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Il n’y a plus de crise, mais un problème de compétitivité

mercredi 11 décembre 2013 à 13:11

Nous sommes en 2013. Cinq longues années après l’embrasement financier venu d’outre-atlantique. Les banques au bord de l’écroulement se sont vues « refinanciariser » par les Etats, et donc, par les finances publiques : elles vont bien, (les banques, pas les finances publiques) merci à elles. Ces mêmes Etats ont injecté de l’euro à ne plus savoir qu’en faire pour pallier la tempête qui soufflait. Dans la finance et le CAC 40 surtout, l’injection. Au passage, ils vont bien (la finance et le CAC, pas l’euro), eux aussi, merci encore à eux.

Mais les machines à cash de ces mêmes banques se sont ralenties, les marchés publics se sont vus réduits à peau de chagrin, comme les différentes aides publiques. L’austérité a été mise en place partout en Europe, comme en France, contre l’avis des populations, avec même, pour ce dernier pays, un candidat à la présidence qui fustigeait la dite austérité avant de la mettre en place une fois élu.

Francois Hollande, Socialist Party candidate for the 2012 French presidential election waves at the end of a political rally in Le Bourget near Paris

Plus vraiment de croissance, ou si peu. Normal. Logique : il suffit d’aller lire les différents rapports d’instituts économiques (depuis au moins 3 ans) pour savoir que ce serrage de vis budgétaire généralisé était suicidaire. Suicidaire pour l’économie réelle, celle qui permet aux gens d’avoir un travail et de gagner leur vie. Pas pour l’autre, celle qui échange quotidiennement 5 fois le volume d’or existant sur terre.

Même le FMI s’est pris à douter et a dû avouer s’être trompé sur les effets bénéfiques de l’austérité, c’est dire. L’affolement politique de 2008, suivi de la mise en cause des pratiques délétères quasi mafieuses des grandes banques, fonds de pension et autres organisation spéculatives, la problématique des paradis fiscaux qui aspirent les recettes des Etats et les plongent dans une dette artificielle, les destructions sociales doublées de bénéfices gigantesques par les grandes entreprises ; tout ça a été oublié en 2013. Au profit d’un unique facteur (résiduel) de « crise » , la compétitivité !

Génie politique

Il faut un certain génie pour arriver à retourner avec autant d’habileté un problème : le libéralisme débridé, qui a pour but de privatiser tous les pans de la vie en société et de voir l’Etat réduit à une portion congrue, ce libéralisme débridé a trouvé le moyen— après pourtant avoir été accusé de tuer l’économie par ses abus— d’accuser à son tour les victimes de ses propres délits d’être la cause des problèmes économiques. Ce n’est donc plus la financiarisation de l’économie qui est en cause, ni les pratiques ultra spéculatives, mais les salariés qui coûtent trop cher ! Extraordinaire retournement : les voleurs de poule se retrouvent gardiens de poulailler… Salauds de salariés qui plombent les entreprises hexagonales !

competitivite

C’est donc un mot qui est dans toutes les bouches des « décideurs politiques », un mot qui serait en réalité le centre de tous nos maux : la compétitivité. Plus clairement : ce n’est plus la déconnexion des cotations en bourse qui atteignent des sommets, alors que la croissance est autour de zéro, qui pose problème. Ce n’est plus le robinet des prêts fermés par les mêmes banques sauvées par les populations contre leur gré (aux populations) qui freine l’économie. Ce n’est plus, non plus, le retour aux mêmes pratiques des plans sociaux d’entreprises bénéficiaires et de rémunération des actionnaires qui détériore le système social et économique. Ni la désindustrialisation forcenée menée à grands coups de délocalisations.  Non, non. Ce qui pose problème c’est la compétitivité. Mais oui, mais oui… Enfin, ça se discute. Explications.

Fourberie approximative

Le principe de la répétition est connu : vous assénez — chaque jour que le marché fait — que le problème français est celui de la compétitivité des entreprises. De partout, en toute circonstance. Que vous soyez un politique, un économiste, un éditorialiste, un patron des patrons, ou un lobbyiste de groupe industriel, le maître mot est : compétitivité. Seulement ça. Uniquement ça. Tout va aller très bien si on permet aux entreprises françaises d’être C-O-M-P-E-T-I-T-I-V-E-S ! Faut vous le dire comment ? TINA : THERE IS NO ALTERNATIVE !

thatcher

Soit on rend nos entreprises compétitives, soit on crève. C’est comme ça, c’est la mondialisation de l’économie, la concurrence effroyable des méchants asiatiques, des émergents, et il faut s’adapter. En plus, on est le pays qui a le plus de cotisations, pardon, de CHARGES sur les salaires. Donc, vous comprenez bien, ma brave dame, que bon, le reste, là, vos histoires de marchés financiers véreux, de banques qui trichent et fabriquent des produits financiers complexes, d’évasions et de paradis fiscaux, de retraites-chapeau, de plans sociaux de boites qui engrangent des bénéfices gros comme le PIB d’un Etat africain avec des CA équivalents au Portugal, d’un système financier en haute fréquence de type ponzi, c’est pas vraiment le moment, hein.

Parce que chaque intervenant va vous le dire : il y a une reprise ! Oui, une reprise ! La crise est derrière nous, la reprise économique est là, mais on ne la saisit pas, parce qu’on n’est pas…mais oui, vous le savez, allez, un effort : on n’est pas compétitifs ! Voilà.

Un salarié français (qui a payé avec ses impôts de 15%, plus toutes les taxes autour, le renflouement des banques et la politique d’austérité qui permet aux firmes géantes de toujours payer moins de 8% d’impôts, comme pour les grands patrons et autres fortunes françaises), ça coûte cher. Trop cher. Alors qu’un Chinois, un Vietnamien, voire un Bulgare, un Roumain ou même un Allemand, ben ça coûte moins cher. Et c’est plus compétitif. Et là, si demain on arrêtait d’avoir à payer les salariés français avec des cotisations charges sociales pareilles, et bien les profits des entreprises iraient mieux. On n’aurait encore moins de qualité de soin dans les hôpitaux, c’est vrai, il manquerait un peu de cash pour faire tourner les services publics, bon, ok. Parce que les « charges », ça sert un peu à financer la collectivité, un tout petit peu. Mais ce ne serait pas grave, on pourrait tout simplement les privatiser ces services publics (plein de feignants qui en rament pas une, c’est bien connu). Comme les autoroutes, que les Français ont payé durant des décennies, et qui désormais leur ont été volées ont été vendues pour que des entreprises leur fassent payer le prix fort tout en virant un maximum d’employés. Ça, c’est compétitif. Mais regardons de plus près la fameuse compétitivité, en comparaison avec des pays voisins, par exemple.

En Allemagne, ça dump socialement compétitionne fort (mais ailleurs aussi)

Ah, l’Allemagne ! Sa fête de la bière, ses expatriés français qui viennent faire des commentaires élogieux sur leurs salaires d’informaticiens bien meilleurs qu’ici ! Formidable, l’Allemagne. Et surtout : compétitive. Le petit problème des 7 millions de salariés pauvres en mini-jobs à 400€, pour cause de salaire minimum inexistant a déjà été abordé sur Reflets. On pourrait parler aussi des 25% d’Allemands qui n’ont pas de vrai emploi, ni de vrai salaire. Mais les cotisations charges ? Comment sont-elles, les charges, en Allemagne ? Et bien, elles ne sont pas toujours moins importantes qu’en France. Alors ça, c’est un coup dur quand même. Ils sont plus compétitifs, mais ils n’ont pas tout le temps moins de charges ? Ben oui. Tout dépend des secteurs, mais ça se vaut souvent entre France et Allemagne niveau « charges ». Petit exemple (source : eurostat) :

cout-salaires-fr-all

Alors, admettons qu’ils sont plus compétitifs en Allemagne que chez nous. Ils peuvent un peu moins « charger » certains salaires, surtout les hauts en réalité. Et d’autres non, comme les salariés avec un salaire de 1500€ ou moins. Il y a même 13,2 points d’écarts en « faveur » des charges françaises pour les salariés au Smic comparées aux allemandes. Mais comment font-ils alors ? Cela mériterait un article entier, mais chacun aura compris que ce n’est pas le coût des charges sur le  travail dans lequel réside la fameuse compétitivité allemande.

La question est surtout : qu’ont-ils en retour, les Allemands ? Pas les entreprises allemandes, qui elles vont très bien (encore merci pour elles), mais la population dans son ensemble ? Et bien, ils commencent à avoir un système public tout pourri. Ça marche de moins en moins bien. Le rail déconne, les routes aussi, comme les crèches, et pas mal d’autres services publics qui commencent à manquer carrément de moyens. C’est très ballot ça : plein de cash qui rentre dans des entreprises super compétitives et un pays qui commence à ne plus pouvoir s’occuper de ses vieux, et se voit obligé d’importer des tombereaux de travailleurs immigrés parce que les Allemandes ne veulent plus faire qu’un enfant virgule cinq ou six. Faut dire que niveau « aide à la famille » et structures pour les petits allemands, c’est un peu cheap chez les super-compétitifs d’outre-rhin.. Sachant que la fameuse compétitivité- dumping social généralisée de l’Allemagne ne va pas durer longtemps, selon de nombreux observateurs, qui craignent que socialement ça coince un peu sous quelques années.

Et puis nos concurrents asiatiques ont fortement l’intention de nous bouffer tout cru, en ayant opéré les transferts de technologies nécessaires pour arrêter de nous acheter ce qu’ils vont bientôt nous vendre. Sans oublier que nous avons désindustrialisé la France à la vitesse grand V, particulièrement ces 10 dernières années. En montant des usines en Asie, pour être plus compétitifs, ah, ah ! La vie est décidément cruelle dans le joyeux monde libéral mondialisé…

La crise, c’est fini , hein !

Récapitulons donc : un seul pays en Europe, l’Allemagne, n’est pas trop par terre d’un point de vue macro-économique, mais son taux de chômage est totalement fabriqué, avec une part de population énorme dans une précarité et une pauvreté digne des pays émergents. Ce même pays a baissé sa dette et ses déficits publics en arrêtant d’investir correctement dans ses infrastructures, ce qui est un signe très inquiétant pour son avenir. Le reste des pays européens rame avec un chômage dramatique, une économie atone dans un contexte international toujours aussi pourri : spéculation à tous les étages, blanchiment et évasion fiscale dans les paradis fiscaux, banques frileuses qui n’ont rien changé de leurs pratiques et investissements publics quasi nuls des Etats qui continuent à pratiquer l’austérité. Cette photographie très simplifiée (mais réelle) de la situation économique, financière et sociale française, démontre quand même une chose : la « crise », en réalité, est plus que jamais là, elle est peut-être même parvenue au stade tant redouté de « systémique », et comme ceux qui l’ont déclenchée sont les mêmes qui viennent nous donner les solutions et sont aux commandes, il y a fort à parier que nous serons compétitifs dans quelques années : comme les Allemands, ou les Hongrois. Quelqu’un a quelque chose contre les Hongrois ? Leur président est un facho qui ne respecte pas la liberté de la presse ? Et alors ? En attendant, son pays, lui, va bien. Et ses entreprises sont compétitives. Et ça, c’est essentiel. Et puis n’oublions pas nos amis américains qui vont bien mieux niveau économie en injectant quand même 85 milliards d’US € tous les mois depuis pas mal de temps.

Avec tout ça, vous comprenez bien que l’unique problème de l’économie française c’est la COMPETITIVITE.

Faut leur dire comment ?

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Le saviez-vous ? Le Bitcoin va disparaître…

mardi 10 décembre 2013 à 23:29

bitcoin

C’est toujours un peu triste d’annoncer la fin de quelque chose d’intéressant et d’utile. Mais le monde est ce qu’il est. En attendant que les citoyens décident de le changer, il restera ainsi. Le Bitcoin est une monnaie « virtuelle ». De l’argent liquide électronique pour être un peu plus précis. Qu’on le veuille ou non, il y là création de monnaie par d’autres que les banques centrales. Parmi les prérogatives desdites banques centrales, il y a la création de monnaie, bien entendu, mais aussi, le contrôle de la masse monétaire en circulation. Dans les deux cas, le Bitcoin est un grain de sable dans les rouages. Il est dès lors assez logique de déduire que lorsque les banques centrales siffleront la fin de la récré, le Bitcoin deviendra du jour au lendemain « inconvertible ». En d’autres termes, ceux qui en détiendront n’auront que leurs yeux pour pleurer. Au mieux, ils pourront continuer à jouer à la marchande entre eux en décidant que leur monnaie est valable pour leurs échanges. Mais elle sera inconvertible dans d’autres monnaies traditionnelles.

Les découvreurs permanents de nouveautés sur le Net, ils sont nombreux, pensent que le Bitcoin est une première.

Raté.

Pour ceux qui s’en souviennent, Digicash avait déjà reproduit le concept d’argent liquide sur le réseau. C’était une variante du Bitcoin. Les autorités ont dit stop très tôt. Digicash n’a pas décollé.

Un expert vient par ailleurs de montrer la puissance de son pouvoir de réflexion dans l’une de ces réunions où l’auto-congratulation prend le pas sur la pensée :

 

bitcoin-kawazaki

Goldman Sachs se contrefout du Bitcoin. Les banques centrales, moins.

Tentons de jouer au marabout qui lit l’avenir…

Dans un avenir plus ou moins proche, les banques centrales vont estimer que la masse monétaire représentée par le Bitcoin (aujourd’hui environ 8,5milliards d’euros) est trop importante et fausse leur mesure de la masse monétaire ou son contrôle. Elles décideront alors de manière concertée que le Bitcoin ne vaut plus rien. Et toutes les institutions financières seront contraintes de ne plus convertir cette devise.

Deux inconnues dans cette équation. La date et le volume (le montant) qui fera tiquer les banques centrales. En d’autres termes, plus le Bitcoin a une valeur élevée, plus le risque est grand qu’il ne vaille plus rien.

Notez également, c’est notre côté conspirationniste, que les banques ne tiquent que moyennement sur l’usage de l’argent « liquide » « réel », c’est à dire anonyme, en ce sens que si fraude, il y a,  elles se sucrent au passage. Avec le Bitcoin, moins. Et ça, les banques n’aiment pas trop. Encore un mauvais point pour la monnaie du Net.

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Quand Gattaz, président du Medef, craint de voir le chômage baisser…

mardi 10 décembre 2013 à 09:56

MàJ : [Billet humeur-humour #lulz -> attention, ceci est un billet court type news, brève, satirique, basé sur une erreur d'un interlocuteur pratiquant la langue de bois, un "puissant" qui commet à la radio une erreur de type "lapsus" (utiliser un mot pour un autre qui peut laisser penser que la pensée de son auteur est autre que ce qu'il énonce). Les ? indiquent aux lecteurs que ce n'est pas tranché, tout comme l'utilisation des conditionnels qui soulignent l'aspect de possibilité de la pensée de Gattaz.]

Comme il est amusant de surprendre un grand patron, qui plus est lorsqu’il est patron des patrons, livrer en direct le fond de sa pensée ! De voir aussi les journalistes autour de lui boire ses paroles au point de ne rien relever de ce que l’on pourrait appeler un superbe lapsus révélateur ? Il n’en reste pas moins que cette archive sonore issue du 7/9 de France Inter du 10 décembre 2013 méritera d’être repassée en boucle dans quelques années pour bien comprendre ce qu’il se passe en réalité aujourd’hui.

Gataz

Ce n’est peut être pas la « compétitivité » des entreprises qui nous enfonce dans une grande précarité sociale, mais plutôt des grands patrons qui craignent de voir le chômage baisser. Parce qu’avec un chômage très haut, on peut faire passer tous les moins disant sociaux de la terre. Et faire trimer des hordes de gens apeurés de ne plus avoir de job. Si le chômage baissait, ils seraient peut-être bien en position moins forte tous ces grands patrons qui manquent de compétitivité, non ?

 

On dit merci qui ?

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L’émission interactive de France Inter avec Pierre Gattaz dans son intégralité : http://www.franceinter.fr/emission-interactiv-avec-pierre-gattaz

 

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#MITM de #Google par l’ #ANSSI : la théorie du doigt qui pointait la Lune

lundi 9 décembre 2013 à 15:07

cat-packet-inspectorCe week-end, sur son blog dédié à la sécurité, Google a publié une note qui n’a pas manqué d’attirer l’attention de toute la communauté de la sécurité informatique hexagonale. Dans son billet, Google explique qu’un faux certificat x509 a été signé par l’administration française, dépendante de l’ANSSI (l’autorité de certification O=IGC/A). Le raccourcis a été vite fait par certains : « l‘ANSSI aurait lancé une attaque par MITM contre les services Google » (NDLR : dans le but d’intercepter des données…). Google affirme avoir découvert ce qu’il considère plus ou moins explicitement comme une attaque sur ses services et avoir bloqué ce certificat en le révoquant dans une mise à jour de son navigateur Chrome.

« This incident represents a serious breach and demonstrates why Certificate Transparency, which we developed in 2011 and have been advocating for since, is so critical. »

Alors on respire un grand coup…

Loin d’alimenter la polémique sur l’ANSSI, nous allons porter un autre regard, car l’examen des faits prouve qu’on est quand même assez loin d’Aurora. Le communiqué laconique de l’ANSSI n’a pas franchement suffit à calmer les esprits, les gens de l’ANSSI ne sont pas des personnes de discours, on ne les blâmera certainement pas pour ça. Mais avant de crier au loup, il faut commencer par s’interroger sur les prérogatives de l’ANSSI. L’ANSSI, c’est les « gentils », pas les barbouzes. L’agence a pour mission de préserver les intérêts français sur le terrain de la sécurité informatique. Si la Loi de Programmation Militaire 2013 prévoit une extension de ses pouvoirs, outre le fait que c’est un peu tôt pour qu’elle se mette à l’interception administrative de grande envergure, l’ANSSI reste aujourd’hui concentrée sur la défense des systèmes d’information : sécurisation des réseaux des administrations et des organismes d’importance vitale de la Nation (administrations ou sociétés privées)… et non sur l’interception massive des communications des citoyens français, ni même dans l’espionnage des sociétés américaines… ça c’est plutôt le genre de choses que ferait la DGSE si ceci était jugé nécessaire. L’ANSSI n’a, à notre connaissance, aucune prérogative liée à l’intelligence économique extérieure qui justifierait une attaque par Man In The Middle sur SSL/TLS explicitement dirigée contre Google ou toute autre société.

Le doigt que tout le monde regarde

Le certificat en question aurait, selon l’ANSSI, été généré pour inspecter le trafic, sur le réseau privé de la DG Trésor rattachée à Bercy, en toute connaissance des utilisateurs de ce réseau, peu de chances donc que Bercy n’ait pas été informé ou que le ministère ait laissé jouer la DG Trésor avec les certificats x509 du MINEFI toute seule. Toute déclaration contraire de Bercy serait assez surprenante.

Ce dispositif, déployé sur un réseau privé sensible, vise à prévenir des fuites d’informations, des fuites qui ont déjà eu lieu, par deux fois, ces 4 dernières années et dans des proportions jugées très inquiétantes.

Bercy utilise des appliances NetAsq (obligation légale, NetAsq étant une société française), et c’est probablement le matériel auquel l’ANSSI fait allusion quand elle déclare à Google

 « the intermediate CA certificate was used in a commercial device »

Ces appliances servent, entre autres, à sécuriser les communications entre Bercy et les différents services économiques à l’étranger qui lui sont rattachés.

La réalité est donc tout de suite moins fantasmagorique, peut-être un peu plus drôle aussi. Cette histoire sent à plein nez la boulette humaine qui révèle surtout quelque chose de très inquiétant de la part de notre big brother américain préféré… Google.

Les administrateurs de la DG Trésor (localisé à Bruxelles, dans les bureaux d’Ubifrance) voulaient faire du Man In The Middle sur ces boitiers NetAsq pour décoder les flux HTTPS et filtrer les sites indésirables tels que Gmail et d’autres car non contrôlés, parmi lesquels Yahoo ou encore Hotmail. Le but était fort probablement de bloquer les webmails pour éviter que des malwares infiltrent le réseau de Bercy comme cela a pu arriver plusieurs fois par le passé et également permettre à l’antivirus intégré du NetAsq de vérifier les flux autorisés. Ce dispositif trouve donc une légitimité et on croit volontiers l’ANSSI quand elle répond à Google que ceci n’a pas été fait dans le dos des utilisateurs de ce réseau privé.

En pleine loi de programmation militaire qui vient réformer les interceptions administratives, l’affaire a naturellement fait couler pas mal de pixels. Evidemment, comme c’est souvent le cas, on a tout de suite tendance à regarder le doigt qui pointe la lune. Et la lune, sur ce coup, ce n’est pas l’ANSSI, ce n’est pas la DG Trésor ou Bercy, mais bien Google.

On peut tout à fait légitimement se poser des questions sur l’influence croissante de  l’ANSSI sur les ministères : question à double tranchant car il est indéniable que l’ANSSI apporte beaucoup en matière de sécurité, un rôle qui lui sied parfaitement si toutefois elle s’y cantonne… L’insistance de l’ANSSI à pousser l’article 13 de la Loi de Programmation Militaire est lui plus inquiétant, on peut redouter des dérapages. Mais sur cette affaire, il n’y a pas de dérapage à proprement parler, juste une « boulette » bien humaine, et elle n’émane pas de l’ANSSI, mais de la DG Trésor et de Bercy qui était parfaitement au courant.

Mais comme nous vous l’expliquions, cette « boulette » a le mérite de mettre en lumière quelque chose de beaucoup… beaucoup plus inquiétant.

La Lune… que personne ne regarde

La véritable question à se poser, c’est bien comment Google a t-il pu se rendre compte de cet incident. Le navigateur des utilisateurs remonte t-il des informations sur les certificats qu’il rencontre à Google sans que ces derniers n’en sachent rien ? La question mérite d’être posée car ce n’est certainement pas avec les explications du billet de Google que l’on peut avoir un début de réponse sur la question.

Mais il y a encore bien plus préoccupant : comme nous l’expliquions plus haut, le réseau de la DG Tresor est sous haute surveillance. En aucun cas, Chrome, le navigateur de Google n’y est utilisé… en AUCUN CAS. Il n’y a pas de possibilité de l’utiliser, un dispositif y veille. Ce seul élément devrait éveiller l’attention de l’ANSSI et n’aura probablement pas manqué de le faire. Impossible donc pour Google d’arguer que cette détection a été rendue possible par son implémentation du Public Key Pinning dans Chrome (à partir de la version 13). La réponse est donc fort probablement ailleurs.

Toujours est-il que nous n’en saurons surement pas beaucoup plus. L’ANSSI dit plancher sur de nouvelles procédures pour que l’incident ne se reproduise pas. Elle ira probablement tirer quelques oreilles à Bercy aka « onsavépa », et surtout à la DG Trésor où on a visiblement pris quelques libertés avec les procédures.

Une autre partie de ses investigations devraient se porter sur Google, qui en sait décidément un peu trop sur les dessous de la princesse.

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Restez assis, le lobby des Big Data s’occupe de vous

vendredi 6 décembre 2013 à 01:24

assises2 Quelqu’un a croisé quelqu’un qui a eu le courage de poser ses fesses sur les sièges du Théâtre des Variétés, le mardi 3 décembre? Désolé, moi j’avais piscine. Ce jour-là, pourtant, il y avait du beau monde pour un programme alléchant: les 6èmes « Assises du Numérique », organisé par le CNN, le Conseil national machinchose créé par l’ancien président pour amuser la galerie. J’ai vainement essayé de trouver des dépêches, des papiers ou des billets sur ce truc. Même Zdnet, « partenaire de l’évènement », a publié une bafouille la veille, mais rien de concret depuis. Excusez-les, ils doivent encore être en train de lustrer les rotatives. Faut être patient.

Pourtant, elles étaient placées sous de bonnes étoiles, ces Assises. Ou alors faudrait-il dire Grande messe, car le tout était « sous le haut patronage » de plein de monde vachement important… Le Président Hollande himself, Neelie Kroes, Archevêque européenne à la « Stratégie Digitale », Fioraso, archiprêtre du centre Minatec de Grenoble et accessoirement sous-ministre à la Recherche, mais aussi Montebourg, pasteur en chef du Made in France et d’autres ecclésiastiques bien en cour. Ne manquait que Fleur Pellerin, la sacristin chargée de l’économie numérique, qui devait être prise à faire ses ablutions.

assises1Sans avoir assisté aux ébats, quelques tables rondes méritaient le détour. Par exemple, celle titrée «Fiscalité Numérique, comment favoriser l’innovation ?»

Le 30 octobre, le Canard Enchaîné nous apprenait que de vaillants députés tentaient de faire sauter quelques verrous sur l’optimisation fiscale, qui permet à de grands groupes d’échapper à une grande part de l’impôt qu’ils devraient payer grâce à de savants montages au sein même de l’Union européenne. Le quotidien Les Échos, un peu plus tard à la mi-novembre, confirmait que la prochaine loi de finances serait intraitable avec ces margoulins. Selon la mission d’information sur l’optimisation fiscale des entreprises, publié en juillet par le député PS Pierre-Alain Muet, « les cinq grandes entreprises mondiales du numérique (Google, Amazon, Facebook, Microsoft et Apple), qui feraient au total 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France, y payent 37 millions d’euros d’impôt sur les sociétés au lieu de 800 millions ».

C’est bien beau, mais les lobbys restent tapis dans l’ombre. Le débat sur la fiscalité aux Assises annonçait la couleur:

Le numérique français ne se développe pas à la vitesse de celui de ses concurrents européens et mondiaux. Selon certaines analyses, la fiscalité actuelle en est partiellement responsable ! [sic] Sur un marché par nature mondialisé où la concurrence fiscale régie le bas de bilan de nos entreprises, quelles sont les propositions qui permettraient de remédier à la situation de relative faiblesse concurrentielle de la France dont certains s’évertuent à le crier à tort ou à raison ?

La personne qui animait ce débat, c’est un certain Guillaume Buffet. Un « net-entrepreneur » qui préside « Renaissance numérique ». Ce machin se présente comme « think tank » pour la galerie, mais c’est un vulgaire groupe de pression à l’ancienne. Lobby qui compte Google, Yahoo, Microsoft ou Viadeo (un des concurrents français du géant Facebook) dans son club des fans. Bref, la loi de finances 2014 n’est pas encore prête à faire vaciller les géants du Net dans leurs petites acrobaties fiscales.

assises3

Ce même symposium, pourtant préparé en pleine affaire Snowden, prévoyait aussi de réhabiliter les « Big Data », surnom donnée aux métadonnées collectées à tout-va par les charognards de la vie privée pour fourguer aux internautes des pubs chirurgicales — et pour servir d’os à ronger aux services répressifs comme on l’apprend tous les jours. L’atelier est intitulé, sans rire, « Big Data is Beautiful ! » Le tout orchestré par Medhi Benchoufi, présenté comme un mathématicien et co-fondateur d’un autre think-tank converti à la même religion en « ique », le Club Jade. La chose est ainsi présentée:

Les quantités de données générées chaque jour sont colossales. Dépassent parfois notre propre imaginaire. Des quantités qui constituent un trésor pour l’analyse de phénomènes complexes, l’opinion, le marketing, le life science, le croisement de calculs scientifiques… (…) Big Data où comment retirer « l’essence » du monde de données qui nous entourent : deviendra t’il le nouveau carburant de l’industrie du 21ème siècle ! »

Aucune allusion aux effets collatéraux de ce big marché — l’espionnage à grande échelle de ces même « grosses données » par les services de renseignement. Pourtant, comme intervenants à cette table ronde, il y avait du lourd:

  • Un grand cabinet d’avocats — non, pas des avocats spécialisés en droit public ou constitutionnel, mais des avocats d’affaires, dont une belle brochette spécialisés à défendre les petites et grosses boites du secteur;
  • Marielle GalloMarielle Gallo, députée européenne [ci-contre], taxée de « Spécialiste du Numérique » dans le programme, mais plutôt connue pour prêter le flanc au même lobby des Big Data, notamment lors des débats autour du nouveau règlement sur la protection des données; salué en ce sens par la Quadrature du Net, et auréolé d’un magnifique Prix Orwell en juin dernier;
  • Et enfin, dans le rôle de l’alibi « citoyen », le lubrificateur en chef de cette foire aux données intimes sacrifiées sur l’autel du big business, un représentant de la CNIL, rebaptisée Commission de notification des irrégularités liberticides, qui s’est dotée en 2011 d’un truc genre « think tank » dédié à la Prospective et à l’innovation pour mieux nous faire avaler la pilule (cf le chapitre 9 du bouquin « Attentifs ensemble » paru à La Découverte).

Au passage, rappelons que le laboratoire à idées cité plus haut, Renaissance numérique, milite — pardon, « s’interroge » — contre le « droit à l’oubli », qui obligerait les marchands d’identités à effacer toute trace d’une personne qui en ferait la demande.

Et, dernière pantalonnade, Renaissance numérique, tout comme le vaisseau amiral de la confrérie, l’ASIC (Association des services internet communautaires — c’est à dire Google, Facebook, Microsoft, Ebay, Dailymotion/Orange…), se répand en communiqués rageurs pour critiquer la prochaine loi de programmation militaire, qui prévoit de légaliser le chapardage systématique des métadonnées. (Ici la fausse pudeur de RN, et là la bafouille démago de l’ASIC). J’attends avec impatience les comptes-rendus détaillés de ces « Assises » pour apaiser mes craintes.

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