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Quelle réalité pour le principe d’Open Data « par défaut » de la loi Lemaire ?

mardi 5 janvier 2016 à 06:58

C’est l’un des points sur lesquels la secrétaire d’Etat Axelle Lemaire avait le plus insisté lors du processus d’élaboration de la Loi numérique : la volonté d’instaurer en France un « principe d’Open Data par défaut« .

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A quelques semaines du début des débats à l’Assemblée nationale sur le texte, Next INpact a consacré hier un article à cette question où le journaliste Xavier Berne examine les dispositions relatives à « l’ouverture par défaut des données publiques« . On peut y lire notamment ceci :

Le Premier ministre s’y était engagé en juin dernier : inscrire dans la loi « le principe d’Open Data par défaut ». Aujourd’hui, le citoyen qui souhaite obtenir un document public (rapport, délibération, étude, correspondance, statistiques…) doit généralement en faire la demande auprès de l’administration. L’objectif du projet de loi « pour une République numérique » est donc de renverser ce paradigme, pour que l’ouverture devienne la règle et la fermeture l’exception.

Concrètement, cela signifie que toutes les données publiques détenues par les ministères ou certains établissements publics devraient être systématiquement mises en ligne par les pouvoirs publics – hormis certains documents relevant par exemple du secret des affaires.

Le problème, c’est que cette affirmation ne se révèle que partiellement vraie à la lecture attentive du texte.

Rappel : ce que l’Open Data veut dire… 

Pour comprendre pourquoi, il faut revenir à la définition de ce qu’est l’Open Data. On peut pour cela reprendre la fameuse « échelle en 5 étoiles » proposée par Tim Berners-Lee :

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On voit au premier niveau que pour parler d’Open Data au sens propre, les données doivent être publiées en ligne sous une licence ouverte garantissant la libre réutilisation.

C’est pour ainsi dire l’exigence première en matière d’Open Data, les niveaux supérieurs renvoyant davantage à des degrés de qualité des données (données structurées, format ouvert) ou à leur insertion dans le web de données ou Linked Data.

Mise en ligne à géométrie variable

Or c’est sur cette question basique de la mise en ligne des données que la loi Lemaire comporte encore une faiblesse relativement importante. En l’état, l’article 4 de la loi impose aux administrations de plus de 250 agents ou salariés de « rendre publics en ligne, sous un format ouvert aisément réutilisables » quatre type d’éléments (résumés ci-dessous par Xavier Berne) :

Certes, l’inclusion des bases de données dans le périmètre de cet article constitue une grande avancée par rapport à la situation légale préexistante (surtout que le projet de loi précise plus loin à l’article 7 que les administrations ne pourront plus opposer leur droit de producteur de base de données à une demande de réutilisation, ce qui s’est déjà produit par le passé). Les bases de données produites par les administrations devront en principe être accessibles en ligne et on peut bien parler à leur sujet d’Open Data « par défaut ».

Par contre, pour ce qui concerne les documents administratifs, qui sont eux-aussi susceptibles de contenir des informations publiques, l’effet de la loi risque d’être plus limité. En effet, les administrations ne sont tenues de mettre en ligne de manière spontanée que les documents « communiqués à des particuliers suite à une procédure CADA« .

On ne sort donc pas vraiment à leur sujet de la situation préexistante, dans laquelle il fallait que les citoyens aillent demander à l’administration communication des données qu’ils souhaitaient réutiliser.

Logique persistante d’Open Data « à la demande » 

Cette lecture est confirmée par ce billet publié à la mi-décembre sur le blog d’Etalab qui analyse les conséquences de la loi Lemaire, dans lequel on peut lire ceci :

Le premier paragraphe montre bien qu’on reste – du moins pour les documents contenant des informations publiques – dans une logique d’Open Data « à la demande », sans aller vers un passage à une logique d’offre systématique par l’administration.

RIP à la carte (et à trous)

Le projet de loi numérique ajoute cependant que les administrations devront aussi mettre en ligne les « principaux documents » figurant dans le répertoire d’informations publiques (RIP) qu’elles doivent tenir en vertu de l’article 17 de la loi CADA (dont voici le texte) :

Les administrations qui produisent ou détiennent des informations publiques tiennent à la disposition des usagers un répertoire des principaux documents dans lesquels ces informations figurent.

Les conditions de réutilisation des informations publiques ainsi que, le cas échéant, le montant des redevances et les bases de calcul retenues pour la fixation de ce montant sont rendus publics, dans un standard ouvert, par les administrations mentionnées à l’article 1er qui les ont produites ou reçues.

D’après la rédaction de cet article 17, la tenue du RIP est une obligation pour les administrations, ce qui devrait garantir en principe la mise en ligne de nombreux documents. Pourtant, si la plupart des Ministères ont établi un RIP, je ne suis pas certain que ce soit encore le cas pour tous. Par ailleurs, la majorité des établissements publics n’ont pas encore mis en place de tels répertoires et c’est pourtant à ce niveau que se situe à présent l’essentiel des données restant à libérer en France. En l’absence de répertoire, l’effet de la loi Lemaire risque d’être limité pour beaucoup d’administrations.

Quand bien même ce serait le cas, la loi ne fait obligation de faire figurer dans le RIP que les « principaux documents » produits par les administrations. Et la loi Lemaire indique de son côté que l’obligation de mise en ligne ne porte que sur les « principaux documents » figurant dans le RIP. Donc en définitive, la mise en ligne ne portera que sur les « principaux documents » parmi « les « principaux documents » produits par les administrations…

Comment arriver à un véritable Open Data « par défaut » ? 

On mesure déjà qu’on est loin en réalité d’un véritable Open Data « par défaut » avec mise en ligne spontanée des informations par l’administration et une large part de sélectivité risque de subsister. Cet état de fait est confirmé par le texte de l’article 4 qui ajoute que les administrations devront aussi mettre en ligne  les « données dont l’administration, qui les détient, estime que leur publication présente un intérêt économique, social ou environnemental ».

On reste encore ici dans une pure faculté discrétionnaire étant donné que l’évaluation de l’intérêt de la publication reste soumis à l’appréciation de l’administration concernée. Est-ce que par exemple les documents relatifs au budget ou au personnel d’un établissement public doivent ou non aller en ligne ? Ce sera aux instances dirigeantes d’en décider, comme c’était déjà le cas auparavant, alors qu’on pourrait penser qu’il s’agit au contraire des premières données qui devraient passer en Open Data.

En réalité pour imposer un véritable « Open Data par défaut », il aurait fallu que l’article 4 de la loi indique que l’obligation de mise en ligne pro-active concerne non seulement les documents « communiqués à des particuliers suite à une procédure CADA« , mais aussi tous ceux qui sont « communicables » en vertu de la loi du 17 juillet 1978.

On aurait eu alors un effet de levier très puissant et on serait sorti une fois pour toute de la logique insatisfaisante d’un Open Data « à la demande ».

Et les collectivités locales ? 

De manière paradoxale, les collectivités locales, qui sont pourtant explicitement exclues du champ de l’article 4 de la loi numérique, risquent d’être soumises à une obligation beaucoup plus forte de mise en ligne spontanée des documents qu’elles produisent.

L’article 106 de la Loi NOTRe adoptée cet été indique en effet que :

Les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre auxquels elles appartiennent rendent accessibles en ligne les informations publiques mentionnées à l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978 […], lorsque ces informations se rapportent à leur territoire et sont disponibles sous forme électronique.

Contrairement aux administrations centrales et aux établissements publics rattachés à l’État, les collectivités locales de plus de 3500 habitants seront donc bien dans l’obligation de mettre en ligne toutes les informations publiques qu’elles produisent, ce qui implique nécessairement qu’elles publient aussi sur Internet l’intégralité des documents qui contiennent de telles informations.

Par contre, l’obligation de la loi NOTRe ne porte que sur l’accès en ligne et pas sur la réutilisation en tant que telle. On est ici davantage dans une logique d’Open Access que dans de l’Open Data au sens propre, les collectivités gardant comme aujourd’hui la faculté de décider de placer ou non leurs données sous licence ouverte.

Au final, on risque d’avoir au niveau de l’État une extension du principe de réutilisation, mais sans mise en ligne spontanée, tandis qu’au niveau des collectivités locales, on risque d’avoir une extension de la mise en ligne sans possibilité de réutilisation…

***

On voit donc qu’en définitive, ni au niveau de l’État, ni au niveau des collectivités locales, les changements législatifs récents ou à venir ne vont parvenir à satisfaire complètement cet objectif d’instauration d’un « Open Data par défaut ».

Pour ce qui concerne la loi Lemaire cependant, il serait assez simple pour les parlementaires qui vont bientôt examiner le texte de corriger ce défaut : il suffirait comme je l’ai dit plus haut d’amender l’article 4 du projet de loi pour faire en sorte que l’obligation de mise en ligne concerne tous les documents communicables au sens de la loi CADA et pas les documents effectivement communiqués.

Un simple mot à changer : c’est la condition pour éviter un Open Data « en trompe-l’oeil » que la loi risque de produire autrement…

 

 

 


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Libérer Anne Frank pour le jour du domaine public

vendredi 1 janvier 2016 à 19:36

Ce 1er janvier est un jour particulier, à double titre. Comme chaque année, le premier de l’an correspond au Jour du domaine public, celui où de nouvelles oeuvres deviennent librement utilisables au terme des 70 ans de protection du droit d’auteur. Cette année, cet événement a une signification supplémentaire, à cause de la polémique qui entoure le cas du Journal d’Anne Frank dont les sites d’information se sont déjà largement fait l’écho ces derniers jours.

Image par Rodringo Galindez. CC-BY. Source : Wikimedia Commons.

En signe de solidarité avec la députée Isabelle Attard et Olivier Ertzscheid, je publie également sur ce blog le texte original en néerlandais du Journal :

Il est également disponible sur Wikisource et sur Internet Archive.

Je colle aussi ci-dessous une partie de la fiche que nous avons écrite au sein du collectif SavoirsCom1 pour l’entrée sur Anne Frank dans le Calendrier de l’Avent du Domaine Public. Ce texte permet rapidement de mieux comprendre l’arrière-plan juridique de cette affaire :

Le journal d’Anne Frank fait partie de ces livres à part qui marquent profondément le lecteur.

Ce texte retrace la vie de la jeune Anne Frank, de son appartement secret à Amsterdam au camp de Bergen Belsen où elle trouva la mort à l’âge de 15 ans en 1945.

Si l’on suit la logique du droit d’auteur, le principe veut que l’œuvre d’un auteur entre dans le domaine public 70 ans après sa mort. Cela devrait donc être le cas pour Le Journal d’Anne Frank le premier janvier 2016.

Mais l’histoire risque d’être beaucoup plus compliquée.

Les droits d’auteurs sont gérés par le Fonds Anne Franck, créée en 1963 par le père d’Anne, Otto Frank. Cette institution s’est donnée la noble mission d’utiliser les bénéfices générés par l’exploitation des droits pour honorer la mémoire d’Anne Frank et rappeler les persécutions subies par les juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

Cependant le Fonds fait à présent valoir qu’Otto Frank est co-auteur du livre de sa fille. En effet c’est lui qui a décidé de publier le journal en 1947 en supprimant certains détails trop personnels, notamment ceux où Anne évoque son éveil à la sexualité. Otto Frank étant décédé en 1980 et la durée de protection se calculant à partir de la date de décès du dernier auteur dans le cas des œuvres de collaboration, Le Journal d’Anne Frank devrait entrer dans le domaine public 70 ans après la date de 1980, soit le premier janvier 2051.

Le Journal d’Anne Frank est-il une oeuvre publiée à titre posthume et Otto Frank peut-il réellement être considéré comme un co-auteur au sens propre du terme ? Ou bien s’agit-il d’un procédé employé par le Fonds pour prolonger artificiellement les droits d’auteurs ? La question mérite d’être posée et seul un juge pourrait apporter une réponse définitive.

La question des droits ne se pose pas uniquement pour la version de 1947 établie par les soins d’Otto Frank. Une version intégrale du Journal a en effet été publiée en 1986, qui devrait donc aussi entrer dans le domaine public au premier janvier 2016. Mais la loi en vigueur à l’époque prévoyait une durée de protection pour les oeuvres posthumes de 50 ans après la date de publication. Une directive européenne est intervenue en 1993 pour harmoniser la durée des droits à 70 ans après la mort de l’auteur, mais il n’est pas certain qu’elle prévale sur la règle antérieure.

[…]

En dépit des incertitudes juridiques, le collectif SavoirsCom1 a choisi de faire figurer Anne Frank parmi les auteurs dont les oeuvres s’élèveront dans le domaine public en 2016. Le cas du Journal illustre les complications ubuesques qui affectent le domaine public et qui fragilisent son existence. On doit aussi rappeler que si l’oeuvre d’Anne Frank reste sous droits l’an prochain, il n’en sera pas de même pour celle d’Adolf Hitler, dont nous avons parlé par ailleurs dans ce Calendrier.

Ce paradoxe suffit à lui seul à illustrer le profond malaise qui existe à propos d’une oeuvre comme le Journal d’Anne Frank, dont la diffusion la plus large paraît plus que jamais nécessaire.

Pour terminer ce billet, je voudrais ajouter que le cas d’Anne Frank est certes hautement symbolique, mais il ne constitue en réalité que la partie émergée de l’iceberg. Cette année encore en préparant le Calendrier de l’Avent du domaine public, nous nous sommes rendus compte des nombreuses fragilités et incertitudes qui affectent le domaine public. Ces difficultés résultent de la durée de protection variable selon les pays, de l’absence d’harmonisation au niveau européen ou d’exceptions qui persistent dans le Code de propriété intellectuelle en France.

Plusieurs auteurs se retrouvent ainsi dans des situations compliquées comme Maurice Ravel dont seulement une partie des oeuvres entrera effectivement dans le domaine public en 2016 ; Béla Bartok dont les compositions vont devenir librement réutilisables partout dans le monde… sauf en France ou Robert Desnos pour lequel il faudra encore attendre 30 ans pour parler de domaine public parce qu’il est « Mort pour la France ».

Il faut espérer que l’affaire Anne Frank sera l’occasion d’une prise de conscience de ces difficultés et qu’elle incitera à agir pour les régler en clarifiant au maximum le statut des oeuvres du domaine public afin de rendre réellement effectifs les droits positifs sur la culture qu’il favorise.


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Pourquoi Béla Bartok entrera dans le domaine public en 2016 partout dans le monde… sauf en France !

jeudi 3 décembre 2015 à 07:22

SavoirsCom1 et Romaine Lubrique proposent une nouvelle fois cette année le Calendrier de l’Avent du Domaine Public, qui signalera chaque jour du mois de décembre un nouvel auteur dont les oeuvres entreront dans le domaine public en 2016.

L’année dernière déjà, cet exercice avait été l’occasion de mettre en lumière certaines aberrations découlant de l’état de la loi française. Antoine de Saint-Exupéry par exemple est entré dans le domaine public partout dans le monde en 2015… sauf en France ! La raison résidait dans la durée de 30 ans supplémentaires attribuée par la loi aux auteurs « Morts pour la France ». Cette situation avait conduit à la conséquence ubuesque que le Petit Prince a été mis en ligne dès le 1er janvier 2015 sur un site belge, portant une mention spéciale indiquant aux internautes français de passer leur chemin…

Cette année encore, nous avons été obligés d’écarter certains des auteurs pourtant bien morts depuis plus de 70 ans et l’un d’eux est peut-être dans une situation plus absurde que celle de Saint-Exupéry (si, c’est possible…).  Il s’agit du compositeur hongrois Béla Bartok, qui entrera lui aussi dans le domaine public en 2016 partout dans le monde, sauf en France. La raison de cette incongruité est cependant un peu plus difficile à comprendre (accrochez-vous !).

Buste de Béla Bartok (Image par Renard de Hongrie. CC-BY-SA. Source : Wikimedia Commons.)

Les « Morts pour la France » ne sont pas en effet la seule exception en droit français à la règle de l’entrée dans le domaine public 70 ans après la mort de l’auteur. Un autre régime dérogatoire existe du fait de l’application des prorogations de guerre. Le Code de Propriété Intellectuelle prévoit ainsi « une extension de la durée des droits d’auteur aux œuvres publiées avant ou pendant les conflits mondiaux du xxe siècle, et ajoutées à la durée normale de ces droits, afin de compenser les pertes d’exploitation occasionnées par ces guerres » (définition Wikipédia). Ces délais supplémentaires durent ; 6 ans et 152 jours pour la Première Guerre mondiale ; 8 ans et 120 jours pour la Seconde Guerre Mondiale (soit 14 ans et 272 jours en tout).

On lit souvent que ces prorogations auraient été supprimées en 2007 par la Cour de Cassation à l’occasion de deux arrêts (Monet et Boldoni), mais ce n’est pas complètement vrai. Dans ces affaires, la Cour a estimé que ces durées supplémentaires n’avaient plus vocation à s’appliquer en principe du fait qu’elles ont été « absorbées » par le passage de la durée du droit d’auteur de 50 à 70 ans après la mort décidé par une directive européenne en 1993.

Mais la Cour a considéré que la règle des 70 ans après la mort de l’auteur cèderait lorsque une durée de protection plus longue avait déjà commencé à courir au moment de l’entrée en vigueur de la directive, pour ne pas faire perdre les « droits acquis » par les titulaires de droits. Or en 1985, la loi Lang avait déjà allongé les droits pour la musique de 50 à 70 ans. On en déduit donc que les prorogations n’ont plus vocation à s’appliquer en général, mais qu’elles subsistent… seulement pour les oeuvres musicales (1) !

Vous suivez toujours ?

Revenons alors au Calendrier de l’Avent du Domaine Public. Le premier auteur que nous avons fait figurer dans la sélection 2016 est Maurice Ravel. Contrairement aux autres auteurs du Calendrier, nous avons pris en compte pour lui la date de mort de 1937 et non de 1945, justement à cause des prorogations de guerre. En ajoutant les 8 ans et 120 de la Seconde Guerre mondiale, on arrive à la conclusion qu’une partie de l’oeuvre de Ravel (notamment le fameux Boléro) entrera dans le domaine public le 30 avril 2016. Mais une partie seulement, car les oeuvres publiées par Ravel avant 1920 – et elles sont nombreuses – resteront soumises aux prorogations de la Première Guerre Mondale (effroyable complexité !). En revanche pour Béla Bartok, c’est bien l’ensemble de l’oeuvre du compositeur qui est concernée et pour laquelle l’entrée dans le domaine public est repoussée du fait des prorogations de guerre.

Cependant, me direz-vous sans doute, on peut trouver étrange qu’un auteur hongrois bénéficie de suppléments de durée fixés par la loi française. Certes, les deux conflits mondiaux ont eu un impact sur toute l’Europe, mais la Hongrie n’a pas instauré de mécanisme de prorogations similaires à la France.  Par quel prodige le droit français affecte-t-il le statut juridique des oeuvres d’un auteur hongrois, alors même qu’une directive européenne est censée être intervenue en 1993 pour uniformiser la durée des droits au sein de l’Union ?

Pour répondre, il faut se tourner cette fois vers l’article L. 123-12 du Code de Propriété Intellectuelle, qui nous dit ceci :

Lorsque le pays d’origine de l’oeuvre, au sens de l’acte de Paris de la convention de Berne, est un pays tiers à la Communauté européenne et que l’auteur n’est pas un ressortissant d’un Etat membre de la Communauté, la durée de protection est celle accordée dans le pays d’origine de l’oeuvre sans que cette durée puisse excéder celle prévue à l’article L. 123-1.

La loi française retient la durée de protection du pays d’origine dans les cas où celle-ci est plus courte que celle  qui prévaut en France. Par exemple, la durée des droits n’est que de 50 ans après la mort au Canada et c’est ce délai qui doit être pris en compte pour l’application des droits en France en ce qui concerne les auteurs canadiens. Pour la Hongrie, la durée des droits est plus courte également, puisque ce pays n’a pas de prorogations de guerre. Sauf que… l’article L. 123-12 spécifie bien que cette règle de l’application de la durée la plus courte s’applique uniquement pour les pays tiers à la Communauté européenne.

Du coup (et c’est complètement aberrant, en plus d’être effroyablement complexe), le fait que la Hongrie appartienne à l’Union européenne va faire que l’on retiendra l’application du droit français pour Béla Bartok, quand bien même cela revient à anéantir l’objectif d’harmonisation de la durée des droits qui était celui de la directive de 1993 !

Au final, cet imbroglio va faire que l’oeuvre de ce grand compositeur pourra être librement interprétée partout dans le monde dès le 1er janvier 2016, sauf en France…

CQFD.

***

La vérité, c’est que le législateur aurait dû intervenir depuis longtemps pour corriger les aberrations de la loi française que constituent le bonus de 30 ans des « Morts pour la France » et le maintien des prorogations de guerre pour la musique. Le collectif SavoirsCom1 l’avait appelé à le faire en 2014 à l’occasion de la transposition d’une autre directive européenne. La députée Isabelle Attard a essayé de son côté plusieurs fois au cours de cette législature d’inciter ses collègues à l’Assemblée nationale à adopter cette mesure de bon sens. L’eurodéputée Julia Reda a elle aussi mis en avant dans son rapport sur la réforme du droit d’auteur en Europe que la directive de 1993 n’avait pas atteint son but d’harmonisation de la durée des droits, en prenant pour exemple les complications toujours imposées par la loi française.

Il faut espérer que l’on arrivera un jour à se débarrasser de ces absurdités qui, au nom d’une véritable religiosité des « droits acquis », aboutissent à rendre illisible le domaine public, alors qu’il est le support de l’exercice des droits fondamentaux des individus sur la culture.

(1) J’ai simplifié dans le corps de ce billet déjà bien trop complexe, mais les proprogations de guerre subsistent aussi en dehors du cas des oeuvres musicales. Cela arrive dans certaines dans certaines hypothèses pour des auteurs « Morts pour la France », où il y a alors cumul des deux exceptions. Voir par exemple le cas de Louis Pergaud ou de Guillaume Apollinaire.

 


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Le jour où l’espace a cessé d’être un bien commun…

lundi 30 novembre 2015 à 17:57

Plusieurs sites de presse comme Rue89 ou Slate se sont faits aujourd’hui l’écho d’une nouvelle que j’ai trouvée particulièrement glaçante : Barack Obama a promulgué la semaine dernière une loi (HR 2262) qui va autoriser des compagnies privées à s’approprier les ressources naturelles figurant dans l’espace extra-atmosphérique.

La portée de ce texte est potentiellement énorme et peut-être que dans un siècle, on citera encore la date de son adoption comme un des événements majeurs de l’histoire de l’Humanité. Car on peut considérer ce 25 novembre 2015 comme le jour où l’espace cessa d’être un bien commun, par l’effet d’une décision unilatérale des Etats-Unis d’Amérique.

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Image par NASA/JPL-Caltech. Domaine Public. Source : Wikimedia Commons

L’espace comme bien commun

En effet jusqu’à présent, le droit international tendait à faire de l’espace extra-atmosphérique une « res communis » (chose commune) au sens où l’entendait déjà les romains, c’est-à-dire une ressource ne pouvant faire l’objet d’une appropriation à titre exclusif par personne, mais librement utilisable par tous. Un traité de l’espace adopté en 1967 suite à une résolution des Nations Unies fixait jusqu’alors le statut juridique de cette ressource à partir de ces deux traits caractérisant les biens communs.

Le texte commence par consacrer dans son premier article un droit d’usage ouvert à tous sur les ressources que constituent l’espace extra-atmosphérique et les corps s’y trouvant :

Art. I

L’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps célestes, doivent se faire pour le bien et dans l’intérêt de tous les pays, quel que soit le stade de leur développement économique ou scientifique ; elles sont l’apanage de l’humanité tout entière.

L’espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps célestes, peut être exploré et utilisé librement par tous les États sans aucune discrimination, dans des conditions d’égalité et conformément au droit international, toutes les régions des corps célestes devant être librement accessibles.

Les recherches scientifiques sont libres dans l’espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps célestes, et les États doivent faciliter et encourager la coopération internationale dans ces recherches.

Le traité se poursuit en proclamant que l’espace et les corps célestes doivent rester inappropriables :

Art. II

L’espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps célestes, ne peut faire l’objet d’appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par voie d’utilisation ou d’occupation, ni par aucun autre moyen.

Vers un droit d’appropriation privée

La loi promulguée la semaine dernière par Barack Obama, dénommé Competitiveness Act, introduit une faille dans cette « sanctuarisation » juridique de l’espace, en prévoyant une possibilité d’appropriation à titre exclusif des ressources s’y trouvant par les citoyens américains souhaitant les exploiter commercialement. L’article pertinent de la loi dit précisément ceci :

A United States citizen engaged in commercial recovery of an asteroid resource or a space resource under this chapter shall be entitled to any asteroid resource or space resource obtained, including to possess, own, transport, use, and sell the asteroid resource or space resource obtained in accordance with applicable law, including the international obligations of the United States.

[Traduction] Un citoyen des Etats-Unis engagé dans la récupération à titre commercial d’une ressource se trouvant sur un astéroïde ou dans l’espace aura droit à toute ressource obtenue, incluant le droit de détenir, de posséder, de transporter, d’utiliser et de vendre la ressource obtenue conformément à la législation applicable, y compris les obligations internationales des Etats-Unis.

Cela signifie que cette loi crée au bénéfice des citoyens US (mais surtout des sociétés commerciales américaines) un droit de prélèvement des ressources situées dans l’espace débouchant, lorsque ce prélèvement est effectué dans le cadre d’une entreprise commerciale, sur un droit de propriété complet (usus, fructus et absus comme disent les juristes).

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Cette loi américaine transforme l’espace en un jeu de Monopoly géant…

Des Res Communes aux Res Nullius

A première vue, ce droit exclusif instituée par la loi américaine paraît incompatible avec les engagements internationaux auxquels les Etats-Unis ont souscrit et notamment le Traité de l’espace de 1967 cité ci-dessus. Mais le texte adopté la semaine dernière introduit une nuance subtile qui risque de peser lourd :

DISCLAIMER OF EXTRATERRITORIAL SOVEREIGNTY.

It is the sense of Congress that by the enactment of this Act, the United States does not thereby assert sovereignty or sovereign or exclusive rights or jurisdiction over, or the ownership of, any celestial body.

[Traduction] EXCLUSION DE SOUVERAINETE EXTRATERRITORIALE

Le Congrès déclare que par le biais de cette loi, Les Etats-Unis ne revendiquent pas de souveraineté, de droits souverains, de droits exclusifs, de droits de juridiction ou de droit de propriété sur aucun corps céleste.

Le traité de 1967 interdit en effet « l’appropriation nationale par proclamation de souveraineté« , ce qui renvoie au fait pour un Etat de revendiquer une portion de l’espace ou des corps y figurant comme une partie de son territoire. Mais ici la loi américaine fait une chose différente : l’Etat ne se saisit pas lui-même de la propriété sur les ressources de l’espace, mais il délègue à ses citoyens un titre juridique pour en faire leur propriété privée, qui sera ensuite reconnue et garantie par l’Etat. La nuance est certes mince, mais elle est importante.

Planter un drapeau américain sur un astéroïde n’en fera pas un territoire américain, mais les entreprises qui s’y rendront pourront s’approprier les ressources qu’elles trouveront (Image NASA. Domaine Public. Source : Wikimedia Commons).

D’une certaine manière, les Etats-Unis ont pris l’initiative de transformer le statut des ressources de l’espace extra-atmosphérique, en les faisant passer de celui de res communes à res nullius : des « choses sans maître » n’appartenant à personne, mais dont le premier à s’en saisir peut se proclamer légitimement le propriétaire. Les ressources de l’espace appartenaient à tous ; elles n’appartiennent aujourd’hui à personne… du moins jusqu’à ce qu’un américain s’en empare !

Colonisation et enclosures

Il n’est à vrai dire pas très surprenant que la nation de la Conquête de l’Ouest et de la Nouvelle Frontière ait procédé de cette manière. Le statut de Res Nullius est celui qui fut attribué par exemple aux bisons des grandes plaines, ce qui conduisit à leur massacre systématique par les colons jusqu’à leur quasi-extinction au 19ème siècle.

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Une pile de crânes de bisons dans les années 1870. Domaine public. Source : Wikimedia Commons.

Plus loin encore en arrière dans l’histoire, c’est aussi le statut de Res Nullius que les terres américaines se virent attribuées pour permettre aux premiers explorateurs, tel Christophe Colomb, de s’en saisir au nom des puissances souveraines d’Europe.

L’indienne Vandana Shiva explique d’ailleurs dans un texte très fort paru en 2004 dans la revue Ecorev’ comment dès l’origine, la colonisation a constitué une forme d’enclosure des Communs ayant conduit à leur destruction dans les pays du Sud :

Les chartes et patentes accordées aux aventuriers marchands étaient des autorisations pour « découvrir, trouver, rechercher et inspecter de telles terres païennes et barbares encore non possédées par des peuples ou des rois chrétiens » […]

Le traité sur la propriété de Locke légitime ce même processus de vol durant le mouvement des enclosures en Europe. Locke articule clairement la liberté du capital à cette liberté de voler ; il affirme que la propriété est créée par l’arrachement des ressources à la nature et leur association au travail, sous la forme intellectuelle qui se manifeste dans le contrôle capitaliste. […]

La construction coloniale d’une terre passive et sa définition conséquente comme « terra nullius » avait deux objectifs : dénier l’existence et l’antériorité des droits des habitants originels et nier la capacité régénérative et les processus de la vie.

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Christophe Colomb prenant possession du Nouveau Monde au nom de la Reine d’Espagne. Domaine public. Source : Wikimedia Commons.

Le parallèle avec la création par cette loi américaine d’une possibilité d’appropriation des ressources de l’espace par des sociétés commerciales est saisissant.

Rue89 et Slate rapportent que l’adoption de ce texte a été largement saluée par des sociétés minières désireuses de se lancer dans l’exploitation minière des astéroïdes. Le dirigeant de l’une d’entre elles, dénommée Planetary Ressources, a ainsi déclaré :

C’est la plus grande reconnaissance unitaire de droits de propriété de l’histoire. Ce projet de loi établit le même cadre légal qui a créé les grandes économies de l’histoire, et encourage le développement durable de l’espace.

Cet individu a sans doute raison de relever l’importance historique de cette évolution, car peut-être cette loi marque-t-elle le point de départ d’un nouveau « mouvement des enclosures » à l’image de celui qui a démantelé les terres communes en Angleterre du 12ème au 18ème siècle. La loi promulguée par Barack Obama la semaine dernière ressemble d’ailleurs beaucoup aux « Enclosures Acts » adoptés en masse par le Parlement anglais pour autoriser la privatisation des terres.

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Un acte d’enclosure adopté par le Parlement anglais en 1796.

Mais là où ce dirigeant a tort, c’est lorsqu’il affirme que cette « nouvelle frontière » ouverte à l’extension des droits de propriété va « encourager le développement durable de l’espace« . On sait au contraire que l’idéologie qui a érigé le droit de propriété comme un principe absolu de gestion des ressources est en grande partie responsable de la situation environnementale dramatique à laquelle nous sommes confrontés.

La vraie « Tragédie des Communs » ne réside pas dans l’incapacité des hommes à gérer durablement des ressources naturelles en commun, comme pensait l’avoir démontré Garret Hardin. La tragédie consiste au contraire à avoir livré pendant des siècles  la régulation de ressources essentielles à des marchés aveugles, guidés par la seule logique de la maximisation des profits et de l’exploitation débridée des droits de propriété.

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L’histoire retiendra peut-être qu’une semaine avant le début de la COP21, rassemblement de la dernière chance où les gouvernements du monde tentent de trouver des solutions à une crise environnementale largement provoquée par les errances de l’idéologie propriétaire, les Etats-Unis auront fait passer une loi pour projeter jusque dans l’espace cette logique délétère, alors que celui-ci aurait pu rester un bien commun de l’Humanité…

 [Mise à jour du 01/12/2015 : On me signale sur Facebook un parallèle intéressant avec une autre loi américaine : le Guano Islands Act de 1856, par lequel le Congrès a autorisé tout citoyen américain à prendre possession d’une île contenant un gisement de guano, où qu’elle soit située sur la planète, du moment qu’elle ne soit pas soumise à la juridiction d’un autre gouvernement :

N’importe quand que n’importe quel citoyen américain découvre un gisement de guano sur n’importe quelle île, rocher ou îlot, qui n’est pas sous la juridiction légale de n’importe quel autre gouvernement et pas occupé par des citoyens de n’importe quel autre gouvernement, et prend possession pacifiquement de celle-ci, et l’occupe de la même façon, cette île, rocher ou îlot peut, à la discrétion du président, être considérée comme appartenant aux États-Unis.

La différence avec la loi votée par Obama cette semaine à propos de l’espace est que les Etats-Unis en tant qu’Etat ne deviendront pas propriétaire, même à titre provisoire des corps célestes. Seuls les citoyens US pourront s’approprier les ressources qu’ils y trouveront.]


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Les dérives sécuritaires s’attaquent au principe même des Communs : la liberté !

vendredi 20 novembre 2015 à 13:24

Je republie ici cette déclaration du collectif SavoirsCom1, qui dénonce la spirale sécuritaire dans laquelle nous sommes en train de nous enfoncer, suite aux attentats du 13 novembre dernier. Nous avons tenu à réagir pour rappeler le lien indéfectible qui existe entre les Communs et les libertés fondamentales. Je vous invite également à aller lire l’analyse dressée par la Quadrature du Net à propos de la loi sur l’état d’urgence examinée hier à l’Assemblée nationale.

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Le collectif SavoirsCom1 exprime ses plus vives inquiétudes en réaction à la pente sécuritaire que le gouvernement et la grande majorité de nos représentants sont en train de suivre, suite aux attentats survenus le 13 novembre dernier.

L’adoption à une écrasante majorité par l’Assemblée nationale du projet de loi prolongeant l’état d’urgence pour une période de 3 mois en est une première manifestation. Mais le pire est sans doute à venir, notamment dans le cadre de la réforme de la Constitution annoncée par le Président de la République.

Image par Art_inthecity. CC-BY. Source : Flickr.

En tant que collectif dédié à la promotion des communs de la connaissance, nous tenons aujourd’hui à dénoncer cette spirale sécuritaire, parce qu’il y existe un lien consubstantiel entre les Communs et les libertés fondamentales.

Depuis la création du collectif SavoirsCom1 en 2012, nous avons œuvré pour la défense des Communs, parce que nous avons la conviction qu’ils sont une condition de l’exercice concret des droits de l’homme, notamment par l’accès à l’information, à la culture et à la connaissance. Et, s’il n’y a pas de libertés effectives sans Communs, il n’y a pas non plus de Communs possibles sans garantie des libertés.

Ce rapport étroit entre Communs et libertés remonte à leurs origines. C’était le sens de la Magna Carta, la première grande Charte les libertés du peuple anglais adoptée au XIIIe siècle, qui a servi de matrice aux déclarations des droits de l’homme qui ont suivi dans l’histoire. Ce texte consacrait pour la première fois des droits opposables au Souverain, pour garantir la sûreté des individus contre l’arbitraire et leur offrir des recours en justice. La Magna Carta a été complétée ensuite par la Charte des Forêts, premier instrument juridique à reconnaître et protéger les droits d’usage liés aux Communs. Ces deux textes fondamentaux constituent en réalité les deux faces inséparables d’une même pièce.

Pour créer et administrer des communs, les groupes ont besoin de pouvoir se former et exercer leur liberté d’opinion, d’expression, de réunion, de déplacement et de manifestation. C’est cette possibilité d’agir collectivement que l’installation d’un état d’exception permanent va gravement affecter. Or, comme l’ont montré Pierre Dardot et Christian Laval dans leur ouvrage « Commun », la capacité d’action collective des groupes constitue le « principe politique du Commun » :

Il faut affirmer que c’est seulement l’activité pratique des hommes qui peut rendre des choses communes.

Notre collectif a demandé à de nombreuses reprises que l’État se fasse le « garant des communs », notamment par des politiques publiques permettant de les protéger contre les enclosures et de favoriser leur développement. Le premier devoir de l’État est par ailleurs de garantir les libertés fondamentales. Au lieu de cela, il se dote d’un arsenal législatif qui vise à en limiter l’exercice au nom de la sécurité. La criminalisation d’un grand nombre d’usages en ligne nous inquiète particulièrement, car elle dénie la capacité d’Internet à servir de support à l’action collective.

Les attentats brutaux qui ont frappé le pays sont eux-mêmes une attaque directe des libertés auxquelles nous proclamons ici notre attachement. La lutte contre le terrorisme ne doit pas produire le même effet en compromettant les droits les plus fondamentaux et en escamotant le nécessaire débat sur les causes de ces atrocités et les moyens d’y faire face.

Pas de libertés sans communs, pas de communs sans libertés. Nous appelons tous les acteurs partageant cette conviction à manifester par tous les moyens leur opposition la plus ferme à la dérive sécuritaire à laquelle nous assistons, et à dénoncer le discours unanimiste dont elle se drape.


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