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Les enfants de 0 à 2 ans et les écrans. Les questions à (se) poser

lundi 5 mars 2018 à 07:08

A deux ans, le principal challenge développemental de l’enfant est de passer d’une maîtrise sur les choses à une maîtrise sur soi même. Ce passage est facilité fait par des jeux avec des objets et des interactions avec des personnes qui se produisent dans un climat de sécurité et de chaleur. Pendant cette période, les jouets de l’enfant changent qualitativement. Les premières possessions de l’enfant ont pour fonction d’éveiller sa  sensorialité et sa motricité tandis que ceux de la seconde année sont orientés vers les jeux symboliques et les jeux d’exercice.  C’est aussi le moment ou l’enfant apprécie l’expérience apportée par le livre qui lui apporte des situations qui lui permettent de se penser autrement.

Un ensemble de recherches montre que pour les tous-petits, les media rendent un service faible ou inexistant en termes d’aide au développement. Plus l’enfant est petit, plus les écrans sont inutiles. En effet, les enfants ont besoin d’un adulte qui les protège de situations pénibles, les aide à contenir leur expériences et à les transformer en émotions, en mots et en histoires partageables avec d’autres.

 Les enfants de cet âge ont aussi besoin d’intégrer leur sensori-motricité pour avoir une maîtrise suffisante de leur corps et des objets qu’ils manipulent. Dans ce contexte de développement, les écrans sont plus une gêne qu’une aide véritable. En effet, les écrans n’ont pas les qualités appropriées pour aider l’enfant à intégrer leur expérience sensorimotrice et affective. Ils ne sont pas déformables, ne peuvent pas être maltraités, perdus ou abandonnés. L’enfant ne peut pas manipuler sans pitié ces objets comme il le fait avec ses jouets ou son doudou. Cela l’empêche de prendre conscience de l’effet de ses actes et d’en être pleinement responsable ce qui est nuit à la construction de la maîtrise de soi.

Les écrans peuvent  aussi compliquer les moments clés de la journée par les distractions qu’ils apportent. Les repas, ou les moments d’endormissement deviennent alors problématique du fait de la séduction des écrans.. Comment prendre le temps de manger ou de s’endormir lorsqu’il y a des images brillantes et des sons amusants qui attirent l’attention et qui suscitent autant de plaisir ? Parfois, ce n’est pas le plaisir qui détourne l’attention de l’enfant. Parfois, l’enfant utilise un écran non pas pour le plaisir que l’appareil lui apporte mais pour éviter le déplaisir. La situation est encore plus grave car l’enfant utilise l’écran pour contenir l’anxiété qui menace de le déborder dans certaines situations.

La manière dont l’enfant utilise les écrans est riche d’enseignements. Certains enfants sont trop intéressés par les stimulations visuelles ou sonores des écrans et d’autres ne le sont pas assez.  A deux ans, un enfant est capable de désigner du doigt un objet qui l’intéresse pour le montrer à un adulte. Cette capacité met en jeu une bonne intégration sensori motrice et une attention partagée avec l’autre. Autrement dit, les réactions écrans et à leurs  stimulations permet de faire des hypothèses sur le fonctionnement neurologique et sensori-moteur de l’enfant qui devront être explorée par des investigations plus poussées. La manière dont l’enfant réagit lorsque l’écran ne  fonctionne pas est aussi une source d’information intéressante. Enfin, même un très jeune enfant à une compréhension de la manière dont les événements s’enchaînent les uns aux autres. Cette compréhension est elle présente lorsque l’enfant utilise un écran ?

Les écrans ne sont pas sont en soi néfastes pour les enfants. Comme on le voit, ils peuvent être utilisés pour le plaisir qu’ils apportent ou pour se défendre d’une anxiété qui dépasse les capacités de contenance de l’enfant. Un écran peut par ailleurs être un médiateur aussi intéressant qu’un livre pour un moment de complicité partagé. Les tablettes et les ordinateurs ouvrent sur la transmission de la mémoire familiale lorsque l’enfant parcourt un album photographique avec un parent. Enfin, il existe quelques jeux vidéo qui sont adaptés aux très jeunes enfants. Leur design  (des couleurs vives, des formes simples, quelques sons) met le jeu vidéo à la portée de leurs capacités cognitives. L’enfant fait alors l’expérience intéressante qu’il a une action sur le monde. Cependant cette expérience est soutenante si elle est accompagnée et guidée par un adulte.

Les questions suivantes aident à évaluer l’utilisation des écrans par un jeune enfant et sa famille dans le contexte de son développement. Tout investissement excessif des fonctions sensorielles ou défensives des écrans doit amener une action réparatrice de l’entourage de l’enfant.

Pour conclure, entre zéro et deux ans, l’important est d’apprécier si dans leur relation à l’enfant, les parents arrivent à se servir des écrans comme des points d’appuis de leur fonction parentale

Des jeux vidéo pour traiter la dylexie

lundi 26 février 2018 à 07:04

Les jeux vidéo pourraient être utiles pour traiter les troubles de la lecture. Cette affirmation surprenante peut se lire dans un article publié dans Scientific Reports par Alexa ANTZAKA et ses collègues

Ces psychologues de l’Université de San Sebastian et de l’Université de Grenoble ont montré que les jeux d’action augmentent les compétences d’attention visuelles

L’étude porte sur un groupe de 36 personnes sans problème de lecture. 19 d’entre eux ont joué régulièrement à des jeux vidéo d’action puis leur puis leur attention et leur capacité à lire des mots sans significations ont été mesurés. Les personnes qui ont joué régulièrement aux jeux vidéo d’action réussissent mieux que les autres. Pour les chercheurs, si les jeux vidéo d’action entraînent aussi bien les compétences d’attention, c’est parce que leur imprévisibilité oblige les joueur à rester concentrés pour réagir rapidement.

Il y là des pistes de travail intéressantes. En effet, ce n’est pas la première fois qu’un lien est fait entre dyslexie, attention visuelle et jeux vidéo d’action. Dans un article publié dans le journal Current Biology,  Alexa HARRAR et ses collègues avaient montré que les personnes présentant un trouble dyslexique avaient du mal à traiter des stimulis multisensoriels. Cela a été mesuré en leur demandant d’appuyer sur un bouton aussi rapidement que possible lorsqu’il entendait un son, voyaient un flash ou percevaient les deux en même temps. Les personnes dyslexiques avaint alors des vitesses de réaction plus élevés pour les stimulus présentés seuls ce qui était interprété comme une difficulté à passer d’un type d’information à un autre.

A partir de là, Vanessa HARRAR et ses collègues ont proposé  qu’entrainer des personnes dyslexiques à passer rapidement de l’attention visuelle aux stimuli auditifs et inversement – comme dans le cas d’un jeu vidéo, où l’attention est constamment en mouvement – pourrait aussi améliorer la lecture.

La seule difficulté est que les jeux vidéo d’action qui sollicitent le plus l’attention visuelle sont aussi difficilement utilisables dans des situations pédagogiques du fait de leur violence. Mais ce sont aussi les plus excitants et les plus engageants, deux qualités importantes lorsqu’il s’agit de proposer des traitements car jusqu’à présent la plupart des applications développées pour traiter la dyslexie ont une composante éducative qui est généralement associée a de l’ennui par les enfants.

SOURCES

Antzaka, M. Lallier, S. Meyer, J. Diard, M. Carreiras & S. Valdois. ‘Enhancing reading performance through action video games: the role of visual attention span’. Scientific Reports 7, Article number: 14563 (2017) DOI: 10.1038/s41598-017-15119-9

Harrar, V., Tammam, J., Pérez-Bellido, A., Pitt, A., Stein, J., & Spence, C. (2014). Multisensory integration and attention in developmental dyslexia. Current Biology, 24(5), 531-535.

Les écrans ne sont pas une perte de temps

lundi 19 février 2018 à 07:23

Une recherche menée par Killian MULLAN et publiée dans la revue Child Indicators Research montre que le numérique est intimement mélangé aux autres activités de la vie quotidienne.  “Technology and Children’s Screen-Based Activities in the UK: The Story of the Millennium So Far” donne un éclairage nouveau et important sur les activités numériques des enfants anglais âgés de 8 à 18 ans

Cette étude est intéressante parce qu’elle permet de comprendre dans le détail ce que font les enfants avec les objets numériques. Depuis les années 2000, la recherche s’est surtout intéressée aux aspects quantitatifs du phénomène. On a donc compté le temps que les enfants passent devant un écran pour constater qu’il augmentait d’année en année.  Cela a contribué à construire un climat anxiogène autour des écrans. Si les enfants passent autant de temps avec un écran, ou trouveront-ils le temps pour les activités qui leur assurent un bon développement ?

Il est important de noter que la théorie de référence implicite de cette question est celle du remplacement. Selon cette théorie, le temps passé devant un écran est un temps pris sur une autre activité. Cela peut donc être problématique si cette autre activité est importante (apprendre ses devoirs, se faire des amis). L’étude Killian MULLAN dresse un paysage plus complexe. Les activités écraniques se font parallèlement à d’autres activités. Un enfant peut par exemple regarder la télévision et surfer sur Instagram en même temps. Bien sur, il peut aussi faire ses devoirs et suivre des conversations sur Whatsapp.

Selon Killian MULLAN, la moitié du temps passé avec un écran est passé à faire en même temps autre chose.  En d’autres termes, cette étude montre que pour les enfants, la question est moins ceci (non-écran) ou cela (écran) mais comment ceci (non-écran) est rendu possible ou facilité par cela (écran). Cette distribution de l’attention sur plusieurs activités apporte de nouvelles questions. En effet, faire plusieurs choses à la fois ajoute du fun a une activité rébarbative, mais cela se fait au prix d’une dégradation des performance. Les enfants doivent donc apprendre quand le multitâche est possible et quand il est nécessaire de rester focalisé sur une activité.

Killiam MULLAN a mesuré un fait sociologique total : la conversion numérique de notre société. Cette conversion affecte aussi les enfants qui passent par le numérique pour travailler, jouer ou simplement discuter avec des amis. Cela implique le développement de nouvelles compétences comme la capacité à ne pas répondre aux sollicitations des applications pour garder une concentration de bonne qualité mais aussi la capacité de distribuer son attention sur plusieurs écrans lorsque la charge de travail demandée n’est pas importante. En d’autres termes, s’il y a quelque chose à faire avec les enfants, ce n’est pas les éloigner des écrans mais bien plutôt leur apprendre à s’en servir. En somme, les enfants ont besoin d’une littératie numérique.

 

SOURCE

Killian Mullan. Technology and Children’s Screen-Based Activities in the UK: The Story of the Millennium So Far, Child Indicators Research (2017). DOI: 10.1007/s12187-017-9509-0

 

Pas d’écran avant de se coucher pour les jeunes enfants

lundi 12 février 2018 à 07:00

Passer du temps devant un écran avant de se coucher est préjudiciable a la qualité du sommeil des jeunes enfants .  Jessica MOORMAN et ses collègues ont observé que lorsque le temps passé devant un écran est lié a un sommeil plus court et à des siestes plus longues chez des enfants de maternelle.

L’étude a porté sur l’utilisation de la télévision et de l’ordinateur de  278 enfants âgés de 4 ans en moyenne. Les parents ont répondu à un questionnaire sur le sommeil de leurs enfants. Les heures de sommeil, les siestes, la quantité et les moments d’utilisation des média ont ainsi été évalués. Fait intéressant, les chercheurs ont questionné les parents sur l’utilisation frauduleuse des média par les enfants – c’est à dire les enfants qui utilisent un média malgré l’interdiction des parents

La recherche de Jessica MOORMAN et ses collègues confirment des choses déjà connues. Les média ont partie de l’environnement des enfants (13% ont une télévision dans leur chambre et 9% un dispositif de jeu). Elle montre aussi que les enfants fraudeurs sont ceux qui dorment le moins et font des siestes plus longues. Plus les parents utilisent des écrans, plus les enfants ont tendance à avoir un écran entre les mains. Cela montre a quel point les cultures familiales sont à prendre en compte lorsqu’il s’agit de régulation des média.

Ce n’est pas la première fois qu’un lien est fait entre l’utilisation des écrans et le sommeil. Plusieurs études ont fait un lien entre les écrans et une réduction de la qualité et de la quantité de sommeil ce qui conduit à recommander un embargo sur les écrans une heure avant l’endormissement.

Le sommeil est important en général mais il l’est encore plus chez le jeune enfant qui a besoin de 10 à 13 heures de sommeil par nuit. L’altération des cycles de sommeil nuit diminue l’aspect réparateur du sommeil. La mauvaise qualité du sommeil a été associée à des difficultés dans les apprentissages et dans la relation avec les autres enfants.

D’une façon générale, la recommandation en matière de d’écrans pour les jeunes enfants est de les éviter avant de se coucher. Une histoire partagée autour d’un livre aidera l’enfant à passer lentement de la vie diurne consciente a la vie nocturne inconsciente.

 

SOURCE

Jessica D. Moorman et al. Beyond Access and Exposure: Implications of Sneaky Media Use for Preschoolers’ Sleep Behavior, Health Communication (2018). DOI: 10.1080/10410236.2017.1422103

LECTURE BERDOT-TALMIER, L. (2017) Les bébés face aux supports numériques

lundi 5 février 2018 à 07:00

Dans Les bébés face aux supports numériques publié dans la revue Spirale, la psychologue Laurence BERDOT-TALMIER rapporte de manière concise et précise les recherches menées sur les effets des effets des écrans sur les jeunes enfants. La première partie est focalisée sur la télévision tandis que les écrans tactiles sont traités dans une seconde partie. L’intérêt de ce texte qui s’appuie principalement sur le rapport  l’American Academy of Pediatrics (2011) est de présenter les effets des média de manière équilibrée.

Les média affectent positivement et négativement le développpement des jeunes enfants

Laurence BERDOT-TALMIER montre tout d’abord que l’exposition à la télévision est importante – par exemple 16% des enfants de moins de deux ans ont un téléviseur dans leur chambre – et qu’elle est dans certaines conditions associée à des retards de développement

Parce que la recherche sur les écrans tactiles en est encore à ses début, les chercheurs ne disposent pas dans ce domaine du même volume d’études que sur la télévision. Cependant, les premières études sur les écrans tactiles rapportent qu’ils sont utilisés comme outil de régulation comportementale. En effet les parents s’en servent pour maintenir les enfants calmes et occupés. Dans ce contexte, s’il sont utilisés massivement comme baby-sitter, on peut s’attendre à des résultats problématiques pour l’enfant

La télévision a été associé à des résultats positifs parce qu’elle permet aux enfants d’aiguiser leurs habiletés cognitives. Laurence BERDOT-TALMIER rapporte que lorsque les programmes sont adaptés en impliquant l’interaction du jeune spectateur ou lorsque la télévision est un moment de partage et d’échange avec les parents, l’expérience télévisuelle contribue a aider les enfants à mieux comprendre le monde qui les entoure

De leurs coté, les écrans tactiles sont associés a des résultats positifs parce qu’ils sollicitent la sensori-motricité qui est le mode d’interaction privilégié des tout-petits. Mais dans ce domaine, des recherches sont encore a mener pour mieux comprendre les effets de ces média sur les enfants.

Finalement, les parents ont un rôle crucial car ce sont leurs actions qui vont déterminer si les média aident au développement harmonieux de leurs enfants ou s’ils sont un obstacle à ce développement. Je suis tout à fait d’accord avec cette conclusion de Laurence BERDOT-TALMIER qui clôt un texte qui présente de manière équilibrée des résultats de la recherche sur les effets des média dans le développement des enfants en montrant qu’ils ont des aspects positifs et négatif.

Il y a plus d’une théorie pour relier deux faits

Laurence BERDOT-TALMIER s’appuie sur la théorie du remplacement pour expliquer des effets défavorables des média. Selon cette théorie, les média sont des antagonistes au développements des enfants parce qu’ils prennent la place des interactions que les enfants doivent avoir avec des adultes. Par exemple, regarder la télévision remplace des activités comme le jeu, le dessin ou les activités libres. Mais il existe d’autres théories pour expliquer la manière dont les média agissent sur les personnes. Ainsi, la théorie de l’éveil met l’accent sur les réponses physiologiques provoquée par le média. Par exemple, les images violentes d’un  programme de télévision suscitent des réponses corporelles comme l’activation du rythme cardiaque. La répétition a ces images amène peu à peu une désensibilisation à ce qui a provoqué l’excitation ce qui a terme peut être problématique. La théorie de l’apprentissage cognitif de BANDURA affirme les comportements observés dans les média par les enfants sont pris comme des modèles à imiter. La probabilité de l’imitation du comportement est d’autant plus grande que le personnage ou son action sont valorisés. Enfin, la théorie des scripts propose que les enfants construisent des scripts en s’appuyant sur leurs expériences et sur les images de la télévision ou des média. Les enfants intériorisent les scripts qui favorisent ensuite l’expression des comportements qui leur sont liés.

 

Les bébés face aux supports numériques est une bonne introduction à la question complexe des effets des média sur le développement des jeunes enfants. Laurence BERDOT-TALMIER montre que l’attitude des parents est finalement décisive car ces effets dépendent finalement de la manière dont le média est présenté et utilisé avec et par l’enfant