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[100 MOTS] L’anthropologie

dimanche 6 novembre 2022 à 09:36

L’anthropologie est la discipline qui étude l’être humain passé et actuel. L’anthropologie est classiquement divisée entre une anthropologie culturelle, une anthropologie sociale, une anthropologie linguistique et une anthropologie biologique. Elle compare les sociétés et les cultures tout en étudiant des objets comme “le corps”, “la maladie” ou “le sport. Les jeux vidéo ont suscité l’intérêt des anthropologues parce qu’ils sont des produits de la culture et qu’ils sont joués par des groupes humains qui forment des communautés. De ce point de vue, les jeux vidéo sont des espaces culturels. Les anthropologues ont utilisé l’observation participante, l’interview, la recherche historique ou l’analyse textuelle pour explorer les mondes créés dans et autour des jeux vidéo.

Heather Horst et Daniel Miller ont proposé que l’anthropologie numérique travaille autour des principes suivants : 1) Le numérique a tendance à intensifier la nature dialectique de la culture, 2) l’essor du numérique n’a pas rendu l’humanité plus médiatisée qu’elle ne l’était auparavant ; 3) l’e numérique n’est pas une force globalement homogénéisante, mais se situe dans des contextes locaux et globaux ; 4) le numérique apporte des opportunités d’ouverture et de fermeture ; 5) la culture numérique est matérielle (Horst et Miller, 2020).

Certains anthropologues ont vu dans les jeux vidéo comme de formidables expériences qui permettent de mieux comprendre notre société. Habituellement, les chercheurs ne disposent pas de toute l’information créée par une société, tandis qu’elle est disponible avec les jeux vidéo, de la création du premier personnage à la fermeture des serveurs. La trajectoire totale d’une société, de la formation des premiers groupes a sa disparition en passant par la création des normes sociales, est ainsi disponible.

Les sociétés créées par les joueurs de jeu vidéo peuvent disparaître, mais comme leurs contreparties dans les mondes tangibles, elles laissent des traces qui peuvent faire l’objet d’une archéologie. Le mot de “cyber-archéologie” a été proposé (Jones, 1997) pour étudier les groupes et les objets créés dans les mondes numériques (Harrison, 2009).

Tim Boellstortf a montré que l’installation dans Second Life reconfigure l’identité parce que les expériences qui y sont faites sont toujours en lien avec l’identité dans le monde concret. De son côté, Rodney Harrison s’est intéressé à la manière dont certains objets dans Second Life contribuent à construire des communautés et des lieux de mémoire régulièrement visités par ses habitants (Harrison, 2009).

Les jeux vidéo ne sont pas neurotoxiques

vendredi 4 novembre 2022 à 14:00
J’ai eu ce matin sur RTL un échange avec Sabine Duflo qui affirme que les écrans sont neurotoxiques
Rien dans la littérature ne permet de faire une telle affirmation. Il serait utile que le CoSE m’invite à un webinaire pour que l’on ait le temps de débattre sérieusement de ces questions
Dans la discussion, Sabine Duflo a fait plusieurs affirmations fausses ou contestables
> Les jeux vidéo altérent les fonctions exécutives
C’est faux. Jouer aux jeux vidéo, et plus particulièrement aux FPS comme Fortnite ou Call of Duty AUGMENTE les fonctions exécutives (1) L’effet d’entrainement est si important que des psychologues envisagent de les utiliser pour maintenir le fonctionnement cognitif des personnes agées à un bon niveau
> Les jeux vidéo provoquent des addictions
C’est contesté (2) d’abord parce que l’addiction aux jeux vidéo est construite sur une démarche confirmatoire : les psychologues construisent le trouble de l’addiction aux jeux vidéo sur la base d’une vague ressemblance avec les addictions, parce que le jeu vidéo excessif est plus le symptôme d’un trouble qu’un trouble isolé (3)
> Les joueurs de jeu vidéo présentent des symptomes de manque
C’est faux. Le syndrome de manque n’est pas un symptôme de la définition de l’addiction aux jeux vidéo. C’est d’ailleurs un problème de ce trouble addictif, puisque sa définition ne comporte pas les symptômes cardinaux de l’addiction, à savoir le sevrage et la tolérance
> Les jeux vidéo sont comparables aux jeux d’argent
C’est faux. Les jeux vidéo reposent sur les compétences du joueur ou sur le plaisir de l’exploration. Les jeux d’argent reposent sur le hasard. Connaitre les règles, la probabilité n’augmentent pas les chances de gagner. Connaitre les mécaniques d’un jeu vidéo augmente les chances de succès.
> L’industrie du jeu vidéo développe les même stratégies que l’industrie du tabac
C’est faux. En 1959, la recherche sur le cancer du poumon pouvait affirmer sans l’ombre d’un doute que cette maladie était liée au tabac. La recherche sur les effets des médias est loin d’une telle certitude. Nous disposons d’un grand nombre d’études qui explorent la relation entre les médias et la santé mentale, mais il est difficile d’en tirer une conclusion tant elles varient dans leurs qualités – beaucoup sont proches des sondages d’opinion, et dans les populations étudiées- il s’agit parfois d’adolescents, parfois d’adultes. Lorsqu’une relation est trouvée entre l’utilisation des médias sociaux et la santé mentale, elle est faible et curvilinéaire : des problèmes de santé mentale sont trouvés pour des utilisateurs intensifs et pour des non-utilisateurs. Enfin, les problèmes identifiés par les chercheurs ne sont pas des troubles psychopathologiques, mais des signes qui évoquent ces troubles. On est donc très loin de la relation linéaire tabagisme – cancer du poumon mise en évidence par la recherche médicale dans les années 60

> J’ai un conflit d’intéret avec l’industrie du jeu vidéo
C’est faux.

1) Does video-game playing improve executive function? In: Vanchevsky MA, editor. Frontiers in Cognitive Psychology. Nova Science Publishers, Inc; 2006. pp. 145–161
2) Aarseth, E., Bean, A. M., Boonen, H., Colder Carras, M., Coulson, M., Das, D., … & Haagsma, M. C. (2016). Scholars’ open debate paper on the World Health Organization ICD-11 Gaming Disorder proposal. Journal of Behavioral Addictions, (0), 1-4.
3) Billieux, J., Thorens, G., Khazaal, Y., Zullino, D., Achab, S., & Van der Linden, M. (2015). Problematic involvement in online games: A cluster analytic approach.AComputers in Human Behavior, 43, 242-250.

[100 MOTS] MMORPG

vendredi 21 octobre 2022 à 08:35

Un MMORPG est un jeu de rôle dans lequel le joueur interagit avec l’environnement et d’autres joueurs dans un espace numérique en ligne. Le joueur incarne un personnage qui évolue grâce à des points d’expérience gagnés en effectuant des actions ou des quêtes données par des personnages non-joueurs. Chaque personnage appartient à une race et une classe qui ont chacune des capacités propres. Le background du jeu est généralement celui de l’heroic fantasy. Le joueur affronte ou incarne des orcs, des elfes, des nains ou des trolls. Certains jeux s’appuient sur un imaginaire différent. Par exemple, l’univers d’Eve Online est celui d’un futur lointain ou des Corporations se livrent un combat économique et militaire sans merci. D’autres MMORPG s’appuient sur une Chine imaginaire en mettant en scène des fantômes et des dragons.

L’histoire des MMORPG commence avec ADVENT. En 1976, William CROWTHER transpose sur PDP-10 le jeu Donjon et Dragon (1974) et l’appelle Colossal Caves of Adventure. Le jeu, plus communément appelé ADVENT, est un jeu d’aventure textuel. Les joueurs entrent au clavier leurs commandes (“aller nord”) et lisent sur l’écran le résultat de leurs actions. Il inspire un autre jeu du même type appelé Zork qui ajoute au genre le mode multijoueur.

Les MUDs reprennent l’héritage de ADVENT en ce sens qu’ils sont des jeux textuels. Mais ils s’en différencient parce qu’ils ne sont pas organisés autour de la résolution de problème. Ils rassemblent trop de personnes pour que des puzzles ou des énigmes leur soient proposées. Avec les MUDs l’espace de jeu se confond avec l’espace social formé par les joueurs

A partir de 1985, quelques tentatives de commercialisation sont faites avec des jeux comme MUD1, Shades, Gods, Avalon. Cependant, le coût encore élevé des communications téléphonique empèchent les jeux d’atteindre un succès populaire. De fait, la plupart des joueurs sont des étudiants qui profitent des accès Internet pour joueur. En 1993, une étude sur le traffic Internet montre que 10% des communications du réseau NSFnet est utilisé par les MUDs.

Pendant cette période, les MUDs se diversifient en plusieurs genres. Les MOO sont utilisés dans le domaine de l’éducation, les MUSH sont orientés vers les jeux de rôles et les MUCK sont préférentiellement utilisés par les joueurs qui préfèrent les interactions sociales. 

Alan KLIETZ s’inspire de  ADVENT et de Donjons et Dragon pour écrire son MUD Milieu. Le jeu est rebaptisé Sceptre of Gorht et vendu par GamBit dans six villes américaine. Le jeu disparaît après que Interplay l’a racheté. Mais il ouvre une voie. Contrairement à l’Angleterre, les communications locales sont peu onéreuses aux USA, ce qui permet à ce genre de jeux de se développer. Les  Fournisseurs d’Accès Internet comme AOL proposent ces jeux dans leur offre commerciale. Des Jeux comme NeverWinter Night, GemStone III, Dragon’s Gate ou Federation II sont accessibles contre un paiement à l’heure, puis au mois.

En 1986, Habitat* de Lucasfilm Games fait faire un immense saut qualitatif aux MUDs. Les joueurs sont représentés par des personnages appelés “avatars”. En ligne, les joueurs peuvent effectuer différentes opérations comme échanger, acheter ou vendre des objets.  Habitat était sans doute trop en avance. Il ne rencontre pas le succès attendu et l’éditeur ferme le monde après deux années d’activité. 

À partir des années 1995,  la technologie permet d’afficher des images complexes.  Les MUDs commencent à s’éloigner de leurs racines textuelles pour devenir des espaces graphiques. Avatar est le chaînon entre les MUDs et les MMORPG car les joueurs interagissent dans un monde graphique.   Island of Kesmai (1981) que revient le titre de premier MMORPG même si aux standards d’aujourd’hui, les graphismes sont très limités puisque qu’ils sont formés avec des caractères ASCII. À partir de ce moment, les MMORPG affichent des images de plus en plus complexes. Meridian 51 puis Ultima Online s’imposent successivement comme des titres phares. Ultima Online met en place le paiement mensuel et attire 100.000 joueurs sur ses serveurs. L’afflux de joueurs est tel qu’un nouveau nom est inventé : UO est un jeu de rôle “massivement multijoueur”.

EverQuest est le premier MMORPG en 3D. Il prend la suite de UO à la tête du classement des MMORPG avec plus de 425.000 joueurs.  Asheron Call, Anarchy Online (2001), Dark Age of Camelot ( 2001), Star Wars Galaxies (2003), The Matrix Online (2005), EverQuest II (2004) et surtout World of Warcraft (2004) font des années 2000 les années MMORPG.

Avec les années 2000, les MMORPG deviennent véritablement “massifs”. Le développement d’un jeu peut facilement dépasser les 10 millions de dollars mais les éditeurs se lancent dans l’aventure car les profits peuvent être au rendez-vous. Plusieurs MMORPG sont développés dans la première décade des années 2000 : Dark Age of Camelot  Dark Ages of Camelot (2001), Final Fantasy XI (2002), Everquest II (2004),World of Warcraft (2004), Guild Wars (2005), Dungeons & Dragons Online (2006) et Vanguard (2007),

Avec l’acronyme MMORPG, un standard commence à émerger.  Les joueurs choisissent des personnages parmis différentes races, classes et gagnent des points d’expérience en effectuant des quêtes données par des Personnages Non Joueurs. Les points d’expérience permettent de progresser dans les niveaux de jeu, d’acquérir de nouveaux pouvoirs et de nouvelles compétences. Les joueurs peuvent effectuer ensemble des quêtes ou des raids. Pour ce faire, ils forment des groupes qui vont de 5 à plusieurs dizaines voire même centaines de joueurs. Un groupe est généralement constitué d’un Healer, d’un Tank et de trois DPS. Leur fonction est respectivement de soigner, de contenir les ennemis et de faire des dégâts. Du nouveau contenu est régulièrement ajouté au jeu sous la forme de nouvelles races de personnages, de nouveaux territoires à explorer ou de nouvelles quêtes à faire.

World of Warcraft est un immense succès. Le jeu attire au pic de sa popularité près de 12 millions de joueurs. Il est  est inspiré d’un autre jeu de la compagnie.  Warcraft Orcs vs Humans est un jeu de stratégie en temps réel basé un background d’heroic fantasy qui a rencontré un immense succès. Le MMORPG plonge le joueur dans un riche univers d’actions et d’histoires et le transforme en acteur d’un monde déchiré entre la Horde et l’Alliance. Le jeu devient un phénomène public du fait de faits divers tragiques, de la passion des fans, et d’événements inhabituels.

À la suite du suicide de Shawn WOOLEY devant l’écran d’Everquest, les MMORPG ont été montré du doigt. Sa mère, Elisabeth WOOLEY a accusé Sony Online Entertainement de créer un jeu additif et dangereux. Même si elle a finalement retiré sa plainte devant les tribunaux, l’histoire de Shawn WOOLEY a contribué à construire la légende d’un jeu aussi puissant et destructeur qu’une drogue. Les joueurs eux-mêmes ont contribué à cette construction puisqu’ils appellent leur leur EverCrack

Comme EverQuest avant lui, World of Warcraft sera soupçonné de provoquer une dépendance. Les histoires tragiques de personnes mortes en jouant ou tuées à cause d’une querelle mettant à propos d’objets du jeu sont traduites dans les médias comme un signe d’addiction. Pourtant, à ce jour, l’addiction aux jeux vidéo ne fait l’objet d’aucun consensus chez les psychologues et les psychiatriques. Des autorités professionnelles ont recommandé l’utilisation de l’expression “jeu excessif” et d’abandonner celle d’”addiction aux jeux vidéo”. 

Des événements comme La peste d’Hakkar ont pu attirer l’attention d’un public plus large que celui des joueurs de jeu vidéo. Dans World of Warcraft, Hakkar est un personnage qui fait perdre des points de vie à toute personne qui est proche de lui. Sa “peste” a ravagé la population de World of Warcraft après que des joueurs aient sans le faire exprès, contaminé d’autres joueurs à leur retour dans les capitales.  La contamination de joueur à joueur a été utilisée pour discuter des modèles de la contagion dans le monde réel.

Au delà de la question de l’addiction, les MMORPG ont intéressé les chercheurs pour leurs dynamiques identitaires, symboliques, sociales et économiques.

Parce que chaque joueur incarne un personnage dont les caractéristiques évoluent grâce à ses interactions avec l’environnement et les autres joueurs, les MMORPG ont été décrits comme des laboratoires identitaires.. Lisa NAKAMURA parle par exemple des identités en ligne comme un  “tourisme identitaire”. En incarnant un personnage d’un sexe différent du sien, le joueur peut mieux comprendre les problématiques qui lui correspondent. Jouer à un MMORPG, c’est (se) construire une fiction personnelle en s’appuyant sur l’histoire du jeu.

Les joueurs peuvent s’emparer du jeu pour en faire quelque chose de tout à faire imprévu. Par exemple, dans World of Warcraft, les joueurs ont organisé des Gay Pride pendant lesquelles les ennemis de toujours laissaient les armes de côté pour célébrer la fierté homosexuelle. Les actions des joueurs peuvent aussi déborder l’espace du jeu. Lorsque Blizzard, l’éditeur du jeu World of Warcraft, a tenté d’imposer aux joueurs qu’ils s’identifient par leurs vrais noms, ils ont fait face à une bronca qui les a fait reculer

Les mondes des MMORPG sont des univers complexes avec leurs histoires, leurs économies et leurs systèmes écologiques. Cependant, il ne faut pas les voir comme des univers clos sur eux-mêmes. En effet, ils peuvent traduire des tensions actuelles ou passées du monde réel.. Par exemple, même si le monde de World of Warcraft est celui de l’heroic fantasy, on trouve dans le jeu de nombreuses références à la Première et Seconde Guerre Mondiale. 

Les MMORPG remettent en question l’idée que le jeu est dans “cercle magique” dans lequel la réalité est tenue à distance. Comme le montrent les exemples précédents, ce sont des univers “frictionnels” qui engagent d’autant plus facilement  la réalité passée ou du moment, qu’ils sont saturés symboliquement. Il est donc possible de faire de multiples interprétations des personnages, de leurs histoires ou de l’histoire du monde dans lequel ils vivent

 Les MMORPGS ont été décrits comme des modèles réduits dans lesquels il est possible d’observer comment les joueurs s’organisent pour résoudre des problèmes complexes. En effet, les joueurs doivent souvent arbitrer entre la satisfaction de leurs besoins égoïstes et la préservation d’un bien commun. Lorsqu’ils ne sont pas engagés dans les tâches du jeu, ils l’utilisent comme une plateforme sociale pour bavarder ou flirter Les interactions se font à l’intérieur du jeu, mais aussi dans son entourage. Les joueurs utilisent des dispositifs comme Skype ou Discord pour discuter pendant leurs parties, mais aussi pour garder un lien même lorsqu’ils ne jouent pas. Les interactions dans et en dehors du jeu sont si intimement mélangées qu’il peut être difficile de les différencier

Du fait de la difficulté du jeu et aussi pour le plaisir d’être ensemble,, les joueurs construisent des groupes appelés GUILDES dans lesquels ils trouvent de l’aide, du soutien, ou plus banalement un lieu pour bavarder. Cependant, il ne faut pas exagérer la part sociale des MMORPG. En s’appuyant sur les données extraites d’un serveur de jeu, DUCHENEAUT et YEE montrent que pour la plupart des joueurs, la solitude est une expérience banale dans les MMORPG. Les activités sociales des joueurs de MMORPG sont très probablement surestimées et les GUILDES luttent le plus souvent pour leur survie. Les GUILDES ont généralement une taille inférieure à la taille critique qui leur permettrait de bien fonctionner

En étudiant l’économie des MMORPG, Edward CASTRONOVA montre qu’elle suit des règles comparables à celle du monde réel.  CASTRONOVA insiste sur le fait que les objets peuvent être virtuels, les  joueurs sont réels et fonctionnent comme des acteurs rationnels sur le plan économique

Les MMORPG posent aussi des questions du point de vue de la loi.  En effet, certaines interactions en ligne tombent sur le coup de la loi. C’est le cas par exemple des situations de harcèlement, mais aussi du vol d’objets virtuels. La propriété des objets produits dans le jeu vidéo pose aussi des questions de droit. Cependant, il n’est pas facile de donner des réponses à ces questions du fait que les joueurs et les éditeurs de jeux vidéo peuvent être dans des pays et donc relever de législations différentes 

Les jours fastes des MMORPG semblent maintenant être derrière eux. Même le géant World of Warcraft voit le nombre de ses abonnés diminuer inexorablement. Après avoir culminé à 12 millions de joueurs en 2014, le jeu ne compte plus aujourd’hui 5,5 millions de joueurs. Plusieurs raisons peuvent être données à cette baisse. Tout d’abord, l’offre générale des MMORPG est beaucoup plus importante qu’en 2004. Le site MMORPG.com donne une centaine de MMORG. Parmi ces jeux, beaucoup sont d’une qualité tout à fait honorable et jouable gratuitement. La gratuité et le modèle Free to Play*  sont les autres raisons de la désaffection de World of Warcraft. Pourquoi payer un abonnement alors qu’un jeu comme Lord of The Ring Online ou Star Wars : Knight of the Old Republic offre une expérience de jeu comparable sans avoir à payer d’abonnement ?

[100 MOTS] MODS

lundi 17 octobre 2022 à 15:37

Les mods sont des modifications apportées à un jeu vidéo par un joueur

Les modifications peuvent concerner l’interface du jeu ou le contenu (carte de jeu, skins, nouveaux objets). Certains mods modifient uniquement l’aspect esthétique du jeu tandis que d’autres modifient les sons, les graphiques, l’environnement et même l’histoire. La modification peut être si importante que le mod devient un nouveau jeu à part entière.

On distingue parfois les mods en fonction des altérations du jeu original. Le skinning est le fait de créer textures que le moteur de jeu utilisé pour envelopper les objets. Par exemple, le mod Super Hero permet de jouer a GTA 5 avec les personnages de l’univers de Marvel. Lorsque la modification donne naissance à un nouveau jeu, on parle de “conversion totale”.

Le jeu Counter Strike (1999) est la conversion la plus célèbre de l’histoire du jeu vidéo. Il a été créé par Minh “Gooseman” Le et Jess Cliffe en 1999 à partir du jeu vidéo Half-Life qui était lui même une conversion de Quake II (1997). À la différence de Counter-Strike, half-Life est une aventure commerciale. Les deux programmeurs avaient perçu les opportunités que le moteur de jeu Quake II offrait et ont créé une entreprise, Valve Inc, pour vendre leur produit. 

Les jeux vidéo montrent là l’extrême plasticité de la matière numérique qui peut être altérée a plusieurs reprises sans être altéré. Les mods ont comme effet d’augmenter la durée de vie des jeux vidéo et d’apporter de l’innovation dans une industrie qui sacrifie de plus en plus sa créativité pour sur l’autel de ses profits 

Les modders doivent avoir des compétences techniques. Ils doivent maîtriser les logiciels de traitement d’image et de son, les kits de développement fournis par les éditeurs, et avoir des connaissances avancées sur l’univers du jeu qu’ils modifient.. À partir d’un sondage effectué sur les principaux FPS des années 2002-2004, SCHACCHI (2010) a examiné la production et les motivations des modders. Il montre que la quantité de travail investi dans un mod peut être conséquente puisque les mods les plus joués nécessitent entre 1000 et 39.000 heures de travail. Les motivations des modders sont très diverses. Elles vont du désir de présenter une certaine vision d’un jeu, le plaisir de voir les autres jouer avec ses productions, d’adapter un jeu à une culture donnée  ou de trouver du travail

POOR (2013) ajoute une autre motivation au travail des modders : le sens de la communauté. Les modders ont un sens affirmé de faire partie d’un ensemble qui travaille avec les mêmes valeurs et les même but. Ils ont plaisir à s’entraider pour aplanir les difficultés qu’ils rencontrent dans leur travail. Ils ont tendance à travailler sur plusieurs jeux différents. Son travail permet de préciser un peu plus le portrait des modders. L’âge ne semble pas être une caractéristique discriminante : l’âge moyen est de 31 ans, mais la pyramide des âges s’étend de 13 à 64 ans. Les femmes sont extrêmement peu représentées (4,5%)

La pratique du modding pose des questions de rémunération et de légalité. Le modding est souvent perçu comme un loisir ou un jeu, ce qui complique la rémunération du travail effectué. Les modders ne possèdent pas les droits du code qu’ils modifient. L’éditeur de jeu bénéficie de cette situation : 1) il n’a pas à développer de marque pour les nouveaux produits, 2) la durée de vie du jeu original est augmentée puisque que pour faire fonctionner le mod le jeu original est nécessaire ; 3) les mods renforcent le lien des joueurs avec la marque d’origine;4) l’industrie de jeu dispose d’un pool créatif qui explore et crée de nouvelles tendances gratuitement?; 5) l’industrie repère plus facilement les talents émergents

Le modding bouleverse la séparation établie entre le travail et le loisir. La situation a été qualifiée de “playbour” (travail-jeu) ou le travail et le jeu se confondent. Cependant, si cette situation est bénéfique du côté des éditeurs de jeux vidéo, elle masque une situation de précarité chez les moddeurs. Le fait que le modding soit est une activité volontaire, non rémunérée et appréciée“(TERRANOVA, 2000) ne doit pas masquer que les relations de pouvoir sont en faveur de l’industrie des jeux vidéo. 

[100 MOTS] Motivation

lundi 10 octobre 2022 à 10:20

D’une façon générale, la motivation peut être définie comme l’ensemble des facteurs qui déterminent un comportement. Ces motivations peuvent être biologiques (faim, sexe), résulter des apprentissages passés (téléphone, voiture), être symboliques (argent, récompenses), sociales ou cognitives (intérêt de la découverte)

Richard BARTLE a été un des premiers à s’intéresser aux motivations des joueurs de jeux vidéo. Le modèle qu’il propose est composé de quatre quadrants : les tueurs, les finisseurs (achievers), les explorateurs (explorers) et les socialiseurs (socializers) qui correspondent aux motivations des joueurs.Les Tueurs sont motivés par la compétition et la victoire. Ils aiment gagner, mais ils aiment surtout quand l’autre perd, qu’il manifeste de l’admiration ou du respect et que leur victoire ait autant de publicité possible. Les Finisseurs aiment les défis posés par le jeu. Pour eux, seuls le résultat final compte. Un bon jeu est un jeu terminé intégralement. Les Explorateurs aiment le jeu vidéo pour les explorations qu’il permet tandis que les socialiseurs préfèrent les discussions et les interactions en ligne

Le modèle de BARTLE a été complété par Nick YEE qui retrouve par analyse factorielle 10 composants de la motivation regroupés en trois composantes principales regroupent en trois composantes principales (Réussite, Social et Immersion). La catégorie Réussite correspond a l’avancement dans le jeu, a l’accumulation d’objet et de status. La connaissance des mécaniques du jeu, les plaisirs de l’optimisation, d’analyse et de modélisation font également partie de cette catégorie. Enfin, YEE comprend les défis lancés aux autres joueurs, les provocations et la domination comme appartenant à cette catégorie. Bavarder avec quelque amis, construire des relations, recevoir et donner de l’aide, coopérer avec les autres joueurs sont les principales motivations sociales. Les plaisirs de la découverte, du jeu de rôle, de la customisation d’éléments du jeu et de l’évasion correspondent aux motivations.

Une autre façon d’explorer la motivation dans les jeux vidéo est de partir des besoins psychologiques de base. Dans ce contexte, le chercheur cherche à trouver quels sont les besoins psychologiques satisfaits dans les jeux vidéo. Ainsi, Di LORETO et GOUAÏCH (2010) partent de la liste de besoins psychologiques de MURRAY. ils montrent qu’il est possible de les satisfaire dans les CASUAL GAMES. Les constructions, les collections, l’autonomie, les affiliations, les réussites, les apprentissages effectués dans les jeux sont des manières de satisfaire des besoins matériels, de pouvoir, d’affection, d’ambition, et d’information



RYAN & RIGBY se sont appuyés sur la théorie de l’autodétermination (Deci & Ryan, 1985, 1991) selon laquelle trois besoins psychologiques sont à la base de la motivation humaine. La satisfaction du besoin d’autonomie, du besoin de compétence, ou du besoin d’appartenance sociale produit une sensation de bien-être chez l’individu.

Dans les jeux vidéo, ces besoins peuvent être satisfaits de différentes façons. Le besoin d’autonomie va être satisfait par la liberté donnée aux joueurs, la possibilité de modifier leur environnement, ou encore le fait que leurs actions ont des conséquences dans le monde du jeu. Le besoin de compétence est satisfait par les scores, la difficulté croissante, les feedbacks immédiats. Enfin, le besoin de relation est satisfait par les interactions pendant le jeu.

Ce modèle a l’avantage de prendre en compte les différents types de jeux vidéo. Il a par rapport aux listes de besoins psychologiques une meilleure granularité, car il prend en compte les différents types de jeux vidéo. Par exemple, le besoin d’autonomie est plus facilement satisfait dans un jeu BAC A SABLE puisque la caractéristique de ces jeux est de modifier l’environnement à l’aide de quelques outils, tandis que le besoin de compétence sera plus facilement satisfait par les flux de feedback et les tableaux de résultats des JEUX d’ARCADE. Enfin, les guildes et les canaux de discussion qui sont associés au MMORPG permettent de vivre tout l’éventail de la vie sociale

Shoshannah Tekofsky s’appuie sur un modèle biologique selon lequel chaque individu doit survivre, procréer et prendre soin de sa descendance pour construire un arbre des motivations des joueurs. De la même façon que les organismes vivants sont en compétition pour la survie du plus adapté, les joueurs sont plongés dans un environnement plein de challenges et de défis. Dans ce modèle, lorsque les besoins psychologiques sont satisfaits, le joueur est récompensé par un sentiment de réussite, par la reconnaissance de ses pairs, out simplement par la satisfaction d’avoir fait quelque chose de valable. Le sentiment de réussite est obtenu lorsque le joueur réussit quelque chose. Cette réussite peut impliquer la coopération, la compétition ou de faire quelque chose de dangereux. La reconnaissance est obtenue par le soin donné aux autres, la compétition ou la coopération. Enfin, la satisfaction correspond au plaisir de prendre soin des autres, la coopération et la gestion du danger

OLSON (2010) s’est appuyée sur la méthode du questionnaire pour mettre en avant les motivations des jeunes joueurs. Elle montre que les motivations à jouer aux jeux vidéo sont sociales, émotionnelles, intellectuelles et expressives. Le jeu vidéo est d’abord une occasion de lier des liens ou de prolonger des liens existants par des discussions et des apprentissages. La seconde grande motivation à jouer est émotionnelle. Le jeu vidéo est une occasion d’évacuer de la colère, d’oublier les problèmes du quotidien ou de vivre ce particulier qu’est le FLOW. Enfin, les motivations intellectuelles et expressions renvoient au challenge et à la maîtrise, à la créativité, au jeu avec différente identité, et à la curiosité, la découverte et l’apprentissage. 

Ce travail permet de comprendre que les motivations des joueurs ne sont pas définies une fois pour toutes. Il apporte un peu de souplesse au modèle de BARTLE qui laissait penser qu’un joueur appartenait à jamais à une catégorie. En fait, les motivations des joueurs varient en fonction de l’humeur du moment, de l’environnement, de la personnalité de la personne et de son niveau de développement.