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Le jeu vidéo comme initiation

lundi 30 juillet 2012 à 11:39

Le jeu vidéo est une des portes d’entrée dans laquelle l’enfant peut commencer un voyage initiatique qui le conduit jusqu’au monde des adultes

Les jeux vidéo sont souvent le premier point de contact des enfants avec les matières numériques. Autour du CP, point pivot du développement des enfants dans notre culture, les enfants obtiennent souvent une Nintendo DS. Avec Mario et Sacha, ils font leurs premiers pas dans les jeux vidéo. Il y apprennent la grammaire de base des jeux : créer un personnage, se déplacer, interagir avec l’environnement. Mais le plus important est sans doute les apprentissages collatéraux qu’ils font a l’occasion de ces parties. Ils apprennent à lire un écran. De la même manière que les générations précédentes ont appris à déchiffrer une page de journal, les enfants apprennent ou se trouve l’information pertinente sur un écran. Ils apprennent également qu’elle est dynamique : l’information n’est pas toujours disponible, elle apparait à des moments particulier, et elle est régulièrement mise à jour.

Les jeux vidéo sont initiatiques dans leur expérience.  Dans sa description maintenant classique des rites de passage, van Gennep donne trois temps logiques : l’individu est séparé de son groupe d’appartenance. Il vit en marge de la société. Il est réintégré dans son groupe avec un nouveau statut. Les jeux vidéo reprennent ces trois moments Ils séparent le joueur de l’expérience banale. In game, le joueur vit des expériences extra-ordinaires. Le jeu vidéo, parce qu’il est une expérience marginale, lui permet de vivre et d’expérimenter ce que son environnement habituel ne peut pas lui offrir. Enfin, le joueur revient dans son groupe de départ, au mieux transformé positivement par ce qu’il a vécu.

L’intiation est également inscrite dans les mécaniques de jeu puisque le joueur  passe par des niveaux de complexité de plus en plus grands. Il est un initié qui prend de mieux en mieux conscience de la complexité de l’environnement qui l’entourent.

Les jeux vidéo initient les enfants à un autre aspect. Il ne s’agit plus d’éléments cognitifs mais sociaux. Les apprentissages se font au cours d’interactions avec des pairs. C’est en jouant avec d’autres enfants ou en regardant d’autres enfants que les enfants apprennent. Ils font une expérience inédite puisque c’est encore un adulte qui habituellement porte les connaissances aux enfants. Les enfants découvrent avec les jeux vidéo une transformation essentielle de notre société. Les jeux vidéo s’appuient en effet largement sur la loi des frères, les logiques horizontales et les liaisons. Ils sont une image d’un processus appellé tribalisation par le sociologue Michel Maffesoli qui montre que nos société s’éloignent des éléments comme la loi des pères, la verticalité et la séparation (des pouvoirs, des sexes, des générations) sur lesquels elle se sont appuyées pendant des siècles.

Trois fausses idées sur les jeux vidéo

mercredi 18 juillet 2012 à 11:21

Il y a toujours une ombre de doute qui plane sur les jeux vidéo comme s’ils ne pouvaient décidément pas être des objets ordinaires. Ainsi, avoir rapproché les MMORPG des contes, Rossé et Chotard-Fresnais (2009) les différencient de a manière suivante :

- les contes ont une fin, le plus souvent heureuse. Les MMORPG n’ont pas de fin.

- les quêtes des contes de fées sont existentielles. Les quêtes des contes de fées sont matérialistes

- le héros des contes de fées est confronté à la loi. Il doit faire avec ses affects et ses interrogations. Un jeu comme World of Warcraft ignore la loi et n’est régit que par des règles et un règlement.

Les MMORPG n’ont pas de fin.

L’idée selon laquelle les MMORPG n’ont pas de fin sert souvent de point d’articulation pour expliquer les pratiques excessives (ou les “addictions) aux jeux vidéo (Gaon, 2009). Les MMORPG sont des jeux “permanents” : l’univers du jeu subsiste même après que le joueur l’ait quitté. Par ailleurs, l’éditeur renouvèle sans cesse le contenu du jeu. Ces deux éléments rendraient compte du fait qu’il est difficile de cesser de jouer

C’est cependant céder à une illusion car les MMORPG ont bel et bien une fin. Même dans le cyberespace, les choses ont une fin. Il y a quantité de MMORPG qui ont fermé leurs portes. Contrairement à ce qui se passe dans l’espace géographique, la disparition de ces mondes laisse très peu de place. Leur archéologie est donc difficile, ce qui explique en partie le fait que ‘l’on oublie vite que des mondes aussi opulents que Tabula Rasa aient existé.

A l’intérieur même du jeu, la fin peut être expérimentée. Arriver au top level, finir une série de Hauts Faits, progresser dans son métier, faire progresser sa guilde, progresser dans la compétition avec les autres joueurs, obtenir de beaux objets sont autant de “fins” que chacun peut trouver et se donner. Certains joueurs font preuve d’une grande inventivité. Par exemple, Everbloom a atteint le niveau 85 à World of Warcraft sans verser la moindre goutte de sang. D’une façon plus banale, le jeu est vécu comme “terminé” le joueur a reçu une satisfaction suffisante de son besoin d’autonomie, de compétence ou de relation sociale (Deci & Ryan, 2000, 2008).  C’est la satisfaction d’un de ces besoin qui fait vivre une expérience totale et qui conduit ensuite le joueur à d’autres objets

Les quêtes des MMORPG sont matérialistes.

Les quêtes des MMORPG sont très simples : tuer un ou plusieurs personnages, collecter des objets, escorter un personnage, reconnaitre une zone, défendre une zone, ou encore créer un objet. De ce point de vue, les quêtes sont “matérialistes”. Mais en quoi sont elles différentes des actions que doivent effectuer les personnages des contes de fées ? Le Petit Chaperon Rouge doit amener une galette chez sa Mère-Grand et ce n’est que par un effet d’interprétation que l’on comprend qu’il s’agit d’une histoire qui parle de la transmission de la sexualité d’une mère à son enfant, de la nécessité de séparation, et des risques d’engloutissement dans la relation parent-enfant. Le conte peut ausssi être entendu de cette manière, et dans la majorité des cas, les enfants l’entendent à aussi à ce niveau. Mais il peut tout aussi bien être compris comme une succession de choses à faire. Le conte n’est pas plus symbolique en soi que le jeu vidéo n’est matériel en soi. L’un est l’autre proposent des expériences qui demandent à être symbolisées.

Les jeux vidéo ne connaissent pas la loi.

L’idée selon laquelle un MMORPG ne connaitrait que des règles et des règlements est une manière de le déprécier vis à vis d’autres expériences mais ne correspond pas à la réalité. Un MMORPG est géré par un éditeur de jeu. Cet éditeur de jeu est une entreprise soumises à des législations nationales et internationales. Les personnages des joueurs ne leur appartiennent pas, pas plus que les objets qu’ils fabriquent ou les histoires qu’ils inventent ce qui n’a pas manqué de produire des débats dont certains ont du être tranchés au tribunal.

La loi est également rencontrée à l’intérieur du jeu comme construction sociale. Ce sont elles qui déterminent les bonnes conduites : exploiter une faille du jeu est dans certains cas considéré comme acceptable et dans d’autres cas comme une tricherie. Dans exemple, dans Call of Duty, l’utilisation d’un lance grenade est très mal vue.

Si l’on entend par “loi” la limite structurante au désir, elle est également rencontrée en jeu. Les jeux vidéo, et particulièrement les jeux en ligne, ne sont pas des espaces dans lesquels les désirs sont facilement satisfaits. Le désir d’être (le plus fort, le meilleur, le plus rapide etc.) ou le désir d’avoir (avoir un objet rare, une tenue complète etc.) sont très difficilement satisfaits. Il arrive assez souvent que le joueur passe par la difficile reconnaissance de ce que ses désirs ne puissent pas être satisfait. Il doit passer par l’épreuve du temps, et parfois modifier ses désirs pour qu’ils soient plus conformes à la réalité.  En d’autres termes, les jeux vidéo sont des espaces dans lesquels les identifications imaginaires peuvent être mises à l’épreuve.

Rossé, Chotard-Fresnais – 2009 – Jeux de rôles en ligne et espace transitionnel Après avoir rapproché les jeux vidéo des mythes

Pourquoi aimons-nous les jeux video ?

mercredi 27 juin 2012 à 16:45

Video Games loves you

L’amour des jeux vidéo s’explique par plusieurs facteurs : le jeu vidéo est un objet de plaisir pur, il permet d’incarner des héros, il apporte une expérience immersive, il est un jeu,

Le jeu vidéo comme objet de plaisir pur

Le jeu vidéo est un objet de plaisir pur parce qu’il satisfait les besoins psychologiques de base et qu’il reprend les caractéristiques de plusieurs jeux.

Le jeu vidéo satisfait les besoins psychologiques de base. Ces besoins ont été ramenés à trois besoins fondamentaux (Deci & Ryan, 2000, 2008) : l’autonomie, la compétence, le besoin d’être relié à autrui.

L’autonomie correspond au sentiment de se sentir a l’origine de se actions. Ce sentiment d’autonomie est donné dans les jeux vidéo par le fait que chaque action sur le contrôleur se traduit en une action sur l’écran. Le joueur se sent à la fois actif et maitre de ses actions. Il est un acteur d’un monde qu’il contribue à créer par ses actions.

La compétence correspond au sentiment d’efficacité sur son environnement. Dans le monde des jeux vidéo, cette compétence ses très valorisée. Il ne s’agit pas seulement de faire, mais de faire d’une façon qui soit efficace ou même brillante. Les speed run, c’est à dire l’exécution d’un jeu de la manière la plus rapide possible en sont une figure exemplaire.

Le besoin d’être en relation avec les autres correspond aux sentiments de sympathie et d’empathie. Dans les jeux vidéo, ce besoin est satisfait par le regroupement des joueurs dans de grands ensembles comme les guildes ou les clan. Les évènements comme le blizzcon ou les salons du jeu vidéo permettent également a des personnes de vivre ensemble leurs passions. En ligne, la fréquentation des forums et les parties multijoueurs est aussi un moyen de satisfaire ce besoin de relation.

L’héroïsation

Jouer à un jeu vidéo c’est être un héros. Il s’agit toujours de sauver : une princesse, le monde, l’univers, une entreprise, une équipe de foot, une mission ou sa propre vie. Les jeu vidéo connectent le joueur à l’antique du Héro. Les figures du jeu vidéo reprennent celles du conte et du mythe en leur ajoutant une nouvelle dimension. L’imaginaire héroïque est déplié au fil des actions effectuées par le joueur. Chaque clic, chaque bouton fait évoluer le personnage d’une situation initiale où l’ordre du monde a été troublé à une situation finale dans laquelle les actions du héros-joueur ont rétabli l’ordre.

Cette héroïsation se traduit également dans des jeux guerriers au cours desquels le joueur livre d’innombrables batailles. Ce contexte guerrier ne se limite pas à la satisfaction de désirs agressifs et voyeuristes. Elle est une manière de connaissance de soi par laquelle chacun peut s’approprier ou se réapproprier les vertus du courage et des épreuves qualifiantes (Virole, 2011). Cette héroïsation donne les même points d’appuis à la croissance psychique que les contes de fées et mythes. Les contes et les mythes, chacun à leur façon, mettent en scène des enjeux psychiques. Avec le jeu vidéo, chaque joueur retrouve des situations qui métaphorisent les transformations nécessaires que chacun doit effectuer dans son for intérieur pour venir à bout des difficultés

La symbolisation

Les jeux vidéo sont donc des occasions de symbolisation. La symbolisation est le processus qui permet de transformer un évènement extérieur ou interne en quelque chose de partageable avec d’autres êtres humains, sans que cela ne soit préjudiciable aux personnes concernées. Même si c’est la violence qui est le plus souvent perçue, cette symbolisation concerne tous les aspects de la vie psychique. Les enjeux narcissiques, les relations avec les autres dans leurs versants agressifs et érotiques, ainsi que les fantasmes originaires (fantasmes de séduction, de scène primitive, de vie intra-utérine et de castration) y trouvent des figurations. Les jeux vidéo mettent en scène des désirs et des angoisses que chacun a pu traverser au cours de son développement. Ils aident ainsi le jouer à se donner des représentations de ses états psychiques, des possibilités de maitrise et de développement. Par rapport aux contes de fées, ils sont différents parce qu’ils nécessitent l’action du joueur.

Un des grands intérêts du jeu vidéo est qu’il permet au joueur d’aller à son rythme. Les parties peuvent être sauvegardées et se poursuivre sur un temps plus ou moins long. Elles peuvent être mises en pause lorsque la tension est trop grande. Le joueur peut s’essayer à différentes stratégies, c’est à dire à différentes façons d’être dans le jeu. Ces possibilités

L’immersion

Cet aspect est traité plus en détail dans Metapsychologie de l’immersion dans les jeux vidéo

LE grand plaisir du jeu vidéo est d’être dans l’espace du jeu. Jouer à un jeu vidéo, c’est se retrouver à Omaha Beach, c’est piloter un Sopwith camel, être dans la Moria, c’est ramasser l’épice de Dune, c’est suivre Arthas à Lordaeron. L’immersion des jeux vidéo est particulière. Elle est triple. Elle est sensori-motrice, imagée et narrative. L’immersion sensori-motrice correspond aux actions rythmées qu’il faut effectuer au cours du jeu. L’immersion imagée correspond au sentiment d’être enveloppée dans une image et d’y effectuer de l’intérieur des transformations par ses actions. L’immersion narrative correspond au sentiment de maitriser parfaitement l’univers narratif du jeu vidéo.

Le jeu

Faut il rappeler qu’un jeu vidéo est un jeu ? Que ce qui se passe dans un jeu n’a pas de lien avec la réalité externe mais avec la réalité interne des joueurs. Lors d’une partie de 1000 bornes, le plaisir à sortir la carte Crevaison tient à des fantasmes sadiques ou agressifs, mais cela ne veut pas dire que le joueur va “crever” son adversaire dans la minute. De la même façon, le plaisir à faire des cartons sur les champs de bataille des FPS a un lien avec des fantasmes agressifs ou sadiques, et, comme on l’a vu plus haut, avec le sentiment d’être compétent, mais cela ne signifie pas que le joueur est plus sadique qu’un autre ni qu’il va commettre un crime.

Les psychologues ont tendance à classer les jeux en jeux sensori-moteurs, symboliques et sociaux. Ces jeux correspondent a différentes étapes du développement de l’enfant. Les jeux sensori-moteurs correspondent aux jeux de la petite enfance. Ce sont des jeux d’action (pousser, tirer, frapper…) dans lesquels l’essentiel du jeu se passe ici et maintenant. Le jeu symbolique fait intervenir une autre scène. Le jeu est symbolique parce qu’il fait référence à des personnages ou des objets non immédiatement présents. Un morceau de bois devient une épée ou l’enfant joue avec des personnages imaginés. Enfin, les jeux sociaux sont des jeux faisant d’autres personnes autour d’une règle

Les jeux vidéo reprennent tous ces éléments. Ils sont sensori-moteurs parce qu’ils s’agit de d’interagir en fonction de ce qui est présent à l’écran. Les afférences visuelles et audives sont sollicitées ainsi que la sortie motrice. La motricité peut être périphérique (joystick, joypad, clavier, souris) ou globale (kinect, Wii). Ils sont symboliques parce que les objets présentés à l’écran ne sont jamais que des images et que les rôles incarnés par le joueurs ne sont jamais que des identifications imaginaires. Aucun joueur n’est totalement identité à son personnage : un joueur sait qu’il n’est pas Sonic ou le Major Spartan John-117. Ils sont sociaux parce que jouer à un jeu vidéo c’est jouer avec quelques uns et contre quelques autres. Les joueurs négocient et élaborent ensemble ce qu’est être un bon joueur au sens de joueur compétent, mais aussi du “fair-play et produisent une culture du jeu vidéo.

Un autre aspect du jeu est qu’il est en relation avec la vie intérieure du joueur. Il permet d’exprimer les angoisses du joueur, et il témoigne de conflits et de fantasmes inconscients. Avec le jeu vidéo, les fantaisies de chacun sont guidées par ce qu’autorise le code, mais l’espace reste suffisant pour que les projections de chacun colore l’espace du jeu. Il permet d’explorer des situations nouvelles en incarnant différents personnages ou en explorant différentes tactiques. Camper dans un FPS ou avoir une position défensive dans un STR peut renvoyer à des positions de grande passivité et à une inhibition importante. Lorsque l’espace du jeu est suffisamment maitrisé, il arrive souvent que le joueur se hasarde à d’autres stratégie et donc explore le pole actif de la relation qu’il avait construit avec les autres joueurs ou avec l’ordinateur. Il n’est plus dans une position passive, attendant que la catastrophe arrive mais actif, dynamique, et réagissant aux évènements. Enfin, le jeu donne sens au monde. Il permet de mieux comprendre son environnement immédiat, mais aussi le monde dans son ensemble.

L’addiction aux jeux vidéo est un symptôme du malaise de la civilisation – mais pas celui que vous pensez

jeudi 31 mai 2012 à 11:37

A fur et à mesure que les jeux vidéo sont sortis de leur ghetto culturel, ils ont été l’objet d’inquiétudes de plus en plus vives. Plus les héros des jeux vidéo s’exposaient dans les pages de magazine et sur les écrans de publicité, plus les soupçons se sont accumulés : les jeux vidéo isolent, les jeux vidéo rendent violents, les jeux vidéo sont des paradis artificiels.

D’objet de plaisir, les jeux vidéo sont ainsi devenu des substances toxiques. Ce mouvement a été rendu possible par le fait que la notion de dépendance s’est elle même déplacée au cours de ces dernières décennies. Le concept d’addiction est venu remplacer les usages de substances toxiques et des formes de manies ont été rebaptisées “addictions sans drogues”

Pourtant, l’addiction comporte toujours une part de risque et de transgression qui absente des jeux vidéo. Le “gamer” est une figure beaucoup moins transgressive que celle du “toxico”. Il n’est porté par aucune revendication, il ne met rien en risque. Il est même sur-adapté au regard des exigences de compétition et d’excellence de la société post-moderne.

Les craintes des adultes vis à vis des jeux vidéo sont tiennent au fait que la représentation qu’on les adultes des jeux vidéo dans leur grande majorité infondées. Marc Valleur, addictologue, les appelle “ “demandes” symptômes”. Elles est souvent faussée du fait de l’image que les média donnent du média. Le fossé générationnel contribue également à cette incompréhension.

La mauvaise réputation faite aux jeux vidéo est symptomatique d’autre chose. En effet, au moins depuis l’invention de l’adolescence dans l’après guerre, toutes les générations ont eu à faire avec l’incompréhension entre les jeunes et les vieux. Le Rock and Roll, les bande-dessinées, les comics, le punk, le hip-hop, le skate … ont d’abord été regardé de haut par les adultes, puis moqués avant d’’être intégrées dans la culture.

Les jeux vidéo doivent faire avec un contexte différent. Les adolescents d’aujourd’hui sont en effet face à des adultes  qui vieillissent bien plus lentement que les générations précédentes.  Quels intérêts est ce que les jeune d’aujourd’hui ont ils a prendre de l’âge ? La formation qu’il ont acquise leur est inutile (un tiers des diplômes de 2011 n’a pas trouvé de travail). Les boomers sont installés à des postes de pouvoirs. Leur longévité extraordinaire du fait des  progrès sociaux et médicaux , ne leur donne pas envie de lâcher les commandes au profit des générations suivantes. Autrefois, les conflits s’apaisaient parce que les jeunes prenaient de l’âge, et les vieux étaient occupés a leur travail de trépas. Aujourd’hui, les vieux sont fascinés par des images d’adolescents dans lesquelles les vrais adolescents ne se reconnaissent pas. Le travail de grandir des jeunes en est rendu plus compliqué puisque les idéaux des ainés ne pointent pas vers le futur, mais vers des passés nostalgiques et des images truquées. Les 60s, années de l’adolescence des boomers, semble régner en maitre et le génie du temps présent semble incapable de faire autre chose que de réinventer et revendre encore et encore le même passé.

Aussi, l’addiction aux jeux vidéo est symptôme de toute une génération qui prend insuffisamment en compte les difficultés auxquelles elle est confrontée. Mais la difficulté est moins celle des adolescents que des adultes. Les adolescents expérimentent avec ce que leur donne la culture. Les boomers ont eu le rock and roll et Woodstok. Les adolescents d’aujourd’hui ont GTA et les LAN parties. Les jeux vidéo sont des objets dont les adolescents se servent pour se sentir vrai, traverser les moments de pot-au-noir, et se faire reconnaitre. Ce n’est ni mieux ni pire que ce dont ont disposé les générations précédentes. C’est juste différent. C’est aux adultes de supporter cette tension et de résister aux sirènes de la régression et du narcissisme. C’est à eux de montrer aux adolescent que grandir signifie a terme mourir. Et c’est aussi a eux de le faire d’une façon qui soit utile à tous. Je suis frappé par le fait que dans Left for Dead, les boomers sont des zombies aveuglent les survivants (les joueurs) leur vomissant dessus et meurent dans une explosion qui repousse tout le monde.N’y a t il pas là une allégorie des rapports intergénérationnels actuels ?

Cette différence générationnelle et les incompréhension qu’elle suscite n’est pas problématiques. Elle est source de travail et occasion de transmissions fécondes.Mais il faut d’abord reconnaitre ceci : il est normal  que les adolescents fassent des choses que les adultes ne comprennent pas. Il est souhaitable que les adultes gardent le cap et s’occupent de leurs affaires de grandes personnes. Il est préjudiciable que les loisirs de toute une génération soit pathologisé par le monde des adultes.

Sur l’addiction au jeu vidéo comme ““demande” symptôme”, voir Valleur M. Nouveaux environnements, nouveaux enfants, nouveaux parents, nouveaux symptômes (communication) Brest : Congrès national de la Société Française de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent et des Disciplines Associées (SFFPEA-DA, juin 2006)

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Les jeux video produits de la culture adolescente

mardi 8 mai 2012 à 11:15

Partout, des ruines, des cris, des explosions. Dans mon HUD, des informations tactiques défilent. Certaines me sont essentielles. La plupart me sont connues, et leur familiarité m’est rassurante. “Nouvel objectif. Nouveau connecté. Nouvelles pertes”. Je suis dans un univers connu qui change à tout instant. A tout moment, l’horizon de nouveauté, avec son lot de bonnes et de mauvaises surprises. Et puis cet horizon se transforme à nouveau en choses connues, reconnues et mille fois vue. C’est à la fois une déception, et un soulagement.

Tout le monde court. L’espace n’est que pure terreur. Il n’y a pas véritablement d’espace dans lequel on peut être totalement sauf. Ironiquement, il n’y a que la mort qui offre un moment de répit : pendant quelques secondes, je peux revoir les actions qui ont conduit mon infortune, ou assister aux actions des autres. Même si je suis puissamment armé, j’ai une conscience aigüe de ma faiblesse. A tout moment, je peux être rejeté dans mon lieu de naissance. A tout moment, je peux revivre l’humiliation de retourner au spawn point, et d’avoir à attendre d’être à nouveau pondu dans le monde. A tout moment, je peux rencontrer plus puissant, plus agressif, plus méchant ou plus vicieux que moi. A tout moment, je dois être prêt à détruire ou être tué.

Chacun sait ce qu’il a à faire, et avec un peu de chance et d’esprit de ruche, quelque chose de merveilleux émergera du chaos initial. Les trajectoires initiales s’insèreront dans un immense schéma tactique lisible par tous. Les actions des ennemis seront vaines, car elles seront immédiatement interprétée et combattue par l’intelligence collective qui prendra les mesures efficaces.

La très grande majorité des jeux vidéo déroulent sous ce schéma. Il s’agit de naitre au monde avec certaines qualités, de combattre un adversaire et de le défaire. Les émotions suscitées sont des émotions de base : la peur, la colère, la surprise, la joie en sont les ingrédients de base. Le mépris vis-à-vis des partenaires, toujours suspectés de ne pas être à la hauteur est banal. La tristesse clôt toujours la défaite et la satisfaction n’est jamais totale après la victoire : tant de batailles restent à mener.

Le processus pubertaire

De leur origine à aujourd’hui, les jeux vidéo suivent reprennent des problématiques rencontrées à l’adolescence.

Le processus pubertaire confronte l’adolescent à un processus impossible à contrôler : il ne peut être ni déclenché volontairement, ni accéléré, ni contrôlé. Il ne peut qu’être vécu. Les transformations corporelles fragilisent les bases identitaires et narcissiques. Le corps, compagnon familier depuis toujours, se modifie dramatiquement. Les modifications peuvent être accueillies favorablement si elles sont conformes aux idéaux de la culture, mais elles sont toujours sources de déplaisir et d’angoisse parce qu’elles sont impossibles à maitriser. La vie dans la famille se complique du fait de la réactivation de la problématique œdipienne. Mais contrairement ce qui s’était passé dans l’enfance, les fantasmes ne sont plus aussi bien couverts par le refoulement. Les changements corporels laissent à penser que leur réalisation est possible, ce qui projette l’adolescent en dehors du cercle familial. Les groupes d’adolescents sont une réponse défensive élaborée en réponse aux craintes de dépendance des figures parentales.

Le pubertaire correspond psychiquement à une augmentation sensible de la poussée pulsionnelle. Celle-ci s’exprime sous la forme du plaisir pris dans les blagues scatologiques et sexuelles, les transgressions plus ou moins symboliques, les fantasmatisations agressives et sexuelles. Parfois, la pulsion excède les capacités de penser de l’adolescent, et elle s’exprime sous la forme d’acting : conduites à risques, consommations de toxiques sont alors des moyens d’explorer les limites du possible et pensable.

A l’intérieur des groupes de pairs, les adolescents sont confrontés à deux mouvements antagonistes. Le premier est l’homophilie qui permet de construire le groupe sur la base de similarités. À cette tendance réductrice s’oppose une tendance à créer, maintenir et augmenter les différences à l’intérieur du groupe. La première tendance est un des ingrédients du plaisir à être ensemble mais ce plaisir se paye de renoncement à toute originalité individuelle. La seconde tendance permet les plaisirs de la rivalité et de la compétition mais se fait au risque de la destruction de l’ensemble.

Les jeux vidéo, miroirs du processus pubertaire

Dans les processus qu’ils mettent en œuvre, les jeux vidéo reprennent les éléments clés du développement adolescent. Chapelier (2007) note que les jeux vidéo les jeux vidéo mettent en jeu principalement la compétition (qui renvoi a la rivalité fraternelle ou œdipienne), l’emprise (des êtres humains, du temps), la transgression des lois fondamentales (meurtres, vols…). Ils permettent des décharges pulsionnelles (par micro-motricité et expression verbale). Ils sont un équivalent masturbatoire. Ils réalisent l’accomplissement de la quête du graal (acquérir l’objet de la toute-puissance). Ils sont proches du rêve (dans leur forme mais pas dans leur logique). Ils mettent en jeu la rencontre avec le hasard. Ils sont une forme de plaisir esthétique.

La compétition est au cœur du jeu vidéo, mais elle n’est pas  uniquement tournée vers les autres. Elle est, depuis Space Invaders (Triclot, 2011) une compétition envers soi-même. L’enregistrement méticuleux de toutes les actions du joueurs, et leur présentation sous la forme d’un tableau des réalisations passées à et venir fonctionne comme un surmoi auquel rien n’échappe. Il y a à cette situation au moins deux effets. Le premier est que le joueur se forme une idée précise de ce qu’il a réalisé et de ce qu’il reste à faire. S’agissant d’adolescent, cela est une opportunité, car cela lui donne un objet sur lequel exercer sa maitrise. Le second effet concerne le narcissisme. D’un côté, avoir une représentation de ses actions est un appui important pour le narcissisme. Avoir un effet sur le monde est une des choses et un des plaisirs les plus importants qui soit. De l’autre, la liste des choses qui restent encore à faire peut souvent ne jamais être achevée ce qui provoque au contraire des sentiments d’incapacités.

S’agissant d’emprise, le jeu vidéo est une activité idéale. D’abord parce qu’il ne s’agit pas uniquement d’un objet, mais d’un espace à contrôler parfaitement. Un objet se contrôle de l’extérieur, tandis que les jeux vidéo abaissent la frontière entre le soi et le monde extérieur. La maitrise se fait de l’intérieur. Elle concerne les éléments du décor, les objets mobiles dont il faut connaitre les trajectoires de collision, les alliés et l’adversaire dont il faut connaitre les positions et les capacités, et enfin les éléments de l’interface. La maitrise du dispositif est la clé du plaisir à jouer aux jeux vidéo. C’est elle qui ouvre aux plaisirs de la sensation de flux (Csikszentmihalyi, 1975) et au jeu créatif. Le jeu vidéo excessif, parce qu’il concerne dans la très grande majorité des cas à des personnes encore aux prises avec le processus pubertaire, est à comprendre comme une tentative de trouver un objet sur lequel exercer la pulsion d’emprise.

La décharge pulsionnelle est facilitée par le contexte ludique. Le jeu, par la régression, autorise la traduction dans la vie consciente d’éléments qui sont habituellement réprimés. Dans le jeu libre, toutes les composantes psychiques sont susceptibles de faire l’objet d’une telle libération. Le jeu vidéo est focalisé sur les émotions de base, et laisse peu de place à des émotions ou scénarii fantasmatiques plus riches et complexes comme la sollicitude ou l’empathie. Cette limitation n’est pas celle du jeu vidéo en soi. Les formes littéraires ne sont pas encapsulées dans le livre. La bande dessinée a par ailleurs montré que l’on pouvait sortir du schéma de la quarantaine de pages mis en place par la bande-dessinée franco-belge dans les années 1960. Des jeux comme Heavy Rain (1991) ou Journey et leur succès commercial montrent l’émergence de nouveaux genres, et la présence de nouveaux publics

La plupart des jeux vidéo dramatisent la recherche de l’objet ultime : une bombe qui donne un avantage décisif, une arme surpuissance, une armure qui résiste à tout… L’accès à cet objet est long, pénible, souvent périlleux et le joueur doit souvent faire des choix tactiques. Doit-il miser sur un objet qui va accroitre ses capacités, mais dont l’acquisition est compliquée. Ou doit-il plutôt faire avec ce dont il dispose, le plus souvent en grande quantités, et pour des coûts ridicules. La question est en écho aux fantasmes des adolescents qui craignent et envient les adultes pour tous les pouvoirs (imaginaires et réels) dont ils disposent. L’adolescent doit lui aussi faire des choix au jour le jour pour décider s’il s’engage dans un travail long et difficile de transformation de soi ou s’il fait avec ce qu’il a. Le plus souvent, il ne fait pas de choix. Il s’engage dans les transformations que lui impose la puberté, tandis qu’il garde le bénéfice que les fixations et les régressions infantiles lui apportent.

Le rapprochement du jeu et du rêve a été noté par Evelyn Esther-Gabriel (1999), Michael Stora (2009), Yann Leroux (2008). Le rêve et le jeu vidéo ont en commun d’être des images et de scénariser des désirs. Le rêve n’est pas une expérience close. Il plonge profondément dans le corps du rêveur et dans les imaginaires collectifs. Il est polyphonique (Kaës, 2007) commun et partagé avec plusieurs personnes. C’est par cet aspect que l’on peut rapprocher le rêve et le jeu vidéo. Il s’appuie sur les histoires et les imaginaires des collectifs. Il permet d’articuler les espaces intra et intrapsychiques. Comme le rêve, le jeu vidéo fait flotter une question : qui joue ? Qui pense ? Qui éprouve dans le jeu vidéo ? Est-ce le joueur ? Ou est ce qui le représente dans l’espace du jeu ? Ou le jeu est –il joué ? Dans le cyberespace ? Dans l’espace psychique du joueur ? Comme le rêve, le jeu vidéo est joué avant d’être raconté a quelqu’un d’autre. Comme le rêve, le jeu vidéo ordonne et organise trois espaces : l’espace corporel-pulsionnel, l’espace intersubjectif et l’espace socioculturel. Ces rapprochements ne sont pas sans poser des questions. Jusqu’à quel point les dispositifs techniques ne nous imposent ils pas des prêts-à-rêver, des prêts-à-imaginer, des prêts-à-penser ? Quelles inceptions est ce que les jeux vidéo sont en train de mettre en place ? Penser-jouer en groupe, est-ce une manière de se décoller des imaginaires collectifs, ou le plus sûr moyen de s’y aliéner ?

La rencontre avec le hasard est une autre manière de mettre au travail les bonnes et les mauvaises surprises du pubertaire. L’adolescence est une période faite de hasards et de nécessités. L’adolescent est sans cesse en train de négocier entre la créativité et la destructivité. Le jeu vidéo est un espace dans lequel le hasard est enfin figurable et peut être même maitrisable. Les cycles de sauvegarde/chargement permettent à la fois de se mettre à l’abri des rigueurs des hasards et de garder en réserve ce que le hasard comme bonne fortune a pu apporter. Tyché et Fortuna se retrouvent dans le même espace. Parce qu’il est un système fermé, le jeu vidéo renferme la promesse d’en contrôler la connaissance et donc de se rendre maitre du hasard.

L’esthétique des jeux vidéo permet aux adolescents de mettre à l’épreuve leurs capacités rhétoriques. Il y a ici une dimension groupale : chacun s’accorde à trouver ce jeu vidéo beau et celui-là laid. En d’autre terme, le processus groupal se forme aussi autour de ce qui est considéré comme idéal vis-à-vis de la beauté. L’adéquation à l’idéal permet l’inclusion ou l’exclusion du groupe des adolescents. Cette dimension groupale n’est possible que parce qu’elle est doublée par une dimension individuelle. En effet, pour tout adolescent, la question esthétique se pose puisque le corps se fait tour à tour sublime et monstrueux. L’appétence de l’adolescent pour l’esthétique n’est pas seulement liée a une question de séduction ou de narcissisme. Elle est connectée au conflit esthétique décrit par Donald Meltzer à propos du nourrisson. Les yeux brillants de la mère, la sureté de ses mains, la densité de son corps le bombardent d’une charge émotionnelle intense le laissent à la fois émerveillé et relativement inquiet : quelle est la source de tant de beauté ? Ce qui est à l’intérieur est-il aussi beau que ce qui est à l’extérieur.

Les jeux vidéo permettent de revivre ces questions au moins de deux façons. La première est qu’ils sont des espace à explorer. La limite entre le dedans et le dehors est suffisamment abaissée pour que l’on puisse jouer avec. Jouer avec un jeu vidéo, c’est passer sans cesse du dedans de l’image à sa surface. Jouer à un jeu vidéo, c’est jouer à pénétrer l’enveloppe de l’image et à en modifier le contenu. C’est jouir du plaisir d’avoir à la fois une surface d’inscription et un espace contenant.

Les jeux vidéo sont fortement liés aux problématiques de l’adolescence. Il est probable qu’ils jouent aujourd’hui le même rôle que le rock and roll a joué pour la génération des boomers. Ils sont un signe de reconnaissance permettant au groupe d’adolescent de mettre en place des processus d’inclusion et d’exclusion et leurs thèmes traitent de questions qui sont au cœur de la problématique adolescente