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Le Nyan Cat appartient au public : un mème n’est pas une marque !

jeudi 9 mai 2013 à 08:38

Les noms de Charlie Schmidt et Orlando Torres ne vous disent sans doute rien, mais ces personnes sont à l’origine de deux des mèmes les plus célèbres de l’histoire d’Internet, à savoir le Keyboard Cat et le Nyan Cat. Ils ont attaqué en justice la semaine dernière Warner Bros et 5th Cell pour avoir fait apparaître leurs créations comme des personnages dans le jeu vidéo Scribblenauts.

L’auteur du Nyan Cat explique sa décision par le fait qu’il n’est pas d’accord avec l’usage commercial qui a été fait de sa création :

Je n’ai jamais tenté d’empêcher les gens de faire des créations qui contribuent artistiquement et ne sont pas à but lucratif. Mais il s’agit d’un usage commercial, et ces entreprises elles-mêmes sont les protectrices de leur propre propriété intellectuelle

Les deux plaignants ont en effet enregistré des copyrights et des marques sur le Nyan Cat et le Keyboard Cat, qu’ils comparent avec le logo de Warner Bros :

Le logo Warner Bros est aussi un mème, même s’il ne s’agit que de deux lettres à l’intérieur d’un bouclier. Bien sûr WB emploie des armées d’avocats spécialisés dans le copyright et les marques pour protéger sa propriété intellectuelle, y compris son logo.

Tout ceci pourrait paraître logique, et le juriste Jonathan Bailey explique sur son site que ces plaintes montrent que les mèmes sont des créations comme les autres. Mais il y a quelque chose qui ne va pas dans ce raisonnement et appliquer les principes classiques de la propriété intellectuelle à un phénomène comme les mèmes pose même un GROS problème, comme le démontre très bien le site Techdirt :

Ce qui définit un mème est la transmission de personne en personne. Le mot a été forgé par Richard Dawkins, qui voulait faire une analogie avec la propagation biologique par "l’imitation". Et cet élément crucial – la transmission par le passage de personne en personne – est justement passé sous silence dans la définition que donne l’avocat de ces deux "créateurs" de mèmes, qui vont jusqu’à soutenir que le logo de Warner Bros est lui-même un mème. Mais ce n’est est pas un. Il ne gagne pas de signification culturelle en passant de personne en personne.

Et ce point est décisif dans cette affaire. La signification culturelle du Nyan Cat et du Keybopard Cat ne vient pas Schmidt ou de Torres. Il y a des milliers et des milliers de vidéos semblables sur Internet. Mais comme tous les bons mèmes, ces deux là ont acquis une signification culturelle particulière parce que des masses de personnes de sont appropriées ces idées pour créer à partir d’elles. Que Schmidt et Torres surgissent à présent pour réclamer une "propriété" sur la qualité mimétique de ces oeuvres est juste insultant. C’est un affront infligé à la communauté des personnes qui ont rendu ces deux mèmes populaires.

[...] Les deux créateurs de ces mèmes ont grandement bénéficié, non pas de leurs propres efforts, mais de ceux de ces millions de personnes qui se sont transmis des oeuvres à la base assez navrante pour les rendre célèbres. Les voir apparaître dans un jeu vidéo n’a fait qu’accroître encore l’attention et la popularité dont bénéficie ces mèmes.

Ces propos sont extrêmement intéressants, car ils montrent bien que la notion même de "propriété" ne peut être appliquée à des objets aussi collectifs que des mèmes, qui constituent moins des oeuvres que des "marqueurs" sociaux échangés à grande échelle.

La qualité même d’auteur ou de créateur peut facilement être contestée aux deux plaignants dans cette affaire.
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Pour le Keyboard Cat, la vidéo originale a été publiée en 2007 par Charlie Schmidt sur Youtube. Mais ce n’est que deux ans plus tard qu’elle commencera à devenir virale, lorsqu’un autre utilisateur du nom de Brad O’Farell la publie à son tour, en la renommant Play him off, Keyboard Cat, ce qui change son sens en la transformant en une vidéo idéale pour illustrer des fails. Par ailleurs, pour les vingt cinq premières secondes, Schmidt s’est inspiré de la musique du jeu vidéo Dragon’s lair.

Pour le Nyan Cat, si c’est bien Orlando Torres qui a produit l’animation du chat volant, c’est un autre utilisateur, saraj00n, qui a combiné la vidéo avec le son Nyanyanyanyanyanyanya! trois jours plus tard. Et cette piste sonore avait été créée plus d’un an auparavant par un troisième utilisateur, daniwellP.

L’idée même d’originalité, qui sous-tend la propriété induite par le droit d’auteur, n’a guère de sens dans le cas de phénomènes comme les mèmes, dont le statut n’émerge qu’au fil des réutilisations collectives. C’est pourquoi il est abusif de les assimiler à des marques, voire même à des "oeuvres de l’esprit, qui supposent une forme arrêtée par le créateur individuel. Il ne peut s’agir de marques, puisque dans les deux cas, ni Schmidt, ni Torres ne sont à l’origine des appellations Keyboard Cat et Nyan Cat, qui sont apparues ensuite.

C’est pourquoi il sera extrêmement intéressant de suivre cette affaire pour voir comment les juges traiteront les prétentions des deux plaignants. Les mèmes finissent par devenir la propriété du public qui les consacrent par l’usage et on avait déjà vu avec l’affaire du Harlem Shake qu’il est artificiel de vouloir les faire rentrer dans les cases de la propriété intellectuelle. L’épisode récent de Nabilla déposant une marque sur son fameux "Non mais allô quoi !" avait aussi montré toute l’absurdité d’un placage des concepts propriétaires sur les mèmes.

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André Gunthert vient de publier un article intitulé "La culture du partage ou la revanche des foules" dans lequel il explique avec brio en quoi le statut des créations est bouleversé par les pratiques d’appropriation numérique :

Qu’il s’agisse de la création de fausses bandes annonces sur YouTube, de détournements parodiques, de l’hommage imitatif des covers (version personnelle d’un morceau de musique) ou de la circulation virale des mèmes (jeu appropriable de décontextualisation de motif), les conditions de l’appropriabilité numérique ne s’autorisent que d’expédients et de tolérances fragiles: la protection de l’anonymat ou de l’expression collective, la nature publicitaire ou politique des contenus, la volatilité ou l’invisibilité des publications, la méconnaissance de la règle, et surtout les espaces du jeu, de la satire ou du second degré, qui, comme autrefois le temps du Carnaval, sont des espaces sociaux de l’exception et de la transgression tolérée… Le remix profite généralement de la zone grise formée par les lacunes du droit, des oublis du contrôle ou de la dimension ludique. Mais ces conditions font du web l’un des rares espaces publics où l’appropriation collective est admise.

Reste à consacrer pleinement ces droits du public, pour lui restituer ce qui lui appartient.


Classé dans:Penser le droit d'auteur autrement ... Tagged: copyright, keyboard cat, marques, mème, nyan cat, procès, remix, scribblenauts

Ce que copier veut dire (Vidéos de la conférence [Lire+Ecrire]numérique)

mercredi 8 mai 2013 à 08:14

J’avais déjà évoqué dans un billet précédent la Copy Party qui a eu lieu à la médiathèque de Rezé le 14 mars dernier et la conférence que j’avais donnée en ouverture sur le thème "Ce que copier veut dire".

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Cet événement s’inscrivait dans le cadre du cycle [Lire+Ecrire]numérique conçu par Guénäel Boutouillet et Catherine Lenoble pour le CRL Pays de Loire.

La conférence avait pu être filmée et les vidéos ont été mises en ligne, grâce à Olivier Heinry, qui a fait un boulot de montage épatant à partir de l’enregistrement, des transparents de mon support et des liens vers lesquels il pointait. Un grand merci à lui !


Je profite de ce billet pour indiquer que ce cycle de réflexion sur les rapports entre la culture numérique et l’écrit se poursuit, avec une prochaine session programmée le 30 mai prochain à la Bibliothèque de Saint Herblain. L’artiste et écrivaine An Mertens interviendra sur le thème de la Littérature numérique et de la création en réseau :

Si le genre du roman est né avec l’invention de l’imprimerie au Moyen-Age et que le livre tel que nous le connaissions a pris des centaines d’années à trouver sa forme, quelles sont les nouvelles formes littéraires ayant émergé avec l’invention de l’ordinateur, de l’Internet et plus largement des infrastructures digitales qui ont pris place dans notre quotidien ? Plutôt qu’ »une réponse, An Mertens propose un parcours subjectif dans l’histoire de la littérature numérique à travers des oeuvres et des expérimentations au croisement de l’écriture collaborative, des créations hypertextes, du code comme ouvroir de potentialité, ou encore de la fiction en réseau et roman génératif imprimé à la demande.

La conférence du matin sera suivie l’après d’un atelier d’écriture d’une fiction collaborative.

J’en profite également pour vous dire que la Copy Party continue également son chemin dans les bibliothèques. Une prochaine déclinaison du concept aura lieu à Brest le 17 mai prochain, dans le cadre de l’Open Bidouille Camp #2 :

Copy-Party : le réseau des bibliothèques de Brest vous explique pourquoi vous avez le droit de copier livres, disques, etc… dans le respect de la loi et en application du droit à la copie privée. Amenez vous matériel de copie ! Appareil photo, scanner, ordinateur etc… Les documents concerne le bricolage et le DIY. Il y aura également la borne Minimazic qui propose au téléchargement libre et gratuit des artistes qui ont choisi de partager leur musique et leurs chansons.

A Brest toujours, dans le cadre du réseau anim-fr des animateurs de projets collaboratifs, est en train de s’écrire la "recette libre" de la Copy Party, en tant que "code source" d’une innovation sociale.

Il est extrêmement encourageant de voir ces différentes initiatives se rejoindre et se connecter ! A suivre…


Classé dans:Compte-rendus d'événements Tagged: copie, copy party

Quand le droit des marques nous enlève les mots de la bouche

samedi 4 mai 2013 à 06:46

[L'équipe de Framasoft a traduit la dernière chronique de Cory Doctorow, parue dans les colonnes du Guardian à propos des dérives du droit des marques. Alexis Kaufman m'a demandé d'en rédiger l'introduction et j'ai volontiers accepté. Je poste ici le texte et voici le lien vers la traduction sur le Framablog. Grand merci à eux, parce que ce texte est important !]

Parmi les droits de « propriété » intellectuelle, le droit des marques n’est pas celui qui soulève habituellement le plus de contestations. Pourtant avec son article « Trademarks : the Good, The Bad and The Ugly », Cory Doctorow tire la sonnette d’alarme à propos d’une dérive inquiétante : le glissement progressif vers une forme d’appropriation des mots du langage. Au rythme où vont les choses, prévient-il, le droit des marques pourrait bien finir littéralement par nous "enlever les mots de la bouche".

Because He Wouldn’t Shut Up. Par joshjanssen. CC-BY-ND. Source : Flickr

Pour tout l’or des mots…

On pourrait croire qu’il s’agit d’un fantasme, mais les dérapages en série des Trademark Bullies, ces firmes qui utilisent le droit des marques comme moyen d’intimidation, montrent qu’il n’en est rien : Facebook cherche ainsi à s’approprier les mots Face, Book, Wall et Mur ; Apple attaque une épicerie en ligne polonaise qui avait le malheur de s’appeler "a.pl" ; Lucasfilm fait la chasse aux applications Androïd dont le nom comporte le terme "Droid", déposé comme marque après Star Wars, même quand elles n’ont rien à voir avec les robots de ses films…

I will find the droids I’m looking for. Par Stephan. Cc-By-Nc-SA. Source : Flickr

On pourrait citer encore de nombreux exemples, parfois terriblement cyniques, comme lorsqu’il y a quelques jours "Boston Strong", le cri de ralliement des habitants de la ville de Boston, a fait l’objet de plusieurs dépôts de marques par des fabricants de bière ou de T-shirts juste après les attentats ayant frappé la ville. On ne recule devant rien pour "l’or des mots"…

Ces dérives prêteraient presque à rire si elles ne nous faisaient glisser peu à peu dans un monde passablement dystopique. Ainsi lors des Jeux Olympiques à Londres en 2012, les médias qui n’avaient pas acheté les droits pour couvrir les épreuves ont préféré dire "The O-word" plutôt qu’employer le terme "Olympic" et de risquer des poursuites en justice de la part du CIO. Il est vrai que ce dernier n’a pas hésité à invoquer le droit des marques pour museler des opposants à la tenue des Jeux à Londres. Nous voilà presque dans Harry Potter, avec des marques-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom !

Le café Olympic à Londres portait ce nom depuis des années. Il a été obligé de se rebaptiser Café ‘Lympic, à cause de la police des marques du CIO.

Ces dérives ne sont hélas pas confinées aux pays anglo-saxons et on peut déjà déceler en France les signes d’une montée en puissance de la police du langage par les marques. La semaine dernière, Findus se plaignait devant le CSA que les médias avaient fait un usage abusif de sa marque durant l’affaire des lasagnes à la viande de cheval. L’an passé, une institutrice avait été contrainte par le journal Le Figaro de changer le titre de son blog, "la classe de Mme Figaro", alors qu’il s’agissait de son propre nom ! Et le village de Laguiole en Aveyron s’est  "débaptisé" symboliquement en 2012, pour protester contre un troll local ayant déposé "Laguiole" dans toutes les classes au point de privatiser ce terme en empêchant les autres commerçants de l’utiliser…

Demain, donnerons-nous notre langue aux marques ?

Face à ces dérapages inquiétants, l’article de Cory Doctorow a l’immense mérite de rappeler que le droit des marques est avant tout un droit instauré au bénéfice du public, pour le protéger de la fraude. Il ne devrait pas être interprété comme conférant aux firmes une "propriété" sur les termes du langage et on rejoint là une critique que Richard Stallman et bien d’autres après lui adressent à la notion même de "propriété intellectuelle". Le droit des marques devrait être considéré, non comme un droit de propriété, mais comme un droit du public et les mots du langage devraient rester des biens communs, insusceptibles d’appropriation privative.

Scrabble Tiles and Scrapbooking Letters 1. Par electic porcupine. CC-BY-NC-ND. Source : Flickr.

Pourtant après les expressions et les mots, on trouve à présent des cas où des firmes essaient de contrôler l’emploi de simples lettres de l’alphabet ! Audi veut s’approprier la lettre "Q", Apple le "I" et Topps, un fabricant de cartes à collectionner, s’attaque à la lettre V ! Le glissement vers une conception "propriétaire" du langage risque bien de s’accentuer encore, car le numérique s’articule de plus en plus autour d’un "capitalisme linguistique", dont les moteurs de recherche et leurs adwords nous ont déjà donné un avant-goût. Google par exemple est avant tout un marchand de mots et c’est sur cette exploitation du langage qu’il a construit son empire.

Dans ses romans de science-fiction, comme Pirate Cinema, Cory Doctorow a déjà critiqué avec brio les excès de la "propriété" intellectuelle. Mais c’est un auteur français qui est sans doute allé le plus loin dans l’anticipation des conséquences de l’appropriation du langage.

Dans la nouvelle "Les Hauts® Parleurs®", Alain Damasio imagine que dans un futur proche, les États finissent par vendre leurs dictionnaires à des multinationales qui s’arrogent ainsi un monopole sur l’usage public des mots. Il faut désormais payer une licence à ces propriétaires du langage pour publier un livre ou prononcer un discours, mais une fraction de la population entre en résistance pour récupérer les droits sur certains mots et en inventer d’autres, qu’ils s’efforcent de mettre à nouveau en partage en les plaçant sous copyleft. En réaction, le système n’hésite pas à réprimer férocement ces idéalistes…

Trade My Mark, par RERO.

Ce scénario catastrophe paraît irréaliste, mais les juges français ont déjà eu à connaître une affaire, dans laquelle l’auteur d’un dictionnaire de la langue cajun avait attaqué en justice un romancier qui avait abondamment puisé dans son ouvrage pour écrire son livre. Le tribunal a exigé que l’auteur du dictionnaire soit cité dans les crédits du roman, mais il a refusé de lui reconnaître la qualité de co-auteur, au motif qu’il ne pouvait prétendre contrôler les mots de la langue cajun.

Au rebours de cette logique appropriative, la base France Terme des néologismes produits par la Commission de Terminologie fait heureusement partie des (rares) jeux de données placées en Open Data par le Ministère de la Culture.

Les mots et les ©hoses

Ce jugement protecteur à propos du dictionnaire cajun a été rendu sur la base du droit d’auteur, mais le droit des marques étend de son côté peu à peu l’emprise du droit exclusif sur le langage. Google a ainsi récemment obtenu le retrait d’un nouveau mot du dictionnaire suédois, simplement parce qu’il estimait que ce terme pouvait contribuer à la dilution de sa marque…

En arriverons-nous un jour à des extrémités telles que celles imaginées par Alain Damasio ? L’avenir nous le dira, mais Lewis Carroll, autre grand visionnaire, nous avait déjà averti en 1871 qu’il existe un rapport profond entre la propriété des mots et le pouvoir.

Voyez cet extrait d’un dialogue figurant dans "De l’Autre côté du miroir" entre Alice et un personnage en forme d’oeuf appelé Humtpy Dumpty :

-"Lorsque j’utilise un mot", déclara Humpty Dumpty avec gravité, " il signifie exactement ce que j’ai décidé qu’il signifierait – ni plus ni moins ".

-"Mais le problème" dit Alice, "c’est de savoir si tu peux faire en sorte que les mots signifient des choses différentes".

-"Le problème", dit Humpty Dumpty, "est de savoir qui être le maître, c’est tout "!

Ne nous laissons pas prendre aux mots…

Ci-dessous le lien vers l’article de Cory Doctorow traduit par l’équipe du Framablog.

Marques déposées - le bon, la brute et le truand, par Cory Doctorow (+ Calimaq) - Framablog 2013-05-06 15-18-49


Classé dans:CopyrightMadness : les délires du copyright Tagged: cory doctorow, droits du public, framasoft, langage, marques

Open Source Seeds Licence : une licence pour libérer les semences

vendredi 3 mai 2013 à 07:17

Les principes de l’Open Source s’étaient déjà propagés à des domaines relativement éloignés du logiciel, comme celui de l’Open Hardware ou de l’Open Design. Mais le projet Open Source Seeds propose un modèle de contrat pour placer des graines sous licence libre.

Rice grains. Par IRRI Images. CC-BY. Source : Wikimedia Commons.

Rice grains. Par IRRI Images. CC-BY. Source : Wikimedia Commons.

A première vue, l’idée peut paraître assez incongrue, car on voit assez mal ce que les semences peuvent avoir en commun avec les logiciels et pourquoi elles auraient besoin des licences libres. Mais il faut savoir que les variétés végétales peuvent faire l’objet de droits de propriété intellectuelle, que ce soit par le biais de Certificats d’obtention végétale (COV) en Europe ou de brevets aux Etats-Unis. Les Organismes génétiquement modifiés (OGM) peuvent également être protégés par des brevets, déposés par de grandes firmes comme Monsanto, dont les agissements soulèvent de plus en plus d’inquiétudes et de protestations.

Une forme de copyleft "vert" est-il possible pour que les graines demeurent des biens communs ? La question mérite d’être posée !

Lutter contre l’appropriation des semences

Face à ces formes d’appropriation du vivant par la propriété intellectuelle, il existe tout un mouvement qui se bat pour que les semences demeurent "libres". Des producteurs indépendants comme le Réseau Semences paysannes, Kokopelli ou Semailles préservent des variétés anciennes ou rares de graines, afin de favoriser la biodiversité. Mais le contexte juridique dans lequel ils oeuvrent est difficile, comme l’explique très bien cet article du site Ecoconso :

Depuis plusieurs décennies, il est obligatoire qu’une semence soit inscrite dans un catalogue officiel – européen ou national – avant d’être mise sur le marché.

L’inscription est liée à des conditions bien précises :

  • pour être inscrite, une semence doit entre autres répondre aux critères « DHS »  : distinction, homogénéité, stabilité. En d’autres mots : une variété doit être facilement identifiable et bien distincte de celles déjà inscrites dans le catalogue, tous les individus doivent présenter les mêmes caractéristiques prévisibles et la variété doit rester stable dans le temps, année après année.
  • l’inscription au catalogue est payante.

Cette législation, qui avait pour but au départ de protéger l’agriculteur contre des fraudes, a un impact énorme sur la pérennité des semences de variétés locales et traditionnelles. Car il est impossible, pour la plupart des semences transmises de génération en génération, de paysan en paysan, de répondre à des critères conçus pour des variétés produites en laboratoire à partir d’un patrimoine génétique très restreint et testées dans des conditions contrôlées.

L’agriculteur, ici ou ailleurs, doit payer chaque année pour acheter ses semences et ne peut ressemer à partir de sa production ni développer son propre patrimoine de semences, qui seraient pourtant plus adaptées aux conditions locales et qui garderaient leur capacité de s’adapter plus facilement aux conditions climatiques changeantes, aux nouveaux ravageurs…

Pour ne s’être pas pliée à cette réglementation, l’association Kokopelli a été poursuivie en justice et lourdement condamnée en 2012. Cela ne l’empêche pas de continuer à dénoncer en des termes très durs l’instrumentalisation qui a été faite du Catalogue des variétés  et du droit d’obtention végétale dans le sens des intérêts des grands semenciers :

les tarifs d’inscription au Catalogue sont prohibitifs (500 €en moyenne pour chaque variété, sans compter les droits annuels à payer pour les différents types d’examens obligatoires). En définitive, ce catalogue, initialement facultatif et ouvert à toutes les semences, est devenu, par une dérive administrative totalitaire, le pré carré exclusif des créations variétales issues de la recherche agronomique et protégées par un droit de propriété intellectuelle [...] C’est ainsi que le catalogue est devenu un outil de promotion de ce droit de propriété particulier, et qu’il s’est progressivement fermé aux variétés, non appropriées, appartenant au domaine public.

Les semences comme biens communs ?

Il existe donc bien d’un côté des semences "propriétaires", sur lesquelles pèsent des droits de propriété intellectuelle et de l’autre des semences "libres", que l’on peut encore considérer comme des biens communs :

Les semences peuvent-elles être une marchandise comme une autre ? Est-ce acceptable qu’une petite dizaine de gros semenciers détienne plus de 80 % du patrimoine des semences, pourtant patiemment amélioré pendant des siècles par des générations de paysans ? Ne s’agit-il pas d’un patrimoine de l’humanité, d’un bien commun et collectif auquel tout un chacun devrait avoir accès ?

Il y  a quelques semaines, un tribunal américain a pourtant estimé qu’un petit agriculteur américain s’était rendu coupable de contrefaçon en replantant d’une année sur l’autre les graines produites par des plats de soja brevetés par Monsanto.  Cette firme a construit son business model en utilisant la propriété intellectuelle pour retirer ce droit élémentaire aux paysans, les forçant à acheter ses graines et ses herbicides chaque année.

Face à cette dérive propriétaire, certains comme l’indienne Vandana Shiva propose d’appliquer les principes de l’Open Source aux semences, en reliant cette problématique à celle des biens communs et à la préservation des Savoirs traditionnels  :

D’autres, comme David Bollier, proposent d’aller plus loin encore en mettant en place un Copyleft pour les semences, comme il en existe un pour les logiciels :

Il existe un mouvement qui progresse parmi certains cercles d’agriculteurs pour créer un équivalent du copyleft pour les semences, de manière à ce que ces agriculteurs puissent produire des cultures open-source. Cette démarche sera peut-être la seule solution : développer un agriculture alternative en open source, bénéficiant de protections juridiques que le partage puisse continuer. Une manière de hacker la loi, comme l’a fait la General Public Licence  avec les logiciels libres.

Une licence pour placer les graines sous copyleft

Pour concrétiser ces visions, l’initiative Open Source Seeds propose sur son site la première version d’une licence adaptant d’une manière originale les principes des licences libres aux semences, et notamment le fameux "partage à l’identique" (Share Alike) qui est le propre du copyleft.

Copyleft wallpapers. Par Leo Utskot. CC-BY-NC-SA.

Voici une traduction en français que je propose de cette licence :

Open Source  seed licence version 0.1

Vous êtes libres de :

Partager : partager, distribuer et donner ces semences
Remixer : cultiver ces semences
Faire un usage commercial de ces semences

Selon les conditions suivantes :

Attribution: Vous devez inclure une copie imprimée de cette licence lorsque vous partagez ces semences ou ds graines issues de ces semences (progeny of these seeds).

Pas de modification génétique : Vous n’êtes pas autorisé à procéder à des modifications génétiques en laboratoire de ces semences ou de graines issues de ces semences.

Partage à l’identique : Si vous recevez ces semences ou des graines issues de ces semences, suite à un don ou à un achat, vous acceptez en conséquence d’être lié par ces conditions.

Si vous récoltez à n’importe quel moment de l’année plus de 500 grammes de graines issues de ces semences, vous devez en mettre à disposition gratuitement au moins 10 grammes via le site www.open-seeds.org (les frais de port restant à la charge des demandeurs). Vous devez également enregistrer et publier les informations liées à votre pratique de culture, ainsi que les lieux dans lesquels ces semences ont été cultivées.

Si vous récoltez à n’importe quel moment de l’année plus de 100 kilos de graines issues de ces semences, vous devez en mettre à disposition gratuitement au moins 500 grammes via le site www.open-seeds.org (les frais de port restant à la charge des demandeurs). Vous devez également enregistrer et publier les informations liées à votre pratique de culture, ainsi que les lieux dans lesquels ces semences ont été cultivées.

Si vous cultivez ces semences, vous devez distribuer les semences des générations suivantes selon les termes de cette licence.

On relèvera l’effort intéressant pour adapter aux semences des notions comme celles de paternité, d’oeuvres dérivées ou de partage à l’identique.

Je trouve également très pertinent le fait de ranger dans les conditions imposées au titre du partage à l’identique le fait de devoir publier les informations liées à la culture des semences. De la même manière que les développeurs produisent de la documentation ou des manuels pour accompagner leurs logiciels, les agriculteurs Open Source devront documenter leur pratique et partager le fruit de leur expérience avec le reste de la communauté.

On voit d’ailleurs déjà une telle logique à l’oeuvre dans certains projets liés aux semences. Le projet Urbsly par exemple, actuellement en recherche de fonds par crowdfunding, propose de lutter contre l’appropriation des semences par de grosses entreprises utilisant des brevets, en créant un "Open Seed Data Catalog", qui recensera les variétés produites par des producteurs indépendants, ainsi que les données utiles aux agriculteurs pour choisir les graines les mieux appropriées à leurs cultures. Le projet vise aussi à publier en Open Access le séquençage génétique des variétés, afin d’empêcher le dépôt de brevets par de grandes marques. Cette approche est intéressante, car elle montre les ponts qui peuvent exister entre Biens communs de la nature et Biens communs de la connaissance, à travers l’Open Data et l’Open Access.

Retrouver des pratiques ancestrales de partage

Mettre en place des licences libres pour les semences risque d’être plus complexe que pour les logiciels. En effet, la législation en vigueur reconnaît un droit d’auteur aux créateurs de logiciels, qui peuvent ainsi "retourner" la logique du copyright grâce aux licences libres pour mettre leur propriété en partage.

Avec les semences, les choses sont plus complexes, car le régime spécial de propriété qui porte sur les variétés végétales est beaucoup plus adapté aux semences "propriétaires" qu’à celles des producteurs indépendants. Il en résulte que l’Open Source Seeds Licence pourrait manquer de base légale, comme l’explique les porteurs du projet qui sont conscients de cette faiblesse :

Il n’est pas certain que les conditions imposées par la licence puissent avoir une valeur juridique les rendant opposables. Il est possible qu’elles doivent être plutôt regardées comme un code de bonnes pratiques à respecter sur une base volontaire.

Les lois qui ont instauré un droit de propriété intellectuelle sur les semences sont très différentes de celles qui concernent les logiciels. Un des points essentiels à propos des droits de propriété intellectuelle sur les semences réside dans les critères deDdistinction, Homogénéité et Stabilité (DHS) qui sont nécessaires pour pouvoir bénéficier de la protection. C’est de cette manière que ces droits fonctionnent partout dans le monde, parce qu’une variété doit être suffisamment stable pour pouvoir être reconnue comme une variété. Mais les variétés les plus intéressantes pour la biodiversité sont généralement trop instables pour respecter ces critères. Or c’est précisément leur "instabilité" qui leur permet de s’adapter aux différentes conditions de culture.

On en arrive à ce paradoxe que l’absence de droit de propriété, qui est pourtant à la "racine" du problème de l’appropriation du vivant, pose ici difficulté puisque la licence libre en a quand même besoin pour être valide juridiquement. Pendant ce temps, les licences attachées aux semences produites par Monsanto peuvent s’appliquer devant les tribunaux, avec les conséquences désastreuses que l’on sait…

Il faudra suivre le développement de ces licences libres appliquées aux semences, car il s’agit d’une des pistes pour préserver des pratiques ancestrales de partage de graines, remontant sans doute à des millénaires et qui se réactivent aujourd’hui avec des associations comme Graines de troc.

Le compte Twitter d’André Le Nôtre (@Lenostre) signalait par exemple ces jours derniers que des pratiques d’échanges de plants rares existaient entre jardiniers au 17ème siècle, dont on retrouve la trace dans cet ouvrage.

lenotre


" J’ay veu que quelques jardiniers curieux se fréquentoient les uns les autres amiablement, & faisoient recherche de ce qu’ils pouvoient avoir en leurs jardins, pour voir s’ils avoient quelques espèces de fleurs ou de fruicts que l’un ou l’autre n’eust point, afin de s’en entre-accommoder. C’est ce qu’il faut que les jardiniers de présent fassent, & qu’ils prennent la peine, & ne soient paresseux d’aller où ils sont advertis qu’il aura esté fait quelque beau jardin, pour voir s’il y a quelque chose de beau dont ils n’en ayent point la cognoissance, mesme, qu’il en demande au jardinier, peut-estre celuy qui demandera, aura aussy quelque fleur que l’autre n’aura point, & par ainsi feront eschange amiablement l’un à l’autre, de telle sorte que l’un et l’autre en seront fort contens. […] feu mon père avoit une quantité de fleurs de toutes sortes, c’est qu’il faisoit comme j’ay dit cy-dessus, il prenoit la peine & le plaisir en mesme temps d’aller voir les jardins qui estoient en réputation, et s’il se présentoit quelque fleur devant ses yeux dont il n’en avoit point, il en demandoit hardiment au jardinier, en luy offrant de luy en donner d’autres qu’il recognoissoit que le jardinier n’avoit pas aussi, par ce moyen ils s’accommodoient ensemble" Claude Mollet, Le théâtre des plans et jardinages, 1652, p. 185-187.

Merci à André @LeNostre pour la transcription !


Classé dans:Alternatives : Copyleft et Culture Libre Tagged: Biens Communs, brevets, copyleft, graines, kokopelli, licences libres, monsanto, semences, variétés végétales

Biens communs, neutralité du réseau et économie de l’attention (webinaire)

mardi 30 avril 2013 à 09:42

Il y a deux semaines, j’ai été invité par Jean-Michel Salaün à participer à un webinaire, organisé entre la France et le Québec, dans le cadre du master Architecture de l’information de l’ENS Lyon.

Le sujet qu’il m’avait été demandé de traiter était particulièrement intéressant. Il s’agissait d’explorer les relations entre les notions de Biens communs, de neutralité du réseau et d’économie de l’attention. J’avais produit pour l’occasion un Storify, qui m’a servi de canevas pour l’intervention et à partir duquel les étudiants du Master ont pu préparer des questions.

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Le webinaire en lui-même a fait l’objet d’une captation vidéo, que vous pouvez retrouver dans les conditions du direct sur Youtube, mais aussi remonté par Pierre Benech (merci à lui) sur Internet Archive, suivant les quatre parties de mon propos :

1° Les atteintes à la Neutralité du net menacent Internet conçu comme un bien commun.

Cliquez sur l'image pour voir la vidéo

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2° Ces atteintes principalement sont le fait d’acteurs qui cherchent à instrumentaliser à leur profit les mécanismes de l’économie de l’attention.

Cliquez sur l'image pour voir la vidéo

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3° Un grand nombre de ces atteintes se font sous couvert de l’objectif de protection de la propriété intellectuelle.

Neutralité du Net, Economie de l'attention et Biens communs - Archinfo - Free Download & Streaming - Internet Archive 2013-04-27 13-53-294° Un des moyens de protéger la neutralité du net consiste à constituer e à défendre des biens communs de la connaissance.

Neutralité du Net, Economie de l'attention et Biens communs - Archinfo - Free Download & Streaming - Internet Archive 2013-04-27 13-53-52L’un des principaux intérêts de cette formule de webinaire consiste à pouvoir recevoir en temps réel les questions et les remarques des participants. A l’issue de la présentation, les étudiants ont pu laisser dans un pad des commentaires concernant les points forts et les points des thèses qui leur avaient été présentées et je les reproduis ici :

Points forts

Nous avons vu que dans l’économie du partage, toute œuvre de l’esprit devient égale aux autres par le fait même qu’elle est partagée. Cette économie n’est donc pas à l’abri de l’hyperfocalisation sur des contenus que l’on peut juger moins intéressants. C’est là justement où je vois le grand avantage à ce système de régulation libre qui contrairement à notre industrie culturelle standard est régie par des critères marchands qui n’ont souvent rien à voir avec les critères artistiques et culturels.(PM)

J’ai beaucoup aimé la distinction faite que le piratage (partage de contenu) n’est pas du vol. Analogie souvent utilisée, mais ultimement pas efficace pour faire comprendre la valeur du contenu créatif, ce sur quoi les producteurs de celui-ci devrait se concentrer. Aussi l’idée que les communautés de partage ne sont «pas le far-west, il y a une structure mise en place/auto-régulation très présente, pour s’assurer qu’il n’y ai pas de surexploitation par certains pour que tous ajoutent de la valeur dans la communauté.» et le retour sur le concept des «commons» vu au départ soi que justement  la «tragédie des commons» est fausse pour le contenu créatif, mais que l’on doit considérer quand même cette question dans le débat. (CD)

Lionel a parlé d’une solution à la fois à la liberté d’accès aux contenus des utilisateurs et à la rémunération des créateurs sur le net :  la contribution créative, un surcoût à l’abonnement internet. Puisque les sommes accumulées grâce à ce surcoût seront redistribuées aux créateurs, cela les encourage du même coup à partager ce qu’ils ont créé. Ce qui me plaît dans cette solution, c’est qu’elle est soutenue par une logique plus "saine". Plutôt que de surveiller et traquer ceux qui copient illégalement des contenus, on redistribue les bénéfices du surcoût à l’abonnement aux créateurs. L’utilisateur a accès à plus de contenus, mais doit aussi faire sa part en donnant un peu d’argent, ce qui le responsabiblise. (JH)

La neutrailité d’internet passe par l’application de la théorie des biens communs, c’est-à-dire une régulation par la communauté des ressources partagées. Mais aussi, cela suppose d’éviter la "tragédie des communs", en faisant en sorte que la source de la circulation des biens sur internet ne tarisse pas.  Ce qui demande une contribution de tous. (ALN)

Lionel Maurel souligne qu’il y a de moins en moins de distinction entre le contenu amateur et professionnel sur le Web.  Cet éclatement du cadre éditorial puisse être vu comme un point positif, mais il pose des défis considérables pour la rémunération des producteurs de contenu. J’ai bien aimé que Lionel Maurel expose que des solutions existaient et qu’il ne se borne pas à dire que la situation actuelle était inchangeable. (MCL)

La force de la proposition  du "système de contribution creative" de M. Maurel est son audace radicale.  C’est à dire : tous les contributeurs au contenu d’Internet seraient rénuméres par un système de surtaxe imposée aux utilisateurs d’Internet. Il s’agit au fait d’une modification radicale des la distribution des oeuvres sur Internet (ADV)

Une proposition a fortement attiré mon attention : celle de partager les oeuvres qui sont épuisées ou plus disponibles.  Wow!  (I.L.)

Manques

J’aurais aimé en savoir plus sur la contribution créative. A-t-on déjà pensé à la façon dont les sommes seraient redistribuées aux créateurs et selon quels critères? Est-ce qu’on donnerait à chacun la même somme? Sinon, est-ce qu’on tiendrait compte du temps de travail, de la qualité, du nombre de partage? Est-il possible de penser à un calcul qui tiendrait compte de plusieurs critères? Ce serait dommage que l’argent redistribué ne le soit qu’en fonction du nombre de partage… Aussi, il y a tellement de contenus publiés, réussirait-on à en garder la trace? Comment redistribuer ces sommes puisqu’on consulte des site à une échelle internationale? J’aurais aimé savoir s’il y avait des groupes ou des ministères qui se penchaient sur ces mêmes questions au Québec ou au Canada. (JH)

Moi aussi j’aurais bien aimé qu’il aborde les mécanismes qui seraient mis en place si l’on adopte un modèle de contribution créative. Comment peut-on rénumérer tous les contributeurs de contenu?  Sur quels critères?  Les professionnels seront-ils aussi rémunéré que les amateurs? À la quantité de contenu produit sur le net et l’échelle à laquelle ce phénomène se déploie, je me pose la question comment un tel système peut être appliqué? (EMD)

J’ai une autre réserve par rapport à la contribution créative. Plusieurs créateurs ont besoin d’argent avant de commencer leur projet. Par contre, la contribution créative ne serait possible qu’une fois le contenu créé. Il ne s’agit pas d’une forme de financement. Il faudra probablement que des formes de financement existent en parallèle. Parallèlement à cette question, je me demande si la contribution créative ne vendrait pas amoindrir ou transformer le rôle de l’État. C’est lui qui, jusqu’à maintenant, s’occupe de redistribution (impôts). Pourrait-on envisager une contribution créative différenciée selon les revenus des utilisateurs? (JH)

Une partie qui a retenu mon attention, et qui fait vibrer ma fibre de sceptique avouée, est celle où Philippe Aigrain dit être pour la légalisation du partage d’information non marchand sur le Web, tout en proposant une contribution créative par un surcoût de l’abonnement Internet par mois, au créateur de contenu sur Internet, principalement aux créateurs amateurs. Ça me semble totalement ingérable. Devant l’explosion des contenus, comment faire pour redistribuer une redevance à des millions de créateurs amateurs, sur quelle bases, etc. Bref, en théorie, l’idée peut être intéressante, mais en pratique, je serais très surpris qu’on puisse y arriver. [M.R]

J’ai de la difficulté à comprendre pourquoi les communautés de partage qui se sont dotées de mécanisme de régularation sont si différentes du piratage et en quoi ces règles évitent la surexploitation des ressources. Souvent, ces communautés ont pour règle d’avoir un ratio de 1 pour 1, soit avoir autant d’upload que de download. Je peux comprendre que ces règles soient intéressantes dans une logique de biens communs, mais il reste que l’application actuelle du droit d’auteur ne le permet pas. (JB)

- Est-ce qu’avec cette taxation proposée des usagers, nous ne risquerons pas d’aggraver la fracture numérique? Beaucoup des familles ne pouvons pas se payer une connexion haute vitesse. Je suis contre un tel modèle de financement. (AS)

- Je suis plutôt d’accord avec AS. En fait, je trouve  que M. Maurel ne parle pas assez de pays comme la Chine ou l’Iran. Mais le sujet de ce webinaire est très vaste. (GC)

J’aurais aimé dans toute sa présentation qu’il nous présente comment l’enjeu de la neutralité du net est perçue dans d’autres pays (EMD).

Même si on agit en garantissant le partage des connaissances (bien commun), il va toujours avoir l’autre pilier de l’économie à réglementer et à gérer pour que cette solution puisse tirer son potentiel de réussite. Par exemple, dans une économie qui recherche l’attention du consommateur, que faire pour  permettre une «chance» égale des contenus de réussir à être vus et lus par les individus? Je fais une analogie avec la longue traîne dans le marché du livre. La même chose de produit sur le Net, non? (RRB)

Je trouve que c’est le point faible du discours de Lionel Maurel. J’ai vraiment de la difficulté à voir comment serait réparti cette "contribution créative". Cela pourrait créer une compétition malsaine pour obtenir le plus de visibilité (il y a déjà assez de matériel débile sur le web… pas besoin d’en rajouter). Alors rétribuer les gens pour le nombre de "clics" ou de "j’aime" n’est pas souhaitable. Je ne voudrais pas avoir à payer pour qu’on récompense des gens pour leur quête de gloire. Il me semble que l’autre option (faire payer les gros joueurs – "les taxer") est une meilleure solution. Cela me surprend qu’il mette tant de passion à défendre cette "contribution créative" alors qu’il ne semble pas y avoir songé sérieusement (dans les détails). Et tout le monde sait que "le diable est dans les détails"! (MT)

Le point faible du système de contribution créative proposé par Maurel  réside dans la faiblesse du système de l’économie de l’attention dans l’économie du bien commun. Comment faire pour ne pas subir les effets néfastes ?

Il semble effectivement qu’il y ait plusieurs obstacles à la mise en place de la contribution créative. Sur ce point, n’y aurait-il pas des leçons à tirer des tentatives nationales de financement de la culture à l’extérieur du Web? Par exemple, au Québec, la mise en place des enveloppes à la performance pour financer les oeuvres cinématographiques a été désastreuse pour le cinéma d’auteur. Le critère de popularité est facilement quantifiable (box-office pour le cinéma, nombre de partages sur le Web) contrairement à celui de la qualité, beaucoup plus subjectif (notre conférencier a lui-même avoué être inapte à juger cette question). Il est possible de croire qu’en basant la contribution créative en tout ou en partie sur ce critère, l’un des seuls quantifiables liés aux contenus sur le Web, c’est-à-dire le nombre de partages, nous pouvons nous attendre à une mise en avant d’oeuvres répondant aux critères de la culture populaire au détriment de ceux, plus originaux, relevant d’une culture dite "indépendante". Alors que la liberté d’expression sur le Web encourage une diversité au sein des contenus, la contribution créative pourrait peut-être aller contre cette caractéristique fondamentale du réseau.  (AP)

Ces objections reviennent souvent à propos de la contribution créative. On trouvera un certain nombre de réponses, notamment sur le mode de calcul et de répartition des sommes collectées dans ce billet consacré aux différences entre la contribution créative et la licence globale.

Bravo et merci à l’équipe du master Architecture de l’information pour m’avoir proposé cette expérience innovante ! Cette formule du webinaire ouvre des perspectives vraiment intéressantes pour organiser des débats et produire des contenus de manière collaborative.


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