système du PEB, comme on peut le lire ici :

13. Concevoir un service unifié de diffusion à distance de documents numériques et papier(convergence des dispositifs de prêt et de commande de l’ABES et de l’INIST).

On frémit à la lecture de ces lignes et il faut espérer que l’Inistgate ouvrira d’urgence la porte à de nouvelles solutions !

Auteurs, faites respecter vos droits et défendez l’Open Access !

Vous l’aurez compris, l’affaire Refdoc soulève des questions préoccupantes. Les droits des auteurs sont bafoués à une échelle industrielle. Un établissement qui devrait agir pour la diffusion de la connaissance parasite des archives ouvertes pour gonfler le catalogue d’un service commercial. Le tout en faisant fi des condamnations en justice qui l’ont déjà frappé, comme si l’on pouvait « s’acheter » le droit de bafouer la loi !

Ces agissements appellent une réaction de la première communauté concernée : celles des auteurs dont les travaux sont ici indument exploitées. Il s’agit bien sûr des chercheurs, mais pas uniquement, vu l’ampleur du catalogue de l’INIST. Vérifiez en tapant votre nom dans le moteur de recherche de Refdoc après avoir lu ces lignes. Vous y trouverez peut-être certains de vos écrits ! Si c’est le cas, vous êtes fondés à agir, en demandant le retrait immédiat de vos articles à l’INIST.

Pour faciliter cette démarche et lui donner davantage de visibilité, le collectif SavoirsCom1 a ouvert une pétition et mis en place sur son site un dispositif simple vous permettant d’envoyer directement un mail à l’INIST afin d’exiger le retrait de vos articles.

Si les pratiques dénoncées dans ce billet vous paraissent scandaleuses, n’hésitez pas à le faire. En tant qu’auteur, exigez le respect de vos droits et défendez l’Open Access !


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« La vieille et obscène idée du domaine public payant » est de retour…

samedi 13 octobre 2012 à 21:45

Lors de l’audition de la SACD par la Mission Lescure, son directeur général, Pascal Rogard (@fandoetlis sur Twitter), a émis l’idée d’ instaurer un domaine public payant, pour financer la conservation et la numérisation des œuvres du patrimoine audiovisuel (voir la vidéo, 36 » et s.)

Public domaine. Par dimic-.CC-BY-NC-ND. Source:Flickr

Retranscrite par PC INpact, la proposition est la suivante :

« Il n’y a pas de raison que l’État finance la protection d’une œuvre du domaine public et sa conservation » dit-il, « car si elle n’est pas protégée, elle n’est pas conservée et va disparaitre », or dans le même temps, ajoute-t-il «  des opérateurs privés vont bénéficier du travail tombé dans le domaine public ». Pascal Rogard pense avoir trouvé une solution : il propose devant la Mission Lescure « une redevance sur le domaine public audiovisuel pour financer la conservation, la numérisation et la mise à disposition des œuvres. Ce n’est pas une redevance qui va aux ayants droit. Les ayants droit c’est terminé, c’est la fin de la propriété intellectuelle » croit-il. « Ce n’est pas une redevance qui recrée un droit d’autoriser ou d’interdire, ce droit est clos. C’est simplement une rémunération qui va financer ce travail de conservation » car, ajoute-t-il, « il n’y a aucune raison que ce soit la collectivité publique qui le finance sans aucune contrepartie. »

L’idée d’instaurer une redevance pour l’usage des oeuvres du domaine public avait déjà été avancée dans le rapport Zelnik en janvier 2010 et j’avais réagi alors dans un billet intitulé « Démolir le domaine public pour financer la création ? », où je m’opposais vigoureusement à une telle proposition.

Philippe Aigrain avait lui aussi exprimé son rejet sur son blog et je lui emprunte une de ses phrases comme titre de ce billet :

La seule référence au domaine public [dans ce rapport Zelnik, NDLR] est celle qui consiste à ressortir la vieille et obscène idée du domaine public payant, cette fois pour financer la numérisation des films. Déjà que le domaine public audiovisuel est fort étroit, mais en plus il faudra payer pour l’utiliser. Cela rapportera des clopinettes, mais créera des coûts de transaction dissuasifs. Comment peut-on ne pas voir que les véritables bénéfices sociaux et économiques du domaine public sont son existence et son usage mêmes (pour de nouvelles oeuvres, pour l’éducation et la formation, pour la critique et la recherche).

Le retour de la vengeance d’une idée dangereuse

Vieille, cette idée du domaine public l’est assurément, puisque Victor Hugo s’en était fait le défenseur, en reprenant les idées d’un certain Pierre-Jules Hetzel, qui avait formulé cette proposition dans un ouvrage paru en 1860.

Plusieurs pays appliquent déjà un tel système, selon des modalités variables : Italie, Bulgarie, Roumanie, Uruguay ou encore Argentine. Un article sur Techdirt nous apprenait d’ailleurs récemment que dans ce dernier pays, la formule du domaine public payant soulevait de réels problèmes, en réduisant la possibilité de créer de nouvelles oeuvres.

Car c’est bien là que réside « l’obscénité » de la proposition du domaine public payant, comme le dit Philippe Aigrain. Le domaine public constitue en réalité l’état « naturel » de la connaissance, puisque le monopole accordé aux créateurs au titre de la propriété intellectuelle est limité dans le temps. Les oeuvres sont issues d’un fonds préexistant, formées par les idées qui ont cours à un moment donné au sein d’une société. Chacun peut venir y puiser librement, pour donner forme à de nouvelles créations originales. A l’issue de la période de protection (70 ans après la mort de l’auteur, en principe), l’œuvre retourne dans ce fonds commun et devient disponible pour alimenter à son tour la création.

Grâce au domaine public, rien ne se perd dans la création, tout se transforme et ainsi va la Culture.

Le domaine public, source pour la création

« Le domaine public est la règle, la protection par le droit d’auteur l’exception« , ce principe fondamental avait été rappelé par le réseau Communia dans son Manifeste pour le domaine public :

Le domaine public est la règle, la protection par le droit d’auteur l’exception. Puisque la protection par le droit d’auteur ne recouvre que les formes originales d’expression, à tout moment, la très grande majorité des données, des informations et des idées appartiennent au domaine public. En plus des entités qui ne peuvent être soumises au droit d’auteur, le domaine public est enrichi année après année par les œuvres dont la durée de protection expire. L’application conjointe de ces exigences sur ce qui peut être soumis au droit d’auteur et de la durée limitée de ce droit contribue à la richesse du domaine public et garantit l’accès à notre culture et notre savoir partagés.

Le propre du domaine public est donc de nous conférer la liberté de créer. Un des plus beaux usages qu’il m’ait été donné de voir de cette liberté est le fruit du travail de Nina Paley, dans sa vidéo « All Creative Work Is Derivative » :

Pour réaliser cette oeuvre, Nina Paley s’est rendue au MET (Metropolitan Museum of Art de New York) et elle a pris plus de 400 photos de sculptures exposées dans plusieurs sections consacrées à l’histoire de l’art dans diverses aires géographiques. Elle a ensuite réutilisé ces clichés pour faire un film d’animation, qui montre, par une sorte de « danse de la création », comment les mêmes formes et motifs reviennent dans l’art, se répondent, dialoguent et évoluent au fil du temps, par delà le temps et l’espace.

C’est une vidéo que je trouve très touchante et qui nous en dit beaucoup sur le sens profond du domaine public. Nina n’a pu la réaliser, d’une part parce que ces œuvres ont été conservées au fil du temps, mais aussi d’autre part, parce que le MET lui a laissé la possibilité de bénéficier pleinement de la liberté de créer, accordée par l’appartenance de ses œuvres anciennes au domaine public.

Un devoir de mémoire indispensable

La proposition d’un domaine public payant viendrait corrompre en profondeur ces principes essentiels, en bridant le potentiel de créativité qui réside dans le domaine public. L’argument employé par Pascal Rogard pour justifier une telle mesure est particulièrement révoltant. Il soutient qu’ « Il n’y a pas de raison que l’État finance la protection d’une œuvre du domaine public et sa conservation » et qu’ »il n’y a aucune raison que ce soit la collectivité publique qui le finance sans aucune contrepartie« . C’est nier frontalement que l’un des premiers devoirs qu’une société se doit à elle-même, c’est d’organiser la transmission de la mémoire au fil du passage des générations, en préservant son patrimoine. Si la civilisation a un sens, ce devoir de préservation répond à une exigence essentielle, exclusive de l’idée de « contrepartie ». Depuis la Révolution, la loi a inscrit cette mission fondamentale au cœur de l’activité des bibliothèques, archives et musées de France.

Louvre. Par K_Dafalias.CC-BY.. Source : Flickr

Certes, la conservation du patrimoine – et sa numérisation plus encore – coûtent cher et la question du financement des institutions culturelles devient un problème épineux dans cette période de crise budgétaire. Mais l’estocade portée par Pascal Rogard au domaine public n’en est que plus redoutable, car elle pourrait trouver l’oreille de dirigeants, qui sont souvent tentés de faire peser sur les établissements eux-mêmes la charge du financement, par le biais de l’obligation de lever des « ressources propres ». Le domaine public payant irait complètement dans cette logique.

En réalité, je doute beaucoup que la proposition de la SACD soit motivée par un souci réel de dégager des financements pour les établissements qui assurent la conservation du patrimoine audiovisuel (INA, CNC). Comme le dit Philippe Aigrain, les revenus tirés d’un système de domaine public payant seraient certainement dérisoires par rapport aux sommes nécessaires à la préservation et à la numérisation des oeuvres. L’objectif réel est ailleurs : le domaine public est assurément une notion qui gêne beaucoup les grands « rentiers de la propriété intellectuelle« , comme les appelle le blogueur Authueil. Le domaine public est un vecteur d’usages gratuits des oeuvres et l’on sait qu’une véritable croisade contre la gratuité est depuis longtemps engagée par les titulaires de droits dans ce pays, qui la considère littéralement comme l’antéchrist  (j’ai déjà eu l’occasion de le dénoncer).

Entorse majeure à la règle

Le domaine public a déjà été laminé par l’extension continue de la durée de protection des droits, mais il subsiste encore, au moins dans son principe. Un bon moyen de le vider littéralement de sa signification est d’instaurer une redevance sur son usage. Il s’agira d’un premier coin, affublé d’un objectif d’intérêt général, mais une fois cette entorse acceptée, il sera facile par la suite aux titulaires de demander l’extension de cette redevance, au-delà du domaine audiovisuel et à un nombre croissant d’activités. Ainsi périra le domaine public et avec lui, une certaine conception humaniste de ce qu’est la Culture.

Schéma de l’allongement de la durée des droits d’auteur. Par Guillaume Champeau. Numerama.

L’ironie veut que cette agression de Pascal Rogard intervienne alors qu’un des membres de la mission Lescure, Raphaël Keller, s’est signalé lors de l’audition de l’ALPA, en déplorant l’augmentation continue de la durée des droits et en rappelant le rôle du domaine public dans l’équilibre de la propriété intellectuelle. Lors de notre audition pour SavoirsCom1, avec Silvère Mercier, c’est Juliette Mant, un autre membre de la mission, qui a tenu à ce que nous nous exprimions sur le domaine public. D’autres, comme Wikimedia France ou l’IABD…, auront sans doute l’occasion de revenir sur l’importance du domaine public, mais on ne peut savoir ce qu’il adviendra de cette proposition, qui avait déjà su se frayer un chemin dans le rapport Zelnik, il y a deux ans.

Le cauchemar du domaine public payant est déjà réalité

L’idée du domaine public payant n’est pas encore consacrée par la loi, mais elle est déjà largement mise en pratique, par les institutions culturelles, qui devraient pourtant être les premiers gardiens de son intégrité.

C’est une situation que j’ai dénoncée à de nombreuses reprises dans S.I.Lex : en réalité, hormis quelques cas très rares, les bibliothèques, musées et archives en France ne respectent pas le domaine public. Ces services culturels imposent des restrictions à la réutilisation des reproductions numériques qu’ils produisent, allant dans de nombreux cas jusqu’à revendiquer brutalement un copyright sur les oeuvres, comme s’ils en étaient propriétaires. Et le pire, c’est que les raisons qu’ils avancent pour justifier de telles pratiques sont quasiment les mêmes que celles de Pascal Rogard : ils invoquent les coûts importants liés à la conservation et à la numérisation, et expliquent que l’Etat n’a pas à exercer ses missions patrimoniales sans contrepartie.

Les partenariats public-privé que les établissements culturels mettent en place pour trouver des fonds pour la numérisation impliquent également des risques très importants pour le domaine public. J’ai déjà eu l’occasion de dénoncer la catastrophe que constituent les appels à partenariats que la BnF s’apprête à conclure avec des firmes privées pour la numérisation de ses collections dans le cadre des Investissements d’avenir et SavoirsCom1 a publié cette semaine un billet qui montre que cette tendance à la marchandisation est en réalité mondiale.

Récemment encore, je suis tombé sur un exemple frappant : celui de la nouvelle bibliothèque numérique de Toulouse, Rosalis.

Ce site est à vrai dire excellent, tant par ses contenus que par ses fonctionnalités. Il propose des modalités très intéressantes de valorisation des collections numérisées, en associant directement les usagers par le biais d’un blog, d’une encyclopédie collaborative, d’un lecteur exportable, etc. Mais la lecture des mentions légales de cette bibliothèque numérique révèle que le domaine public y subit un sort bien funeste :

Le contenu de Rosalis est constitué soit de documents qui sont tombés dans le domaine public soit de documents pour lesquels la Bibliothèque municipale de Toulouse a reçu une autorisation de diffusion pour le site de sa bibliothèque numérique. Nous vous rappelons qu’une œuvre relève du domaine public lorsque les droits patrimoniaux sont échus, soit 70 ans après la mort de son auteur. Au terme de cette période, et sauf exceptions prévues par le législateur, les ressources deviennent libres de droits patrimoniaux [...]

Dans le cas d’un usage privé des documents de Rosalis, vous avez la possibilité de télécharger et d’imprimer cette image. Dans le cas d’un usage public ou commercial, pour toute forme de publication (papier ou électronique, à des fins commerciales ou non), vous devez vous adresser à la Bibliothèque municipale de Toulouse pour obtenir une demande d’autorisation.

L’établissement est en réalité complètement schizophrène : il reconnaît dans le premier paragraphe que les documents qu’il diffuse sont bien dans le domaine public, et même que c’est leur appartenance au domaine public qui lui a permis de les numériser. Mais dans le second paragraphe, Rosalis limite la réutilisation des contenus au seul usage privé. Les usages commerciaux, mais aussi simplement publics (rediffusion sur un site personnel, usages pédagogiques et de recherche, etc), sont soumis à autorisation, et sans doute à une redevance.

C’est dire que l’établissement annihile tout simplement le domaine public et qu’il s’est bricolé une forme de « domaine public payant », pour faire quelques sous sur la bête. Pascal Rogard en a rêvé, mais pas la peine de loi : les institutions culturelles le font déjà dans la pratique !

La question que l’on peut se poser, c’est de savoir ce qui se passerait si la proposition d’instaurer un domaine public payant en France venait à être discutée devant le Parlement. Verrait-on les bibliothécaires, conservateurs de musées et archivistes du pays se dresser contre ce projet délétère ou au contraire… le soutenir, pour arrondir leurs exercices budgétaires ? Je préfère ne pas prendre les paris…

C’est pourquoi je pense que les communautés intéressées par la préservation et la promotion du domaine public à l’heure du numérique (il y en à) doivent contre-attaquer sans tarder, avant qu’une collusion d’intérêts privés et publics ne s’associent pour tordre le cou à la notion de domaine public. Des propositions élaborées existent, dans le Manifeste pour le domaine public de Communia ou dans les Éléments pour une réforme du droit d’auteur de la Quadrature. J’avais proposé de saisir l’occasion que le Ministère de la Culture prépare une loi sur le patrimoine, pour prendre l’offensive et demander une loi sur le domaine public en France, afin de le sanctuariser pour couper court aux nombreuses atteintes dont il fait l’objet.

Il devient urgent de réagir, avant qu’il ne soit trop tard. Au moins pour pouvoir dire que nous n’aurons pas laissé disparaître le domaine public sans rien faire…


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Le Centre Pompidou Virtuel : ouvert ou « sous verre » ?

jeudi 11 octobre 2012 à 13:51

C’était un événement très attendu dans le champ culturel : le Centre Pompidou a lancé officiellement la semaine dernière son nouveau site internet, baptisé le Centre Pompidou Virtuel (CPV).

La communication institutionnelle qui a accompagné ce lancement a mis en avant les aspects innovants du site, comme l’usage des technologies du web sémantique, le recours aux logiciels libres ou la volonté de s’engager dans une démarche de co-construction avec les usagers, par l’intermédiaire des réseaux sociaux.

Alain Seban, le président du Centre, insiste sur le fait que ce nouveau site s’inscrit dans une logique « d’ouverture » et dans une stratégie d’intégration du « web collaboratif« .

Nous faisons un grand bond en avant en ouvrant à tous les internautes les contenus du Centre. C’est la première fois qu’un musée ouvre ainsi ses contenus sur son site, au lieu de se limiter à fournir des contenus créés spécifiquement pour internet.

Les médias reprennent ce discours, en écrivant que le Centre Pompidou a “ouvert” ses contenus aux internautes. Il est vrai qu’une vaste entreprise de numérisation des collections a été conduite, avec la mise en ligne de plus de 75 000 reproductions d’œuvres désormais accessibles gratuitement sur le CPV.

Mais entre “rendre accessible” et “ouvrir”, il y a une différence de taille. Sans minimiser l’importance des efforts déployés pour diffuser ces contenus (notamment la négociation des droits, car la très grande majorité des collections de Pompidou sont toujours protégées par le droit d’auteur), on peut s’interroger sur la réalité de cette politique d’ouverture.

Des critiques ont d’ailleurs fusé sur les réseaux sociaux après le lancement du site, au point qu’Emmanuelle Bermès, chef du service multimédia du Centre Pompidou, a pris la peine d’écrire un billet sur son blog pour s’expliquer :

Bien sûr ma communauté d’intérêt favorite, informée de l’événement sur Twitter, s’est jetée sur le nouveau joujou à la recherche du RDF… et en est revenue toute dépitée.

La déception peut en effet être forte, notamment lorsqu’on dépasse les communiqués de presse pour se plonger dans les mentions légales du site, qui détaillent les conditions d’utilisation. Il en ressort l’impression une certaine confusion et un décalage avec le discours affiché sur l’ouverture.

Il ne s’agit pas ici de tirer sur une ambulance, ni de mettre en doute les intentions réelles des porteurs de ce projet, mais le Centre Pompidou Virtuel n’en reste pas moins très représentatif des contradictions de la politique culturelle conduite dans ce pays.

L’ouverture n’est pas seulement un argument marketing et s’engager dans une telle politique nécessite de mettre en oeuvre des actions concrètes. En l’état actuel, si l’on respecte le sens des mots, ce site n’est pas ouvert : il est “sous verre” et les objets culturels qu’ils diffusent restent prisonniers sous une épaisse glace numérique et juridique, que l’on peut voir comme un prolongement des vitrines du musée physique. De telles restrictions soulèvent de réelles questions sur la place accordée à la culture numérique par l’institution muséale et sur la manière dont elle entend s’y articuler.

Pompidou invente l’Open Source « à la demande » !

A la question “En quoi le nouveau centrepompidou.fr est-il ouvert ?“, Emmanuelle Bermès répond dans cette interview en évoquant en premier lieu l’utilisation des logiciels libres :

Le nouveau centrepompidou.fr est résolument ouvert, jusque dans sa conception qui repose entièrement sur des logiciels libres. Cela signifie que le site pourra évoluer tout au long de sa vie, sans autre contrainte technique que celle de s’adapter à l’usage des publics. La liberté de ce mode de développement permet également d’envisager la diffusion des principes techniques de ce site auprès d’autres institutions qui auraient besoin d’une solution équivalente.

Il faut bien entendu se réjouir que le CPV ait fait le choix des logiciels libres, mais un passage par les mentions légales du site laisse un peu dubitatif quant à la mise en oeuvre effective de cette option :

Le Centre Pompidou met à disposition un site internet conçu sous licence libre. L’utilisation des éléments du site internet se fait sous réserve de la licence spécifique à celui-ci, en accord avec le Centre Pompidou et les équipes ayant développé l’élément en question.

Par Antoine. CC-BY-SA

Cette formulation est singulièrement maladroite et elle s’avère même  contradictoire. On nous dit que le site est « sous licence libre ». Fort bien, mais laquelle ? Il ne suffit pas d’affirmer que l’on est sous licence libre pour que les logiciels deviennent effectivement réutilisables. Encore faut-il indiquer avec précision la (ou les) licences utilisées. Le texte indique qu’il existerait « une licence spécifique [au site]« . Est-ce à dire que le Centre Pompidou a rédigé sa propre licence (ce qui irait à l’encontre des bonnes pratiques en matière de prolifération des licences) ?

Plus loin, on bascule même franchement dans l’étrange, puisqu’on nous dit que l’utilisation des éléments du site, non seulement doit se faire dans le respect de la licence (normal), mais aussi « en accord avec le Centre et les équipes ayant développé l’élément en question« . Plaît-il ? Les logiciels sont « sous licence libre », mais il faut l’accord du Centre et des équipes pour les réutiliser ? S’il faut une autorisation, c’est tout simplement que la structure du site… n’est pas sous licence libre, contrairement au discours affiché !

Geoffrey Dorne, dans un billet critique consacré au CPV, confirme qu’il y a bien ici un problème majeur :

Le code source du site est en open source, cependant, Gonzague Gauthier, l’efficace community manager, m’a informé que pour l’instant il fallait en faire une demande sérieuse.

Pompidou a donc inventé le « PseudOpen Source » ou mieux, comme le dit Romain Neutron, « l’Open Source on Demand » ! Quelle créativité !

Du web sémantique, mais pas de données ouvertes

C’est sans doute sur ce point que la déception est la plus forte. Le Centre Pompidou Virtuel met en avant le fait qu’il utilise les technologies du web sémantique et les possibilités étendues de navigation par mots-clés entre les différents types de contenus l’attestent effectivement. Alain Seban insiste sur le fait qu’il s’agit d’une « révolution technologique » qui va permettre à l’internaute « de naviguer par le sens » au sein des collections.

Tout ceci est excellent, mais il ne s’agit pas pour autant d’une démarche d’ouverture des données, comme l’explique Emmanuelle Bermès sur son blog :

Oui, c’est vrai, le Web sémantique est au cœur de la machine mais on ne le diffuse pas pour l’instant. Comme je l’expliquais à l’IFLA cet été, nous n’avons pas fait du Linked OPEN Data mais du Linked ENTERPRISE Data. C’est à dire que nous avons appliqué les technologies du Web sémantique à nos propres données afin de construire notre propre service.

Cela signifie que le Centre Pompidou Virtuel a bien fait passer ses métadonnées sous les formats nécessaires au déploiement des technologies du Web sémantique, mais qu’il ne s’est pas engagé dans une démarche d’Open Data, en permettant la réutilisation de ses données par le biais d’une licence ouverte.

Certes, il est parfaitement vrai que le Linked Data et l’Open Data constituent deux choses différentes. Cependant, qui peut contester que le web sémantique et l’Open Data entretiennent des liens très étroits ? A quoi bon développer des technologies permettant de lier des données si c’est pour maintenir la barrière juridique qui les laisse enfermées dans des silos ? Utiliser en interne le web sémantique pour faire communiquer ses propres jeux de données et développer de nouveaux services, c’est bien, mais permettre à des tiers d’utiliser les données pour les connecter avec des ressources externes, c’est l’objectif final de la démarche, qui ne peut être atteint que par le biais d’une politique d’Open Data. Le web sémantique n’est pas qu’une simple technologie, il s’appuie sur un projet global, au sein duquel l’ouverture tient une place centrale.

Ici, tel n’est pas le cas, même si on nous explique que cette évolution pourrait voir le jour dans une prochaine étape :

La deuxième étape sera de développer des mécanismes permettant à d’autres de réutiliser nos données, et d’y associer la licence ouverte qui va bien. Je l’ai dit plusieurs fois dans des conférences, c’est une suite logique, et cela s’inscrit complètement dans l’ADN du projet qui est par nature ouvert.

Pourtant, il existe déjà des précédents en France d’usage de licence ouverte pour les données dans le champ culturel (l’exemple de la Bibliothèque nationale de France avec data.bnf.fr, placé sous la Licence Ouverte d’Etalab, également employée par la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg). Ces réalisations montrent que l’ouverture des données culturelles est possible, à condition de le vouloir politiquement.

Les métadonnées (contrairement aux reproductions des œuvres dont il sera question plus loin) constituaient des éléments sur lesquels le Centre Pompidou était détenteur des droits. Il aurait donc pu juridiquement embrasser une politique d’Open Data pour tout ou partie de ses données. Le secteur culturel est très largement en retard en France en ce qui concerne l’Open Data. On aurait pu attendre que le Centre Pompidou Virtuel fasse un pas dans cette direction dès maintenant, pour envoyer un signal fort notamment en direction des musées qui demeurent encore largement à l’écart du mouvement d’ouverture des données.

Un appel à l’intelligence collective, sans réciprocité…

Cette fermeture concernant les données a des répercussions fortes sur les relations que le site entend nouer avec les internautes. Car  bien que ne permettant pas la réutilisation de ses données, le Centre Pompidou Virtuel fait appel au public, dans l’esprit du web collaboratif, afin qu’il vienne consacrer son temps, ses connaissances et sa bonne volonté pour les enrichir.

L’établissement en fait même un aspect essentiel de sa com’, notamment à travers une campagne d’affichage :

L’interface permet en effet à l’usager d’ouvrir un espace personnel pour “contribuer” de différentes manières : en ajoutant des mots clés sur les notices des oeuvres, en proposant des liens entre les différentes ressources du site ou en soumettant des enrichissements éditoriaux. Tous ces contenus produits par les utilisateurs seront remployés, grâce aux technologies sémantiques déployées sur le site, afin d’améliorer la navigation au sein des contenus. Mais les informations résultant de ce travail de “petites mains”, réalisé bénévolement par les internautes, deviendront aussi des données publiques et tomberont sous le coup de l’interdiction de réutilisation maintenues pour l’instant par le Centre Pompidou.

Sur ce point, l’appel lancé à l’intelligence collective ne paraît pas équitable, car il ne comporte pas d’élément de réciprocité. La stratégie de communication parle de co-construction du contenu du site avec les internautes, mais en l’état actuel des choses, cette démarche “collaborative” conduit à une appropriation exclusive des informations par l’institution. On est très loin d’un site comme Wikipédia où la licence libre employée, couvrant à la fois les contenus et les données, garantit que les contributions des individus resteront bien réutilisables et ne pourront pas être “appropriées”.

L’institution met d’ailleurs également en avant un partenariat avec Wikipédia:

[...] ce partenariat permettra aussi bien d’engager une réflexion conjointe sur la co-construction, par l’intermédiaire de l’organisation d’événements tels que des conférences, que de produire des contenus à travers l’animation d’ateliers qui déboucheront à la fois sur l’enrichissement de Wikipédia et sur la création de textes potentiellement réutilisables pour le Centre Pompidou.

La démarche est sans doute intéressante, mais employer la communauté des Wikipédiens pour produire des contenus, les réutiliser et ne pas dans le même temps s’engager a minima dans une politique de réutilisation de ses données, c’est avoir une conception bien déséquilibrée des rapports qu’une institution peut entretenir avec son environnement numérique.

Des œuvres accessibles, mais coupées de l’écosystème du web

Au-delà de ces restrictions sur la réutilisation des données, d’autres formes de limitations importantes pèsent sur les œuvres elles-mêmes diffusées par le site. Mais elles ne peuvent cette fois être imputées au Centre lui-même, car elles découlent du fait que les collections du musée sont dans leur grande majorité encore protégées par des droits d’auteurs.

Pour pouvoir les numériser et les mettre en ligne, le Centre Pompidou a dû négocier des autorisations auprès des titulaires de droits (artistes eux-mêmes, ayants droit, sociétés de gestion collective, type ADAGP ou SAIF). On ne doute pas que sur un tel volume de dizaines de milliers d’œuvres, cette étape ait pu s’avérer complexe et coûteuse, car même pour une diffusion gratuite en ligne, les ayants droit sont fondés à demander une rémunération.

Le problème, c’est que ces autorisations ne concernent que l’accès aux œuvres sur le site et non leur réutilisation, qui reste empêchée au titre du droit d’auteur. Les mentions légales sont à nouveau très claires sur le sujet :

Le Centre Pompidou met à disposition des internautes des contenus numériques, protégés dans leur utilisation par les lois en vigueur. Leur réutilisation par les internautes est soumise à une demande préalable directement auprès des ayants-droits. Faute d’autorisation, toute reproduction ou représentation totale ou partielle, toute utilisation, toute adaptation, toute mise à disposition ou modification de ces éléments est strictement interdite et constitue un délit de contrefaçon au sens du code de la propriété intellectuelle.

Par ailleurs, certains titulaires de droits ont visiblement refusé d’accorder des autorisations de mise en ligne des oeuvres, ce qui conduit le Centre Pompidou Virtuel à proposer des notices vides. C’est le cas pour des artistes importants, comme Henri Matisse :

Imaginerait-on un musée qui présenterait aux visiteurs des cadres vides dans ses salless ? C’est pourtant ce qui se passe pour le Centre Pompidou Virtuel. On notera en revanche dans le cas de Matisse que les mêmes ayants droit qui refusent la mise en ligne gratuite par le Musée acceptent par contre que cette notice vide contienne un lien vers des produits dérivés à acheter dans la Boutique…

Mais même quand le CPV a obtenu une autorisation de diffusion, des restrictions importantes continuent à s’appliquer . On peut relever par exemple que le clic droit est désactivé sur toutes les images diffusées par le site (alors qu’il permettrait d’effectuer des actes de copie privée des contenus, parfaitement légaux). Il n’est pas possible non plus d’effectuer d’embed (intégration) à partir des vidéos figurant sur le site. La résolution des images laisse par ailleurs grandement à désirer, ne permettant de profiter pleinement du zoom.

Plus caricatural encore, bien qu’une fonctionnalité de partage soit intégrée sur toutes les pages présentant des œuvres, voilà ce qui se passe concrètement lorsque l’on essaie de partager sur Facebook une œuvre du Centre Pompidou Virtuel :

On n’exporte que le titre, un lien en retour vers le site et… un gros logo de l’institution ! Bon courage pour développer une réelle politique de médiation numérique en direction des réseaux sociaux avec des contenus verrouillés de la sorte…

Ces restrictions découlent certainement d’exigences imposées par les titulaires de droits et non d’une volonté de l’établissement de figer les contenus sur le site. Mais elles aboutissent à dresser une barrière entre le Centre Pompidou Virtuel et l’écosystème global du web dans lequel il pourrait s’insérer. Elles isolent aussi les œuvres des pratiques numériques créatives qui sont devenues monnaie courante.

Face à une telle situation, on mesure l’urgence de faire évoluer les exceptions au droit d’auteur en faveur des institutions culturelles comme les musées, afin qu’elles puissent réellement devenir des médiateurs de la culture dans l’environnement numérique. Par ailleurs, l’introduction d’une exception pour le remix, voire d’une légalisation du partage non-marchand, permettraient aussi aux internautes de réutiliser de tels contenus mis en ligne, plutôt que d’être cantonnés dans le rôle de spectateurs passifs.

Incidences fortes du modèle économique sur l’ouverture

Mais les œuvres protégées issues des collections ne forment qu’une partie des contenus figurant sur le site du Centre Pompidou Virtuel. L’établissement propose également des éléments  produits par ses services et apportant une valeur ajoutée indéniable pour les internautes, comme le précise encore Emmanuelle Bermès :

En tant que centre de ressources, le site internet proposera un accès aux œuvres de la collection du Centre Pompidou, aux archives de l’établissement, aux captations audiovisuelles de conférences, à des interviews d’artistes et de commissaires d’exposition, des affiches, bandes-annonces, dossiers de presse et dossiers pédagogiques

Sur ces éléments, le Centre Pompidou dispose d’une bonne partie des droits et aurait pu être en mesure de négocier afin de permettre la réutilisation, notamment en les faisant passer sous des licences de libre diffusion, comme les Creative Commons.

Pour OWNI, par Marion Boucharlat. CC-BY-NC. SA

Pourtant,  des raisons juridiques sont invoquées pour expliquer que les contenus les plus élaborés produits par le Centre ne pourront être diffusés gratuitement :

Pour des raisons également juridiques, lors de son lancement, le nouveau centrepompidou.fr diffusera les contenus bruts (reproduction des œuvres de la collection si accord des ayant droits, notices, captations de conférences…) mais ne pourra pas offrir gratuitement les contenus spécifiquement produits et éditorialisés tels qu’un parcours audioguide ou le catalogue d’une exposition.

Par ailleurs, pour être en mesure de rembourser une partie des sommes nécessaires à l’élaboration du site (12 millions d’euros), le Centre Pompidou Virtuel va devoir conduire une politique de commercialisation de contenus, comme des applications mobiles ou des livres numériques.

On comprend que dans le contexte budgétaire actuel, la question des ressources propres puisse être épineuse, mais quelle place un établissement culturel comme le Centre Pompidou peut-il faire à une ouverture réelle de ses données et de ses contenus,  en étant soumis à ce type d’impératifs financiers ?

Une violence symbolique envers la culture numérique ?

Les contradictions dans lesquelles se trouve placé le Centre Pompidou Virtuel sont représentatives des ambiguïtés de la politique culturelle actuelle. La diffusion de la culture française en ligne se heurte à une conception rigide et inadaptée de la propriété intellectuelle. La pression exercée sur l’auto-financement des établissements les éloigne également de la mise en place d’une réelle politique d’ouverture, en dépit du discours affiché. Le plus contestable est la manière dont le Centre a récupéré la rhétorique de l’ouverture a des fins de communication, pour faire de l’Institutional Branding, alors que la réalité est différente. Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, dit-on, il faut aussi qu’une donnée soit ouverte ou fermée !

Sorry, We’re closed. Par Tommy Ironic. CC-BY-NC. Source : Flickr

Les musées ont parfois été accusés d’être des lieux où s’exerçait une forme de violence symbolique. En l’état, on peut considérer que le Centre Pompidou Virtuel véhicule une telle violence symbolique envers ce qui est le propre de la culture numérique. Le site place l’utilisateur dans une position de passivité vis-à-vis des œuvres, découlant des contraintes juridiques et techniques imposées par la plateforme. La même passivité se retrouve vis-à-vis des données, que l’utilisateur ne peut réutiliser, quand bien même il est sollicité pour les enrichir par crowdsourcing.

Le propre de la culture numérique est de mettre en capacité les individus de réutiliser de manière créative les contenus culturels, pour devenir acteur à part entière de la culture. En laissant ainsi les données et les œuvres “sous verre”, le Centre Pompidou Virtuel manque clairement l’objectif affiché de s’inscrire dans les pratiques contemporaines, qui ne peuvent se satisfaire de la seule logique de l’accès.

Mais les choses peuvent évoluer. Le groupe Open GLAM a publié en septembre dernier un rapport comportant une série de recommandations en faveur de l’ouverture des données et des contenus culturels. Il est urgent que ces revendications soient écoutées, si l’on veut dépasser la situation de blocage actuelle.


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Le secret de Gangnam Style ? Ne pas être à cheval sur le droit d’auteur !

samedi 6 octobre 2012 à 19:25

Avec le clip vidéo déjanté de sa chanson Gangnam Style, le rappeur coréen PSY a explosé tous les records, en devenant la vidéo la plus “aimée” de l’histoire sur YouTube : plus de 350 millions de vues en l’espace seulement de quelques mois !

Ce succès fulgurant s’explique en grande partie par le nombre incroyable de parodies qui ont été postées en ligne par le public, reprenant à toutes les sauces la fameuse “danse du cheval” popularisée par le clip. Un nouveau mème est né et il est impressionnant de voir la masse de reprises/détournements/remix que cette vidéo génère partout dans le monde. Il existe même déjà une page – Wikipédia Gangnam Style in Popular Culture – attestant de l’engouement planétaire pour la nouvelle star de la Kpop.1

Cette synergie qui s’est mise en place entre cette vidéo et les contributions du public est déjà en elle-même fort instructive sur les nouveaux types de rapports que les créateurs de contenus peuvent entretenir avec les internautes. Mais l’attractivité irrésistible de la danse du cheval de PSY n’explique pas tout. Un des secrets du succès de Gangnam Style est aussi de ne pas avoir été à cheval… sur le droit d’auteur !

Abandon de copyright ?

Il semblerait que dans une interview, PSY ait déclaré qu’il avait abandonné son copyright, de manière à ce que n’importe qui puisse reprendre sa musique et sa vidéo de la manière dont il le souhaite. Cette hypothèse est reprise par le site australien TheVine, où le journaliste Tim Byron analyse les raisons culturelles du phénomène.

Comme le remarque le site Techdirt, il est assez improbable que PSY ou son label YG Entertainement aient réellement “abandonné leur copyright” sur le morceau ou sur le clip. Un tel renoncement est juridiquement possible, notamment en employant un instrument comme Creative Commons Zéro (CC0), qui permet aux titulaires de droits sur une œuvre d’exprimer leur intention de verser par anticipation leur création dans le domaine public.

Certains artistes ont déjà choisi ce procédé pour diffuser leur production : le rappeur anglais Dan Bull, par exemple a récemment obtenu un beau succès dans les charts anglais avec son morceau Sharing Is Caring, placé sous CC0 et popularisé par le biais d’une habile promotion multi-canaux (diffusion volontaire sur les réseaux de P2P, propagation sur les réseaux sociaux et sur YouTube, vente sur iTunes et Amazon Music, etc).

Ce qui s’est passé avec Gangnam Style est différent : PSY et son label n’ont pas formellement abandonné leur copyright, mais ils ont plutôt choisi de ne pas exercer leurs droits, pour laisser la vidéo se propager et être reprise sous forme de remix, sans s’y opposer. C’est ce qu’explique Mike Masnick sur Techdirt :

Je ne sais pas si PSY ou son label ont fait quoi que ce soit explicitement pour abandonner leurs droits sur Gangnam Style, mais il est clair qu’ils ont été parfaitement heureux que des masses de personnes réalisent leurs propres versions du clip, modifient la vidéo et bien plus encore. Chacune de ces réutilisations a contribué à attirer plus encore l’attention sur le morceau original, en l’aidant à percer.

Donc, même s’il n’est pas tout à fait vrai que PSY ait abandonné ses droits sur la chanson ou la vidéo, qui peut honnêtement soutenir que le droit d’auteur ait quoi que ce soit à voir avec le phénomène culturel qu’est devenu Gangnam Style ? En vérité, c’est parce que tout le monde a choisi d’ignorer le droit d’auteur qu’un tel succès a pu devenir réalité. Une large proportion des œuvres dérivées qui ont été réalisées à partir de la vidéo ne respectent certainement pas le droit d’auteur. Et pourtant chacune de ces “violations” a probablement aidé PSY. On ne peut pas trouver un seul cas où cela lui ait causé un préjudice.

Sortir la création de la mélasse

« Le droit d’auteur, c’est de la mélasse !». Le cas de Gangnam Style illustre parfaitement cette comparaison faite par le juriste américain Lawrence Lessig :

Pensez aux choses étonnantes que votre enfant pourrait faire avec les technologies numériques – le film, la musique, la page web, le blog […] Pensez à toutes ces choses créatives, et ensuite imaginez de la mélasse froide versée dans les machines. C’est ce que tout régime qui requiert la permission produit.

En effet, si l’on s’en tient à la lettre du droit d’auteur, toutes les personnes qui ont réutilisé la musique ou la vidéo de Gangnam Style auraient dû adresser une demande en bonne et due forme, afin d’obtenir leur autorisation préalable. Même dans un monde idéal où des organismes de gestion collective seraient à même de gérer efficacement ce type d’autorisations, une telle charge procédurale serait ingérable pour un succès viral explosif comme celui qu’a connu Gangnam Style.

Ajoutons que ce n’est pas seulement pour la musique ou la vidéo que des autorisations sont requises. Le simple fait de mimer la fameuse “danse du cheval” peut déjà être considéré comme une violation du droit d’auteur, car les chorégraphies originales sont considérées comme des œuvres protégées. Beyoncé l’avait d’ailleurs appris à ses dépends l’année dernière, lorsqu’elle avait été accusée de plagiat par la chorégraphe belge, Anne Teresa De Keersmaeker, pour avoir repris quelques pas de danse dans le clip du morceau Countdown.

Bien sûr, il existe des mécanismes comme le fair use (usage équitable)aux Etats-Unis ou l’exception de parodie ou de pastiche chez nous, qui permettent théoriquement de créer à partir d’une œuvre préexistante, sans avoir à demander d’autorisation. Mais l’applicabilité de ces dispositifs à des reprises sous forme de remix ou de détournements est plus qu’aléatoire et nul doute que PSY ou son label auraient pu agir en justice contre leurs fans, s’ils avaient tenu à faire respecter leurs droits.

Le rôle central de YouTube

Il semble clair que ni PSY, ni YP Entertainement n’ont réellement “abandonné” leurs droits. Ils n’ont pas non plus utilisé une licence libre, type Creative Commons pour indiquer a priori qu’ils autorisaient les réutilisations de l’oeuvre (possibilité pourtant offerte par YouTube).

Ce qui explique en réalité la “neutralisation” du droit d’auteur qui a joué ici, ce sont sans doute les règles particulières instaurées par YouTube pour organiser la diffusion des contenus. La plateforme possédée par Google propose en effet un “deal” avec les titulaires de droits, qui leur offre une alternative à l’application pure et simple du droit d’auteur.

Par le biais du système  d’identification Content ID, YouTube est en effet en mesure de repérer automatiquement les contenus protégés que des utilisateurs chargeraient sur la plateforme. Il peut alors bloquer la diffusion de ces contenus et sanctionner les utilisateurs les ayant postés, par le biais d’un système d’avertissements en trois étapes avant la fermeture du compte, qui n’est pas si éloigné d’une riposte graduée.

Mais YouTube propose en réalité un choix aux titulaires de droits, vis-à-vis de Content ID : soient ils décident d’appliquer le droit à la lettre et demandent que les contenus diffusés sans leur autorisation soient retirés automatiquement par les robots de Google ; soient ils acceptent que ces contenus restent en place, en contrepartie d’une rémunération perçue sur la base d’une redistribution des revenus publicitaires générés par YouTube.

C’est vraisemblablement ce qui s’est passé avec Gangnam Style. PSY et son label n’ont pas abandonné leurs droits d’auteur, mais ils ont sans doute tout simplement accepté l’offre de monétisation proposée par YouTube. Du coup, les multiples rediffusions et reprises de la vidéo ont pu échapper aux filtres automatisés de Google, participant à la propagation virale du titre. Les millions de visites sur YouTube auraient à elles seules rapporté 1,5 millions de dollars !

Économie du partage

Le succès phénoménal de Gangnam Style s’ajoute à ceux d’une année 2012 qui a été marquée par d’autres réussites ayant commencé par une diffusion virale sur YouTube. Le morceau Call Me Maybye de Carly Rae Jepsen s’était déjà ouvert la voie des sommets des charts en suscitant l’adhésion des fans sur la plateforme (plus de 280 millions de vues). La même chose s’est également produite pour le titre Somebody That I Used To Know de Gotye et l’artiste avait tenu à rendre hommage aux internautes qui l’avaient aidé à percer, en publiant sur YouTube un remix à partir des innombrables reprises réalisées par des amateurs.

La musique n’est pas le seul secteur où ces effets de synergie se manifestent. Si l’on y réfléchit bien, le succès de la série Bref de Canal+s’explique aussi en partie par les nombreuses vidéos parodiques réalisées sur tout et n’importe quoi à partir du canevas proposé par la série.

En 2010, la demande brutale de retrait des parodies du film La Chuteétait apparue comme un des symboles des crispations provoquées par l’antagonisme entre la logique du droit d’auteur et les nouvelles possibilités d’expression offertes par les médias sociaux. Peut-être le succès de Gangnam en 2012 marque-t-il l’ouverture d’une nouvelle phase, où les titulaires de droits sauront davantage utiliser les forces du partage en ligne, en tissant de nouvelles relations avec le public ?

Zones d’ombre

Mais la belle histoire de Gangnam Style comporte aussi des zones d’ombre préoccupantes. Le système Content ID mis en place par Google pour surveiller les contenus postés sur YouTube n’est rien de moins qu’une sorte de police privée du copyright, organisée par entente entre un géant du web et les titulaires de droits. Cette application robotisée des règles du droit d’auteur provoque souvent des retraits abusifs, parfois particulièrement inquiétants, comme si la machine frappait aveuglément. YouTube vient d’ailleurs de modifier les règles du système pour permettre aux utilisateurs de se défendre plus efficacement, mais le principe même de cette régulation par algorithme reste contestable.

Plus encore, la monétisation des contenus organisée par YouTube constitue une forme de “licence globale privée » : elle a le même effet d’ouvrir les usages, mais les “libertés” qu’elle procure sont limitées à la plateforme de YouTube et lui permettent de capter la valeur générée par ces pratiques. Les licences globales privées sont en réalité des privilèges juridiques, que les grands acteurs du web sont en mesure de se payer, en amadouant les titulaires de droits par le bais de la promesse d’une rémunération.  Et ce système maintient une forme de répression et d’incertitude constante pour les internautes quant à ce qu’ils peuvent faire ou non.

Il est important de se demander si nous n’avons pas intérêt à ce qu’une licence globale publique organise l’ouverture des usages sur la base de libertés consacrées, tout en assurant un financement mutualisé pour la création. Des propositions comme celle de la contribution créative favoriseraient l’émergence de succès comme celui de Gangnam Style, sans rendre les artistes et le public dépendants d’une plateforme telle que YouTube. De la même façon, il serait infiniment préférable qu’une exception législative soit votée en faveur du remix (comme cela a été fait cette année au Canada) plutôt que cette liberté soit simplement “octroyée” aux internautes par des acteurs privés, sur la base d’arrangements contractuels.

Ne pas être à cheval sur le droit d’auteur, il semble que cela puisse conduire au succès, mais gardons absolument en selle l’idée que les libertés numériques doivent être publiquement consacrées !


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Ce que les zombies peuvent nous apprendre sur le droit d’auteur et la création

jeudi 27 septembre 2012 à 14:12

Les zombies sont partout en ce moment ! Alors qu’une série de faits étranges ont eu lieu cet été qui ont pu faire penser qu’une attaque de cadavres titubants était proche, on leur consacre en cette rentrée un ouvrage de philosophie, Petite philosophie du Zombie, qui s’interroge sur les significations du phénomène. Et des hordes d’aficionados trépignent d’impatience en attendant la diffusion de la troisième saison de Walking Dead, programmée pour la mi-octobre, sur laquelle ils se jetteront comme des rôdeurs sur de la cervelle fraîche !

Zombie Walk SP. Par CaioSchiavo. CC-BY-NC-ND. Source : Flickr

Comme le rappelait un excellent reportage d’Arte consacré à ces monstres revenus d’outre tombe, la manière dont les zombies ont envahi peu à peu la culture populaire tient à leur incroyable capacité à se réinventer sans cesse, depuis que les films fondateurs de Georges Romero, « the Godfather oa All Zombies« , ont introduit l’archétype du zombie moderne.

Après avoir colonisé le cinéma d’horreur, ils se sont répandus dans tous les domaines avec une facilité étonnante : dans la musique avec le clip Thriller de Michael Jackson, dans la littérature avec le Guide de survie en territoire zombie de Max Brook ou la parodie du roman de Jane Austen Pride and Prejudice and Zombie, ou dans le jeu vidéo depuis Resident Evil jusqu’au récent titre délirant Lollypop Chainsaw.

Des colloques entiers sont à présent organisés pour essayer d’analyser les causes de cette zombie-mania. Dans sa Petite Philosophie du Zombie, Maxime Coulombe explique que ces créatures sont l’écho des interrogations actuelles de nos sociétés sur la mort, la conscience ou la civilisation. C’est certainement vrai, mais il existe également une raison juridique fondamentale qui explique l’aisance avec laquelle les zombies ont pu infester à vitesse grand V tous les champs de la création.

Le premier film de Georges Romero, Night of the Living Dead,  n’a en effet jamais été protégé par le droit d’auteur, à cause d’une incroyable boulette commise par son distributeur… Paru en 1968, le film est donc directement entré dans le domaine public, alors qu’il devrait toujours être protégé aujourd’hui, puisque Romero est toujours en vie.

Cette destinée juridique singulière explique sans doute que la Zombie Movie Data Base comporte… 4913 entrées à ce jour, dont beaucoup s’inspire directement du premier film fondateur de Romero, sans risquer de procès, ni avoir à payer de licence. Cette particularité du Zombie (qu’il ne partage pas du tout avec le Vampire, comme on va le voir plus loin) dit quelque chose d’important à propos du droit d’auteur et de la création : la protection à tout crin n’est pas toujours la meilleure façon pour une œuvre de se diffuser et de passer à la postérité.

Right of the Living Dead

Si vous allez sur Internet Archive, vous pourrez trouver Night Of The Living Dead , disponible librement et gratuitement en streaming ou en téléchargement, avec une mention de droit indiquant « Public Domain :  No Right Reserved« . Pourtant, la plupart des films sortis à la fin des années soixante n’entreront dans le domaine public que dans la seconde moitié du 21ème siècle !

La raison de cette incongruité, c’est un véritable micmac juridique qui s’est produit à la sortie du film en 1968. A cette époque aux Etats-Unis, une oeuvre ne pouvait être protégée par le droit d’auteur que si une Copyright Notice était incluse dans les crédits, pour indiquer l’identité des détenteurs des droits de propriété intellectuelle. Or juste avant la sortie du film, le distributeur décida de changer le titre initialement prévu Night of The Flesh Eaters en Night of The Living Dead. Cette décision n’était sans doute pas mauvaise, sauf que pour opérer la modification, le distributeur retoucha les crédits dans le générique du film et supprima par inadvertance la fameuse Copyright Notice.

Le film n’a donc jamais été protégé par le copyright, ce qui ne l’empêcha pas de rencontrer un beau succès en salle, au point d’être considéré comme le film d’horreur le plus profitable de tous les temps. Mais l’erreur commise sur les mentions permit plus tard à de nombreux distributeurs de vidéocassettes de distribuer le film, sans avoir à reverser de droits aux créateurs. Cet aspect est certainement fâcheux, mais il a contribué encore davantage à asseoir la popularité du film et à faciliter la propagation de la figure du Zombie.

Walking Public Domain

Le zombie au cinéma a une existence bien plus ancienne que le film de Romero. On le trouve dès les années 30 aux Etats-Unis, dans des films comme White Zombie, inspiré de la tradition haïtienne et de la religion vaudou. Mais Romero a développé dans Night of The Living Dead de nombreux traits caractéristiques qui réinventent ce monstre (la démarche titubante des zombies, leur goût pour la chair humaine, la façon dont ils évoluent en horde, leur vulnérabilité aux blessures à la tête, leur peur du feu, le caractère épidémique de la propagation de l’invasion, la dimension post-apocalyptique de l’histoire, les scènes gore, etc). Ces éléments constituent incontestablement des apports originaux qui auraient pu être protégés comme tels par le droit d’auteur.

Mais à cause de l’appartenance immédiate du film au domaine public, ces caractéristiques du zombie ont pu être reprises par d’autres et se disséminer largement. Romero a d’ailleurs été lui-même l’un des premiers à pouvoir bénéficier de cette liberté créative.

En effet, comme l’explique le juriste américain Jonathan Bailey dans ce billet, Night of The Living Dead était le résultat d’une collaboration entre Georges Romero et un autre auteur du nom de John Russo, qui co-signa le scénario. Après le premier film, un désaccord artistique survint entre les deux hommes, sur la suite à donner à leur premier succès. La Nuit des morts-vivants étant dans le domaine public, aucun des deux ne pouvait empêcher l’autre de réutiliser le concept du zombie tel qu’il apparaissait dans le film. Ils décidèrent de créer chacun de leur côté leurs propres suites. Les deux auteurs décidèrent en se partageant l’héritage de Night of The living Dead : Russo réaliserait une série de films comportant “Living Dead” dans le titre et Romero en ferait une autre, avec »Of The Dead » dans le titre. Le projet initial a donc connu une sorte de fork créatif, comme cela aurait pu se produire avec un logiciel libre.

C’est ainsi que Romero tourna plusieurs séquelles (Dawn of the Dead, Day of the Dead, Land of the Dead, Diary of the Dead, Survival of the Dead) dans lesquelles il put développer comme il le souhaitait la dimension politique déjà présente dans le premier film. Russo de son côté mit plutôt en avant dans sa production une vision humoristique des zombies (Return of the Living Dead, Return of the Living Dead Part II, Return of the Living Dead 3, Return of the Living Dead: Necropolis, Return of the Living Dead: Rave from the Grave).

Ces deux approches constituent les deux grandes « traditions » du zombie au cinéma et le jeu pour les réalisateurs successifs qui se sont emparés de ce thème par la suite a consisté à reprendre certains des éléments des films de Romero, en introduisant à chaque fois des différences et des variantes. C’est sans doute ce qui rend ce genre si réjouissant : par définition, les films de zombies sont toujours un peu des remix !

Plus tard, les morts-vivants titubants sont sortis des salles de cinéma pour envahir tous les champs de la création. Le succès du zombie illustre en réalité la fécondité du domaine public et son rôle majeur dans le développement de la création. Pour le mettre encore mieux en lumière, on peut avancer une comparaison avec une autre grande figure du cinéma d’horreur : le Vampire.

Appelez-le Dra©ula !

L’anecdote est peu connue, mais le film Nosferatu le Vampire de F.W. Murnau a connu lui aussi une aventure juridique assez incroyable, à cause du combat que durent livrer ses créateurs avec les ayants droit de Bram Stoker, l’auteur de Dracula.

Au début des années 20, le producteur du film, Albin Grau, souhaitait réaliser une adaptation du roman Dracula, mais il ne parvint pas à se faire céder les droits par la veuve de Bram Stoker, particulièrement dure en affaires. Le projet fut néanmoins maintenu, en introduisant des différences notables par rapport au roman, pour tenter d’échapper aux accusations de plagiat. Le lieu de l’action fut déplacé de Londres en Allemagne ; Dracula devint un Comte Orlock à l’apparence monstrueuse pour se démarquer du dandy victorien de Stoker et Murnau introduisit des détails absents du roman, comme le fait que la lumière du jour détruise les vampires ou que leur morsure transforme leurs victimes à leur tour en monstres sanguinaires. Comme le relève le site Techdirt, un certain nombre des traits que nous associons aujourd’hui naturellement aux vampires découlent en réalité de la nécessité pour Murnau d’éviter une condamnation pour violation du droit d’auteur !

Malgré ces précautions, le film fut attaqué en justice avec succès en Allemagne par la veuve de Stoker en 1925. La condamnation entraina la faillite de Prana Films, la société d’Albin Grau et la destruction de la plupart des copies et négatifs du film, ordonnée par les juges. L’histoire aurait pu s’arrêter là si une bobine n’avait pas miraculeusement survécu et été emportée aux Etats-Unis, où à cause d’une erreur d’enregistrement (encore !), le roman Dracula était déjà tombé dans le domaine public. La veuve de Stoker ne pouvant empêcher la diffusion dans ce pays, le film Nosferatu y connut le succès, jusqu’à ce que dans les années 60, il put revenir en Europe, lorsque les droit sur Dracula s’éteignirent.

Cette histoire montre ce qui aurait pu arriver avec les films de zombies, si Night of The Living Dead n’était pas entré si vite dans le domaine public. Le copyright aurait sans doute empêché que des réalisateurs reprennent les éléments du film de Romero et la figure du zombie n’aurait vraisemblablement pas pu se diffuser dans la culture populaire avec la facilité qui a été la sienne.

La propriété intellectuelle, c’est le vol de cervelle ! Brrrraaaaiiiinnn !

La morale de ces histoires de morts-vivants, c’est que les rapports entre le droit d’auteur et la création sont bien plus complexes que ceux que l’on a l’habitude de nous servir comme des vérités d’Évangile.

Les auteurs ont sans doute besoin d’une protection pour pouvoir innover, mais la dynamique même de la création implique que les créations puissent être reprises, modifiées, prolongées, enrichies et ce mouvement a encore été amplifié avec Internet. A présent, ce ne sont plus seulement les artistes qui reprennent les créations antérieures de leur homologue. Le public s’emparent lui aussi de ses œuvres préférées pour les remixer à l’infini. C’est particulièrement vrai des zombies qui font l’objet d’une production amateur impressionnante !

En comparaison, d’autres œuvres emblématiques font l’objet de tensions juridiques entre les fans et les titulaires de droits. Korben a par exemple relevé récemment que WarnerBors a agi contre une communauté d’Internautes, qui avait reconstruit la Terre du Milieu du Seigneur des Anneaux, en utilisant  le générateur de cartes du jeu vidéo Skyrim. Les titulaires de droits les ont contraints à retirer de cet univers toutes les mentions relatives à l’univers de Tolkien (comme les noms des lieux et des personnages, qui sont protégés en tant que tels au titre du droit d’auteur et du droit des marques).

Les zombies de Romero sont certes moins ragoûtants que les personnages du Seigneur des anneaux, mais ils sont parfaitement adaptées à la culture numérique.


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