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[LECTURE] VERNADAT (2010) Un monde virtuel qui permet d’entrer en relation avec l’autre: les jeux vidéo et la console Wii dans la prise en charge d’un enfant autiste

lundi 25 juillet 2016 à 10:00
Vernadat, Fanny.
Vernadat, Fanny. “Un monde virtuel qui permet d’entrer en relation avec l’autre: les jeux vidéo et la console Wii dans la prise en charge d’un enfant autiste.” Dialogue 4 (2010): 99-103.

Fanny VERNADAT a  mis en place lors de son stage de Master 2 de Psychologie clinique et de psychopathologie une médiation jeu vidéo. La console Wii et les jeux Tennis et Bowling ont été utilisés avec Marc, un enfant de 8 ans présentant un TSA et  enfermé dans des répétitions autosensuelles. L’objectif de la prise en charge était de diminuer ces sensation corporelles autogérées et de l’amener vers davantage de relation avec les autres. Le dispositif a permis de travailler d’entrer en relation avec l’enfant et explorer avec lui ses compétences.

Pour VERNADAT, le dispositif jeu vidéo est intéressant car la mise en représentation du corps et des mouvements soutiennent le sentiment d’existence. L’enfant peut voir sur l’écran un corps et s’y identifier. L’image des jeux vidéo n’est finalement qu’un prétexte qui permet travailler la dimension corporelle et plus particulièrement le contact-dos qui permet de travailler les enveloppes corporelles et psychiques.

L’appareil théorique utilisé pour comprendre la médiation jeu vidéo mise en place est donné par Geneviève HAAG. Partant de Tustin, Genevieve HAAG postule chez l’enfant autiste un échec de la mise en place des contenant de pensée. Ces contenants se construisent à partir des sensations corporelles avec une prévalence données au dos qui est vécu comme un appui et un axe solide. C’est à partir de cet appuis-dos que l’enveloppe corporelle se construit. Lorsqu’elle est absente, l’enfant combat l’anxiété en se procurant des sensations qui fonctionnent comme une carapace dont la fonction est d’éviter les sensations de vidange.

L’enfant bénéficie d’un double appui. L’adéquation entre le geste de l’enfant et l’image à l’écran amènent l’enfant à prendre conscience de ses mouvements. VERNADAT précise que cette lente intégration ne peut se faire qu’avec l’aide des adultes. Ceux ci apportent à l’enfant un second appui en se plaçant derrière l’enfant. L’enveloppement qu’il apportent aux gestes de l’enfant lui permettent de réaliser les gestes nécessaires au jeu.

L’expérience vidéo-ludique donne ainsi  deux points de contact à l’enfant. Le premier est le contact dos qu’il trouve en s’appuyant sur le corps de l’adulte. A ce contact corporel, sensuel, charnel, s’ajoute un contact subtil, intangible et distant offert par les images du jeu vidéo partagées dans une attention conjointe.
La forme très condensée du texte rend difficile la compréhension de certaines articulations. Il aurait été souhaitable d’avoir plus de détails sur la situation de l’enfant. Cela aurait rendu plus facile le suivi de l’évolution du traitement et donc l’évaluation de la médiation vidéo ludique pour cet enfant Cependant, il est suffisament explicite sur le point essentiel. Alors qu’intuitivement , les jeux vidéo sont pensés comme une mise à l’écart du corps et aux autres, VERNADAT montre que jouer à un jeu vidéo nécessite un ancrage corporel et relationnel. Pour les enfants présentant un TSA, c’est une médiation précieuse qui permet de travailler les deux dimensions dans lesquelles ils sont en difficulté. Le barrage de sensations peut être un moment appaisé pour rendre possible les gestes nécessaires au jeu. Dans le même temps, la communication avec l’enfant est facilitée par l’attention conjointe aux images distantes. L’enfant et l’adulte sont à la fois proches et lointain. Ils sont proches dans le corps à corps, il sont dans une communauté d’attention, mais seule une représentation apparaît à l’écran. C’est cette immersion sensori-motrice, affective, et visuelle qui fait la particularité de la médiation jeu vidéo.

 

[LECTURE] VALLEUR ROSSE (2012) Le virtuel et ses avatars

dimanche 24 juillet 2016 à 10:00
Valleur, Marc, and Elizabeth Rossé.
Valleur, Marc, and Elizabeth Rossé. “Le virtuel et ses avatars.” Enfances & Psy 2 (2012): 51-60.

En partant de leur expérience en addictologie, Marc VALLEUR et Elisabeth ROSSE se donnent pour objectif de resituer le débat l’addiction aux jeux vidéo afin d’en monter l’artificialité. Ils considèrent que la question importante est celle de la fonction du “virtuel” dans le psychisme de la personne et la culture comme celle des fonctions de l’addiction au niveau individuel et collectif. Il appuient leur relfexion autour de deux cas clinique. Malheureusement, le modèle de compréhension de l’addiction aux jeux vidéo qu’ils proposent  n’est pas satisfaisant parce qu’il ne s’appuie pas sur une définition de l’addiction aux jeux vidéo, qu’il ne discrimine pas les situations clinique et qu’il est contredit par la recherche

La réflexion de VALLEUR et ROSSE et organisée autour de deux cas cliniques, Charles et Brandon. Charles est un jeune homme de 21 qui arrive à la consultation pressé par sa mère. Charles est anxieux, préoccupé par la mort. Il considère que la vie manque de panache. C’est pourquoi il lui préfère la mort. Ses parents sont séparés depuis qu’il a 7 ans. Son père s’est remarié et connait des déboires professionnels qui l’inquiètent. Il n’arrive pas à mettre fin à une relation avec une jeune fille. Il a arrêté les études de droit dans lesquelles il était en échec pour se tourner vers le dessin. Enfin, il vit maintenant dans une chambre d’étudiant. Charles n’a été recçu de manière assidue que pendant deux mois.  Pour VALLEUR et ROSSE, avec les jeux vidéo Charles évitait de prendre parti pour aucun des deux parents au moment de leur divorce. Le jeu vidéo est ensuite devenu une activité centrale de sa vie. Aujourd’hui, elle reste importante mais Charles sait s’organiser pour laisser de la place à d’autres activités.  Les auteurs concluent qu’il n’y a pas addiction

Brandon est un jeune homme de 17 ans qui consulte après un passage à l’acte suicidaire conscécutif a la suppression par sa mere de tout jeu vidéo.  Il jouait principalement au jeu Dynasty Warrior. Il commence à jouer en réseau pour se rapprocher d’une jeune fille puis il lui est difficile de jouer et de suivre une scolarité normale. Jusque là très bon élève, ses notes se dégradent. Les entretiens avec la famille permettent de comprendre que le père consacre 1000 euros par mois aux jeux d’argent. Les thérapeutes relient le jeu Dynasty Warrior qui se déroule dans en Chine 180 ans av J-C à l’histoire de Brandon dont le père est Cambodgien et la mère Laotienne. Le leu aurait été au départ un espace d’identification et de projection pour devenir ensuite un lieu infécond. Ce cas serait exemplaire d’une addiction aux jeux vidéo.

Les auteurs proposent de distinguer les addictions aux jeux vidéo par le fait qu’elles seraient des addictions de pur refuge tandis que les autres addictions auraient un gradient ordalique.

Par addiction de pur refuge, les auteurs entendent que le jeu consitue une bulle isolée du monde réel et des fantasmes du joueur tout en permettant la transposition dans le viruel des fantasmes et désirs les plus violents et les plus risqués. Le lien entre l’univers du jeu et les fantasmes du joueur s’estompe peu à peu pour êtr remplacé par une activité qui se développe pour elle même. Cette “dérive addictive” se trouve chez Brandon et pas chez Charles.

Les autres addictions ont une dimension ordalique en ce sens qu’elle mettent en jeu la vie de la personne. Le risque de mort est présent dans la toxicomanie par injection. Il est aussi présent dans les addictions au tabac ou à l’alcool même si le risque est moins immédiat. La fonction catharique des jeux vidéo serait trop efficace. Le joueur y épuiserait son potentiel d’agressivité puis glisserait vers un processus de désymbolisation dans lequel le jeu serait remplacé par la perte de sens en devenant une obligation.

Les auteurs en tirent des recommandations pour la conduite de la psychothérapie de personnes présentant une addiction aux jeux vidéo : 1) accompagner les tentatives de maitrise du jeu, le réinvestissement d’autres activités; 2) retrouver le sens que le jeu peut avoir pour eux, faire le lien entre le jeu vidéo et leur activité fantasmatique

Dans les psychothérapies, l’établissement du diagnostic est un moment important du traitement (McWILLIAMS, 1994) . Le diagnostic permet l’établissement d’un plan de traitement et d’un pronostic. Il s’établit en prenant en compte les dimensions biologiques, psychologiques, familiales et culturelles du problème de la personne. Pour chaque dimension, le clinicien évale les facteurs prédisposants, précipitants et maintenant du problème pour construire une formulation clinique. Le diagnostic est fait en identifiant des éléments (traits, symptômes, signes)  considérés comme typique d’une pathologie. En ne précisant pas ce qui serait typique d’une addiction aux jeux vidéo, les auteurs restent dans le flou et l’arbitraire puisqu’ils peuvent décider à tout moment “ceci est une addiction” ou “ceci n’est pas une addiction”

La conséquence directe est que les critères avancés ne sont pas discriminants puisqu’il n’est pas possible de déterminer ce qui fait que la pratique de l’un ne sera pas de l’addiction et qu’elle le sera pour l’autre. En effet, pour les auteurs, l’aspect communautaire de Dynasty Warriors aurait agiot comme un catalyseur et conduit le jeune homme à une pratique répétive. mais les jeux de Charles ont tout autant cet aspect communautaire. Pourquoi celui-ci n’est il pas conduit à la même addiction ?

Enfin, l’idée selon laquelle les jeux vidéo joueraient trop bien une fonction catharthique n’est pas confirmée par les données de la recherche. L’hypothèse cathartique suppose que les joueurs se purgent au cours de leurs parties de leur agressivité ce qui leur évite ensuite de la mettre en jeu dans la réalité. Or, Jouer à un jeu vidéo violent ne diminue nullement les comportements violents. ANDERSON et DILL (2000) montrent que les jeux vidéo violents sont positivement augmentent les émotions, les pensées et le comportements violents. L’idée selon laquelle les jeux vidéo sont un espace-temps dans lequel il est possible de se décharger de sa violence ce qui permettrait de ne pas être agressif ou violent par la suite est erronée. Dans le langage des auteurs, cela signifie que les personnes ne risquent pas d’épuiser leur potentiel d’agressivité.

Finalement, les auteurs échouent a montrer comment la pratique des jeux vidéo peut devenir addictive. Peut-être Marc VALLEUR aurait il gagné à se rappeler ce qu’il écrivait en 2004 dans Les nouvelles formes d’addiction,   “ Disons-le clairement, nous n’avons pas connaissance de dépendance ou d’addiction aux jeux vidéo parmi les enfants, mais certains abus, certaines pratiques frénétiques témoignent d’un malaise et souvent d’un dysfonctionnement au sein du cercle familial. ”

SOURCES

Valleur, Marc, and Elizabeth Rossé. “Le virtuel et ses avatars.” Enfances & Psy 2 (2012): 51-60.

Valleur, Marc, and Elizabeth Rossé.
Valleur, Marc, and Elizabeth Rossé. “Le virtuel et ses avatars.” Enfances & Psy 2 (2012): 51-60.

McWilliams, Nancy. Psychoanalytic diagnosis: Understanding personality structure in the clinical process. Guilford Press, 2011.

Anderson, Craig A, and Karen E Dill. “Video games and aggressive thoughts, feelings, and behavior in the laboratory and in life.” Journal of personality and social psychology 78.4 (2000): 772.

[LECTURE] TISSERON (2012) Rêveries et rêvasseries assistées par ordinateur

samedi 23 juillet 2016 à 10:00

TISSERON (2012) Rêveries et rêvasseries assistées par ordinateur

TISSERON (2012) Rêveries et rêvasseries assistées par ordinateur

Serge TISSERON produit depuis de nombreuses années une réflexion théorique et clinique autour des images. Il a tout naturellement dirigé sa réflexion vers les jeux vidéo en apportant des éléments décisif au débat théorique.

Ce texte réfigure des notions qui seront développées plus avant dans le livre Rêver, fantasmer, virtualiser: du virtuel psychique au virtuel numérique publié chez Dunod en 2012. Il est organisé  en trois grandes parties. La première traite de la façon dont nous utilisions nos images mentales. Serge TISSERON apporte des distinctions claires et opérationnelles entre la rêvasserie, le rêve et l’imagination. La seconde partie est consacré au couple formé par le joueur et le jeu vidéo que TISSERON appelle la “dyade numérique”. la distinction entre les interactions sensori-motrices et les interactions narrative fait l’articulation entre les deux parties. Enfin, la troisième partie donne des recommandation pour identifier correctement les joueurs problématique et proposer des prises en charge adaptées.

Pour Serge TISSERON, l’idée d’une addiction aux jeux vidéo est inappropriée principalement parce qu’il n’existe pas de syndrome de manque. Il propose d’aborder le problème du jeu excessif a partir de la distinction opérée par Winnicott entre rêver et rêvasser en l’articulant au types d’interaction que le joueur construit avec le jeu vidéo

Rêvasser, rêver et imaginer sont trois choses différentes. La rêvasserie consiste à accomplir des choses extraordinaire sans les relier à la vie réelle. Elle correspond au fantasme d’accomplissement de Maria Torok et à la toute puissance infantile. Dans la rêverie, la personne élabore des scénario avec des personnes qui représentent les figures intériorisées de l’enfance. Enfin, l’imagination est portée par un désir de transformation de la réalité

Ces trois manières de manipuler les images mentales organisent différente manières d’interagir avec les jeux vidéo. Serge TISSERON appelle “dyade numérique” la relation privilégiée qu’une personne établit avec un jeu vidéo. Cette dyade numériques est composée de plusieurs dimensions qui vont être préférentiellement investies par la personne en fonction de sa situation personnelle. La recherche d’un attachement sécurisé se traduit dans des activités de jeu compulsive dont le but est d’éviter l’insécurité et la peur de l’abandon. Les jeux vidéo procurent des situations dans lesquelles la maîtrise des excitations peut être électivement trouvée car le joueur doit trier et hiérarchiser un flux d’information constante. L’accordage affectif satisfaisant va être trouvée dans le fait que le jeu vidéo fonctionne comme un miroir des gestes, des pensées et des émotions du joueur. Enfin les avatars des jeux vidéo peuvent représenter un “Soi grandiose idéalisé” qui lui permettront de se faire remarquer et admirer

Les logiques sont différentes selon que le joueur joue aux jeux vidéo pour rêvasser ou pour rêver. Lorsque une personne joue pour rêvasser, la dissociation l’emporte  sur tout le reste. Le jeu vidéo lui offre une assistance pour se couper des autres et d’elle même. A l’opposé, lorsque le jeu vidéo est au service de la rêverie, la personne se donne des possibilités d’intégration de son expérience interne avec la réalité externe. En effet, rêver avec un jeu vidéo, c’est s’engager personnellement en se donnant des représentation de son expérience et en prenant le risque que ces représentations soient finalement une source de déplaisir. Il y a avec le rêve des enjeux de perte qui n’existent pas dans la rêvasserie

TISSERON en tire des recommandations pour le traitement des joueurs excessifs. Pour ceux qui utilisent compulsivement  les jeux vidéo pour vivre isolés du monde extérieur, le traitement groupal doit être favorisé afin de donner au joueur des occasions de retrouver le goût du lien à l’autre. Avec les joueurs pour qui le jeu vidéo est une occasion de prolonger des rêveries, le thérapeute doit connaître et aimer les jeux vidéo. Celui lui permettra un abord bienveillant d’une activité positivement investie par le joueur et de reconnaître avec lui les désirs qu’il figure dans le jeu. Le thérapeute pourra ainsi aider le joueur a réaliser ses désirs dans la réalité. Enfin, il est des joueurs utilisent les jeux vidéo comme des espaces potentiels. Ces personnes, parce qu’elles ont une bonne socialisation et enrichissent leur vie par le jeu vidéo, n’ont pas besoin d’être suivies en psychothérapie même si leur pratique peut sembler excessive

 

[LECTURE] MISSONNIER (2012) Sexualité, affect et monde virtuel: au-delà de l’épreuve de réalité

vendredi 22 juillet 2016 à 10:00

 

Psychanalyste et professeur de psychologie clinique, Sylvain MISSONNIER fait partie des personnes qui ont porté en France une réflexion positive  sur le virtuel. Il a traduit Psychanalyse de l’Internet de Michael CIVIN qui reste à ce jour un des meilleurs livres sur le sujet. Il a publié récemment Psychologie des Ecrans avec Xanthie VLACHOPOULOU.

L’article de Sylvain MISSONNIER “Sexualité, affect et monde virtuel : au-delà de l’épreuve de réalité” est organisé en trois parties. L’introduction interprète le virtuel dans la métapsychologie freudienne. Elle est suivie par un long cas clinique dans lequel deux mondes virtuels, World of Warcraft et Second Life, ont joué un rôle important. Enfin, une conclusion rapproche virtualisation et mentalisation pour expliquer le processus de transformation observé pendant la psychothérapie.

MISSONNIER ouvre sa reflexion en  rappelant que le virtuel est ce qui est “en puissance” en même temps que la “caractéristique distinctive”. Comme potentiel, le virtuel est à opposer à la mise en acte. Sur un plan métapsychologique, le virtuel “met en scène le désir de création et son guide, la représentation de but (Freud, 1900) qui substitue la présence de l’hallucinatoire de la réalité psychique à l’absence actuelle”. Il définit le virtuel comme “une construction mentale de l’observateur immergé physiquement dans des simulations sensorielles interactives en 3D ou 4D (des artefacts technologiques) qui leurent sa perception”. La réalité virtuelle est ainsi un simulacre de la perception du corps.

Cette réalité virtuelle est l’héritière du dessin, de la peinture, de la photographie, de la radio…  de tout ce que l’homme a inventé pour combler l’absence et arrêter le temps. Elle est proche du rêve qui privilégie l’hallucinatoire au perceptif (Faure-Pragier,  2003). En ce sens, elle est un moyen de retrouver la jouissance de la sexualité infantile en rééditant la perception interactive d’un “moi-corps”. La réalité virtuelle induit des expériences “d’hallucinations motrices” propres aux formes primaires de la symbolisation

Le cas d’un jeune homme, John est ensuite abordé. Il s’agit d’un jeune homme en difficulté personnelle avec lequel une psychothérapie analytique à raison d’une séance par semaine est engagée. Le récit des parties de World of Warcraft (WoW) et de Second Life vont servir de médiation à la psychothérapie. Alors qu’il est dynamique et plein de vie lorsqu’il parle de WoW, il est éteint lorsqu’il parle de son enfance ou de son travail. Dans WoW comme au travail, il est celui qui prend les coups. Au travail, il est souvent pris à partie tandis que dans WoW sa fonction de guerrier l’amène être “tank” c’est à dire à être celui qui prend les coups. Au cours de la thérapie, il joue ensuite Paladin puis à Second Life. Ces changements sont interprétés comme le signe d’une diminution du clivage. Le Paladin est un guerrier qui peut soigner tandis que Second Life permet de se rapprocher des situation de la vie quotidienne. Pour MISSONNIER ces deux jeux vidéo permettent à John de trouver de nouvelles positions par rapport conséquences de l’absence pour les autres et pour lui-même. Ces situations nouvelles travaillées dans la psychothérapie contribuent à la stabilité de son identité.

Comment expliquer le progrès noté en psychothérapie. MISSONNIER s’appuie sur DAVID (1992) qui rapproche virtualisation et mentalisation. Pour DAVID, le rêve et le fantasme sont des ressources de la virtualisation au travers de la reviviscence et de l’anticipation. Le processus peut se perdre dans la recherche d’une satisfaction dissociée de la satisfaction physiologique. De la même manière, les usages de la “réalité virtuelle” peuvent être portés par la sublimation ou la répétition morbide.

 

MISSONNIER montre bien comment les pratiques en lignes dépendent des positions subjectives des joueurs. Ce n’est pas tant que les mondes numériques sont des espaces de projection mais plus fondamentalement qu’ils offrent des possibilités de répéter les crise dans lesquelles les joueurs ont été pris ainsi que l’espoir de trouver de nouvelles solutions. L’exemple de DAVID, le sacrifié au travail comme dans World of Warcraft montre comment, dans la vie quotidienne comme dans le jeu, le masochisme est un gardien de la vie. DAVID a érotisé les agression dont il est l’objet. Il retourne, par un jeu subtil de provocations, les agressions dont il est l’objet en . Cela est patent dans WoW ou les tanks ont un pouvoir spécial appelé “Provocation” qui leur permet de focaliser l’agressivité des adversaires sur leur personne. Il est possible qu’au travail aussi, par identification projective, il arrive a ce que l’autre le place dans la situation d’être agressé.

Le lien que MISSONNIER fait entre le virtuel et le corps est intéressant car il va à contre courant des intuitions premières. Il semble évident que le virtuel nécessite une mise à l’écart du corps. MISSONNIER montre au contraire comment le corps est affecté dans le virtuel et qu’il l’est d’autant plus que l’autre n’est pas là en corps.  Le lien entre le virtuel et le corps a été développé par Benoit VIROLE a partir de la théorie de W. R. BION. Pour Virole, la caractéristique des dispositifs informatiques est qu’ils impliquent une très faible dépense motrice. La faiblesse de l’écart entre la préconception et la réalisation est source d’un plaisir considérable

Le fait que le virtuel soit un héritier des techniques de l’image, de Lascaux au cinéma des frères Lumière est une autre piste de travail. Toutes ces techniques permettent de re-présenter dans une image un objet qui est absent. Pour reprendre le titre d’un livre de MISSONNIER, le virtuel est la présence de l’absent. Ce rapprochement ne doit pas masquer ce qui différencie les images virtuelles et les images matérielles. Elles peuvent être produites en grande quantité, son partageable avec quelques personnes ou avec des multitudes, sont modifiables en temps réel et son superposables à la réalité tangible. L’exemple de Pokémon Go! montre bien comment les images virtuelles affectent l’espace tangible, sont connectées aux mémoires et aux imaginaires individuels et collectifs tout en étant massivement sociales

[[LECTURE] RECHTMAN-MICHELI (2013) La féminité transformée par le virtuel

jeudi 21 juillet 2016 à 10:45
La féminité transformée par le virtuel
La féminité transformée par le virtuel

 

 

 

Vannina RECHTMAN-MICHELI est psychanalyste. Elle reprend pour le colloque d’Espace Analytique “Nouvelles subjectivités à l’adolescence” qui s’est tenu à Orléans en 2012 un article publié avec Margherita BALZERANI comme co-auteur en 2008 L’article n’apporte malheureusement rien de neuf par rapport sa première version.

Le propos est introduit par une longue introduction sur la cyberdépendance, le virtuel et l’usage que les adolescents ont des nouvelles technologies de l’information et de la communication. La cyberdépendance est liée a la place et à l’omniprésence des images. Elle s’installe lorsque le besoin de jouer est plus fort que le plaisir et concerne généralement les MMORPG. 17 millions de personnes jouent à 250 jeux de rôle en ligne. L’addiction est définie comme “la dépendance à quelque chose, un produit ou un objet, ou l’alimentation ou, ici, les technologies qui provoquent des états psychiques particuliers auxquels le sujet s’abandonne”

Le virtuel est  abordé classiquement : il est ce qui est “en puissance”, différent du faux, de l’illusoire ou de l’imaginaire et n’est pas opposé au réel. C’est une autre modalité  fondatrice qui permet d’interroger la notion de présence physique immédiate

Pour MICHELI-RECHTMAN, les nouvelles technologies de l’information et de la communication bouleversent les bases de la famille et du couple. Du fait du temps passé avec les média , la famille s’élargit à à la “famille” que chacun se constitue sur Internet

Les adolescents sont les premiers utilisateurs de ces technologies car l’espace psychique de l’adolescence et du virtuel se recouvrent. Pour les enfants, les jeux vidéo offrent des objets privilégiés avec lesquels les désirs, les angoisses de fusion et de séparation peuvent être traités. L’usage des jeux vidéo peut être considéré comme “transitionnel” s’il prépare et médiatise un investissement du monde réel. Les mondes virtuels sont appréciés parce que chacun y trouve ce qu’il cherche : des sensations fortes, des aspectes de soi ou d’autrui, des compensations narcissique et des possibilités de rencontre.

Le jeu vidéo Lara Croft est ensuite décrit. Lara Croft est la première héroïne de pixel a avoir une personnalité complexe et indépendante. Son bacground est décrit avec beaucoup de précision : elle est fille d’un couple aisé. A la mort de son père, elle devient archéologue comme lui. Elle publie le résultat de ses recherches dans une revue scientifique. Le personnage fait l’objet d’adaptations au cinéma et en bande-dessinées. Il est utilisé par le groupe de musique U2 pour sa chanson Elevation.

Subordonnée au regard du joueur, Lara Croft incane les valeurs de la société occidentale post-moderne : culture du corps, perfection physique et performative, détermination, indépendance, recherche des émotions,  refus de la vie sédentaire. Son corps siliconé est rapproché de celui du cyborg.

 

 

En France, MICHELI-RECHTMAN et BALZERNI ont été les premières a appliquer le cadre conceptuel féministe à l’étude des jeux vidéo avec leur article “Corps contemporain, post-modernité et jeux vidéo : le syndrome de Lara Croft” (2008). Il est important que cette perspective majeure dans l’étude des jeux vidéo ait des représentants francophone. Il est aussi important que la communauté psychanalytique française soit sensibilisée aux mondes numériques en général et aux jeux vidéo en particulier.

L’article pose deux problèmes distincts. Le premier est qu’il traite de deux sujets très différents puisque on y trouve la question de la cyberaddiction et celle de la féminité. Cela nuit au traitement du sujet car l’auteur n’accorde finalement pas assez de place au sujet qui est annoncé dans le titre. Au final, ni la cyberaddiction ni la féminité ne sont véritablement abordés

Le texte manque étonnement de références au vu des sujets traités dans le texte. La bibliographie sur la cyberaddiction est pourtant conséquente, tout comme les publications concernant la féminité et les mondes en ligne ou encore celles sur le virtuel. Pour le lecteur, cela est un gène car les filiations intellectuelles de l’auteur n’apparaissent pas. Certaines filiations sont même masquées. Par exemple, l’idée d’une superposition entre l’espace psychique des adolescents et les caractéristiques du virtuel a été développée par Serge TISSERON dans “Le virtuel à l’adolescence, ses mythologies, ses fantasmes et ses usages” (2008)

Le second problème est que ce texte n’apporte rien de neuf par rapport à la première version publiée cinq ans auparavant. Il a a même tendance à le simplifier. Le lecteur aura donc tout intérêt à se tourner vers la première version, ou mieux encore, à se référer à l’étude de KENNEDY (2002) qui utilise le cadre conceptuel du féminisme pour déconstruire la figure de Lara Croft.  Elle est le produit d’un regard masculin sur la féminité et une libération de ce même mouvement car elle est à la fois femme fatale et femme d’action. Pour KENNEDY, jouer à Lara Croft est pour le joueur mascullin une expérience de changement de genre ou d’incarnation Queer. Cette incarnation mélage le corps masculin du joueur au corps numérique de Lara Croft, contribuant ainsi à sortir des distinctions sécurisantes entre le masculin et le féminin.

 

Au final, la manière dont la féminité est transformée par le virtuel n’est pas abordée parce que l’auteur a accordé trop de place à la cyberaddiction et à décrire l’univers de Lara Croft.

 

SOURCES

Tisseron, Serge. “Le virtuel à l’adolescence, ses mythologies, ses fantasmes et ses usages.” Adolescence 22.1 (2004): 9-23.

Micheli-Rechtman, Vannina, and Margherita Balzerani. “Corps contemporain, post-modernité et jeux vidéo: le syndrome de Lara Croft.” La clinique lacanienne 2 (2008): 135-147.

Kennedy, Helen W. “Lara Croft: Feminist icon or cyberbimbo? On the limits of textual analysis.” Game Studies: International Journal of Computer Games Research 2.2 (2002).