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Le rôle de la dopamine dans le développement du cerveau et son implication dans les jeux vidéo

dimanche 12 mai 2024 à 09:51

Lorsqu’il est question de jeu vidéo, la question de la dopamine entre toujours en jeu. Malheureusement, elle est souvent traitée d’une manière réductrice. La dopamine est présentée comme “l’hormone du plaisir”‘ et son déclenchement pendant les parties de jeu vidéo serait à l’origine d’une addiction aux jeux vidéo. Cependant, le rôle de la dopamine est bien plus important et divers que celui de provoquer du plaisir. La maturation du système dopaminergique est un élément essentiel de l’adolescence, parce que la dopamine influence l’activité du cerveau préfrontal, contribuant ainsi à la régulation de la cognition et des comportements.

 

Motivation et récompense

La dopamine est essentielle dans les systèmes de récompense du cerveau, influençant fortement la motivation. Le développement adéquat du système dopaminergique permet aux individus de percevoir le plaisir et la satisfaction liés aux activités bénéfiques pour leur survie et leur bien-être, comme manger, interagir socialement, ou apprendre de nouvelles compétences. Cela favorise des comportements adaptatifs essentiels pour la survie. les jeux vidéo peuvent être décrits comme des systèmes de récompense et de punition. Faire les bonnes actions est récompensé (bruitage, points d’expérience, passage au niveau suivant) tandis que les mauvaises actions sont punies (perte de points de vie, d’argent, de vie etc.) Ce système de renforcement ou l’incitation à l’exploration de nouveaux environnements et mécanismes stimulent la libération de la dopamine.

 

Humeur et Bien-être

Le système dopaminergique influence considérablement l’humeur. Des dysfonctionnements dans ce système peuvent être liés à des troubles de l’humeur comme la dépression et le trouble bipolaire. Un développement correct permet une meilleure régulation émotionnelle et contribue à un équilibre émotionnel plus stable. Il existe un genre entier de jeu vidéo qui favorisent la relaxation et la détente. Ces “causal games” sont des jeux qui faciles à prendre en main, fun, rapides à jouer et ne posent jamais de défis insurmontables. les “party games”, sont également accessibles, fun, basés sur la convivialité et le dynamisme. La victoire est toujours secondaire au plaisir partagé avec les autres joueurs. Les party games et les casual games engagent probablement le système dopaminergique.

 

Fonctions exécutives

La dopamine joue un rôle clé dans les fonctions exécutives, qui incluent la planification, la prise de décision, la résolution de problèmes, et le contrôle des impulsions. Le développement du système dopaminergique peut améliorer ces fonctions, permettant une meilleure gestion des tâches complexes et un meilleur contrôle comportemental. Tous les jeux vidéo nécessitent de prendre de décisions. Les jeux de stratégie d’action. A chaque instant, le joueur doit faire des choix importants immédiatement ou à long terme. De ce point de vue, les jeux vidéo engagement les fonctions exécutives puisque les joueurs doivent planifier leurs actions, agir, et évaluent les résultats de ces actions.

 

Apprentissage et mémoire

La dopamine est vitale pour l’apprentissage et la mémoire, en particulier pour la consolidation de la mémoire à long terme et l’apprentissage associatif. Elle favorise l’encodage des souvenirs en signalant l’importance ou la nouveauté des informations, ce qui aide à prioriser les ressources cognitives. Il n’existe pas de jeu vidéo qui ne mette en jeu la mémoire. Les joueurs mémorisent la carte des espaces de jeu, les caractéristiques des personnages, des objets utilisés, la synergie entre les différents pouvoirs, le système de niveau, les transformations, l’histoire des personnages…

Dans le cerveau en développement, la dopamine influence la plasticité synaptique, le processus par lequel les connexions entre les neurones sont renforcées ou affaiblies en réponse à l’activité. Ce mécanisme est essentiel pour l’adaptation à l’environnement et pour le développement de réponses comportementales appropriées.

 

 

Dépasser les simplifications

L’activité dopaminergique, particulièrement élevée pendant l’adolescence, est associée à une augmentation de la recherche de sensations et de la prise de risques. Bien que cela puisse augmenter la vulnérabilité aux comportements dangereux, cela favorise également l’exploration et l’apprentissage, des comportements importants pour le développement personnel et social. Jouer aux jeux vidéo nécessite de s’adapter aux changements. Une mécanique de jeu est basée sur cette adaptation. Les jeux vidéo ont une “meta” c’est-à-dire la stratégie optimale à adopter pour remporter une partie, en fonction des règles du jeu, des personnages disponibles, de la carte et des stratégies des autres joueurs… .Cette méta change régulièrement au fil de la mise à jour et des nouveaux contenus. Dans un FPS, l’introduction d’une nouvelle arme peut amener les joueurs à adopter positions spécifiques sur la carte de jeu ou à trouver de nouvelles combinaisons entre les personnages. Les joueurs doivent donc avoir une idée précise de la méta tout en étant capable de changer leurs stratégies lorsque la méta change.

Le développement du système dopaminergique est essentiel pour un fonctionnement psychologique et physiologique optimal, influençant la motivation, l’humeur, l’apprentissage, et la régulation neurobiologique. Des anomalies dans ce développement peuvent conduire à divers troubles neuropsychiatriques, soulignant l’importance de comprendre et de soutenir ce processus pendant les périodes critiques de croissance et au-delà. En ce qui concerne les jeux vidéo, l’apprentissage est une constante. les joueurs doivent sans cesse apprendre de nouvelles compétences, soit parce que la méta a changé, soit parce qu’il est utile d’affiner les apprentissages déjà acquis. Par exemple, la navigation dans l’espace 3D des jeux est une compétence de base que les joueurs doivent maitriser. Mais ils est toujours utile d’avoir les meilleures trajectoires possibles parce que gagner une seconde sur un parcours peut faire la différence entre le succès et l’échec..

On voit donc que l’affirmation “les jeux vidéo sont problématiques parce qu’ils activent le circuit dopaminergique de la récompense, ce qui provoque des addictions” est une simplification abusive. D’une part, la dopamine ne saurait être responsable seule de l’addiction et d’autre part elle joue un rôle dans la régulation de l’humeur, dans les fonctions exécutives, l’apprentissage et la mémoire, la recherche de sensation et les fonctions exécutives. Les interactions entre le système dopaminergique et les jeux vidéo sont complexes et mutimidentisionnelles car elle engangent les mécaniques des jeux, les personnes et les contextes d’utilisation

Les écrans et le sommeil des enfants

vendredi 12 avril 2024 à 09:15

L’impact de l’utilisation des médias électroniques sur le sommeil des enfants a été un sujet d’étude prépondérant dans la recherche contemporaine en pédiatrie et en psychologie du développement. 

Les études menées par Garrison et Christakis montrent une relation notable entre l’utilisation des médias et les perturbations du sommeil chez les enfants d’âge préscolaire. Les chercheurs ont étudié le sommeil des enfants à l’aide du Children’s Sleep Habits Questionnaires et de journaux établis par les parents. Une évaluation quantitative et qualitative de la télévision, de l’ordinateur et des jeux vidéo a ainsi été possible. Une régression statistique a permis d’évaluer l’impact de la durée, des contenus et des co-utilisation sur les difficultés de sommeil. (Garrison et al., 2011)

Pour les auteurs, les problèmes de sommeil sont liés aux médias par trois routes différentes. Tout d’abord, ils retardent le moment de s’endormir puisque l’enfant est occupé à autre chose. Ils sont aussi tendance à augmenter le niveau d’excitation de l’enfant. Enfin, ils peuvent augmenter l’anxiété de l’enfant au moment de se coucher. Il s’ensuit des problèmes de sommeil comme l’augmentation du temps nécessaire à s’endormir, des cauchemars, des réveils nocturnes et des difficultés à s’éveiller. Du côté des médias, les contenus violents, l’utilisation d’un média en fin d’après midi et le fait d’avoir un média dans la chambre est un facteur aggravant. Pour chaque heure supplémentaire de contenu violent , les troubles du sommeil de l’enfant augmentent. Cet effet n’est pas trouvé pour les contenus non violents. 

L’utilisation de médias électroniques, notamment les tablettes, les téléphones portables et les jeux vidéo, a été associée à des retards dans l’heure du coucher et l’endormissement chez les enfants âgés de 0 à 5 ans. Plusieurs études ont trouvé un lien entre l’utilisation de ces appareils avant le coucher et une latence d’endormissement prolongée, ainsi qu’une association entre la présence d’une télévision dans la chambre et des coucher plus tardifs en semaine. Cependant, l’impact de l’utilisation des ordinateurs et de l’Internet sur la latence d’endormissement n’a pas été établi de manière concluante  (Lund et al., 2021)

La qualité du sommeil peut également être affectée, avec des preuves incohérentes concernant les réveils nocturnes et les troubles du sommeil liés à l’usage général des écrans. Une étude d’intervention a démontré que la promotion de contenus prosociaux sur les médias électroniques pouvait réduire les problèmes de sommeil  (Lund et al., 2021)

Concernant la durée du sommeil, il a été constaté que le temps total passé devant un écran était associé à une durée de sommeil plus courte, de même que le visionnage de la télévision et l’utilisation de tablettes ou d’écrans tactiles. Aucune association n’a été trouvée pour l’utilisation des téléphones portables et des jeux vidéo  (Lund et al., 2021)

Une relation complexe

La relation entre le sommeil et les écran reste cependant complexe. Il est tout d’abord inexact d’affirer que ‘une manière générale et uniforme, les écrans nuisent au sommeil. 

Dans une autre étude, les chercheurs ont montré que l’effet des médias sur le sommeil des jeunes enfants pouvait être mitigé après une intervention appropriée. Lorsque les parents remplacent les média violents ou inappropriés à l’âge des enfants par des contenus éducatifs, la qualité et la quantité du sommeil des enfants s’améliore considérablement. Leur travail met en lumière comment des interventions ciblées, encourageant une consommation médiatique qualitative, peuvent réduire les troubles du sommeil en limitant l’exposition à des contenus inappropriés, notamment violents. Ces recherches insistent sur l’importance de la qualité plutôt que de la quantité du contenu médiatique consommé par les enfants (Garrison & Christakis, 2012)

De plus, la revue systématique de travaux de Hale et Guan al’association entre le temps d’écran et les modifications du sommeil, montre des interactions complexes entre le type de contenu, le timing de consommation et le contexte familial?. une conclusion importante de leur revue systématique de la littérature est la relation causale écran – trouble du sommeil n’est pas trouvée par les études. Celles-ci présentent par ailleurs des biais méthodologiques qu’il faut prendre en compte avant de tirer des conclusions (Hale & Guan, 2015)

Voir les écrans uniquement sous un angle négatif ne correspond pas aux résultats de la recherche. Cela est vrai pour le sommeil, mais aussi pour ‘autres aspects de la vie des enfants. . En effet, il a été mis en évidence que dans certains condtions, l’utilisation des écrans pouvait être associé à des aspects positifs pour le développement. Par exemple, le visionnage de contenus éducatifs adaptés à l’âge avec un adulte engagé peut renforcer les compétences cognitives telles que l’attention, la mémoire et la pensée, tout en évitant les inconvénients du visionnage solitaire, tels que l’exposition à des contenus violents ou inappropriés. De plus, des activités d’écran combinées à des jeux créatifs ou actifs, tels que chanter, danser ou répéter des langues, peuvent être bénéfiques (Lund et al., 2021).

Pour les parents et les éducateurs

Les parents et les éducateurs peuvent retenir les éléments suivants

  1. les écrans en soi ne sont pas problématiques
  2. Les contextes d’utilisation et les contenus non adaptés a l’âge de développement de l’enfant peuvent être problématique
  3. Les contenus sur-excitants ou violents avant le coucher sont préjudiciables a l’endormissement et au sommeil
  4. Les adultes doivent privilégier les contenus qui enrichissent les apprentissages des enfants, tout en tolérant certains contenus qui peuvent leur sembler inutile ou “bêtes”
  5. Les adultes doivvent aider les enfants à établir des routines d’endormissement et de veiller à ce que la chambre soit un sanctuaire propice au repos

Observations d’un évaluateur fatigué de Linda Kaye

mercredi 10 avril 2024 à 09:56

Dr. Linda Kaye, es tune experte mondiale de la cyberpsychologie, Elle étudie l’impact des mondes virtuels sur notre comportement et explore le potentiel d’internet pour favoriser le bien-être. Elle est autrice ou co-autrices de plusieurs études majeures dans ce champ. Je mets en ligne cette traduction de son billet “Observateur d’un évaluateur fatigué” parce qu’il souligne des manquements importants de la recherche en cyberpsychologie.

Observations d’un évaluateur fatigué

Comme beaucoup d’universitaires et de chercheurs, je reçois des tonnes de demandes d’évaluation de manuscrits provenant de nombreuses revues différentes. Étant donné ma spécialisation en cyberpsychologie, la majorité d’entre elles portent évidemment sur des sujets relevant de ce domaine. Malheureusement, il y a une abondance écrasante de recherches qui adoptent une vision très étroite et pessimiste des technologies, et donc un grand nombre de documents que l’on me demande d’évaluer suivent un format très similaire :

“L’utilisation problématique de [insérer la plateforme de médias sociaux] et [insérer les variables négatives en matière de santé mentale]”. Dans presque tous les cas, cette recherche pose les mêmes types de problèmes, à tel point que je me dis que je pourrais simplement utiliser les mêmes commentaires chaque fois que je reçois une telle demande.

Je sais que je ne suis pas la seule personne à être fatiguée par ces questions et j’ai donc pensé qu’il était temps d’écrire un article de blog qui identifie ce que je considère comme les problèmes les plus typiques de ce type d’études.

1.    Mauvaise conceptualisation 

L’un des principaux problèmes de la recherche sur la question de l’utilisation “problématique” des technologies sont que les termes sont souvent interchangeables. C’est un sujet que nous avons déjà abordé à propos de la ” dépendance à Internet ” (Ryding & Kaye, 2018), mais les chercheurs, même au sein d’un même manuscrit, sont connus pour faire référence de manière interchangeable à l'” usage problématique “, à la ” dépendance “, à l'” usage excessif ” et à l'” usage pathologique “, qui sont sans doute des concepts différents. Cela n’aide vraiment pas les lecteurs à s’y retrouver dans ce domaine et à comprendre quel est le concept spécifique qui les intéresse et ce qu’il apporte au domaine de la recherche. En outre, cela a également des conséquences sur les mesures utilisées, comme nous le verrons au point 2.

Validité des mesures

  1.   La conceptualisation des concepts de recherche étant fréquemment floue, cela a souvent un impact sur les mesures sélectionnées par les chercheurs. Il est très courant de voir des chercheurs théoriser qu’ils s’intéressent à l'”usage problématique”, mais utiliser ensuite des échelles de dépendance. Le fait de s’assurer que l’on mesure correctement la construction à laquelle on s’intéresse n’est-il pas une leçon de base de la recherche en psychologie ? D’éminents collègues ont récemment écrit sur ce sujet et ont joliment souligné les implications de cette question (Davidson et al., 2022).
  2.   Une question plus générale concernant les concepts de ce domaine de recherche est que l’on peut se demander s’il s’agit ou non de concepts significatifs et valides, bien qu’il existe des outils de mesure qui se sont avérés valides sur le plan psychométrique. Nous avons déjà écrit à ce sujet et démontré qu’il est assez facile de valider une échelle qui mesure un concept totalement absurde tel que la “dépendance à l’égard des amis hors ligne” ((Satchell et al., 2020). Il est intéressant de noter qu’environ deux tiers des personnes présentent cette malheureuse “addiction” en utilisant notre échelle satirique ! En résumé, ce n’est pas parce que vous avez une mesure sophistiquée que ce que vous mesurez est significatif.

Explorer le comportement d’utilisation sans mesurer le comportement

  1.   Un autre problème plus général dans ce domaine est qu’il s’agit d’aspects comportementaux de l’utilisation de la technologie, alors que très peu de recherches prennent réellement des mesures comportementales. Ainsi, malgré l’existence d’une littérature abondante qui adopte l’approche selon laquelle l’utilisation des médias sociaux peut être une dépendance comportementale, très peu de ces recherches prennent des mesures de comportement pour vérifier que c’est bien le cas. Nous avons écrit à ce sujet et noté certaines opportunités que les mesures comportementales pourraient apporter à ce domaine (Ellis et al., 2018).  

Affirmer faussement la causalité

  1.   En termes d’approche méthodologique, la majorité de ces recherches sont transversales, bien que nombre de ces auteurs affirment qu’il existe un lien de causalité entre l’usage dit “problématique” et les variables relatives à la santé mentale. Cela est d’autant plus problématique que c’est ce type de données qui est généralement en première ligne pour nourrir la politique et le débat public sur cette question. Cela semble être largement influencé par une tendance à supposer un déterminisme technologique selon lequel un facteur en cause un autre, et aussi sans reconnaître le fait que ces facteurs existent dans un contexte plus large. Un excellent article publié récemment aborde ce sujet et démontre que lorsque l’on mesure l’utilisation des médias sociaux par rapport à un éventail plus large d’autres facteurs sur les variables de la santé mentale des adolescents, l’effet est quelque peu minuscule ((Panayiotou et al., 2023). De même, d’autres recherches suggèrent qu’il existe des facteurs de risque plus importants pour le bien-être des adolescents que l’utilisation des technologies numériques ((Orben & Przybylski,, 2019). 

Manque de cohérence dans les techniques de notation.

  1.   Ce problème se pose en particulier lorsque les auteurs déterminent des seuils à partir de leurs échelles d'”usage problématique” pour déterminer ce qui est considéré comme problématique et ce qui ne l’est pas. Nous avons récemment écrit à ce sujet et démontré, données à l’appui, les implications de cette question (Connolly et al., 2021). Pour résumer, il existe un ensemble de techniques disponibles à cet effet et celles-ci sont souvent utilisées de manière interchangeable ou appliquées de manière incorrecte. Une technique courante semble être que les auteurs choisissent de ne pas utiliser de seuils du tout et utilisent à la place le score total ou moyen d’une mesure de “l’utilisation problématique” sans aucune analyse de sous-échantillon. Cela est préoccupant, car souvent les scores moyens ou médians de ces échelles sont relativement bas et indiqueraient que les participants n’approuvent pas ou ne sont pas “d’accord” avec les déclarations sur les aspects problématiques de l’utilisation. Pourtant, ces auteurs continuent à faire des déductions sur la manière dont “l’utilisation problématique” est liée à X, Y et Z, ce qui pose un problème conceptuel. 

D’autres pratiques de notation utilisent un critère de classification “polythétique” selon lequel l’utilisation “problématique” est déterminée par la réponse “ni d’accord ni en désaccord” (généralement 3 ou plus sur une échelle de 5 points) à plus de la moitié des questions d’un questionnaire donné (c’est-à-dire que sur un questionnaire de 10 questions évaluées sur une échelle de 5 points, il faudrait répondre “3” à moins six des questions). Une autre approche plus conservatrice est la “notation monothématique”. Cette méthode consiste à classer une personne qui a obtenu un score égal ou supérieur au point médian (par exemple, 3 ou plus sur une échelle de 5 points) pour tous les éléments d’une échelle. Toutefois, le problème persiste dans la mesure où les chercheurs dans ce domaine utilisent les techniques de notation de manière peu cohérente et même lorsque les seuils sont déterminés, aucune analyse de sous-échantillon entre les “utilisateurs problématiques” et les “utilisateurs non problématiques” n’est entreprise, ce qui semble quelque peu étrange. 

Manque de connaissances théoriques

  1.   La recherche dans ce domaine n’offre souvent pas beaucoup d’informations au-delà de l’utilisation en soi pour théoriser les raisons pour lesquelles l’utilisation des médias sociaux, par exemple, pourrait être liée d’une manière ou d’une autre aux résultats en matière de santé mentale. Les mesures de l’utilisation ou de l'”utilisation problématique” sont souvent vagues ou mal définies et ne permettent pas de comprendre ce que, comment ou pourquoi les gens utilisent cette technologie donnée, et donc pourquoi, théoriquement, on devrait s’attendre à ce qu’elle soit liée d’une manière ou d’une autre à des variables de santé mentale. J’ai récemment écrit à ce sujet dans le cadre d’une réflexion plus large sur la mesure dans la recherche sur les médias sociaux (Kaye, 2021).

Analyse documentaire étroite et biaisée

  1.   Enfin, je constate souvent que des concepts tels que la ” dépendance aux médias sociaux ” ou autres sont introduits par les auteurs dans leur manuscrit comme s’il s’agissait d’un concept établi et accepté. C’est loin d’être le cas et il est souvent décevant de constater que les auteurs ne font même pas référence au domaine hautement débattu et volatile dans lequel se situe leur recherche. En tant qu’évaluateur, j’ai l’impression qu’il s’agit, au pire, d’une attitude très partiale et orientée et, au mieux, que cela me fait douter de la capacité des auteurs à évaluer de manière critique la façon dont leur travail s’inscrit dans la littérature existante.

 

J’espère que ce billet trouvera un écho auprès des personnes travaillant dans ce domaine et dans des domaines connexes et qu’il nous incitera à mener des recherches de meilleure qualité pour étudier ces questions fascinantes mais importantes pour la société.

References 

Connolly, T., Atherton, G., Cross, L., & Kaye, L. K. (2021). The Wild West of measurement: Exploring problematic technology use cut off scores and their relation to psychosocial and behavioural outcomes in adolescence. Computers in Human Behavior, 125, e106965. https://doi.org/10.1016/j.chb.2021.106965

Ellis, D. A., Kaye, L. K., Wilcockson, T. D. W., & Ryding, F. C. (2018). Digital Traces of behaviour within addiction: Response to Griffiths (2017). International Journal of Mental Health and Addiction 16 (1), 240-245

Davidson, B. I., Shaw, H., & Ellis, D.A. (2022). Fuzzy Constructs in Technology Usage Scales. Computers in Human Behavior, 133, 107206. https://doi.org/10.1016/j.chb.2022.107206

Kaye, L. K. (2021). Exploring “socialness” in social media. Computers in Human Behavior Reports, 3. 100083. https://doi.org/10.1016/j.chbr.2021.100083

Orben, A., & Przybylski, A. K. (2019). The association between adolescent well-being and digital technology use. Nature Human Behaviour, 3, 173-182

Panayiotou, M., Black, L., Carmichael-Murphy, P., Qualter, P., & Humphrey, N. (2023). Time spent on social media among the least influential factors in adolescent mental health: preliminary results from a panel network analysis. Nature Mental Health 1, 316–326. https://doi.org/10.1038/s44220-023-00063-7

Ryding, F. C., & Kaye, L. K (2018). “Internet Addiction”: A conceptual minefield. International Journal of Mental Health and Addiction 16 (1), 225-232. doi: 10.1007/s11469-017-9811-6

Satchell, L., Fido, D., Harper, C., Shaw, H., Davidson, B. I., Ellis, D. A., Hart, C. M., Jalil, R., Jones, A., Kaye, L. K., Lancaster, G., & Pavetich, M. (2021). Development of an Offline-Friend Addiction Questionnaire (O-FAQ): Are most people really social addicts? Behavior Research Methods, 53, 1097–1106. https://doi.org/10.3758/s13428-020-01462-9

Renforcez les liens familiaux avec Mario Kart

samedi 30 mars 2024 à 08:31

Dans un monde où la technologie et le jeu vidéo occupent une place centrale dans la vie quotidienne des jeunes, il est crucial pour les parents de trouver des moyens d’engager et de comprendre les passions de leurs enfants.

Frederic Berben aux parents d’utiliser le  PASS  Partager, Apprendre, S’intéresser, Solliciter, pour tirer le meilleur des jeux vidéo.

Voici comment cette méthode peut être utilisée avec Mario Kart 8. Les parents pevuent la décliner dans n’importe quel autre jeu. Il est recommandé de choisir le jeu préféré de l’enfant

Partager le plus souvent possible les jeux vidéo avec son enfant. C’est très facile sur console, c’est encore plus riche sur les MMORPG. Il est possible alors de s’amuser avec le potentiel de réorganisation familiale: apprentissage de nouveaux types de liens, changement des hiérarchies, réalisation d’objectifs avec des bénéfices communs partagés, etc…

Les parents peuvent organiser des tournois familiaux de Mario Kart 8 le week-end, où chaque membre de la famille choisit son personnage préféré et compète dans une série de courses. Cela favorise un esprit de compétition amical et permet à toute la famille de partager des moments de rire et de joie. Les courses en équipe, où un parent et un enfant s’allient contre d’autres membres de la famille ou l’IA, peuvent enseigner l’importance du travail d’équipe et de la stratégie commune. Attention ! Gardez en tête que c’est un jeu. Gagner ou perdre, pour vous, n’a aucune importance. Si cela a trop d’importance pour votre enfant, traitez le problème avec tact et empathie.

Apprendre les différentes catégories de jeux vidéo existantes et repérer les jeux auxquels joue l’enfant. 

Les parents peuvent se renseigner sur les différents circuits et personnages disponibles dans Mario Kart 8, ainsi que sur les mécaniques de jeu comme l’usage des objets et les particularités des karts. Cela leur permettrait non seulement de comprendre pourquoi leur enfant apprécie tant ce jeu, mais aussi d’engager des conversations sur les stratégies de course, les circuits préférés, et même les aspects de design des niveaux.

S’intéresser activement aux activités ludiques de son enfant. Discuter avec lui l’air de rien, ne pas le laisser seul dans sa chambre des heures devant son écran, se documenter sur les sorties de nouveaux jeux pour que cela devienne un sujet de discussion en famille.

Les parents peuvent demander à leur enfant de leur montrer ses circuits préférés et pourquoi il les aime, partager des astuces ou des découvertes qu’ils ont faites dans le jeu. Ils peuvent aussi discuter des musiques des circuits ou des graphismes, montrant ainsi un intérêt pour les divers aspects du jeu qui passionnent leur enfant.

Solliciter son enfant pour qu’il fasse découvrir ce qu’il aime dans le jeu. En parler mais surtout s’amuser avec lui. Il n’est pas obligé de montrer que son bulletin de notes, il peut aussi rendre explicite son univers virtuel vidéo. Les parents attentifs découvriront que les jeux vidéo sont souvent moins violents et beaucoup plus complexes qu’ils peuvent l’imaginer. Ils réaliseront que leurs enfants sont très intelligents, voire créatifs (Dofus, Second life,Minecraft…).

Encouragez l’enfant à expliquer les aspects créatifs de Mario Kart 8, comme la personnalisation des karts ou la manière dont chaque course se déroule différemment en fonction des actions des joueurs. Les parents pourraient être surpris par la profondeur de réflexion de leur enfant sur les stratégies de jeu ou par sa capacité à créer des compétitions uniques et amusantes pour toute la famille.

En mettant en pratique ces conseils, vous pouvez non seulement renforcer les liens familiaux à travers le jeu, mais vous encouragez également le développement de compétences sociales, stratégiques et créatives chez votre enfant . Cela démontre l’importance de s’engager activement dans les intérêts de l’enfant et de reconnaître le potentiel positif des jeux vidéo comme outils de croissance et d’apprentissage.

Berben, F. (2014). Les jeux vidéo multijoueurs, une opportunité en thérapie familiale. Thérapie familiale, 35(1), 71-88.

Minecraft et la psychothérapie

vendredi 29 mars 2024 à 11:32

A serene, minimalist landscape inspired by Minecraft, featuring a child avatar standing in a peaceful, colorful blocky environment. The scene includes gentle hills, a clear sky, and a few scattered trees, all rendered in the distinctive pixelated style of Minecraft. This environment conveys a sense of calm and creativity, highlighting the game's potential as a therapeutic tool without any text or letters. Created using: vivid style, HD quality, bright and welcoming colors, with an emphasis on green and blue tones to evoke a calming atmosphere, photorealistic textures within a Minecraft-inspired world, ensuring no text or letters are visible.La pandémie de COVID-19 a bouleversé de nombreux aspects de notre quotidien, notamment dans le domaine des soins de santé mentale pour enfants autistes. Face aux contraintes du confinement et aux nécessités de distanciation sociale, les praticiens ont dû réinventer les modalités de soin et de suivi thérapeutique. Cet article explore comment les technologies numériques, en particulier le jeu vidéo Minecraft, ont été mobilisées pour maintenir et même enrichir l’accompagnement des enfants autistes.

Le numérique au secours de la continuité des soins

Manie-Noëlle Clément et Olivier Duris, respectivement psychiatre et psychologue,  dans leur étude publiée dans Enfances&PSY, mettent en lumière comment une équipe soignante d’un hôpital de jour s’est adaptée au confinement. Le recours à des outils tels que le téléphone, Padlet et Discord a permis de surmonter les obstacles liés à la distance, à la protection des données et au respect de la vie privée. Ces outils numériques ont facilité le maintien d’un lien thérapeutique et éducatif vital entre les enfants, leurs familles et les soignants, en créant des espaces de retrouvailles numériques.

Un hôpital de jour sur un serveur privé Minecraft

L’utilisation de Minecraft en distantiel est précisée dans un autre article publié dans L’Évolution Psychiatrique qui lustre parfaitement la créativité numérique au service de l’innovation thérapeutique. En recréant l’hôpital de jour dans Minecraft, ils ont offert aux jeunes patients un lieu stimulant pour la communication et l’interaction sociale, adapté à leurs besoins spécifiques. Cette approche a non seulement amélioré la dynamique de groupe, mais a également servi de catalyseur pour l’expression individuelle et collective des enfants.

Toutefois, le passage au numérique n’est pas exempt de défis, notamment en termes de confidentialité et de supervision. Malgré ces obstacles, les résultats positifs obtenus témoignent de l’efficacité de ces outils numériques dans le contexte thérapeutique. Ils soulignent l’importance de l’adaptabilité et de l’innovation dans les soins de santé mentale, ouvrant la voie à de futures interventions numériques adaptées aux besoins des enfants autistes.

La pandémie a contraint le secteur de la santé mentale à une réflexion profonde sur les pratiques de soin. Les expériences menées montrent le potentiel significatif des technologies numériques pour enrichir l’accompagnement thérapeutique. À l’ère post-pandémique, il sera crucial de poursuivre cette exploration des outils numériques, en veillant à intégrer les leçons apprises pour améliorer la qualité des soins prodigués aux enfants autistes.

Références

Clément, M. N., & Duris, O. (2020). Journal de bord d’un hôpital de jour en temps de confinement. Translater la contenance institutionnelle: des murs de l’institution aux cadres de nos écrans. Enfances&PSY, 87(3), 101-111.

Duris, O., Labossière, C., Lesage, N., & Carré, G. (2022). Créativité numérique et innovation thérapeutique: recréer un lieu de soin sur Minecraft. L’Évolution Psychiatrique, 87(4), 717-728