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Une réponse à L’empire du virtuel de Benoît SERVANT

mardi 3 octobre 2017 à 12:43

Dans “L’empire du virtuel”, Benoit SERVANT critique vigoureusement la théorisation psychanalytique faite par plusieurs auteurs autour des jeux vidéo

Benoît SERVANT par du constat des inquiétudes des parents à propos de la place de plus en plus importante que prennent les NTIC dans la vie des enfant et de leur caractère excitants. Il fait l’hypothèse que les NTIC exercent une séduction parce qu’ils créent l’illusion d’une interactivité sans les contraintes et les risques de l’altérité, mais aussi sans ses bénéfices.

Benoît SERVANT craint qu’en appliquant les concepts psychanalytiques aux NTIC, la psychanalyse ne perde sa fonction critique de la société. Il réfute ainsi l’utilisation des concepts psychanalytiques comme la subjectivation, l’accordage affectif ou le médium malléable. Par exemple, le fait que LEROUX (2012) évoque emprunte à STERN la notion d’accordage pour décrire la relation du joueur avec le jeu vidéo lui semble être une confusion entre une fonctionnalité technique et une réalité physique qui suscite en lui une inquiétante étrangeté.

Benoît SERVANT pose que la relation en ligne est nécessairement et partiellement déréalisante parce qu’elle s’accompagne une perte du visage de l’autre. De la même façon, la créativité avec les ordinateurs est problématique parce que la manipulation est trop complexe. Les enjeux de maîtrise qui sont si fréquents dans les jeux vidéo sont porteurs d’une dimension obsessionnelle qui va à l’encontre du jeu sans parler de la mondialisation dont les jeux vidéo sont le produit.

“Nous pensons que la séduction du virtuel tient à ce qu’il donne l’illusion d’un commerce avec le monde extérieur sans ses contraintes, c’est à dire sans le nécessaire passage par la rencontre avec le regard du prochain” Benoît SERVANT

Le virtuel est  pour Benoît SERVANT une “pseudo-réalité” qui a un effet addictif  “en se constituant en leurre d’une relation à l’autre maîtrisée, il [le virtuel] ne peut que décevoir; mais ayant fait naître l’espoir, le désir d’une telle possibilité, le joueur a beaucoup  de mal à y renoncer, pensant toujours trouver, in fine, la satisfaction recherchée, pourtant indéfiniment fuyante

Même si Benoît SERVANT fait l’hypothèse que les personnes séduites par les jeux vidéo auraient été confronté a une relation dans laquelle la mère n’aurait pas pu jouer le rôle de miroir réfléchissant, l’utilisation de la notion de médium malléable à propos des jeux vidéo lui semble problématique parce qu’elle a tendance à évacuer la relation interhumaine. Ce n’est pas, pour lui, l’objet qui est malléable, mais le thérapeute qui est porteur de cette fonction

Enfin, l’adhésion aux valeurs de la modernité dont témoigne l’application des concepts psychanalytique par certains auteurs est pour SERVANT problématique

 

Le texte de Benoit SERVANT est intéressant parce qu’il apporte plusieurs contributions au débat. On pourrait critiquer le fait que son rejet radical et total de l’application de la psychanalyse est problématique, mais c’est ce qui fait pour moi son intérent. En prenant une position radicale, Benoît SERVANT a le mérite de poser directement les bonnes questions.

Je rejoins Benoît SERVANT sur l’idée qu’il faudrait éviter de rejouer la guerre des Anciens et des Modernes. Ce risque était sans doute plus présent dans les années 1990-2000 lorsque les mondes numériques  commençaient à être décrit par les chercheurs. L’Internet était alors “virtuels”. Tout ou presque paraissait merveilleux pour les premiers explorateurs.  C’est ainsi par exemple que Sherry TURKLE fait de l’Internet un espace transitionnel. Ces exagérations, que j’attribue à l’amour des commencements, car on ne peut connaître un objet que si on l’aime, a ensuite fait place a une vision plus équilibrée. Mickael CIVIN a par exemple bien décrit les expérience d’engluement dans l’Internet et les expériences transitionnelles qui peuvent y être vécue. De la même façon, les impasses des utilisations du numériques ne sont pas ignorées des auteurs cités par Benoît SERVANT. Par exemple, Serge TISSERON a décrit  comment le numérique peut être un soutien à la rêvasserie, qui est une activité vide et vaine par laquelle la personne ne cherche pas à changer sa situation et ne profite même pas des apports de l’imagination. Ainsi, la critique de Benoît SERVANT selon laquelle les défenseurs de la Tradition et de la Transmission s’opposereint à ceux qui font la promotion de la Création, de la Liberté n’est pas un reflet de la recherche actuelle et n’existe que dans son texte.

Pour ce qui est de la fonction critique de la psychanalyse, je suis en désaccord total avec Benoît SERVANT.  La psychanalyse est pour moi un outil technique pour traiter des problèmes qui causent de la souffrance psychique et pour comprendre le monde. Ce n’est pas le phare immense éclaire les ténèbres du monde. Comment cela serait-il possible ? Pourquoi la psychanalyse serait-elle mieux placée pour dire le vrai ? Et même si par quelque extraordinaire cela serait possible, comment le phare pourrait s’éclairer lui même ? Malheureusement, trop de collègues ont encore ce rêve ce qui conduit a des positions dogmatiques et à des oppositions stériles avec les autres disciplines.

L’idée que les relations en ligne sont nécessairement et partiellement déréalisantes parce que les interlocuteurs n’y sont pas présents par leurs visages est une vieille idée. On la retrouve déjà chez John SULER et Sherry TURKLE. Mais ces deux auteurs, contrairement à Benoit SERVANT, ne jettent pas le bébé avec l’eau du bain. Il serait plus exact de dire qu’il s’agit d’une désindividuation car le rapport à la réalité n’est jamais perdu. Cette désindividuation existe avec d’autres média. Du télégraphe à l’Internet, en passant par le téléphone et le radio-amateurisme, la même histoire s’est répétée : des sans-visages ont parlé à des sans-visages. Au dernières nouvelles, le monde n’a pas sombré dans la déréalisation. Je crois même pouvoir dire que ces techniques peuvent être mis au compte du progrès scientifique de l’humanité.  Y a t il des usages problématiques de ces techniques ? Clairement oui. Sont-elles majoritaires ? Clairement non.

Lorsque Benoit SERVANT parle des aspects obsessionnels des jeux vidéo, il touche un point intéressant. Mais peut-être n’a -t-il pas l’expérience des jeux parce qu’il manque des éléments importants. Tous les jeux vidéo comportent une part de répétition. Dans un jeu de baston ou un jeu de course, il s’agit encore et toujours de faire la même chose. Même dans les jeux vidéo qui font la part belles à l’immersion narrative, il y a toujours un moment ou la répétition est présente. Par exemple, dans un MMORPG, le joueur doit passer par des moments de “farm” ou il répété la même action. Je me rappelle aisni les longues heures à farmer ma monture dans World of Warcraft. Et je me souviens de l’ennui total que cela suscitait. Mais je me souviens aussi de la fierté de faire quelque chose d’aussi difficile, du sentiment d’accomplissement lorsque j’ai pu montrer ma première monture à Orgrimmar. L’épreuve est un élément clé qui permet de comprendre que les aspects “secs” dénoncés dans les jeux vidéo sont aussi des éléments qui sont subjectivés individuellement et collectivement dans les jeux vidéo

Benoit SERVANT critique l’utilisation de la notion de subjectivation à propos des jeux vidéo. Mais nous subjectivons tout  et nous le faisons constamment. Les mondes numériques ont été subjectivés par les premiers geeks qui ont ré-employés dans leurs activités avec les ordinateurs l’imaginaire de l’heroic-fantasy et de la science-fiction. Grâce à eux, nous avons des “virus” et des “pare-feu”, des “admins” et des “sorciers”. Cette façon de faire autre chose avec la même chose continue aujourd’hui encore. Il n’y a longtemps, un jeune adolescent disait “ça c’est au moins PEGI 18” pour dire qu’une situation méritait une interdiction; les termes LOL et MDR ont traversé les écrans et se retrouvent dans les conservation en présence.

Benoît SERVANT a raison lorsqu’il attire notre attention sur le fait qu’il faut appliquer raisonnement les concepts psychanalytiques au numérique. Mais il se trompe lorsqu’ils pense que l’application de la notion de médium malléable par TISSERON ou d’autres évacue la relation interhumaine. Je soutiens que les relations interhumaines sont toujours médiatisées. Il n’y a pas de relation directe, visage à visage. L’autre est toujours perçu au travers de techniques qui concernent le corps. Le numérique apporte une nouvelle dimension en rendant ces corps à la fois présents et absent, visibles et invisibles. Par exemple, sur Skype, une personne peut avoir une conversation en étant marquée “absente”

Je récuse bien évidemment l’idée que le virtuel soit  une “pseudo-réalité.” Dit-on d’une ampoule électrique qu’elle est une pseudo-réalité ? Pourtant envoyer un mail équivaut à allumer une ampoule pendant une heure. Etait-ce une pseudo-réalité lorsque Vile Rat faisait des missions de diplomation dans le jeu Eve Online ? Peut-être. Etait-ce une pseudo-réalité lorsqu Sean SMITH, le joueur derrière Vile Rat a été tué à l’ambassade américaine en Lybie le 11 septembre 2012 ? Dans Eve Online comme dans l’espace tangible, Sean “Vile rat” SMITH était la même personne qui fait  preuve des même qualités personnelles et  professionnelles.  Le “virtuel” n’est donc une pseudo-réalité. C’est au mieux une réalité mixte dans laquelle nous interagissons, vivons des expériences passionnantes ou banales, agissons les uns sur les autres et sur le monde.

Enfin, je ne partage pas l’idée que le psychanalyste doit être dans un retrait du monde. Être au contact de la modernité est pour moi plus une nécessité qu’une faute. Je suis de plein pied dans cette modernité ou les espaces, l’identité, les frontières sont en constantes réinvention. C’est un mode angoissant mais n’en connaissant pas d’autre, je fais de mon mieux comme l’habiter comme psychanalyste.

Je suis donc en désaccord avec Benoit SERVANT sur presque tout. Presque, parce qu’il fait l’hypothèse que les joueurs “séduits” par les jeux vidéo reprennent quelque chose de leur histoire Ce n’est pas une idée nouvelle. Bien au contraire, elle se trouve au coeurde la réflexion de la plupart des psychologues du numérique. On la trouve, par exemple  chez Michael STORA. Elle est aussi dans le modèle de la dyade numérique de Serge TISSERON. Elle était présente à mon esprit lorsque j’ai parlé d’accordage et de paysage numérique.  C’est une idée très freudienne revisitée par la théorie de la relation d’objet : ce qui a échoué, partiellement ou totalement, dans une expérience, a tendance à faire l’objet d’une répétition. Le reproche que l’on pourrait nous faire est au contraire de sortir le numérique de l’océan d’images maternelles dans lequel nous le retrouvons trop souvent

SOURCE

Servant, B. (2016). L’empire du leurre. Adolescence, 34(1), 179-190.

La psychopathologie des adolescents se reflète dans leurs comportements dans les jeux vidéo

dimanche 1 octobre 2017 à 06:00

L’idée selon laquelle les joueurs de jeu vidéo investissent leurs loisirs en fonction de leurs problématiques personnes est ancienne. Dans ce domaine, les intitutions des premiers chercheurs et les observations des psychothérapeutes se rejoignent. Dans Life on the Screen, Sherry TURKLE note que les personnes utilisent les MUDs comme des espaces de projection de soi. Cet aspect projectif a conduit des psychothérapeutes à utiliser les jeux vidéo comme objet de médiation.

Jusqu’a présent, nous disposons de peu d’études dans ce domaine. Aussi, la recherche menée par David SMAHEL et ses collègues est bienvenue Les chercheurs ont fait l’hypothèse que les adolescent jouent différement en fonction de leur psychopathologie. Les parties de 47 adolescents agés de 14 à 17 ans  de trois groupes (pathologies externalisées, internalisées et contrôle) ont été examinées dans un jeu de course (Need for Speed)  et un jeu d’aventure (GTA IV).

Les troubles externalisés correspondent à des comportements souvent destructueurs exprimés sur envers des personnes ou sur l’environnement. Les vols, les incenties, les mensonges, la recherche d’attention et bien sûr les aggressions sont des troubles externalisés. Les troubles internalisés correspondent à des comportements dans lesquels les sentiments et les émotions sont conservés à l’intérieur de la pression. Les plaintes somatiques, l’anxiété, la dépression sont des troubles internalisés

Les résultats montrent aucune différence pour le groupe qui utilisent le jeu structuré et des différences importantes pour le groupe “Jeu d’aventure”

L’étude est intéressante parce qu’elle prend la question dans le bon sens. Les études cherchent habituellement à montrer les effets des jeux vidéo. Elles montrent par exemple que jouer aux jeux vidéo conduit à un sommeil de moins bonne qualité, de mauvaises notes à l’école, à des comportements agressifs etc. Ici, le chercheurs partent du problème et cherchent comment il se traduit dans les jeux vidéo. Les psychothérapeutes savent qu’un enfant déprimé ne joue pas de la même façon qu’un enfant hyperactif. Est-ce le cas avec les jeux vidéo ? La réponse est clairement oui !

L’analyse des résultats montre que les adolescents qui internalisent ou externalisent leurs problèmes réussissent moins dans les jeux que les adolescents du groupe de contrôle. Ils ont aussi tendance à mourir plus souvent et à moins échapper à la Police. Par contre, contrairement aux attentes des chercheurs, les adolescents qui ont tendance à externaliser leurs problèmes ne tirent pas plus et ne tuent pas plus de personnes dans le jeu. Cette différence, qui nécessite davantage de recherche, est peut être expliquée par une homogénéisation artificielle du groupe d’adolescents

Pour les cliniciens, ces résultats sont importants. Ils indiquent que les intuitions première qui les ont poussé à utiliser des jeux d’aventure sont bonnes. Les joueurs ont tendance à laisser plus de traces d’eux-même avec ces jeux qu’avec un jeu d’aventure. Cela ne veut pas dire que les autres jeux doivent nécessairement être laissés de côté, mais que, peut-être, leur utilisation sera plus problématique.

Segev, A., Gabay-Weschler, H., Naar, Y., Maoz, H., & Bloch, Y. (2017). Real and virtual worlds alike: Adolescents’ psychopathology is reflected in their videogame virtual behaviors. PloS one, 12(7), e0181209.

Les écrans dans la chambre des enfants sont-ils un facteur de risque ?

samedi 30 septembre 2017 à 09:10

Une nouvelle recherche suggère que pour un enfant le fait d’avoir un téléviseur ou une console de jeu dans sa chambre est un facteur de risque.

L’étude a été menée par Douglas GENTILE a qui l’on doit de nombreuses publications sur le sujet. Les chercheurs ont montré que la présence d’écrans dans la chambre des enfants est liées à une diminution du temps pour la lecture, le sommeil ou des activités de la vie familiales. Une corrélation est aussi liée a un plus grand risque d’obésité et d’addiction aux jeux vidéo. Enfin, la recherche a aussi trouvé que les enfants qui ont des écrans et des jeux vidéo dans leurs chambres sont aussi plus enclins à des comportements violents.

Selon cette recherche, les effets négatifs des écrans dans la chambre des enfants pourraient durer de six mois à deux ans. Les écrans sont des problèmes à la fois parce qu’ils remplacent des activités qui sont importantes dans le développement des enfants et parce qu’ils leur apporte des contenus qui sont problématiques (c’est à dire des images violentes).

Dans un monde où les interactions avec les écrans deviennent la norme, les recommandation de Douglas GENTILE – pas d’écran dans la chambre des enfants – vont être difficile à mettre en place et même contre productives. Pour les enfants d’aujourd’hui, les écrans sont des outils pour se divertir, apprendre, construire des relations relations et se construire. Il est donc préférable de leur apprendre à se servir de ces outils plutot que de chercher à les en priver.

L’étude de Douglas GENTILE reste importante parce qu’elle donne les directions ou les efforts des parents doivent porter. Les écrans ne doivent pas remplacer les activités habituelles des enfants c’est à dire les activité de plein air, les activités sportives, les sorties avec les amis mais aussi les tâches quotidiennes à faire à la maison et bien évidemment le travail scolaire. Ensuite, les parents doivent veiller à ce que les enfants accèdent à un contenu approprié à leur âge. Lorsque ces deux conditions sont remplies, les écrans sont véritablement des soutiens dans le développement des enfants

SOURCE Gentile, D. A., Berch, O. N., Choo, H., Khoo, A., & Walsh, D. A. (2017). Bedroom Media: One Risk Factor for Development. Developmental Psychology. Advance online publication. http://dx.doi.org/10.1037/dev0000399

Le racisme de Resident Evil 5

vendredi 8 septembre 2017 à 11:40

Vous pensez que Resident Evil :5 est un Survival Horror ? Vous vous trompez : c’est un jeu raciste.

Les raccourcis pris par les jeux vidéo ont parfois conduit à des accusation de racisme qui sont discutés dans l’article d’André BROCK When Keeping it Real Goes Wrong’’: Resident Evil 5, Racial Representation, and Gamers publié dans Game and Culture. Pour ce faire , BROCK s’appuie sur les images et l’esthétique, les mécaniques du jeu et la réception du jeu Resident Evil. Le choix de ce jeu s’explique l’émotion et les critiques faites à ce jeu pour la manière dont il présente les noirs.

Sa conclusion est sans appel. Le jeu se glisse parfaitement dans des représentations racialisées et genrées. Par exemple, seul les actions du personnage masculin blanc influent sur le cours de l’histoire. La partenaire de Chris, Sheva, se réduit à être une  “mule sexualisée qui porte gentiment les outils de domination et de mort que son partenaire Blanc utilise contre son peuple”. Autrement dit, elle n’est présente que pour le plaisir qu’elle est sensé povoqué chez un joueur imaginé comme hétérosexuel. L’Afrique est présentée  nettoyé et civilisé tandis que les africains sont des sauvages qui nécessitent un traitement brutal du fait de leur malignité

Comme la grande majorité des jeux vidéo, Resident Evil a un biais racialisé et genré. Le jeu est centré autour d’un personnage masculin blanc qui triomphe par son intelligence, sa technologie et la maîtrise de ses émotions d’ennemis non-blancs qui lui sont supérieurs en force.

Ce double biais apparait également dans le gameplay du jeu. Dans Resident Evil 5, le but du joueur est de maintenir son partenaire en vie et de finir le jeu. Face aux ennemis, il peut choisir de fuir ou attaquer avec différentes armes. Le joueur est accompagné de Sheva, une jeune métisse mais le lien entre les protagonistes n’est souligné par aucun mouvement ou détail du jeu.  Sheva défend Chris lorsqu’il est attaqué mais ses faibles compétences de tir la rendent souvent inefficace. Parce qu’elle ne peut ni être directement contrôlée, ni être jouée, elle est souvent utilisée comme une mule par les joueurs. Sheva est alors transformée en inventaire ambulant qui transporte pour Chris tous les objets dont il a besoin. Pour BROCK, Shiva illustre la réification du Blanc sur l’Autre. Son rôle réduit dans l’histoire et dans le jeu peut être compris comme une réduction des capacités des noirs et des femmes qui dans jeu qui est déjà problématique pour la manière dont il systématise les noirs comme des ennemis. le role de Sheva se limite à guider Chris dans un pays qui lui est étranger. Elle est une “mulatre tragique”, c’est à dire un objet sexuel exitant parce qu’elle est une femme proche des femmes blanches  avec la sexualité des noirs. Parce que seule fonction est d’assister Chris, elle est pour BROCK qui est fait une parfaite représentation du contrôle que le Blanc exerce sur l’Autre. Enfin,  Resident Evil 5, les Africains sont systématiquement représentés comme malveillants et sauvages et ce avant même qu’ils ne soient transformés en zombis. Du fait de leur supériorité biologique supérieure, ce sont d’excellents hôtes pour le virus.

Enfin, les commentaires des joueurs montrent qu’ils ont perçu les biais problématiques du jeu. BROCK donne plusieurs exemples de commentaires  qui sont autant de réceptions possibles au contenu de Resident Evil 5. Certains joueurs dénoncent le jeu comme platement raciste , tandis que pour d’autres la couleur de la peau des protagonistes est sans importance. Ce daltonisme racial des joueurs est critiqué par BROCK pour qui les représentations racistes dans les jeux vidéo doivent être prises en compte.

SOURCE Brock, A. (2011). ‘‘When Keeping it Real Goes Wrong’’: Resident Evil 5, Racial Representation, and Gamers. Games and Culture, 6(5), 429-452

Les jeux vidéo sont-ils des écoles de guerre ?

jeudi 7 septembre 2017 à 14:20

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Dans Selective realism: Filtering experiences of war and violence in first-and third-person shooters publié cette année dans la reuve Games and Culture,  PÖTZSCH apporte une contribution intéressante au débat sur les jeux de guerre. Il montre que les F/TPS* cadrent d’une manière sélective la violence guerrière en évitant de décrire les violences problématiques, les effets psychologiques ou politiques. On pourrait penser que cela maintient les F/TPS dans le “cercle magique” du jeu (HUIZINGA) ce qui contribuerait à leur innocuité. En effet, en étant “non réalistes”, les T/FPS ne pourraient pas être une préparation à la guerre ou au crime. Le point de vue de GROSSMAN qui parlait de  ces jeux comme des  “simulateurs de meurtre” serait alors disqualifié comme inadéquat puisque le réalisme est la première qualité d’un simulateur. 

PÖTZSCH montre au contraire que ce “réalisme selectif” ne désarme pas les T/FPS.  En effet, en fenêtrant la réalité d’une manière particulière, les T/FPS conduisent à une compréhension réduite de la guerre et de la violence. Les logiques et les complexités d’un conflit armé, les élements qui conduisent les peuples à se faire la guerre ou les conscéquences de la guerre sur les personnes et les pays sont oblitérés. De ce fait, en construisant la guerre comme une abstraction, les T/FPS sont des écoles de guerre qui  nous préparent à accepter les conflits armés comme modalité de résolution des conflits.

Pensez vous que les T/FPS “reprogramment le citoyen” pour la guerre ?

 

*T/FPS : Third/Fist Person Shooter : jeu de tir en troisième ou première personne (Ex: Medal of Honor ou The Last of Us)

SOURCE :

PÖTZSCH 2017 Selective realism: Filtering experiences of war and violence in first-and third-person shooters. Games and Culture, 12(2), 156-178.