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[LECTURE] LE FOURN (2001) Les enfants jouent-ils encore ?

mercredi 10 août 2016 à 10:05

Le Fourn, Jean-Yves.

Le Fourn, Jean-Yves. “Les enfants jouent-ils encore?.” Enfances & Psy 3 (2001): 46-49.

 

Pour les spécialistes de l’enfance, le jeu est un élément essentiel du développement de la personne. Aussi, voir que le temps de jeu est de plus en plus pris par les jeux vidéo amène a se poser la question de leur impact sur le développement des enfants ? S’agit il encore de jeu ? C’est à cette question que repond le pédopsychiatre psychanalyste Jean-Yves Le FOURN dans Les enfants jouent-ils encore  ? publié dans la revue Enfance & Psy

Le texte est organisé en trois parties. La première est la retranscription d’un dialogue avec Sébastien, 13 ans, reçu en psychothérapie pour des fugues scolaires. Sebastien est bloqué dans Tomb Raider 3 ce qui permet à l’auteur d’introduire dans la seconde partie un rapprochement entre les jeux vidéo et les récits mythique.

Persée passe par des épreuves qui sont autant de niveaux. Il affronte et vainc les Grée ce qui lui permet d’aller à la rencontre des Nymphes qui lu offrent des cadeaux qui lui permettront de vaincre la Méduse. De la même façon, Lara Croft reçoit des armes pour triompher des monstres qu’elle rencontre. Il y a donc entre les jeux vidéo et les mythes des structures thématiques similaires.

La troisième partie du texte est apporte une réponse à la question “Les enfants jouent-ils [avec les jeux vidéo]” Malgré une hésitation de principe, Le FOURN donne une réponse claire. Avec les jeux vidéo, l’enfant ne rejoue pas. Le plaisir à recommencer est remplacé par le plaisir du “toujours plus”. Alors que le jeu transforme l’angoisse de l’enfant en plaisir (KLEIN), “le jeu vidéo transforme l’angoisse de l’enfant en réussite (impossible) de rencontrer cet Autre, autre que lui-même”

La seconde différence entre le jeu et le jeu vidéo est que l’on ne peut y éprouver le sentiment de perte. On ne peut pas vraiment “jouer sa vie” dans les jeux vidéo.

Le FOURN trouve que les jeux vidéo ont une logique consumériste et individualiste qui les démarque des jeux de société.

Jouer aujourd’hui n’a pas le même sens. Il s’agit plus d’un “passage à l’acte de jouer” : “Même s’ils ont conservé en apparence un aspect ludique, avec ces jeux ont ne joue pas : on met en acte des motions pulsionnelles”

Les jeux vidéo trouvent grâce aux yeux de le FOURN sur un point : “ces jeux peuvent offrir un matériel vivant et actuel pour la psychanalyse, qui saura appréhender le “Réel” à travers leur expérience”

Il est toujours étonnant de voir comment des affirmations sur le jeu vidéo peuvent être données sans aucun fondement. Pour Le FOURN, les jeux vidéo en permettent pas la transformation de l’angoisse en plaisir parce qu’il n’est pas possible de répéter le même jeu; ils sont individualiste et consuméristes et n’ont de jeu que l’apparence.

Pour donner un peu de contexte, en 2001, GTA III, Metal Gear Solid 2, Max Payne ou The Legend of Zelda: Oracle of Seasons and Oracle of Ages étaient les jeux qui tournaient sur Windows 98, la PS 2 ou la XBox. Il est facile pour ceux qui ont joué à ces jeux de se rappeler le nombre de fois ou un niveau a du être repris. C’est une des différences entre le mythe et les jeux vidéo. Persé n’a droit qu’à un seul essai là ou Lara Croft peut reprendre son ouvrage 1000 fois sur le métier. Autrement dit :  “la pratique du jeu vidéo est ainsi partagée entre activité compulsive et mise en sens” (TISSERON, 2001)

Il est difficile de dénier l’aspect consumériste des jeux vidéo qui s’est d’ailleurs accru avec le système des jeux “free to pay” Deux aspects sont à prendre en compte. Le premier est l’idéologie consumériste véhiculée dans l’expérience du jeu. La plupart du temps, le joueur achète avec la monnaie du jeu les objets dont il a besoin. Parce que la richesse a tendance à remplacer la compétence, les enfants peuvent y apprendre cultiver ses aptitudes est une chose secondaire.

Est ce si nouveau ? Après tout, les idéologies de l’automobile ou du capitalisme étaient captées dans des jeux comme 1000 Bornes ou le Monopoly. Tout le monde riait de bon coeur à la violence de la route lorsque qu’une carte “Crevaison” était posée. Le feu rouge n’était pas le signe d’un interdit temporaire mais une frustration intense au désir de rouler le plus vite possible. Le Monopoly est clairement un jeu dans lequel le vainqueur est celui qui possède le plus grand monopole.

Tous les jeux traduisent les idéologies, les conflits et les valeurs de la culture du moment. Les jeux d’aujourd’hui n’échappent pas à la règle. Ils sont une manière par laquelle la culture est transmise aux enfants.

Les jeux vidéo sont ils moins sociaux que les autres ? En 2001, quelques joueurs se retrouvaient dans des MMORPGs comme Anarchy Online dans lesquels la vie sociale est un composant essentiel de l’expérience du jeu. Bien sûr, tous les jeux vidéo ne poussent pas aussi massivement la composante sociale que les MMORPG. Par ailleurs ceux ci concernent généralement peu les enfants. Pour ces derniers, le jeu vidéo est un lanceur de conversations et un signe de reconnaissance. Il y a ceux qui jouent sur GameBoy, ceux qui ont une PS 2 et le clan des Xbox. Échanger sur l’expérience de jeu permet aux enfants de faire reconnaître leurs expériences et leurs statuts sociaux.. S’il existe quelques enfants pour qui le jeu vidéo est un refuge et une barrière aux interactions sociales, pour la majorité le jeu vidéo est un média social. Il l’est même deux fois parce qu’il ajoute à la sociabilité du jeu les possibilités de jeu en ligne.

“Les enfants jouent-ils encore ? Game-Boy et jeux vidéo” donne une idée fausse des jeux vidéo parce qu’il est plein de raccourcis faciles que l’auteur ne se donne jamais la peine d’étayer.

 

[LECTURE] JANDROK (2011) Transfinitude et mort dans les FPS

lundi 8 août 2016 à 06:00
 Jandrok, Thierry.
Jandrok, Thierry. “Transfinitude et mort dans les FPS.” Études sur la mort 1 (2011): 39-50.

Pour JANDROK, le jeu vidéo est une activité aliénante et mortifère.

JANDROK décrit l’environnement des FPS comme post-apocalyptique. Dans un monde sale et délabré, un héros combat des monstres qui sont généralement produits par une catastrophe bio-technologique. Alors que les montres sont des dégénérés, le héros est un “homo superior” par son entrainement, son intelligence ou ses gènes.

Pour l’auteur, les FPS se ressemblent tous. Le joueur doit aller plus loin en combattant des monstres de plus en plus puissants en suivant un chemin pré-établit. Il fait erminer la mission, tuer des monstres et résoudre des énigmes. Dans ces jeux, le temps est transfini. JANDROK considère que la répétition des gestes contribue à mettre le joueur en “pilote automatique” dans un monde ou “tout change et rien ne change”. Les FPS sont des mondes de la superficialité  dans lequel l’aventure n’est qu’une “métaphorisation artificielle de la subjectivité derrière le paravent d’une progression métonymique dictée par le code du jeu”. Au fil des heures de jeu, le joueur voit ses capacités de symbolisation décroître.

L’entrée dans le texte m’a été rendu difficile dès la première phrase qui témoigne d’une méconnaissance du sujet traité : “Un jeune homme vient de démarrer un First Person Shooter, ou FPS, tueur à la première personne”. Certes,il est question de mort dans les FPS, mais tous les personnages ne sont pas des tueurs. L’Agent 47 est un tueur patenté. Mais peut-on dire de Master Chief  qu’il est un tueur ?

Le texte se présente ensuite sous la forme d’un immense bloc ce qui  en rend la lecture problématique. Le lecteur peine à trouver les articulations de l’auteur, se fatigue, et a tendance à décrocher. Il faut attendre trois pages pour que la notion annoncée dans le titre soit enfin présentée.

L’auteur semble aimer se compliquer la vie, ce qui malheureusement complique aussi la vie de ses lecteurs. Pourquoi, par exemple,  écrire “son myocarde bat la chamade” alors qu’un simple “son cœur bat la chamade” lui tend les bras ? Ce sont là des péchés véniels mais malheureusement, le texte souffre de défauts encore plus importants

La méthode utilisée n’est pas précisée. S’agit il d’une auto-analyse par l’auteur de ses parties de jeux vidéo ? Si c’est le cas, était-il un novice ou un joueur expérimenté ? Quels étaient ses a priori à propos de ces jeux ? On ne peut que se poser la questions lorsqu’on lit que le joueur de FPS est un être solitaire, au visage blafard vivant entouré de pizza froides

JANDROK s’appuie sur la théorie de Stéphane Lupasco qui définit le transfini comme un entre deux entre le fini et l’infini. Ce transfini peut être retrouvé dans les FPS qui fonctionnent sur le mode d’une vis sans fin. Le joueur répété des gestes, et finit par tomber dans un état de transe. Dans le jeu “tout change et rien ne change” Le texte est une longue charge de l’auteur contre les FPS décrits comme aliénants, mortifères, anti-symbolisants. Le monde de JANDROK est un monde simple dans lequel jouer à un FPS c’est tourner le dos à la poeisis.

L’impression générale est que l’auteur part d’a-priori qu’il ne prend même pas la peine d’étayer. Il est assuré du caractère désymbolisant du jeu vidéo ce qui le conduit même à oublier que si la mort est irréelle dans les jeux vidéo, c’est parce que les jeux vidéo sont d’abord et essentiellement des jeux. Les enfants qui jouent aux cowboys et au indiens doivent ils mourir réellement ? Celui qui fait le mort au bridge doit il être conduit au cimetière ? Trop de choses sont apportées comme des faits alors qu’elles mériteraient d’être discuté. Le lecteur sursaute lorsqu’il lit que “Lorsqu’un sujet tue une créature imaginaire, il détruit, dans le même mouvement psychique, la possibilité que son imaginaire s’en empare, crée quelque chose de nouveau et relance sa dynamique désirante” Tuer en semblant et tuer en pour de vrai seraient donc des équivalents ? C’est un ligne que JANDROK franchit sans hésiter. Je resterai du côté de la réalité.

Un seul contrepoint suffira, puisque l’auteur n’en donne aucun. Si les FPS étaient une telle menace pour la capacité d’imaginer et de penser , les 100 millions de joueurs de Call of Duty qui ont passé  3 millions d’années à tirer 32 billiards de coups de feu auraient laissé des traces, les traumatismes allégués par l’auteur ne seraient ils pas massivement visibles ?

Par les poncifs qu’il accumule et son arrogance, Transfinitude et mort dans les FPS est sans aucun doute un des pire textes de psychologie que j’ai lu sur les FPS

 

[LECTURE] DENOIX THEVENOT (2011) Etude de cas d’un adolescent pris dans les jeux video, mort de la socialisation traditionnelle?

samedi 6 août 2016 à 09:05
Denoix, Sebastian, and Anne Thevenot.

Denoix, Sebastian, and Anne Thevenot. “.” Études sur la mort 1 (2011): 25-38.

A partir d’un cas clinique, DENOIX et THEVENOT reflechissent sur les pratiques excessives des jeux vidéo. Ils font l’hypothèse que dans certains cas, les jeux vidéo peuvent avoir une fonction toxique en remplaçant la sociablilité par une vie sociale virtuelle. Le cas d’un enfant de 15 ans devenu joueur excessif après le départ de la maison d’un grand frère est présenté.

Les auteurs commencent par constater la place de plus en plus importante des jeux vidéo. Les psychologues ont pris acte de cette évolution en réfléchissant sur les risques et les opportunités apportés par ce nouveau média. Les psychologues s’intérrogent sur la nature des jeux vidéo. S’agit il vraiment de jeux puisque les joueurs semblent ne plus être confrontés à leurs corps réels.

Les éléments cliniques sont apportés par la fréquentation d’un des auteurs d’un établissement psychiatrique allemand qui reçoit des joueurs excessif c’est à dire jouant plus de 8 heures par joueur avec un effet négatif sur leurs vies sociales. La plupart des joueurs excessifs jouant aux MMORPG, les auteurs font l’hypothèse qu’une des motivation à jouer est de pouvoir avoir des interactions sociales sans craindre des échecs ou des frustrations. Avec les jeux en ligne, les joueurs basculent vers une “cyborgisation” (D. Le Breton, 2003), ou vers la recherche du plaisir et de la jouissance sans fin.

Les auteurs font l’hypothèse que la pratique excessive des jeux vidéo pourrait chez des personnes fragilisées, déclencher des psychopathologies. Le jeu vidéo et l’identification à l’avatar isolent le joueur, provoquant finalement une “mort sociale”. Le monde du jeu vidéo prend alors la place de l’entourage social du joueur.

La situation de Samuel, 15 ans, est alors discutée. Il s’agit d’un garçon adressé en soin pour des difficultés scolaires liées a un absentéisme.  Il est un joueur excessif depuis le départ de la maison de son frère aîné et  présente des symptômes dépressifs.Pour les auteurs l’absence de reconnaissance de ce que Samuel fait dans le jeu par ses proches est un facteur aggravant qui le conduit à se replier dans le monde virtuel. L’avatar est décrit comme “le dessin moderne d’un fantasme référé à l’image inconsciente du corps” représentant le moi-idéal du joueur. Il donne à Samuel la certitude d’exister par sa fonction antidépressive. Pendant les parties, l’avatar représente une partie que le joueur tente inconsciemment d’intégrer

Qu’en est il de la thèse des auteurs ? Les jeux vidéos sont ils la mort de la socialisation traditionnelle ? Il est évident que les jeux vidéo apportent une autre modalité de socialisation. Sans même penser au très récent phénomène Pokémon GO, les joueurs de jeux vidéo ont toujours créé des communautés à l’intérieur desquelles ils formaient leurs valeurs, leurs mythes et leurs rites. Cette socialisation n’est très généralement pas un danger pour les relations en face à face car les joueurs aiment à se rencontrer dans des conventions comme la BlizzCon. Plus finalement, les jeux vidéo sont un excellent média pour discuter dans les cours de récréation.

Est il possible que dans des cas pathologiques, les jeux vidéo soient dommageable pour la socialisation traditionnelle ? Le cas présenté ne permet pas d’aller dans ce sens car la situation de Samuel devient problèmatique après le départ de son frère. Le texte ne précise pas la qualité de la relation de Samuel à son ainé mais il est possible de faire ll’hypothèse que ce départ l’a privé de soutiens et d’interactions dont il avait besoin. Le fait que le frère ainé ait été lui même un gamer permet de comprendre le mécanisme du jeu excessif : c’est l’identification à son frère qui le maintient des heures devant son écran de jeu. Les parties sont autant de manifestations de l’attachement de Samuel à son frère. Pendant qu’il joue, il ne souffre plus de l’absence de son frère. Il est avec lui et, peut-être, se réapprorpie-t-il les sensations et les pensées de ce frère lorsqu’il jouait aux jeux vidéo et qui lui, plus petit, l’observait ?. Ce n’est pas le temps de jeu qui vide les interactions sociales du joueur. C’est l’absence d’interactions sociales qui remplit le temps de jeu

Les auteurs présentent les interactions en ligne comme étant libre des échecs et des frustrations des interactions hors ligne. Pourtant, toute personne ayant joué à un MMORPG ou un jeu vidéo en ligne peut constater à quel point les interactions peuvent y être conflictuels. Il peut être difficile de constituer des groupes de quête ou d’instance. Parfois, ce sont les joueurs qui ont des comportements inappropriés. Par exemple le Tank fonce tête baissée dans l’instance sans se préoccuper de l’état de ses partenaires. J’ai aussi pu constater que parfois le Healer faisait la grêve. Les motifs de conflits et de frustrations sont nombreux et constants  dans les jeux en ligne.

Dans la construction théorique de Serge TISSERON, l’avatar est un représentant de la mère intériorisée. Mais ile est possible que le joueur se situe a l’autre pole de la relation en jouant le rôle de l’imago maternelle. C’est cet aspect de DENOIX et THEVENOT explorent lorsqu’ils affirment que l’avatar n’apporte pas au joueur la certitude mais au contraire “sans les actes et la persévérance du joueur, l’idéalisation virtuelle ne tient pas et risque d’être anéantie par les risque du jeu vidéo même”. Le joueur peut être une mère “suffisament bonne” en veillant à ce que rien de facheux n’arrive à son avatar-enfant. Il peut aussi explorer les aspects agressifs ou abandonnique de la relation en plongeant l’avatar dans les plus grands dangers ou en l’abandonnant.

La relation qui unit les deux pôles de la dyade numérique peut alors être précisée. Le joueur et son avatar constituent un parce narcissique. Trois situations peuvent êtré décites. Dans la première, le joueur et l’avatar satisfont un fantasme de suffisance dans la complicité (“ensemble nous suffisons, et n’avons besoin de personne”). La seconde situation correspond à un fantasme de toute puissance dans l’unité (“Ensemble et soudés, nous triomphe de tout”). Enfin, le fantasme de mort dans la différencation correspond à la troisième situation (“Si me quittes, je me meurs)”

Je pense qu’un des grands intérets des images numériques est qu’elles permettent de figurer l’image inconsciente du corps.  Cet aspect est approché par DENOIX et THEVENOT mais ils s’en éloignent finalement en rattachant l’avatar du moi-idéal. L’image inconsciente du corps est antérieure au stade du miroir qui impose comme représentation de soi une image spéculaire. Mais avant cette étape, l’image de soi peut être visuelle, sonore, cénesthérique, tactile ou un mélange de tout cela. Dans les jeux vidéo, la représentation du joueur est n’est pas que visuelle. Elle est accompagné d’effets sonores et tactiles. Les mouvements et les actions des personnages sont soulignés par de nombreux effets visuels qui se rapprochent des signifiants formels. Les personnages peuvent se transformer à volonté ou sous l’effet des actions de l’environnement. Il n’y a guere que dans un jeu vidéo – ou dans le rêve – qu’il est possible de se transformer en un ours et de redevenir humain ! Les retrouvailles avec les images inconscientes du corps sont un des grands plaisirs des jeux vidéo.

Au final, “Etude d’un cas d’adolescent pris dans les jeux vidéo, mort de la socialisation tranditionnelle ?” n’arrive pas à convaincre de la validité de sa thèse mais comporte de bonnes idées

SOURCES

Racamier, PC. “L’inceste et l’incestuel, les Éditions du collège.” OUVERTURES ET DÉBATS 195 (1995).

Tisseron, Serge. “Jeux vidéo: entre nouvelle culture et séductions de la «dyade numérique».” Psychotropes 15.1 (2009): 21-40.

[LECTURE] TROCCAZ (2001) L’ordinateur dans la pratique de soins: de la chirurgie au soin psychologique assistés par ordinateur

jeudi 4 août 2016 à 07:30
Troccaz, Jocelyne.
Troccaz, Jocelyne. “L’ordinateur dans la pratique de soins: de la chirurgie au soin psychologique assistés par ordinateur.” Champ psychosomatique 2 (2001): 11-24.

Jocelyne TROCCAZ examine comment les pratiques de soin ont intégré l’ordinateur dans les domaines de la chirurgie et de la psychothérapie

“L’ordinateur dans la pratique de soins : de la chirurgie au soin psychologique assistés par ordinateurs” fait partie des oldies but goldies. Il est un des premiers textes qui traite de l’impact du numérique sur les pratiques de soin ce qui permet de mieux percevoir la situation actuelle.

Dans son évaluation du numérique sur les pratique de soin, TROCCAZ prend en compte la réalité virtuelle et la réalité augmentée

La réalité virtuelle est définie comme un “dispositif d’interaction entre l’homme et la machine de manière à donner à l’utilisateur une impression de rpessance dans un univers synthétique dont le modèle est créé et mis à jour au moyen de l’ordinateur”. La réalité augmentée “consiste à visualiser dans l’environnement réel des objets modélisés dans l’ordinateur sans couper l’utilisateur de la réalité qui l’environne”

En médecine, la réalité virtuelle est utilisée en formation. Dans le cadre de la pratique médicale, la réalité augmentée est davantage utilisée. Elle permet d’assister le geste chirurgicale projetant des informations dans le champ visuel du praticien.

Dans le domaine du soin assisté par ordinateur, la réalité virtuelle a trouvé des applications thérapeutiques, diagnostiques et de soutien. La réalité virtuelle est utilisée pour désensibiliser des patients phobiques ou modifier l’image du corps de patients présentant des troubles alimentaires. Le diagnostic est facilité lorsque la réalité virtuelle est utilisée comme un dispositif projectif. Enfin, la réalité virtuelle est un soutient utile pour faciliter les soins ou pallier aux difficultés du patient

Le développement d’Internet a apporté aux psychothérapeutes de nouvelles modalités d’intervention à distance. Pour TROCCAZ, les modalités de communication synchrone et asynchrone peuvent être utilisés dans le cadre d’une psychothérapie. Mais elle insiste sur le fait que l’absence de contact visuel et sonore compliquent les modalités d’échange. Cependant, la particularité même des échanges sur Internet qui sont entre l’écrit et l’oral créent un espace intermédiaire propice à l’expression de l’inconscient.

L’analyse de TROCCAZ fait apparaître trois dimensions du virtuel. Dans le domaine médical, le virtuel produit par l’ordinateur permet de faire apparaître des structures dans le champ perceptif du chirurgien ou lui faire sentir la trajectoire à suivre pour exécuter le bon geste opératoire. Dans le domaine du soin, le virtuel permet au patient  de se rapprocher ou de s’éloigner d’une sensation pour ne plus en souffrir. Enfin, dans le cas des cyber-thérapies, le virtuel est intersubjectif. L’autre virtuel est ce que chacun construit sur la base des indices transmis par l’ordinateur.

Pour TROCCAZ, Il y a donc différents virtuels qui vont d’une augmentation de la réalité à une mise à distance de la réalité objective pour favoriser l’émergence de la réalité subjective dans sa dimension inconsciente

“L’ordinateur dans la pratique de soins: de la chirurgie au soin psychologique assistés par ordinateur” fait partie des “oldies but goldies” c’est à dire des premiers textes publiés sur les applications numériques dans le domaine de la santé. Il n’a pas vraiment vieilli puisque ce que TROCCAZ décrit se retrouve même un certain éclat du neuf avec le renouveau de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée apportés par l’Occulus rift et Pokémon GO.

Dans le domaine de la formation médicale, la réalité virtuelle a pris de le nom de “jeu sérieux”. ils sont utilisés pour former les professionnels mais aussi pour informer les patients sur leurs maladies et le traitement qu’ils reçoivent.

Le fait qu’un texte de 2001 soit encore d’actualité fait apparaître avec clarté les réticences des psychologues vis à vis du numérique.  Pourquoi des applications en psychologie projective n’ont elles pas été développées ? Ce qui semblait à portée de main en 2001 l’est encore davantage en 2016 ! Techniquement, il est très facile de réaliser le Test du village sur tablette. Cliniquement, cela apporterait d’immenses avantages.. Des applications numériques de psychologie projective serait pourtant intéressantes cliniquement. Plusieurs auteurs ont rapproché l’expérience du numérique de celle du rêve. Cette proximité fait du numérique un espace de choix pour recueillir les mouvements projectifs. Ensuite, les choix et les déplacements de la personne pourraient être enregistrés ce qui en faciliterait l’interprétation par le clinicien. Enfin, , les données pourraient être anonymisées et partagées avec la communautés des psychologues. Pour la recherche et la formation, ce serait un formidable bond en avant.  Toute la psychologie gagnerait se mélanger davantage avec le numérique pourtant ces applications ne voient pas le jour

“L’ordinateur dans la pratique de soins: de la chirurgie au soin psychologique assistés par ordinateur” est un bon texte qui donne un aperçu juste sur l’utilisation du numérique dans les pratiques de soin et une certaine amertume du fait que en 15 ans les psychologues se sont peu investis dans ce domaine.

 

SOURCE

Michael, David R, and Sandra L Chen. Serious games: Games that educate, train, and inform. Muska & Lipman/Premier-Trade, 2005.

[LECTURE] VLACHPOPOULOU et HOUSSIER (2013) Destins du virtuel à l’adolescence

mardi 2 août 2016 à 10:50
Vlachopoulou, Xanthie, and Florian Houssier.
Vlachopoulou, Xanthie, and Florian Houssier. “Les destins du virtuel à l’adolescence.” Recherches en psychanalyse 2 (2013): 178-184.

 

VLACHPOPOULOU et HOUSSIER examinent l’attrait des adolescents pour les mondes numériques. Pour ce faire ils s’appuient sur des données obtenues à partir d’entretiens semi-directifs et de test projectifs. Une distinction entre travail du virtuel et opération est proposée

Pour comprendre l’utilisation et l’attrait des mondes numériques sur les adolescents, les auteurs présentent la situation de deux joueurs excessifs de MMORPG. Ce choix est motivé par le fait que les MMORPG sont présentés comme potentiellement addictogèenes et qu’ils sont un condensé des techniques unitlisés dans les mondes numériques

Le mot virtuel est utilisé dans le sens de “nouvelles technologies” et “potentiel”.  Les auteurs rapprochent le potentiel du virtuel de l’adolescence comme moment ou les potentialités de la personne sont mises a relation avec le futur

VLACHPOPOULOU et HOUSSIER proposent d’aborder les MMORPG sont l’angle de la psychopathologie clinique pour problématiser les effets des mondes virtuels sur le processus adolescent

Deux situations sont présentées. Lucas, 19 ans, est un joueur excessif depuis plusieurs années. Déscolarisé à 16 ans, il a du mal à contrôler pulsionnalité ce qui lui a valu des déboires sur le plan scolaire puis professionnel. Il est décrit comme ayant des assises narcissiques fragile. Le MMORPG est utilisé pour l’enveloppe contenante qu’il apporte. L’écran de jeu permet le contact avec les autres tout en les maintenant à distance. Théo a 18 ans. Il joue aux MMORPG depuis la mort de ses parents. Les MMORPG permet de mettre en scène et d’exprimer une agressivité réprimée liée a la crainte d’avoir détruit l’objet. Pour les deux jeunes hommes, l’utilisation des MMORPG est une manière de gérer l’afflux pulsionnel de l’adolescence. Le

virtuel est pour Lucas un pallier dans la symbolisation de la perte d’objet et des sentiments Pour Théo, les mondes virtuels apportent un étayage par la présence d’objets immanents toujours à sa portée.

Les sensations corporelles du pubertaire trouvent dans la décorporation associée au monde virtuel une issue garantissant un certain équilibre.

Le recours au virtuel est il une manière de maintenir le processus adolescent dans la virtualité ou un passage vers l’âge adulte ? Si l’on suit les cas présentés, les deux options restent ouvertes. Pour Lucas, le jeu excessif semble s’inscrire dans une lutte contre la pression pulsionnelle du monde adolescent.  tandis que pour Théo il s’agit davantage de chercher des élaborations à un deuil réel.

Le processus adolescents n’explique pas à lui seul le jeu excessif.  C’est plutôt son échec ou sa complication du fait d’éléments extérieurs qui est à prendre en compte. Pour intégrer cette dimension, VLACHPOPOULOU et HOUSSIER  proposent de distinguer opération et  travail du virtuel. L’opération du virtuel consiste à remplacer l’objet perdu par l’objet virtuel tandis que le travail du virtuel ouvre un espace qui permet d’approcher l’objet.

Le travail de VLACHPOPOULOU et HOUSSIER est novateur par la méthode utilisée. Une grande partie de la recherche et consisté à classer les joueurs de MMORG d’abord dans des catégories produites par les joueurs eux-même (BARTLE, 1996, YEE, 2006 ) puis en utilisant des tests comme le BIG 5 (JOHNSON, 2010)La psychologie clinique apporte véritablement un plus en s’appuyant sur des données issues d’entretiens et de tests projectifs. Le psychologue peut alors mettre en stéréophonie les deux champs pour en tirer des conclusions. Ils apportent une distinction intéressante entre opération et travail du virtuel

VLACHPOPOULOU et HOUSSIER montrent également que les déterminants du jeu excessif ne sont pas à chercher dans le jeu vidéo lui même mais dans la relation que le joueur construit avec le jeu. Ils apportent des éléments montrant que certaines “dyades numériques” sont plus fécondes que d’autres

Cependant le texte n’élabore pas assez certains aspects.  Les principales critiques que l’on peut lui faire concernent la définition des termes, la rapidité avec laquelle les cas sont présentés, et la bibliographie incomplète. VLACHPOPOULOU et HOUSSIER ne précisent pas les points communs et les différences entre le virtuel et le numérique. S’agit il de la même chose ? Rien n’est moins sûr puisque le virtuel préexiste au numérique.

Les auteurs passent aussi trop rapidement sur la présentation des cas. le lecteur aurait après une formulation clinique qui précise le problème présenté, ainsi les facilitants, déclenchant et maintenant le problème. Sans une telle formulation, la lecture critique des cas et des conclusions tirées par les auteurs est très problématique

Enfin, même si la recherche sur les MMORPG s’est focalisé sur les usages problématiques, il est excessif de dire que la grande majorité des études sur les MMORPG s’est faite sous l’angle de la psychopathologie classificatoire. CORNELIUSSEN et WALKER RETTBERG ont consacré une monographie qui fait autorité sur World of Warcraft en explorant la culture de ce MMORPG ainsi que l’identité et les relations entre le monde du jeu et celui de la réalité. D’autres auteurs comme WILLIAMS et al (2006) se sont focalisés sur la vie sociale en ligne en montrant les interactions entre les joueurs dans les guildes des MMORPG

Une bibliographie plus complète aurait également évité l’oubli d’une référence majeure.Le rapprochement entre l’adolescence et le virtuel a été fait par Serge TISSERON (2004) . Le virtuel comme “puissance”, comme “non actualisé” et comme “refus du corporel” correspondent à l’investissement progressif de l’objet par la poussée pulsionnelle, aux différentes formes de clivage et au refoulement provisoire de certains aspects de la personnalité

Au moment de ma thèse sur les groupe en ligne, j’avais rapproché l’expérience des mondes numériques au travail du rêve. Cette idée reposait sur le travail innovant de John SULER. qui avait donné de nombreux exemples des points communs entre le rêve et le cybersespace. J’avais de mon coté tenté de formaliser ce rapprochement en m’appuyant plus spécifiquement sur la métapsychologie freudienne du rêve. Un aspect m’avait beaucoup frappé sans que je puisse alors l’élaborer davantage : dans le rêve comme dans le cyberespace, l’expérience du corps est assourdie. Elle n’est pas totalement mise de côté – il faut un corps pour agir sur les interfaces – mais elle devient secondaire. La référence de VLACHPOPOULOU et HOUSSIER à la “décorporation” me permet d’avancer un peu plus ma reflexion sur ce point.

L’adolescence est un moment ou le corps a une place particulière parce qu’il est le siège de nouvelles sensations que l’adolescent doit intégrer. Ce n’est pas tant que les émois amoureux et sexuels soient une chose nouvelle. C’est plutôt que leur réalisation devient de plus en plus possible. L’adolescent doit aménager ces élans pour que les comportement qui leur sont associés trouvent une satisfaction compatible avec l’éthique et la morale de sa culture. Les mondes virtuels donnent à ces mouvement de nouveaux objets comme l’indiquent LACHPOPOULOU et HOUSSIER. Mais le mot de décorporation me semble inadapté car il désigne la sortie de l’esprit du corps humain. Or, les joueurs ne vivent pas une telle expérience. Ils ont un corps et ils s’en servent pour jouer.

Comment rendre compte du corps assourdi de la réalité au corps brillant et animé du jeu ? Je pense que la sensorialité de l’un se déverse dans l’autre sur le modèle de la cire perdu. Les mouleurs qui utilisent cette technique font un modèle de cire qu’ils recouvrent d’argile .  Du métal fondu versé par un petit trou fait fondre la cire et occupe sa place. Après refroidissement, le moule d’argile est cassé pour extraire l’objet fondu. De la même façon, la pulsionnalité trop chaude de l’adolescence se déverse dans le moule de l’avatar. Le double ainsi créé peut alors être investi comme une image idéale de soi, ou célébré parce qu’il manifeste la survie de l’objet à la pulsionnalité. Ce que la personne peut avoir d’excessif en terme d’agressivité, de sexualité ou de narcissisme est mis à l’écart dans le moule de l’avatar. Le destin de ce moulage est très variable. Pour certaines personnes, c’est une impasse. Cela semble être le cas de Lucas qui semble condammé à devoir toujours se chercher de nouveaux moules pour contenir ses pulsions. Pour d’autre, c’est une solution de compromis qui ouvre sur un meilleur fonctionnement. Théo correspond à ce cas de figure.

Le déversement dans le moule numérique correspond à ce que VLACHPOPOULOU et HOUSSIER appellent “opération du virtuel” et qui consistent pour eux au remplacement de l’objet (psychique) perdu par l’objet virtuel. Je pense plutot que dans cette opération, l’investissement des deux objets est maintenu. Le travail du virtuel serait alors le processus par lequel des aspects inconscient de la vie psychique – les sensations corporelles, des émotions, des pensées – sont figurées dans les mondes numérique de la même façon que le travail du rêve met en image des aspects de la vie inconsciente du rêve.

 

Le destin du virtuel à l’adolescence de VLACHPOPOULOU et HOUSSIER présente quelques défauts dans la manière dont la réflexion est menée. Cela rest un texte important pour qui s’intéresse à l’application de la théorie psychanalytique aux mondes numériques

 

SOURCES :

Bartle, Richard. “Hearts, clubs, diamonds, spades: Players who suit MUDs.” Journal of MUD research 1.1 (1996): 19.

Corneliussen, Hilde, and Jill Walker Rettberg. Digital culture, play, and identity: A World of Warcraft reader. MIT Press, 2008

Johnson, Daniel, and John Gardner. “Personality, motivation and video games.” Proceedings of the 22nd Conference of the Computer-Human Interaction Special Interest Group of Australia on Computer-Human Interaction 22 Nov. 2010: 276-279.

Lin, Long-Yi. “The relationship of consumer personality trait, brand personality and brand loyalty: an empirical study of toys and video games buyers.” Journal of Product & Brand Management 19.1 (2010): 4-17.

Tisseron, Serge. “Le virtuel à l’adolescence, ses mythologies, ses fantasmes et ses usages.” Adolescence 22.1 (2004): 9-23.

Williams, Dmitri et al. “From tree house to barracks the social life of guilds in world of warcraft.” Games and culture 1.4 (2006): 338-361.

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