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[LECTURE] POPPER-GURASSA (2010) De l’idéal virtuel à l’autre réel

lundi 1 août 2016 à 14:16
Popper-Gurassa, Haydée.
Popper-Gurassa, Haydée. “De l’idéal virtuel à l’autre réel.” Dialogue 4 (2010): 75-86.

POPPER-GURASSA est psychothérapeute de couple. Elle examine à partir du cas d’une jeune femme reçue en traitement les effets d’un site de rencontre sur la vie affective et fantasmatique.

Le virtuel est un territoire avec des caractéristiques propres. Situé entré l’imaginaire et le réel,il revient à chaque utilisateur de décider s’l l’investi plutôt d’un coté ou d’un autre. Il peut être un puissant facteur de relance fantasmatique

Les caractéristiques de l’Internet ne sont pas une condition suffisante pour produire un surinvestissement addictif. Le cas d’une jeune femme, Sandrine, qui consulte pour des TOC de vérification  et une mésentente conjugale est présenté. A la suite de sa séparation d’avec son compagnon, Sandrine s’inscrit sur un site de rencontre. Les sollicitations qu’elle y reçoit la valorise mais les relations se terminent après une ou deux semaine de relation.

L’entrée dans le virtuel peut avoir pour conséquence de réactiver ou de mettre en oeuvre des mécanismes psychiques dont certains vont soutenir le fonctionnement psychique tandis que d’autres favorisent la régression ou la stase affective

Pour POPPER-GURASSA , le virtuel est caractérisé par la permanence de l’objet. Il évoque alors des caractéristiques précoces de continuité, de réponse, d’interaction et de rêverie.  Le virtuel a également pour fonction de contenir les fantasmes, les affects et les pensées dans un cadre. Le virtuel ferait ainsi partie du processus psychique de constitution de l’appareil à penser

Le réseau Internet est un espace dans lequel les mouvements d’omnipotence, de régression et de retrait narcissique peuvent être exprimés. L’absence de retaliation renforce les mécanismes à l’oeuvre.  Les construction virtuelles permettent d’étayer le désir sur un objet de satisfaction incarné sans être présent physiquement

Les scénario virtuels impliquent une constante “répétition  de la relation ou l’objet de remplacement serait une icone des objets primaires”. La capacité de transformation de l’objet serait ainsi réduite sur Internet.

POPPER-GURASSA  s’intérerroge sur la relation à l’objet virtuel. Est elle hallucinatoire ? réelle, ou fantasmatique ? Sur le réseau, il est possible d’investir préférentiellement l’objet sur un de ces trois pôles ce qui met à l’épreuve la frontière entre la réalité et le monde fantastique qui peut conduire la personne dans une dépendance à la toute puissance du monde réel.

Le virtuel crée un effet entonnoir pour les mouvements pulsionnels en dirigeant les investissements vers des objets plus faciles. L’excitation pulsionnelle est leurrée car est dirigée vers un objet réel. Mais le virtuel a aussi pour fonction de maintenir vivant te la pulsion.

Dans les mondes virtuels, les investissement de l’objet sont rapprochés d’un agir. Cela semble particulièrement vrai dans les jeux vidéo ou la recherche d’une solution immédiate est la condition de la poursuite de la relation individu-ordinateur. Les mondes virtuels sont des mondes toujours présents fonctionnant comme des piliers narcissiques.

Les sites de rencontre sont rapidement décrits . POPPER-GURASSA  insiste que chacun peut imaginer l’autre comme une personne idéale et se donne une valeur tout aussi élevée. Les sites de rencontre sont des lieux ou l’imposture est la norme tout comme la volonté de pouvoir, de maîtrise, de séduction et d’emprise sur l’autre. Les fantasmes d’incorporation, de fécalisation et d’emprise peuvent accompagner la participation à site de rencontre. Chacun investit le site en fonction de sa personnalité

Dans le cadre de la thérapie, l’investissement de la patiente est vécue comme un dévoiement de l’idéalisation transférentielle sur la thérapeute. La dépendance à l’autre, qui avait été à l’origine de la demande d’aide, est déplacée sur le site de rencontre pour ne pas être vécue dans le transfert

Pour POPPER-GURASSA, l’investissement du monde virtuel dépend essentiellement des difficultés de rencontres dans la vie réelle. Les sites de rencontre semblent intensifier l’illusion nécessaire à toute rencontre amoureuse. Cela peut conduire à des aménagements réels dans la vie de couple ainsi formé mais ces aménagements sont rendus difficiles parce qu’ils sont été construits sur un fond de clivage et étayage narcissique. Le virtuel permet l’illusion de maîtrise de l’objet tout en étant dépendant de celui-ci

Qu’en est il des couples qui se forment sur les sites de rencontre ?  Malheureusement, POPPER-GURASSA ne répond pas à sa question. Le texte aurait gagné a à s’appuyer les études disponibles. L’étude de Michel BOZON montre par exemple que le répertoire des pratiques et rencontres sexuelles s’élargit . Le web est marqué par une opposition stéréotypée entre sexe et amour – ce que les psychanalystes traduire par investissement préférentiel des pulsions partielles et investissement génital – renvoyant de manière tout autant stéréotypée aux hommes et aux femmes. Les sites de rencontre sont par ailleurs segmentés par population définies par l’âge, le lieu d’habitation, la religion, mais cette ségrégation des lieux de rencontre n’est ni récente ni spécifique à l’Internet. Cette étude dépeint avec précision l’arrière-plan sur lequel se déroulent les rencontres en ligne

Le destin des couples formés en ligne est approché par BAKER et al.  Les résultats de leur étude donnent 4 facteurs déterminants dans la  réussite des couples qui se sont rencontrés en ligne : 1) le lieu de la première rencontre; 2) les difficultés surmontées pour former le couple; 3) le temps passé à correspondre avant la première rencontre et 4) la capacité des personnes à résoudre les conflits et les problèmes de communication.

Certes, ces deux études ne donnent pas un point de vue psychanalytique sur le destin des couples en ligne. Mais elles apportent des éléments de compréhension qui doivent être pris en compte par un psychanalyste. POPPER-GURASSA laisse entendre que la rencontre en ligne nécessite un travail supplémentaire de la part des couples qui réussissent à former une relation durable. Est-ce certain ? Rien dans son texte va dans ce sens. Par contre, il est assez évident que les couples sur Internet doivent faire un travail particulier puisqu’ils doivent faire le tri entre leurs images internes et la personne réelle pour effectuer le parcours de l’idéal virtuel à l’autre réel. .

Sans doute est ce là la principale force du travail de POPPER-GURASSA  : montrer la spécificité des relations en ligne. Sur le réseau Internet, l’objet et l’image de l’objet sont si intimement liés qu’agir sur l’image c’est agir sur l’objet. Dans le monde virtuel, l’objet et son image sont intimement liés. Agir sur l’image, c’est agir sur l’objet. Les fonctionnement des digiborigènes n’est pas différent de celui des peuples premiers qui donnent a l’image un caractère si important qu’il craignaient que l’on capture leurs images dans des photographies ou des films. Cette pensée magique se traduit sur Internet par des tabou comme celui qui frappe les images de profil qui ne doivent jamais être commentées. Lorsque quelqu’un s’aventure à faire un commentaire, il doit être positif. Cette confusion entre l’objet et l’image est alimentée par les caractérisiques du “virtuel” que décrit bien l’auteur. Le réseau Internet parce qu’il se présente comme toujours là peut exercer des fonctions de contenance de pensées et des émotions

POPPER-GURASSA montre bien comment cette confusion ouvre à des fonctionnements qui sont particuliers parce qu’ils sont à la fois une solution et un problème. Le retrait en ligne permet de rencontrer des personnes – c’est une solution – mais ces personnes pour être véritablement dans une relation de couple doivent être débarassée de l’invetissement narcissique doit elles font l’objet. – c’est le nouveau problème. Cependant, dans sa description du virtuel, POPPER-GURASSA ne prend en compte qu’un aspect de la question. Sur Internet, les choses sont permanentes jusqu’à ce qu’elles ne soient plus. Un site, un service ou un jeu vidéo sont accessible 24/7 mais ils peuvent disparaitre du jour au lendemain. Les ordinateurs et les smartphones ne sont pas exempts de pannes temporaires ou définitives. Dans les mondes virtuels comme partout ailleurs, l’échec et l’absence sont possible. Cela signifie qu’il n’est pas possible de faire des mondes virtuels des mondes ou la satisfaction est assurée. Les investissements défensifs ou transformateurs de l’Internet peuvent être remis en question a la suite d’une défaillance numérique

Au final, le travail de POPPER-GURASSA permet de mieux comprendre comment le fonctionnement particulier d’une personne rencontre les caractérisques de l’internet avec des effet de symbolisation ou au contraire de stase psychique.

SOURCES

Baker, Andrea. “What makes an online relationship successful? Clues from couples who met in cyberspace.” CyberPsychology & Behavior 5.4 (2002): 363-375.

Bozon, Michel. “Pratiques et rencontres sexuelles: un répertoire qui s’ élargit.” Hors Collection Social (2008): 273-295.

[LECTURE] LINGIARDI (2009) Jouer avec l’irréalité : transfert et ordinateur

dimanche 31 juillet 2016 à 16:29

Lingiardi, Vittorio.

Lingiardi, Vittorio. “Jouer avec l’irréalité: transfert et ordinateur.” L’Année psychanalytique internationale 2009.1 (2009): 19-37.

Le psychiatre psychanalyste italien Vittorio LINGIARDI livre ses réflexions sur la manière dont l’Internet agit sur le traitement psychanalytique à partir de deux cas clinique. Il montre Le réseau Internet peut être un espace d’élaboration ou de stase psychique. Cela l’amène à des réflexions sur la perte d’objet et la dissociation à partir desquelles il peut reprendre les utilisations de l’Internet dans la séance.

L’intimité entre les machines numériques et le hommes devient de plus en plus grande comme le montre les sentiments de détresse lorsque quelque chose dans la relation ne fonctionne pas. A partir de deux cas clinique, LINGIARDI fait une exploration psychanalytique de cette relation intime, des questions et des problèmes que l’utilisation du mail pose à l’analyste et des réponses qu’il a trouvé utiles à ses patients.

Les situations sur lesquelles LIGNIARDI sont très différentes ce qui lui permet de contraster les fonctions psychologiques du mail dans la relation psychanalytique. Pour Melania, c’est une manière de traiter ce qui ne pouvait l’être en séance. L’écriture des mails lui permet

D’une façon générale, LINGIARDI considère que l’introduction de la “dimension cybernétique” dans la relation analytique peut être relié à 1) la crainte de la perte de l’objet; 2) le désir de voir l’analyste reconnaître des partie de lui même qui ne peuvent l’être parce qu’elle sont frappées de souffrances ou de honte; 3) la frustration de désirs liés au transfert qui engendrent de la colère; 4) l’érotisation du transfert et la crainte que quelque chose puisse arriver pendant la séance ; 5) une manière de trouver un espace ou il est possible d’examiner le monde sans y être englout; 6) un moyen “d’isolement personnel” (OGDEN, 1994) ; 7) une tentative d’amorcer une relation émotionnelle avec un objet non-humain

Le mail peut être investi parce qu’il a un degré de réalité moins important que l’association libre pendant la séance. LINGIARDI retrouve la piste de travail donnée par le psychologue américain John SULER dans sa Psychologie du Cyberespace (2002)

L’utilisation du mail permet de lâcher prise en toute sécurité. Pour certains patients, le mail permet de conserver une maitrise sur leurs processus et contenus de pensée tout en s’assurer qu’ils restent vivants dans l’esprit de l’analyste.  Il incombe alors à l’analyste de s’assurer que les mails ne restent pas dans un compartiment clivé du patient ou il pourrait constituer une réalité alternative. L’utilisation du mail peut aussi correspondre à un acting du patient qui trouve ainsi un espace ou agir des aspects du transfert. Les aspects érotisés ou qui ne peuvent être pris en charge par le patient (ou par l’analyste) sont alors déposés dans le courrier électronique

La réflexion sur la peur de la perte d’objet laisse penser que pour LINGIARDI ces positions subjectives sont liées a l’angoisse de perdre l’analyste ou ce qu’il représente. La perte de l’objet est source d’anxiété parce que le patient perd un soutien ou perd la partie de son Self qu’il a déposé dans l’objet. L’objet peut être perdu parce qu’il a disparu avant que le patient ne construise la capacité à conserver son image ou parce qu’il a été détruit dans le fantasme.

Le mail est décrit comme un entre-deux. Il est à mi chemin entre l’acte et la pensée, unit le passé et le présent, l’individualité et la globalité. Il permet au patient jouer avec le degré de liberté attribué à ce qu’il écrit. La communication médiatisée par ordinateur peut correspondre a la définition de l’objet transitionnel situé entre le moi et le non-moi, entre le proche et le lointain, le créé et trouvé. Elle peut facilité la dissociation comme aider à traiter les avatars de l’angoisse de séparation et d’engloutissement

L’ordinateur, le flux incessant de mots, peuvent servir à constituer une seconde peau psychique permettant de donner une cohésion au sentiment de soi. Dans ce cas de figure, c’est moins l’angoisse de sépartion qui est en jeu que la dissociation définie comme une tentative de maintenir la conitnité de soi en subdivisant la souffrance psychique en plusieurs compartiments. Pour les personnes qui utilisent préférentiellement ce mécanisme de défense, l’ordinateur donne l’occasion de constituer un lieu de “retrait psychique” dans lequel la réalité n’est pas tout à fait déniée mais elle n’est pas tout à fait acceptée non plus. Un des attraits des interactions avec l’ordinateur est qu’il permet la formation de relations d’objet autistique-contigu ou la perfection peut être éprouvée parce qu’elles ne connaissent pas faillites inherentes aux relations humaines. Lorsque le refuge devient l’habitation permanente de la personne, la solution devient source de nouveaux problèmes.

Dans cette nouvelle donne, la tache de l’analyste est d’aider le patient à comprendre la fonction que joue le réseau Internet et les courriels dans sa vie psychique et de favoriser le passage d’une utilisation compulsive à une utilisation transformationnelle de leur objet.

Pour comprendre l’article de LINGIARDI, il faut se remettre dans le contexte de sa publication. En 2009, date de parution de l’article, l’Internet est encore assez différent de ce que nous connaissances. On compte 1,7 milliards d’Internautes qui se trouvent pour la plupart en Europe, en Amérique du Nord et en Asie. Ils lisent et écrivent sur 126 millions de blogs mais commencent déjà a se rassembler sur les réseaux sociaux. Facebook compte 350 millions d’utilisateurs, Twitter produit 27 millions de messages par jour et 1 milliard de vidéo par jour sont téléchargées sur YouTube. Dans cette mer immense, quelques vidéo deviennent des phénomènes. Baby dancing to Beyonce, David after the dentist ou Susan Boyle réjouissent les internautes. . Dans ce contexte le mail est encore le média roi qui a attiré 100 million de nouveaux venu en 2009. Chaque jours 200 milliards de mails sont produits par les internautes.

A cette date, les psychanalystes ont peu publié sur le réseau. Le livre de Michaël CIVIN, psychanalyse du net (2003) est encore un OVNI. Les francophones sont davantage intéressés par les jeux vidéo et leurs applications thérapeutiques. Benoit VIROLE a publié Du bon usage des jeux vidéo et autres aventures virtuelles (2003). Dans les articles, Geneviève LOMBARD est une des premières à écrire sur le mail et Usenet. Les questions qu’elle pose – la présence et l’absence, la régression et l’élan, l’identité et l’altérité recouvrent et dépassent les questions traitées par LINGIARDI

La théorie utilisée est celle des relations d’objet qui examine comment les relations actuelles d’une personne dépendent de son monde interne et comment ces relations actuelles sont construites sur la base des relations du passé. Les principaux contributeurs à ce champ sont Melanie KLEIN, Douglas FAIRBAIN, Donald W. WINNICOTT ou Thomas OGDEN. Les ordinateurs et le numérique apportent de nouveaux objets dont il est important de comprendre comment ils sont intériorisés

Il est possible de critiquer LINGIARDI parce qu’il ne prend pas en compte les caractéristiques réelles du mail. Le fait qu’il soit possible d’effacer sans contrainte et d’écrire mille fois, ou au contraire d’écrire et d’envoyer très rapidement un mail, de relire les mails envoyés et reçus sont des éléments à prendre en compte. Les affordances des objets numériques les destinent plus facilement à la défense par clivage ou acting ou à la subjectivation.

LINGIARDI a sur l’utilisation de mail un véritable regard analytique. Il ne considère le numérique comme un problème a priori. Il ne voit pas davantage dans les mondes numériques des éléments qui favorisent le processus de symbolisation. Il montre que dans la cure le mail peut être utilisé comme une défense ou comme un moyen d’étendre le fonctionnement du self. Les deux cas cliniques qu’il apporte a la discussion, et son interprétation du cas de Glenn GABBARD sont convaincants.

Jouer avec l’irréalité : transfert et ordinateur” est un texte important pour qui souhaite réfléchir sur les effets des communications numériques sur le processus analytique. Il reste encore d’actualité même si la plupart des interactions en ligne se sont déplacées sur les réseaux sociaux et les applications de smartphone

TISSERON (2012) Le jeu vidéo à l’adolescence comme mise en scène de la vie famille imaginaire

mercredi 27 juillet 2016 à 10:07

TISSERON (2012) Le jeu vidéo à l'adolescence comme mise en scène de la vie famille imaginaire
TISSERON (2012) Le jeu vidéo à l’adolescence comme mise en scène de la vie famille imaginaire

Serge TISSERON montre que dans le cadre des entretiens psychothérapeutique, l’exploration des manières de jouer aux jeux vidéo est essentielle car les choix effectués permettent  de comprendre les enjeux personnels et l’image que la personne se fait de sa famille. Le texte apporte trois éléments essentiels. Le premier est que le jeux vidéo permet d’explorer les mémoires familiales. Le seconde est la distinction entre violence oedipienne et violence narcissique. Le troisième est l’accent mis sur l’utilisation du jeu vidéo comme médiation et les doutes quand à l’utilité du jeu vidéo comme médiateur

L’adolescence est un moment de maturation pendant lequel l’estime de soi, la gestion des émotions et les modalités d’attachement font l’objet d’une reprise maturative. Lorsque ces éléments sont mal posés, le joueur établit avec l’ordinateur une relation exclusive que TISSERON appelle “dyade numérique. Cette relation a pour but de rejouer les relations problématiques qu’il a précédemment construit afin de pouvoir s’en dégager.  Cette dyade numérique répond à quatre nécessités : 1) trouver un attachement sécurisé, maîtriser l’excitation, trouver un accordage affectif sécurisant, incarner l’idéal.

“Dans la plupart des cas, l’adolescent aborde de manière structurante les espaces virtuels et utilise les jeux vidéo comme des espaces potentiels (D. W. Winnicott, 1971), notamment en y incarnant des figures de la vie familiale”

Les cas ou les joueurs construisent une dyade numérique sont rares. TISSERON insiste sur le fait que généralement, les jeux vidéo sont investis comme des espaces de signification.

Quatre types de situations correspondant à cette situation sont sont alors décrites : 1) le petit théâtre des vivants et des morts 2) le retour du moi perdu; 3) le maître des fantômes; 4) convoquer les disparus

Lorsque le jeu vidéo permet de faire jouer “le petit théâtre des vivants et des morts”, il permet  à la personne de mettre son scène son agressivité ou son affection vis à vis d’un membre de la famille ou encore  d’objectiver des fantasmes

Le jeu vidéo permet d’incarner la personne que le jouer a été dans le passé.  Alors que le psychothérapeutes donne habituellement des exemples dans lesquels la régression met en jeu le moi-idéal du joueur – c’est à dire l’instance qui est chargée de la toute puissance imaginaire du nourrisson – TISSERON donne ici des exemples dans lesquels le joueur fait revivre son Moi passé ainsi que les relations qu’il pouvait vivre

Les fantômes de l’histoire familiale peuvent être convoqués sur la scène du jeu vidéo. Les jeux de guerre sont ainsi une manière de revivre les émotions et les sensation qu’un ascendant a pu vivre mais dans des circonstances suffisament différentes pour que la personne ait une chance de les assimiler

Les disparus de la famille peuvent être convoqués sur la scène du jeu vidéo.  Dans ce cas, les personnages de qui laissent une trace dans l’histoire familiale sans pouvoir être reconnu souvent du fait d’un secret qui pèse sur eux obtiennent une nouvelle consistance.

Enfin, les jeux vidéo peuvent permettre d’exprimer une violence oedipienne ou narcissique. La première est décrite comme structurante parce qu’elle met en scène l’affrontement d’un héros avec des représentants des figures parentales. La seconde est axée sur l’élimination de créatures identiques

Pour le thérapeute, le jeu vidéo offre de nombreuses possibilités d’intervention. TISSERON affirme que jouer aux jeux vidéo avec les patients a un intérêt relatif car l’essentiel est d’explorer les constructions fantasmatiques. Lorsque le patient utilise les jeux vidéo comme espace d’expression, il est toujours heureux de le faire. Lorsque le jeu est investi pour les interactions qu’il apporte, il est plus important de redonner au patient le goût de l’interaction humaine vivante

[LECTURE] VIROLE (2012) Panorama et enjeux des mondes numériques

mardi 26 juillet 2016 à 10:00

 

Virole, Benoît.
Virole, Benoît. “Panorama et enjeux des mondes numériques.” Enfances & Psy 2 (2012): 13-21.

Le psychologue psychanalyste Benoit VIROLE présente  dans “Panorama des enjeux des mondes numériques” un panorama des mondes numériques pour mieux en souligner les enjeux. VIROLE est un bon connaisseur des mondes numérique. Il contribue de manière importante à l’élaboration théorico-clinique des médiations numérique par ses connaissances en psychanalyse, en psychologie clinique et en anthropologie

Dans la première partie du texte VIROLE expose les différents mondes numériques que sont les mondes virtuels, l’Internet, les communications numériques et les réseaux sociaux sont présentés. Dans un second temps, il en tire des conclusions temporaires. Le texte est un très bonne introduction aux questions apportées par les mondes numériques. Si beaucoup de questions restent encore ouvertes, certaines ont déjà trouvé une réponse. Après avoir présenté le texte, je discuterai la question de la catharsis dans les jeux vidéo pour en montrer les limites.

 

Les mondes virtuels sont des “espaces graphiques dynamiques, en deux ou trois dimensions, dans lesquels il est possible de faire évoluer des objets, anthropomorphiques ou non, nommés avatars, au travers des commandes d’une interface numérique (clavier, souris, manettes etc.” L’immersion, définie comme “une attribution transitoire de la réalité à un environnement virtuel dans lequel le sujet performe ses intentions d’action au travers d’un avatar” est le concept central de ces monde. Pour VIROLE, les mondes virtuels permettent de mieux comprendre le phénomène d’attribution de la réalité. Celui est est généré à chaque fois que nous sommes témoins de quelque chose que nous ne pouvons pas prévoir.

Puisque les jeux vidéo sont un cas particulier des mondes virtuels, une partie de la réflexion leur est consacrée. VIROLE considère que l’appétence des adolescents pour les jeux de combat et de guerre est problématique mais qu’elle reflète un refoulé notre culture qui ne sait plus comment aider les jeunes à transformer leur agressivité. Les jeux vidéo sont donc des moyens de canaliser l’agressivité de manière cathartique ou symbolique.  Ils  sont utilisés dans le cadre de remédiations cognitives et les apprentissages car ils permettent de susciter une cognition intégrée en situation. La psychologie dynamique et la psychanalyse gagnerait à s’y intéresser.

 

Parmi les questions posées par les mondes virtuels : est ce que ce que l’on apprend dans le virtuel se généralise au réel ? Peut-on expérimenter une réalité factice sans expérience corporelle ? Peut-on rêver dans un jeu vidéo ?

L’Internet est décrit comme un réseau délocalisé entre des milliers de serveurs indifférents aux frontières. Les acteurs du réseau sont des consommateurs de services et producteurs de contenus numériques. Le réseau modifie le rapport à la connaissance en supprimant les échelons intermédiaires ce qui a pour effet de saper les structures classique de la transmission et de la diffusion de connaissance (école, université, institutions académiques, groupes professionnels)

Les communications numériques (téléphone mobile, SMS, visioconférence, géolocalisation, partage de communications et de documents ) rapproche les hommes en subvertissant les distances, facilitant la production, négligeant les obstacles que son la distance et le temps.. Ces nouveautés ont des avantages mais sont aussi aliéntantes d’abord parce que l’important est moins le contenu du message que le fait d’être présent dans un réseau d’interconnexion. Le second problème concerne la sociabilité car les personnes auraient tendance à investir leurs mobiles plutot que leurs voisins. La vitesse est une autre aliénation car les acteurs doivent maintenant penser et agir vite

Les questions posées par les réseaux sociaux concernent en particulier les normes éducatives : à quel âge avoir un téléphone ? Pour quel usage ? Les téléphones ont ils leur place à l’école ?

Les réseaux sociaux sont décrits comme des espaces conviviaux de présentation de soi et de communication; ils facilitent les contacts avec d’autres sujets à l’aide de moteurs de recherche. Ils permettent la communication de contenus numériques, sont indépendants des localisations nationales et sont devenus pour nombre de jeunes une agora ou ils peuvent se rencontrer et échanger. Les réseaux sociaux sont des espaces de représentation de soi qui suscitent une autoreprésentation qui tentent à réifier la relation à soi et aux autres.

Pour conclure, VIROLE souligne deux points : 1) il n’est plus possible de négliger le nouveau rapport à la connaissance car “la technologie numérique assure des fonctions de mémoire, de traitement voire de raisonnement qui étaient auparavant dévolues à l’esprit humain”. Cependant ce changement n’est pas nouveau car nous avons toujours intégré dans nos outils nos découvertes; 2)  il est difficile d’évaluer l’impact du numérique sur le lien social car les structures sociales sont déterminées par la famille, les clans, les classes sociales, les règles de mariage et d’héritage, les règles de succession, l’histoire collective etc. Les utilisateurs de l’Internet créent des néostructures sociales dans lesquelles les anciennes verticalités sont bouleversées par la logique des pairs
Depuis les années 1970, les jeux vidéo n’ont pas cessé d’évoluer dans leurs formes, dans leurs dispositifs et dans les publics concernés.  Parallèlement à cette évolution, les contenus violents n’ont pas cessés d’augmenter eux-aussi. Les mondes des jeux vidéo sont principalement des mondes du meurtre et de la violence ce qui a amené à se poser la question de leurs effets sur les joueurs en général et sur les jeunes en particulier.

Quels sont les effets des jeux vidéo violents sur les joueurs ? Pour répondre à cette question, l vieille notion de catharsis du monde grec antique a été avancée. Étymologiquement, catharsis signifie “purger”. EMPEDOCLE l’utilise dans le sens d’une purification religieuse, PLATON pour parler de la purification de l’esprit par la philosophie tandis qu’il a le sens d’une évacuation d’humeurs mobide chez HIPPOCRATE. Mais c’est surtout le sens que lui donne ARISTOTE dans sa Poétique qui passera à la postérité. Pour ARISTOTE, la catharsis est liée à la tragédie en ce sens qu’elle permet la purgation des émotions comme la pitié et la crainte par l’imitation de personnages en action.
Parce que les jeux vidéo sont des média interactifs, les joueurs y vivraient plus facilement encore qu’au théâtre un effet cathartique. C’est cet effet que VIROLE postule en affirmant que les adolescents trouvent dans les jeux vidéo des moyens de canaliser leur agressivité de manière cathartique ou symbolique. Cette hypothèse a été mise à l’épreuve dans plusieurs recherches

L’effet cathartique des jeux vidéo a été retrouvé KUTNER et OLSON (2008)  qui montrent que 62% des joueurs de jeux vidéo violent se sentent plus détendus après une partie et 45% d’entre eux affirment que cela leur a permis de “faire sortir leur colère”. Les jeux vidéo violent seraient donc une arène dans laquelle les personnes pourraient efficacement ventiler leur agressivité envers d’autres personnes. Cette agressivité peut prendre des formes qui ne sont pas autorisées puisque les jeux vidéo permettent de tuer avec des armes blanches, des armes à feu, des lance-flames,  des chars de combats, des avions. Même des jeux qui au départ ne sont pas fait pour exprimer l’agressivité peuvent être utilisés à cette fin.  Par exemple, dans les Sims, de nombreuses personnes rapportent avoir tué en affirmant un Sim, en le noyant ou en l’empêchant d’aller aux toilettes. Cependant, la méthode utilisée par KUTNER et OLSON souffre de biais qui affectent sa validité tout d’abord parce les personnes qui répondent à un questionnaire peuvent de pas être représentatifs de la population étudiée mais surtout parce nous avons tous tendance à nous présenter sous notre meilleur jour ainsi qu’à notre tendance a être influencés par différents facteurs lorsque nous répondons à une question à ne pas répondre directement aux questions posées ce qui affecte la fiabilité et la validité des mesures.

Le dispositif expérimental utilisé par GRAYBILL, KIRSCH et ESSELMAN (1985) pour vérifier l’hypothèse cathartique évite ces problèmes. Des élèves de CE, CM1 et sixième identifiés comme agressifs ou non agressifs par les autres élèves ont joué à un jeu vidéo violent (boxe) et à un jeu vidéo non violent (basket). Après le temps de jeu, tous les enfant ont passé le test de Rosenzweig qui permet d’établir les réactions d’une personne à une situation de frustration ou de conflit.. Dans leurs réponses au test, le enfants qui ont joué au jeu non violent ont tendance à davantage utiliser la projection et le déni. Ces deux mécanismes modifient la réalité extérieure en diminuant la responsabilité de la personne. Pour les auteurs, cela signifie qu’après avoir joué à un jeu vidéo violent, les enfants arrivent plus facilement a exprimer leur agressivité d’une manière socialement acceptable.

Des études plus récentes vont également dans le sens de l’hypothèse de la catharsis. GITTER et al (2013) ont mis en place deux études. Dans la première, deux version d’un jeu vidéo violent ont été utilisés dans des contextes différents. Le premier est un contexte prosocial dans lequel le joueur protège un autre personnage. Le second contexte est décrit comme “moralement ambigue” car il s’agit de tuer le plus de zombies possibles. Un jeu vidéo non violent est utilisé comme contrôle. Avant de jouer, les participants sont testé dans une compétition afin de solliciter l’agressivité. Les auteurs trouvent une réduction significative de l’agression dans le contexte prosocial/

Dans la seconde étude, les auteurs trouvent une augmentation des pensées prosociales pour les joueurs de la condition “prosociale” par rapport a ceux de la situation “moralement ambigue”. Le contexte est donc un élément important à prendre en compte. Lorsque les motivations des joueurs sont prosociales, les jeux vidéo violents donnent lieu a moins d’agressivité. Les auteurs ont fait une autre découverte. La situation moralement ambigus produit des pensées prosociales en nombre plus important que le jeu vidéo non violent. Puisque les joueurs ont précédemment eu leur agressivité activée, ce résultat va dans le sens de l’hypothèse cathartique.

Les résultats de ces deux études permettent d’apporter une précision a l’affirmation de VIROLE selon laquelle les jeux vidéo violent apportent des occasions de ventiler leur agressivité de manière cathartique ou symbolique. L’hypothèse cathartique est vérifiée mais de manière limitée. Les effets de la violence dépendent largement du contexte du jeu car ce n’est pas la même chose que de tuer pour protéger ou tuer pour son propre plaisir. Enfin, il reste à préciser les effets des jeux vidéo sur les comportements puisque les études présentées ici ne concernent que les pensées des joueurs.

 

 

SOURCES

Virole, Benoît. Du bon usage des jeux vidéo et autres aventures virtuelles. Hachette littératures, 2003..

 

[LECTURE] ROY (2012) L’art-thérapie et les mondes virtuels

lundi 25 juillet 2016 à 10:00

 

 Roy, Isabelle.
Roy, Isabelle. “L’art-thérapie et les mondes virtuels.” Enfances & Psy 2 (2012): 89-94.

 

L’art-thérapeute Isabelle ROY fait part de son expérience d’un atelier jeu vidéo animé avec Benoit VIROLE.

 

L’art-thérapie est une technique thérapeutique basée sur la capacité à créer. La facultuté des personnes à imaginer, construire, créer est au centre de l’art-thérapie. Le thérapeute accompagne les patient en les encourageant à rêver et créer le plus librement possible afin de mieux prendre conscience de ses pensées et de ses émotions et, dans un second temps, de pouvoir se sentir transformé par ses propres actions.

Isabelle ROY a utilisé l’invitation à la créativité des jeux vidéo avec des enfants autistes de 5 à 7 ans. Elle constate l’attractivité des mondes virtuels et des avatars sur les enfants, leur habilité à controlé les avatars, le plaisir ludique présidant aux créations numériques

Pour Isabelle ROY, les jeux vidéo invitent à la créativité. Du fait de l’immersion, les patients peuvent plus facilement rêver et créer des objets.

Finalement, parce que les , mondes virtuels sont de nouveaux espaces pour la créativité, Isabelle ROY encourage leur utilisation en art-thérapie
L’article d’Isabelle ROY est centré sur une forme d’art-thérapie dans laquelle le processus thérapeutique est lié au processus artistique. Certains art-thérapeutes font cependant une place a la relation patient thérapeute. Dans cette perspective, l’art n’est pas une fin en soi mais le moyen par lequel le patient et le thérapeute vont pouvoir s’accorder suffisament pour pouvoir travailler ensemble. Enfin, il existe une conception de l’art-thérapie dans laquelle une place est faite aux interventions psychodynamiques.  Dans ce cas, le thérapeute et le patient sont impliqués dans la compréhension de l’objet qui est produit. Le transfert se développe entre le thérapeute, le client et l’objet créé Cependant, quelque  le dispositif utilisé, il est évidement que les applications numériques peuvent facilement trouver leur place dans l’art thérapie

En effet, toutes les techniques utilisées en art thérapie ont leur version numérique. Les ordinateurs, les tablettes, les smartphones permettent de dessiner, de faire du collage, de la photographie ou de la vidéo. D’une façon générale, les dispositifs numériques facilitent le processus créatif en mettant entre parenthèses certaines contraintes de la réalité. Alors que les feuilles peuvent venir à manquer et  que les feutres ne plus avoir d’encre, les pages et les scripteurs numériques sont toujours disponibles. Lorsque la trace ne donne pas satisfaction, il est facile de l’effacer et de recommencer. Lorsqu’elle est satisfaisante, il est possible de la copier ou de la conserver à l’infini. De par ses propriétés, le numérique est largement ouvert à la créativité parce qu’il est possible de faire et défaire sans contrainte.

A ma connaissance, cet article est le seul en langue française qui traite de l’utilisation des jeux vidéo dans l’art thérapie. Pourtant, les art-thérapeutes ont vite compris l’intéret que pouvait avoir le numérique. Les premiers articles faisant référence à l’utilisation d’ordinateurs dans les séances d’art-thérapie datent en effet de la fin des années 1980. CANTER note les effets thérapeutiques qui peuvent être trovués dans l’utilisation du Macintosh. Un livre, Art Therapy and Computer Technology, témoigne du travail théorico-clinique des art-thérapeutes. Curieusement, après l’explosion des médias numériques des années 2000, les publications sont devenues plus rares mais quelques comptes de réseaux sociaux et des blogs témoignent de l’intéret des art-thérapeutes pour les créations numériques. Il est souhaitable que cet exemple soit suivi par les thérapeutes francophones et que les publications comme celle d’Isabelle ROY soient plus nombreuses