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[LECTURE] Online video game therapy for mental health concerns : a review

dimanche 6 mars 2016 à 18:59

 

 

“Online video game therapy for mental health concerns  : a review” a été publié en 2008 dans l’International Journal of Social Psychiatry.  L’article fait le point sur les pratiques thérapeutiques associées aux jeux vidéo.  Il traduit un tournant important dans la perception des psychothérapeutes ont des jeux vidéo

La thèse des auteurs est sur les jeux vidéo peuvent être utilisés avec intérêt dans le domaine de la santé.  L’article reprend l’histoire de l’utilisation des jeux vidéo par les psychotherapeutes puis il détaillé les domaines dans lesquels les jeux vidéo ont été utilisés.  Une partie est réservée aux thérapies en ligne sans les jeux vidéo.

Les auteurs montrent que la recherche sur les aspects négatifs des jeux vidéo à pendant un temps masqué les éléments positifs que les personnes peuvent tirer de leur relation avec les média. Une conscéquence de cette focalisations que les premières publications des pychothérapeutes sur les jeux vidéo publiées a la fin des années 1980 ont été oubliées. Pour ces psychothérapeutes, les jeux vidéo étaient prometteurs mais leur utilisation dans le cadre de psychothérapies leur semblait llimité du fait d’obstacles techniques humains. A cette époque, les limitations des machines et des programmes soulevaient des difficultés. Du côté des utilisateurs, il fallait un temps d’apprentissage avant de pouvoir utiliser les ordinateurs dans le cadre de psychothérapies.

La situation aujourd’hui est très différente puisque même les enfants ont la litteratie nécessaire pour utiliser les jeux vidéo et les systèmes de visio conférence. La puissance de calcul est maintenant largement suffisante puisque qu’un smartphone a des capacités plus puissantes que les ordinateurs du commerce des années 1980.

La revue aborde les troubles dans lesquels les jeux vidéo sont utilisés. Ceux ci sont aussi différents que les  comportements agressifs,  les troubles anxieux,  les troubles de l’attention,  les troubles lies au spectre autistique,  les troubles lies aux troubles psychotiques.  Les interventions ne concernent pas uniquement les enfants puis es jeux vidéo ont également été utilisés avec succès auprès des personnes âgées.

L’article évoque aussi les thérapies en ligne stricto sensu.  Elles sont  sont situées dans la continuité des interventions par téléphone et des système par reconnaissance vocale qui permettent de faire une première évaluation à distance.  Un jeu comme  Health hero (2000) s’inscrit dans le succès de ces systèmes et à montré son  intérêt pour les patients chroniques

Les auteurs envisagent un futur dans lequel les thérapeutes pourront profiter des possibles d’interaction en ligne avec des solutions comme STARLIGHT world dans lequel les enfants hospitalisés communiquent avec des chats,  des messageries et des forums.  De tels systèmes ont été utilisés avec des enfants dialysés ou des enfants du spectre autistique.  Dans les deux cas,  les effets ont été juges positifs

Trente ans après l’explosion des jeux vidéo,  les thérapeutes disposent avec les jeux vidéo de moyens d’intervention qui leur permet de traiter différents problèmes qui vont de l’hyperactivite à l’autisme en passant par l’anxiété.  Les nouvelles opportunités ouvertes par les MMORPG et les versions en ligne des jeux d’échec et de cartes devraient être explorées.

 

Cette revue est importante parce qu’elle permet de resituer dans le temps les efforts de psychothérapeutes pour utiliser les jeux vidéo. Trop souvent, les jeux vidéo et leur utilisation dans le domaine de la santé sont présentés comme quelque chose de radicalement nouveau. Il n’est est rien. Dès les premiers jeux vidéo, les thérapeutes ont saisi leur potentiel pour une utilisation dans les domaines de la santé et du soin.

Les auteurs ont fait un bon travail en décrivant les critères d’inclusion de leur études, en plaçant le sujet de leur recherche dans le contexte général de la littérature et en discutant l’importance pratique de l’utilisation des jeux vidéo. Le plan clair permet de suivre le raisonnement des auteurs sans difficulté.

D’autres points sont plus problématiques. Les auteurs font comme si tous les jeux vidéo étaient identiques. Or entre un jeu de voiture, un jeu de tir et un jeu de carte, il y a des différences importantes influent sans doute sur la manière dont le psychothérapeute va utiliser le jeu vidéo dans les séances. Les jeux vidéo servant a apporter une information médicale sont également sur le même plan que les jeux vidéo servant a traiter un problème. Enfin, il n’y a pas de différence faite par les auteurs entre les jeux vidéo du commerce dont l’objectif principal est le fun et les jeux vidéo dont l’objectif principal est de traiter un problème.

 

SOURCE : Wilkinson, Nathan, Rebecca P Ang, and Dion H Goh. “Online video game therapy for mental health concerns: a review.” International journal of social psychiatry 54.4 (2008): 370-382.

Le harcèlement en ligne

vendredi 1 mai 2015 à 07:39

Les adolescents et les enfants accèdent à l’Internet sur des supports variés. Les ordinateurs, les consoles de jeu et les téléphones portables leur donnent accès au  réseau. La vie en ligne offre de nouvelles opportunités d’interactions. Si la plupart d’entre elles sont banales, certaines peuvent être sources de problèmes. Parmi les difficultés qu’ils peuvent rencontrer en ligne, le harcèlement en ligne a suscité de plus en plus de recherches.

Le harcèlement en ligne est une agression répétée, délibérée, exécutée avec l’intention de nuire à une personne sur le réseau Internet. L’anonymat, le caractère public des attaques, et le sentiment d’impuissance des victimes sont parfois pris en compte dans les définitions. Il peut prendre la forme d’attaques écrites (textes et/ou images) verbales. Il peut également s’agir de mises à l’écart (exclusion de groupes)  ou de vols d’identité

Le harcèlement a tendance à augmenter avec l’age. Les enfants plus plus agés rapportent plus d’agressions sur le réseau avec des moyens plus divers que les enfants les plus jeunes. Les plus vieux ont également  plus de connaissances sur les moyens de défense, mais ont moins tendance à chercher l’aide des adultes. Au contraire, les plus jeunes se tournent davantage vers les adultes et savent moins se protéger.

Le harcèlement en ligne est relativement fréquent. Il est estimé entre  15  et 40 des adolescents ont été harcelés sur le reseau Internet au moins une fois dans leur vie . Si les moyens utilisés sont récents, le phénonomène n’est cependant pas nouveau. Les situations d’harcèlement et d’agression sont aussi anciennes que l’école et généralement le harcèlement en ligne se produit parallélement à des agressions dans l’espace physique.

Les conséquences peuvent être gravissimes puisque l’on rapproché le harcèlement en lgineà des troubles du comportement , à la dépression ou au suicide . ll existe une relation entre le harcèlement en ligne, l’anxiété et les difficultés scolaires, mais il est difficile de dire si cette relation est une relation de cause à effet.

Les victimes de harcèlement en ligne sont en grande partie des victimes de harcèlement .  Les filles ont été décrites comme étant plus souvent concernées par le harcèlement en ligne, mais ce point n’a pas pu être montré de manière définitive. Les éléments de preuve liant le temps passé en ligne et le volume des publication au harcèlement en ligne sont plus probants.

Le harcèlement en ligne dépend de trois facteurs : le média, la culture de groupe et les acteurs

Il a été noté a plusieurs reprises que la situation de communication sur Internet provoque une libération des comportements agressifs. Le réseau Internet provoque une désinhibition de l’agressivité qui se traduit alors par l’expression sans détours des désirs agressifs et sexuel. Du fait du relatif anonymat de l’Internet, les personnes sont plus difficilement identifiables. Dans ce type de situation, les comportements impulsif, déviants ou violents sont plus facilement produits du fait de la diminution du sentiment de responsabilité Le fait que tous les acteurs voient leur identité altérée sur le réseau augmente d’autant plus la probabilité de comportements déviants.

Cependant, cette explication n’est pas suffisante. La situation de désindividuation peut provoquer des comportements déviants, mais elle peut également favoriser l’ouverture, le partage et l’empathie. De la même façon que deux inconnus dans un train peuvent parler d’aspects privés de leurs vie parce qu’ils sont assurés de ne plus se revoir et qu’il échappent le temps du trajet au contrôle de leurs groupes de référence, les internautes peuvent utiliser le réseau pour faire des confidence, rencontrer des personnes qui partagent leurs expériences les plus intimes, s’essayer à d’autres rôles etc.

Il faut donc pour expliquer le harcèlement en ligne autre choses que le réseau Internet. La culture de groupe est la seconde variable importante. Lorsque l’agression est inscrite comme valeur positive du groupe, le cyberharcèlement a plus de probabilité de se produire. Le mécanisme explicatif est ici l’influence sociale : les acteurs préfèrent se conformer aux normes du normes plutôt que de risquer l’exclusion. Les jeunes qui pensent que beaucoup de leurs amis sont impliqué dans le harcèlement ont tendance à se comporter d’une manière similaire

Enfin, les attentes et les traits de personnalité des individus est également à prendre en compte. Les personnes qui ont tendance à être “pro victime”, c’est à dire celles qui pensent que le harcélement en ligne est inacceptable, que les victimes sont dignes d’intéret et que les défendre est quelque chose de valable, ont tendance à moins harceler les autres sur Internet. Le déterminenant le plus fiable est la croyance des enfants en la capacité des enseignants a mettre fin au cyberharcèlement. Plus cette croyance est forte, plus le harcèlement en ligne est faible

On a également pu montrer que l’empathie jouait un rôle. Les garçons et les filles qui font preuve de peu d’empathie ont tendance a se montrer plus agressifs en ligne.  Il n’est pas rare que les agresseurs soient d’anciens agressés  Le harcèlement a alors le sens d’une vengeance à l’encontre d’un ancien agresseur. Le harcèlement en ligne a été associé a des traits de personnalité narcissiques,  à l’insensibilité, et à la difficulté à exprimer des émotions.

Chronique d’une panique morale autour des images violentes

dimanche 19 avril 2015 à 16:17

Aux USA, le débat sur les effets des images violentes sur les comportements est particulièrement vif. Je donne ici une traduction faite par Eric Primault et moi même d’un article publié dans le HuffPo. Il m’a paru particulièrement important parce qu’il donne une idée de la violence des débats qui ont lieu aux USA dans le domaine de la recherche sur les effets des images violentes. Le billet est signé par Christopher Ferguson, un professeur de psychologie qui a publié de nombreux articles scientifiques dans le domaine des jeux vidéo et de la santé mentale. Il met en évidence de façon convainquante que des chercheurs n’hésitent à avancer des positions sans preuve et ensuite à affirmer qu’ils n’ont jamais fait de telles affirmations. Ferguson démontre le mécanisme et explique en quoi il est problématique. Le texte donne un bon aperçu des ingrédients de la panique morale autour des images violentes.

 

Les films déconseillés aux moins de 13 ans, la violence sociétale et le jeu “Oui je l’ai dit/Non je ne l’ai pas dit” Traduction : Yann Leroux, Éric Primault &Julien Buseyne,

En 2013, des chercheurs de l’Université de l’Ohio et le Annenberg Public Policy Center de l’Université de Pennsylvanie ont publié une étude suggérant une augmentation de la violence par arme à feu au cinéma au cours des 50 dernières années, et particulièrement dans les films PG-13. Alors qu’ils n’avaient aucune preuve factuelle liant ces films à la violence juvénile (pas même une corrélation), ils ont cependant établi un lien direct entre ces phénomènes en affirmant : « les effets de l’exposition à la violence à main armée ne doivent pas être minimisés. La simple présence d’armes dans ces films peuvent augmenter les comportements violents chez les jeunes. »

Sauf que durant les quelques décennies pendant lesquelles la violence par arme est supposée s’être accrue dans les films PG-13, la violence juvénile a diminué de près de 90 %. Cet article constitue un cas d’erreur, comme on en voit régulièrement, où des universitaires non seulement confondent corrélation et causalité… mais se trompent aussi dans la nature de cette corrélation.

Cela n’a pas échappé à d’autres chercheurs de l’Université Villanova et Rutgers, dirigés par Patrick Markey. Markey et ses collègues ont conduit des analyses et n’ont pas pu démontrer une relation entre la violence des films et les homicides et attaques à main armée (ils ont, au contraire, trouvé que les films violents semblent être liés à une diminution de la violence dans la réalité). Villanova/Rutgers en a conclu qu’établir un lien de cause à effet entre la violence dans les médias et la violence sociétale était prématuré, et a mis en garde les chercheurs contre les déclarations établissant un tel lien causal, par exemple celles provenant de l’équipe Ohio/Annenberg.

Il s’agit d’un retournement plutôt direct : une hypothèse est émise (“la violence au cinéma peut être liée à la violence dans la réalité”), puis infirmée par les faits (“Non, ce n’est pas le cas”). Mais ces deux articles sont à l’origine d’un autre genre d’échange, plutôt inhabituel.

Dans la même publication, les membres de l’équipe Ohio/Annenberg ont commenté la nouvelle analyse de Markey et de ses collègues, prétendant que ni eux, ni aucune personne travaillant sur les effets de la violence dans les médias, avaient jamais suggéré que cette violence puisse être liée aux crimes les plus horribles. Cette stratégie de défense inhabituelle a donné toute liberté à Markey, dans la réponse qu’il produisit, de publier une liste de 28 déclarations émanant d’universitaires spécialistes des médias, dont des membres de l’équipe Ohio/Annenberg, faisant le lien entre la violence dans les médias et les événements tragiques tels que les tueries de Columbine ou d’Aurora. Deux de ces extraits étaient par ailleurs tirés de l’article même où ces chercheurs prétendaient ne jamais avoir fait ces rapprochements. Par ailleurs, l’équipe Ohio/Annenberg revendiquait que l’établissement d’un lien de corrélation entre la violence dans les médias et l’agressivité constituait un résultat majeur d’un point de vue médical (une affirmation depuis longtemps rejetée), mais affirmait qu’en revanche, ils n’avaient jamais déclaré que les médias violents représentaient un danger comparable à celui du tabac dans la survenue du cancer du poumon ou à d’autres risques médicaux reconnus. À ceci, l’équipe de Markey a répondu par une nouvelle liste d’extraits où de telles comparaisons sont au contraire établies, dont ce commentaire osé de la part de membres de l’équipe de recherche Ohio/Annenberg : « Il y a au moins six parallèles instructifs à établir entre le lien tabagisme/cancer du poumon et le lien violence dans les médias/agression. »

Il s’agit d’un exemple remarquable d’un problème répandu dans le domaine académique : le phénomène du “je l’ai dit/je ne l’ai pas dit”. Certains chercheurs abusent de cette stratégie et se croient par conséquent libres de tenir des propos exagérés, de manier l’hyperbole, puis de battre en retraite en jouant les victimes lorsque ce comportement leur vaut des critiques de la part d’autres chercheurs. Le plus souvent, ils utilisent des tournures ambiguës à base de conditionnels et de “il est possible que”. Ils peuvent déclarer : « il est possible que le président Obama adore noyer des chatons » ; et lorsque quelqu’un s’en plaint et pointe l’erreur factuelle commise, ils répondent « Hé ! mais… on a dit il est possible que ! » Ce n’est pas qu’un simple problème politique, c’est un  problème culturel très sérieux dans ce domaine de recherche, qui se complaît dans l’hystérie et néglige la prudence et l’objectivité.

On y distingue un autre problème : la tendance à louvoyer autour des faits observables. Dans leur réponse à Markey, et dans une communication d’Annenberg, l’équipe Ohio/Anneberg ignore un ensemble de données indiquant une diminution dans la durée de la violence sociétale, homicides et attaques à main armée confondus, impliquant des jeunes durant les 20 dernières années. Les chercheurs se focalisent plutôt sur la catégorie des blessures par armes. Ils semblent cumuler celles dont les jeunes sont victimes à celles dont ils sont auteurs. Bien évidemment, toutes les blessures ne résultent pas de crimes violents ; beaucoup sont causées par des accidents et des suicides. En outre, qu’un jeune soit victime d’une attaque à main armée ne fait pas de lui un fou de la gâchette. Les données du Bureau of Justice Statistics (voir Table 4) mettent en évidence un déclin significatif des homicides et des attaques à mains armées parmi les jeunes. Il est temps d’arrêter de prétendre autre chose. Pourquoi inférons-nous ces violences chez les jeunes à partir de données sur les blessures alors que nous disposons de données directes à ce sujet ?

La conclusion est qu’il existe peu de preuves soutenant l’hypothèse selon laquelle les films PG-13 provoquent une épidémie de violence parmi les jeunes parce qu’il n’y a pas d’épidémie de violence parmi les jeunes.  En l’absence d’une telle épidémie, quelques chercheurs peuvent être tentés de choisir, un peu rapidement et à leur guise, les données sur la violence sociétale susceptibles de donner plus de poids et de gravité à leurs recherches dans ce domaine. Il est crucial, pour nous, d’infléchir cette tendance et d’encourager les chercheurs à s’appuyer plus sur les données et moins sur les extrapolations ou les parallèles. Ne parlons pas de tabagisme et de cancer du poumon à moins de faire des recherches sur le tabagisme et le cancer du poumon.

Pour le MOOC @Numaddict “l’addiction aux jeux vidéo parait dépassée”

vendredi 27 février 2015 à 15:58

J’ai eu quelques échanges de mail avec des personnes qui se sont occupées du MOOC @ddict?. Il a été un moment question de m’inviter à un débat en juin et puis finalement, le projet a été abandonné. Il apparait en effet aux personnes du MOOC @ddict? que “le débat de l’existence de l’addiction aux [jeux vidéo] parait dépassé”

Je prends cela comme une excellente nouvelle.

En effet, les addictologues vont pouvoir s’occuper d’addiction et laisser les jeux vidéo puisque ceux-ci ne relèvent pas de leur compétence.

J’attends avec  impatience la mise en ligne du texte ou le MOOC @ddict? précisera tout cela, comme ont pu le faire avant lui (entre autres) l’Académie des Sciences, l’Académie de Médecine , l’INSERM ou l’INPES

Les adolescents et l’Internet

mardi 24 février 2015 à 17:35

Les adolescents sont sur l’Internet comme à la maison. Il y trouvent, en effet, de quoi mettre au travail les problématiques spécifiques de l’adolescence. Le cyberespace est un espace dans lequel les identités peuvent être dissoutes et recomposées. Il intéresse les adolescents par ce qu’il est un espace autre, un espace de production de soi, un espace communautaire et un espace d’inscription

Un espace autre

Le cyberespace est un espace psychologique dans lequel les désirs peuvent être satisfaits comme dans le rêve  (Suler, 1996). Selon les zones du cyberspace, il est possible de changer d’apparence, de voler, de se téléporter, ou d’être à plusieurs endroits en même temps. Sherry Turkle a été une des premières a superposer le cyberespace et l’espace transitionnel. Par cette expression, le psychanalyste anglais Donald Winnicott une troisième aire entre l’espace interne et la réalité externe. Dans cet espace, il est possible de jouer, de créer et de rêver, c’est à dire d’avoir une activité de pensée qui ne soit pas écrasée par la réalité externe et le fonctionnement des autres, ni envahie par ses propres désirs. Pour Turkle, le cyberespace permet l’ouverture à l’exploration de soi, c’est quoi elle en fait une sorte de matérialisation du cyberespace.

Ce point de vue a été critiqué par Civin comme trop simpliste. Il rappelle que le cyberespace est aussi un espace ou la perversion ou les processus schizo-paranoides fleurissent au moins aussi facilement que l’invention de soi qui séduisait tant Turkle. La transitionnalité n’est pas une caractéristique intrinsèque de l’Internet. Elle doit être trouvée par l’adolescent dans son utilisation du réseau. Il en reste pas moins que le cyberespace est investit par les adolescents comme un espace particulier. Il a été comparé à un tiers-lieu, c’est-à-dire un espace ou les règles du travail ne s’appliquent plus et les règles de la maison ne s’appliquent pas encore

Un espace de production de soi

Depuis les années 2000, la production de documents et leur publication sur Internet a été grandement facilité. Il n’est plus nécessaire de connaitre le langage HTML ni même de comprendre le fonctionnement du réseau Internet pour mettre un contenu en ligne, ou le partager avec d’autres. Des plates formes comme Tumblr permettent de créer en quelques clics des blogs et de joindre des communautés très actives. Par ailleurs, la baisse du coût des smartphones les a mis a la portée des adolescents. Ils sont su alors profiter de ses affordances en prenant des photographies et en les partageant sur le réseau Internet

Les espaces investis par les adolescents et les interactions qu’il y ont contribuent au travail de narration de soi. Cette narration peut être totalement inventée, comme lorsque l’adolescent s’invente une vie nouvelle ou brode sur des éléments de sa biographie. Elle peut aussi être au plus près de ce qu’il vit, comme lorsqu’il poste sur Instragram, Twitter ou Facebook les menu détail de sa vie. Dans les deux cas, il tient journal de son existence. Ce faisant, il mélange les éléments de la culture du livre a ceux de la culture des images (Tisseron). Le mouvement se fait dans les deux sens : il traduit les histoires en images, et il fait des histoires avec des images

L’enjeu majeur de l’adolescence est la production d’une identité suffisamment solide pour tenir le choc des décennies à venir. Pour ce faire, l’adolescent réinterpréte les introjections et les identifications de l’enfance en un nouvel ensemble cohérant et stable. Lorsque l’adolescence est “réussie”, l’individu adulte qui en émerge est moins centré sur lui même, et il accepte librement de soumettre ses désirs aux normes et valeurs de sa société.

Dans le cyberespace, l’adolescent trouve un terrain rêve pour mettre a l’épreuve son identité. Les jeux vidéo fournissent d’abord un premier espace ou il devient possible d’incarner des images de force, de puissance, ou d’habilité. Ce travail autour de l’identité se poursuit au-delà des jeux vidéo. Les productions sur le réseau sont changeantes, en constante négociation. Les textes peuvent être édiités et changés. Les messages sont transmis à plus d’un autre, et les discussions dérivent, se mêlent à d’autres sujets, rebondissent en disputes avant de s’éteindre et de renaitre dans un nouveau fil. En d’autres termes, les productions adolescentes leur donnent un miroir du processus identitaire : eles sont métisssées, hybrides, composites.

Mizuko Ito qualifié les productions adolescentes sur Internet de “media mix”. La présentation de soi le mélange les images et le texte. Les images sont un pêle-mêle de photographies, de vidéo, d’images de comics ou de manga. Les texte sont des texte empruntés à l’autres. Ce sont des sentences définitives  – “l’amiétié c’est…” ou des propos prêtés à des figures idéales de la communauté adolescentes. Certaines sont d’évidence des parodies qui transmettent avec humour la nécessité de garder un esprit critique

Un espace communautaire

Le travail de construction de soi de l’adolescence se traduit par le passage du groupe familial au groupe de pair. L’adolescent se crée et investi des personnes différentes du groupe qui l’a vu naitre. Il rejoint une culture qui n’est plus la culture de son groupe familial. Les liens d’amitié peuvent alors être extrêment forts et être investis par dessus tout. Dans le cyberespace, les adolescents retrouvent des groupes et leurs cultures. Il s’abonnent à des pages qui traitent de leurs héros ou de leur quotidien avec leur langage et leurs codes.  Il chahutent sur les réseaux sociaux et flirtent dans messages privés. Ils officialisent leurs relations amoureuses par des statuts sur Facebook. L’internet est une espace dans lequel les relations sociales et intimes sont mises en scène à l’intention des amis et des proches

Un espace d’inscription

Les mattières numérique sont facilement manipulables, transformables et adressables. Les adolescents utilisent ces propriétés pour produire quantité d’objets qui reflètent leurs préoccupations adolescentes. D’une certaine manière, le reseau offre aux adolescents une nouvelle surface d’inscription. Les productions adolescentes ont des liens complexes avec le marketting. D’une part, ils sont la cible de toute une série de produits qu’ils intégrent comme des marques de leur identité adolescentes. D’autre part, les cultures juvéniles détournent les codes et les identités dans lesquelles les campagnes de marketing tentent de les enfermer.

Les productions adolescents sur Internet sont des identités en action. Elles sont mouveantes, changeantes, en interaction avec d’autres agents. Les hastag en sont un bon représentant. Sous un mot clé, les adolescents se regroupent, se reconnaissent, s’interpellent ou se désidentifient. Un mot clé peut avoir une durée de vie très brêve ou se poursuivre pendant plusieurs jours. En les re-connaissant, l’adolescent fait la preuve d’une connaissance suffisante de la la culture de son groupe

Les pages personnelles ou les blogs sont continuellement reconstruits, réaménagés, ré-arrangés pour s’approcher le plus possible des attentes de la personne. Le but de aménagements continuels est d’apporter le plus d’interactions possibles. On sait la soif d’interactions de l’adolescent. On connait aussi les difficultés que ces interactions peuvent susciter chez l’adolescent. L’internet offre a l’adolescent de regler la distance a l’autre. Il a tout le temps pour choisir la manière dont il va se présenter à l’autre, pour expérimenter et pour évaluer les interactions qu’il a en ligne.

Les productions adolescentes concernent le suivi de leurs pages et de leurs statuts en termes de “hits” du nombre de commentaires.

Les pratiques adolescentes du numérique permet une appropriation des codes de l’Internet. Les adolescents apprennent quelques rudiments dans la manipulation du code HTML pour pouvoir changer la couleur de fond des pages de leur blog, ou la taille de la police de caractère.

Les blogs sont également des espaces d’expression de la masculinité et de la féminité. Les garçons font utilisent de davantage de sarcasme que les filles. Les contenus qu’ils partagent  sont plus souvent sexuellement connotés. Les pages personnelles sont également plus austères, plus noires que celles des adolescentes. Les jeunes filles ont de leur côté plus tendance à faire part de leur enfance et utilisent des couleurs qui sont davantage pastlel

  1. Turkle, Sherry. The second self. London: Granada, 1984.Turkle, Sherry. The second self. London: Granada, 1984.
  2. Suler, John. “Cyberspace as Dream World.” The Psychology of Cyberspace (1996).
  3. Tisseron, Serge. “Une nouvelle culture des images.” Mutations (2008): 126-138.
  4. SOURCE Interaction narration livre images