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LECTURE TIIDENBERG There and back again – a Self-Shooters tale: reconfiguring embodiement via selfies

mardi 24 février 2015 à 06:00

TIINDENBERG aborde les selfies sexy postés sur une communauté établie sur Tumblr. Les pratiques sont examniées au travers de la méthode narrative des images, des légendes et des commentaires postés et avec les concepts de “corps réflexif” (Giddens, 1991), du “miroir érotique” (Waskul, 2004) et des techniques de Soi (Foucault, 1988)

L’article de TIINDENBERG  apporte trois éléments majeurs.

UN

Les selfies sont souvent critiqués parce qu’ils présentent une image stylisée, voire dégradante de soi. TIINDENBERG montre que c’est précisément dans cette exagération que les selfiers gagnent des degrés de liberté. La stylisation de soi n’est pas seulement une contrainte ou le signe d’un assujettissement. Elle est une opportunité de re-création de soi.

Cette invention est possible parce que les selfies offrent un “espace sûr” (Muise, 2011) pour des pratiques qui sont réprouvées par ailleurs. Ce sont des “espaces ou le stigmate est suspendu” (Waskul, 2004) et ou il est possible d’expérimenter sans crainte des répercussions tout en s’engageant dans une activité “sans vraiment la faire” (Ross, 2005)

Les selfies sont une manière de s’approprier soi-même.

DEUX

Les selfies et les interactions qui en découlent  produisent des effets sur la perception que les personnes ont d’elles-même et de leurs corps. Elles se sentent plus confiantes, ont une plus grande satisfaction sexuelle, s’acceptent mieux, et ont une meilleure estime de soi.

TROIS

L’auteur remet les selfies dans le contexte d’une “société somatique” (Turner, 1984) ou l’image du corps est un impératif, ou la “culture du strip-tease” (McNair, 2002) met l’accent sur l’affichage, le confession, et la révélation de soi. Le corps est site majeur d’appropriation de soi. Les selfies sont des objets par lesquels le Self peut s’incarner par la fantaisie, le contrôle, l’exploration de soi, l’expression et l’amélioration de soi

 

 

LECTURE TIFFENDALE Selfiecity

lundi 23 février 2015 à 08:00

TIFFENDALE introduit le projet Selficity qui étudie  les selfies postés sur la plateforme Instagram en utilisant plusieurs méthodes. Selficity est un projet à plusieurs facettes. Tout d’abord, il prend au sérieux le phénomène selfie en se donnant les moyens d’une exploration massive. Ensuite, il met en avant la nécessité d’une étude basée sur différentes techniques qui mèle les humanités numériques, le minage des données, et les programmes de visualisation

Le selfie est une méthode de communication spécifique des temps présent en ce sens qu’elle est liée à la maturité et a la disponibilité de différentes technologies : l’internet, les smartphones et les plateformes de partage d’image. Il est devenu un terme générique pour tous les autoportraits produits avec des smartphone depuis l’invention du terme par Jennifer Lee le 27 janvier 2011. La pratique devient si intense que le selfie  devient le “mot international de l’année” pour le Oxford Dictionnary en 2013

Le selfie a été associés a des éléments négatif. Il est alors décrit comme le symptome d’un narcissisme sans cesse encouragé par les média sociaux, une déification du Moi et finalement le signe de la vanité et de la vacuité des temps actuels dans lesquels les personnes se traitent comme des marchandises (Nelson-Field, 2013). Des significations plus positives du selfie ont été trouvée : il permet aux personnes de rester présentes à l’esprit d’autres personnes (Leary, 2004) , il sont un moyen d’expression, permettent la construction d’une image positive de soi et d’exprimer un lien avec une communauté.

Le selfie est décrit comme un sous-genre de l’autoportrait dont les premières images se confondent presque avec la naissance de l’appareil photographique. La tendance à retourner l’image vers soi est en effet présente depuis les premiers jours de la photographie (Rawlings, 2013).

Les selfies sont ouverts vers l’autre si l’on considère avec Jean-François Chevrier que “chaque auto-portrait, même le plus simple et le moins composé, est le portrait d’un autre (Chevrier, 1986). Ils démarquent des auto-portraits car l’image importe souvent moins que sa fabrication, son exposition et les commentaires qui en sont faits (Van House, 2011). L’expérience et la pratique sont devenus plus importants que les images elle-même (Berget, 2001)

Selfiecity est a l’articulation des études classiques sur la photographie. Il appartient alors a la famille de l’histoire de l’art. Mais parce qu’ils brasse et analyse une grand quantité de données qu’il permet de visualiser, il appartient au champ de l’informatique. Ce mélange entre la statistique, le sociologie, l’étude des média en ce qui concerne les méthodes de recherche et les études visuelle et les gender studies

Deux questions au MOOC @ddict

vendredi 20 février 2015 à 09:11

J’ai été contacté a la fin de l’année dernière pour participer au MOOC @ddict. L’initiative m’a été présentée comme un espace de reflexion commun sur les pratiques numériques. Une synthèse serait alors faite sur l’état des connaissances du moment Il m’a été proposé de présenter les pratiques numériques des jeunes sur le réseau. Du fait du nom, j’ai proposé de montrer qu’il n’y avait pas d’addiction au numérique. Il me semblait que c’était là une belle occasion de discuter avec les addictologues qui avancent la thèse opposée.

A ma grande surprise, cette proposition n’a pas été retenue. Le MOOC s’est déroulé et les organisateurs ont toujours pas publié leur synthèse sur la question.

De mon point de vue, il s’agit d’une stratégie de communication bien réglée. Un gros titre attire l’attention des média et donc du public … qui retient que qu’il y a bel et bien un problème de santé publique avec le numérique

Le double langage des addictologues

Le double langage des addictologues apparait clairement dans le programme de formation du MOOC @ddict et dans le poster d’information de l’INPES

Le MOOC @addict était organisé sur plusieurs semaines de formation :

Il manque UNE chose importante : une définition de l’addiction au numérique ! Comment peut-ont faire un MOOC qui se nomme “@adict” (avec la belle arobase tellement ‘90) et ne pas prendre le temps de définir ce dont on parle ? Mais si l’addiction au numérique n’est pas définie, la question de savoir s’il existe des “dealers du numérique” est posée. Un dealer est un vendeur de drogues illicites S’il y a des dealers du numérique, c’est alors que le numérique est une drogue.  La dernière semaine “Bien vivre avec l’Internet” verrouille le dispositif. On apprend a bien vivre avec une maladie. On apprend a bien vivre avec l’alcool. On apprend à bien vivre avec une dépendance. On apprend à bien vivre avec le numérique..

La même stratégie est utilisée par le poster de l’INPES. “Alcool, cannabis, cocaïne, ecstasy, jeux vidéo, tabac. Il existe un endroit pour en parler et faire le point”. Personne ne dit que les jeux vidéo sont une addiction, mais ils sont dans un nuage de mots qui sont liés à l’addiction. Par un effet de contamination sémantique, le sens qui est donné est clair : les jeux vidéo font partie de la famille des addictions. L’INPES fait preuve d’un curieux manque de mémoire puisque l’on peut lire sur son site qu’il ne s’agit pas d’addiction mais de pratiques excessives. Là encore, même stratégie : un gros titre qui rapproche les jeux vidéo de produits psycho-actifs, dans les replis de la communication, un propos tout à fait opposé.

L’addiction au numérique va de la toutologie à la rienologie

Lorsqu’il s’agit de numérique, les addictologues se contentent souvent trop de métaphores comme démonstration. Du point de vue rhétorique, ils ont raison. La métaphore est un outil puissant qui permet de se former rapidement une image. Du point de vue vue scientifique, ils ont totalement tort. Comparaison n’est pas raison. Ce n’est pas parce que deux phénomènes sont rapprochés dans une formule linguistique qu’ils sont similaires.

Je comprends que les addictologues tardent à donner une synthèse de leurs travaux. Soi il donnent une définition large de l’addiction au numérique. Dans ce cas, le premier digiborigène venu est un malade qui s’ignore. Soit il en donnent un définition restrictive, et ils font disparaître l’idée d’une addiction au numérique. Ils sont soit des toutologues qui voient des maladies partout, soit des rienologues c’est à dire des spécialistes d’une addiction qui n’existe pas.

L’exemple de Marck Griffith 

Dans la littérature sur l’addiction au numérique, Griffith est un auteur important. Il est un des pères de l’addiction au numérique. Il est le premier auteur qui rapproche le jeu d’arcade avec la dépendance aux jeux d’argent et de hasard. Aussi son évolution sur la question mérite d’être prise en considération.

Le regard qu’il porte sur 25 années d’études sur l’addiction au numérique est globalement négatif : la plupart des études ont des biais méthodologiques majeurs, que les instruments utilisés manquent de sensibilité, qu’il est difficile d’être assuré qu’ils repèrent les sujets qui ne sont pas addicts et qu’elles sont basée sur les critères de l’addiction au jeu d’argent et de hasard.  Cela signifie que les addictologues utilisent un thermomètre dont on ne sait pas s’il mesure bien la température et dont ne ne sais même pas s’il sait faire la différence entre une personne fiévreuse et une personne non-fiévreuse.

Deux questions au MOOC @addict

Il n’y a guère qu’en psychologie que l’on peut maltraiter aussi grossièrement et aussi longuement la pensée scientifique ! Comment expliquer le rapprochement entre le jeu vidéo et le jeu d’argent et de hasard alors que dans leur pratiques banales les joueurs de jeux vidéo ne gagnent pas d’argent et font tout pour diminuer la part de hasard ?

Si les biais méthodologiques se répètent depuis maintenant 25 ans, ne faut il pas y voir une stratégie délibérée visant a construire l’addiction numérique ?

Je souhaite vivement qu’en France les addictologues qui s’intéressent au numérique fassent preuve honnêteté et de transparence. Cela commence par donner des réponses aux questions qu’ils se posent et de se poser LA question qu’ils évitent. Je les reprécise pour ceux qui auraient pu être distraits :

  1. Y-a-t-il des dealers du numérique ?
  2. Y-a-t-il une addiction au numérique

Références :

Daria J. Kuss and Mark D. Griffiths. 2012. Adolescent online gaming addiction. Education and Health30(1),15-17. PDF

Le cyber-harcèlement

lundi 16 février 2015 à 05:50
Actéon dévoré par ses chiens

Actéon dévoré par ses chiens

Les adolescents et les enfants accèdent à l’Internet sur des supports variés. Les ordinateurs, les consoles de jeu et les téléphones portables leur donnent des accès au  réseau. Parmi les difficultés qu’ils peuvent rencontrer en ligne, le harcèlement en ligne a suscité de plus en plus de recherches.

Le harcèlement en ligne est une agression répétée, délibérée, exécutée avec l’intention de nuire à une personne sur le réseau Internet. L’anonymat, le caractère public des attaques, et le sentiment d’impuissance des victimes sont parfois pris en compte dans les définitions. Il peut prendre la forme d’attaques écrites (textes et image  ou), verbales. il peut également s’agir de mises à l’écart (exclusion de groupes)  ou de vols d’identité

Le harcèlement a tendance a augmenter avec l’age. Les enfants plus plus âgés rapportent plus d’agressions sur le réseau avec des moyens plus divers que les enfants les plus jeunes. Les plus vieux ont également  plus de connaissances sur les moyens de défense, mais ont moins tendance à chercher l’aide des adultes. Au contraire, les plus jeunes se tournent davantage vers les adultes et savent moins se protéger

Le harcèlement en ligne est relativement fréquent. Il est estimé entre  15  et 40 des adolescents ont été harcelés sur le réseau Internet au moins une fois dans leur vie . Si les moyens utilisés sont récents, le phénomène n’est cependant pas nouveau. Les situations d’harcèlement et d’agression sont aussi anciennes que l’école et généralement le harcèlement en ligne se produit parallèlement à des agressions dans l’espace physique.

Les conséquences peuvent être gravissimes puisque l’on rapproché le cyber-harcèlement à des troubles du comportement , la dépression ou au suicide . ll existe une relation entre le harcèlement en ligne, l’anxiété et les difficultés scolaires , mais il est difficile de dire si cette relation est une relation de cause à effet

Les victimes de cyber-harcèlement  sont en grande partie des victimes de harcèlement . Moins que le sexe, c’est le temps passé en ligne et l’importance des publications qui sont déterminants

Le cyber-harcèlement dépend de trois facteurs : le média, la culture de groupe et les acteurs

Il a été noté a plusieurs reprise que la situation de communication sur Internet provoque une libération des comportements agressifs. Le réseau Internet provoque une désinhibition de l’agressivité qui se traduit alors par l’expression sans détours des désirs agressifs et sexuel. Du fait du relatif anonymat de l’Internet, les personnes sont plus difficilement identifiables. Dans ce type de situation, les comportements impulsif, déviants ou violents sont plus facilement produits du fait de la diminution du sentiment de responsabilité Le fait que tous les acteurs voient leur identité altérée sur le réseau augmente d’autant plus la probabilité de comportements déviants.

Cependant, cette explication n’est pas suffisante. La situation de désindividuation peut provoquer des comportements déviants, mais elle peut également favoriser l’ouverture, le partage et l’empathie. De la même façon que deux inconnus dans un train peuvent parler d’aspects privés de leurs vie parce qu’ils sont assurés de ne plus se revoir et qu’il échappent le temps du trajet au contrôle de leurs groupes de référence, les internautes peuvent utiliser le réseau pour faire des confidence, rencontrer des personnes qui partagent leurs expériences les plus intimes, s’essayer à d’autres rôles etc.

Il faut donc pour expliquer le harcèlement en ligne, il faut donc autre choses que le réseau Internet. La culture de groupe est la seconde variable importante. Lorsque l’agression est inscrite comme valeur positive du groupe, lecyber-harcèlement  a plus de probabilité de se produire. Le mécanisme explicatif est ici l’influence sociale : les acteurs préfèrent se conformer aux normes du normes plutôt que de risquer l’exclusion. Les jeunes qui pensent que beaucoup de leurs amis sont impliqué dans le harcèlement ont tendance à se comporter d’une manière similaire

Enfin, les attentes et les traits de personnalité des individus est également à prendre en compte. Les personnes qui ont tendance à être “pro victime”, c’est à dire celles qui pensent que le harcèlement en ligne est inacceptable, que les victimes sont dignes d’intérêt et que les défendre est quelque chose de valable, ont tendance à moins harceler les autres sur Internet. Le déterminant le plus fiable est la croyance des enfants en la capacité des enseignants a mettre fin au cyber-harcèlement . Plus cette croyance est forte, plus le harcèlement en ligne est faible

On a également pu montrer que l’empathie jouait un rôle . Les garçons et les filles qui font preuve de peu d’empathie ont tendance a se montrer plus agressifs en ligne.  Il n’est pas rare que les agresseurs soient d’anciens agressés . Le harcèlement a alors le sens d’une vengeance à l’encontre d’un ancien agresseur.  Ill semble que les filles ont plus souvent tendance à être harcelées en ligne que les garçons. Le harcèlement en ligne a été associé a des traits de personnalité narcissiques,  à ’insensibilité, et à la difficulté à exprimer des émotions

L’enquete PELLEAS sur l’addiction aux jeux vidéo pose 11 problemes de trop

dimanche 4 janvier 2015 à 14:37

L’enquête PELLEAS a bénéficié d’une large couverture médiatique. Les résultats ont été cités par de nombreux médias, jusqu’à l’AFP qui annonçait “Jeux vidéos : un ado sur dix a un usage problématique, les garçons plus touchés”. Pourtant,  cette enquête pose un certain nombre de problèmes qui entachent largement les résultats qu’elle annonce.

PELLEAS est un Programme d’Etude sur les Liens et L’impact des Ecrans sur l’Adolescent Scolarisé. L’enquête a été menée aurpès de plus de 2000 élèves de la région parisienne pendant l’année 2013-2014. Elle a cherché les facteurs associés à une “pratique problématique d’écrans à l’adolescence” en s’intéressant plus particulièrement aux jeux vidéo. Elle a identifié les conduites problématiques avec la Game Addiction Scale et les a corrélés avec des caractéristiques sociales, familiales et individuelles. L’enquête trouve que les écrans sont omniprésents dans la vie des adolescents et qu’ils sont utilisés principalement pour surfer sur le net et jouer aux jeux vidéo environ 5 à 6 heures par jour. Les jeux vidéo culminent au collège et diminuent au lycée. Les jeux les plus joués sont les “jeux d’application” c’est-à-dire les jeux sur smartphone, les jeux de tir et d’action, et les jeux de simulation. Les jeux d’aventure sont les jeux les moins pratiqués. Les pratiques des garçons et des filles sont différentes. Les filles ont tendance à surfer sur Internet et à être sur les réseaux sociaux, et les garçons ont tendance à jouer aux jeux vidéo. Selon la Game Addiction Scale, un enfant sur 8 (12,5% présente “un usage problématique des jeux vidéo ”. Les joueurs problématiques jouent “seuls et en ligne” à des MMORPG. L’encadrement parental est un élément décisif

 

L’enquête PELLEAS : http://www.ofdt.fr/enquetes/pelleas/

 

Les problèmes de l’enquête PELLEAS

Ces résultats préliminaires posent une série de problèmes. Certains sont mineurs, d’autres majeurs, mais tous jettent un soupçon non négligeable sur l’affirmation principale de l’étude selon laquelle 12.5% des adolescents présenteraient “un usage problématique des jeux vidéo”. On trouve en effet dans les résultats qui nous sont proposés un ensemble d’éléments négatifs : fausse affirmation, contradictions, revue de la littérature insuffisante et biaisée, absence de définition de l’objet étudié, méconnaissance de l’objet étudié, résultats non questionnés, validité de l’instrument de mesure non questionnée. Cela fait beaucoup trop de problèmes pour une seule enquête.

Comment explique que le bon sens et la psychologie soient autant mis à mal ? Il y a à cela plusieurs explications. Tout d’abord la méconnaissance du média. Même si les jeux vidéo sont installés au cœur des pratiques de loisir, ils sont encore trop méconnus par les chercheurs qui les examinent de haut. Il y a ensuite le désir de reconnaissance. Publier sur “l’addiction aux jeux vidéo” attire immédiatement l’attention des média. Etre cité par la presse fait du bien au narcissisme des chercheurs et au-delà cela peut avoir des effets positifs sur le laboratoire ou l’organisme de recherche qui est ainsi mis en lumière. Enfin, il y a vis à vis du numérique en général une méfiance, pour ne pas dire une animosité, qui se traduit par des études de ce type qui cherchent coûte que coûte à pathologiser des conduites.
J’ai relevé pas moins de 11 problèmes dans le compte rendu des résultats de l’enquête PELLEAS.

Les auteurs font une fausse affirmation

Les auteurs de l’enquête PELLEAS affirment que le DSM-5 définit des “troubles de l’utilisation des jeux vidéo sur Internet” ce qui est inexact. Le trouble du jeu vidéo sur ’Internet est identifié dans la section III comme nécessitant plus de recherche avant de considérer son inclusion comme trouble psychologique.

 

Les auteurs se contredisent

Les auteurs affirment qu’il n’y a pas de consensus clinique ou scientifique sur “sur une désignation des troubles constatés chez les personnes qui viennent consulter au titre d’un problème avec leur pratique des jeux vidéo ou d’Internet.” Cela est en contradiction avec l’affirmation précédente d’une inclusion des troubles de l’utilisation des jeux vidéo sur Internet dans le DSM. En effet, l’inclusion d’une pathologie dans le DSM passe par un consensus clinique et scientifique.

On trouve une seconde contradiction lorsque les auteurs affirment 1) que les limitations parentales d’accès aux écrans ne suffisent pas à prévenir un usage problématique des jeux vidéo et 2) la pratique problématique apparaît le plus souvent à un défaut de surveillance et de sollicitude parental. Dans le premier cas, l’attrait des jeux vidéo est tel que rien ne peut en gêner l’usage. C’est une drogue. Dans le second, les usages problématiques sont dus à des parents laxistes.

 

La revue de la littérature est biaisée

La revue de la littérature du pré-rapport n’examine que les textes qui vont dans le sens d’une addiction aux jeux vidéo. Or, dans une publication rigoureuse et scientifique, l’usage veut que tous les points de vue soient mis sur la table et examinés. Les auteurs passent par exemple sous silence les recommandations de l’Académie de Médecine qui recommande, pour les jeux vidéo,  d’abandonner le terme addiction et de lui préférer celui d’ “usage problématique”

 

 

Les auteurs pèchent par orgueil

PELLEAS n’est pas la première étude sur les pratiques des joueurs français de jeux vidéo.

 

 

La revue de la littérature est insuffisante

Les auteurs ne prennent pas en compte que les MMORPG sont régulièrement cités comme espaces et média de socialisation et d’apprentissage dans la littérature.

 

Les auteurs ne définissent pas l’addiction aux jeux vidéo.

L’enquête PELLEAS ne donne aucune définition de l’objet qu’elle étudie. Les termes “addiction ”, “usage problématique ”, “dépendants ” ou “abus” se retrouvent dans le texte sans être différenciés. Or, l’excès n’est pas l’addiction. De même, les auteurs écrivent “addiction” entre guillemets ce qui jette un trouble car le lecteur ne comprend plus si l’on parle de l’addiction comme métaphore ou de l’addiction comme trouble

 

Une méconnaissance de l’objet d’étude

La méconnaissance des jeux vidéo se sent à l’utilisation des termes utilisés. Par exemple, les “jeux d’application” sont une catégorie de jeux totalement inconnue des gamers. De même, le temps de jeu sur les MMORPG n’a pas augmenté. Le temps de jeu sur un jeu vidéo n’est pas non plus corrélé à la “technologie” utilisée. Les joueurs ont passé autant de temps a jouer à Ultima Online qu’ils passent du temps à jouer à World of Warcraft. Ce qui détermine le temps de jeu est moins la beauté graphique du jeu que les interactions avec les autres joueurs. Enfin, les règles de jeu ne sont pas devenues plus engageantes : elles sont les même depuis les premiers MMORPG. La encore, les auteurs se trompent de cible. Dans un MMORPG, c’est la communauté de jeu qui est important, pas le média.  C’est l’importance de la communauté de jeu qui fait que les relations construites en ligne débordent dans l’espace géographique. Contrairement à ce qu’affirment les auteurs, les relations in game ne se limitent pas au jeu. Les joueurs se retrouvent également IRL

 

 

C’est la faute aux parents

Apres avoir laissé entendre que les jeux vidéo étaient source d’addiction, les auteurs ont cette conclusion étonnante : lorsque les parents dictent des règles précises, il n’y a pas d’addiction aux jeux vidéo. Lorsqu’il y a un problème avec les jeux vidéo, c’est donc la faute aux parents.

Or, dans le cadre de substances psychoactives, on sait l’importance du facteur socio-économique. On sait également que la consommation de drogues est liée à une constellation de facteurs qui interagissent en eux. Dans une revue de la littérature sur la consommation de tabac, Hawkins et all. identifient les variables suivantes l’âge, la structure familiale, l’origine ethnique, le statut socio-économique des parents, les attitudes des parents devant la cigarette, la consommation de tabac dans la fratrie, l’environnement familial, l’attachement à la famille et aux amis, les facteurs scolaires, l’existence de comportement à risque, le style de vie, le stress, la dépression, l’estime de soi, et les questions de santé. Désigner les parents comme responsables de l’addiction de leur enfant (même une addiction imaginaire comme l’addiction aux jeux vidéo) est culpabilisant et inexact.

 

Un chiffre non questionné

Le chiffre de 12.5% de joueurs dépendants aux jeux vidéo n’est pas discuté. Ill est pourtant largement plus important que les chiffres habituellement donnés. Par exemple, dans leur revue sur l’addiction aux jeux vidéo, Kuss et Griffiths donnent une fourchette comprise entre 1% et 5%. Comment expliquer cette énorme différence dans les résultats ? Pourquoi les adolescents français seraient-ils plus dépendants que les autres ?.

Le chiffre de 12.5% de joueurs dépendants étonne également au regard des conduites addictives. Pour donner un point de comparaison, la prévalence de l’usage du cannabis en France est de 17% chez les moins de 25 ans. Il est estimé que 5% des adolescents ayant consommé du cannabis peuvent présentent un risque élevé d’usage problématique. Avec une population de 20 millions de moins de 25 ans, on aurait en France si l’on en croit ces chiffres 250.000 jeunes dépendants des jeux vidéo, 340000 consommateurs de cannabis et 17000 consommateurs problématiques de cannabis Comment expliquer qu’un pour une substance avec des effets psychoactifs comme le cannabis a une prévalence de consommateurs problématiques bien moindre que les jeux vidéo. Et pourquoi ne voit-on pas une partie de 250.000 joueurs dépendants aux jeux vidéo dans les centres de consultation et de soin ?

 

 

La validité de l’outil de mesure est discutable

L’enquête repose entièrement sur une échelle d’addiction aux jeux vidéo dont la validité est généralement contestable puisqu’elle procède d’un glissement des critères de la dépendance aux jeux d’argent vers une autre pratique. Griffith, à qui l’on doit aussi une échelle d’addiction au flipper, justifiait ce glissement par le fait que les jeux d’arcade ressemblent aux machines à sous.  Or, ce n’est pas parce que les deux objets se ressemblent qu’ils ont les mêmes propriétés. Le fait que dans un cas, le joueur gagne de l’argent et de l’autre des points est un fait important à prendre en compte

D’une façon générale, la construction d’un questionnaire passe par un processus long et complexe qui permet de s’assurer de la validité de l’outil. Cela n’a jamais été fait pour les échelles d’addiction aux jeux vidéo qui reposent sur un copier-coller grossier. En appliquant cette même méthode, il est facile de montrer qu’un chômeur est addictc au chômage.

 

Les auteurs ne trouvent pas de syndrome de manque dans “l’addiction aux jeux vidéo”

Le syndrome de manque est, avec le conflit, la rechute, l’importance donnée au produit ou au comportement,  un des éléments clé de la définition de l’addiction. Son absence questionne sérieusement l’idée d’une addiction aux jeux vidéo. Il est bien plus probable que les joueurs de jeux vidéo soient aux prises avec des difficultés qui ont moins a voir avec les jeux vidéo qu’avec la dépression ou des problèmes relationnels