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@Mettout, vous devriez quand même accepter d’écouter un peu…

mercredi 2 décembre 2015 à 19:02

Guy-FawkesLe propre d’une corporation est d’être corporatiste et donc de se serrer les coudes. C’est naturel, c’est humain. Il est par contre parfois un peu malsain d’en venir à défendre ses collègues, sa corporation, au delà du raisonnable, jusqu’à proférer des contre-vérités. Réponse à Eric Mettout, journaliste parti en guerre — et un peu en cacahuète — contre les « légions de l’Internet libre ». [billet de blog, non corrigé par mes pairs, tant pis pour les amoureux des belles lettres]

Cher Eric, j’ai attentivement lu ton billet de blog intitulé « Les légions de l’Internet libre » et je suis un peu désappointé. En effet, rien de concret, de sourcé, de vérifiable ne vient appuyer ton discours — puisqu’il n’y a rien d’autre que du discours dans ton billet, disons-le — censé défendre l’édito de ta consœur nommé « Daech est une créature de l’ère Internet ». C’est fort dommage, surtout pour des journalistes.

Reprenons depuis le début. Et tentons de nous mettre d’accord. Tranquillement. Ou pas.

Quand un journaliste veut s’emparer d’un sujet qu’il ne maîtrise pas…

L’édito dont tu prends la défense est absolument déplorable, pour une raison simple : il est un empilement de poncifs et enfile des perles à propos d’Internet, le web, et tout cet univers fort complexe, touffu et fabriqué par des millions de personnes depuis des décennies.

Je m’explique : un journaliste, s’il est un simple « surfeur du web » (expression très 90’s qui pourrait se marier avec les « autoroutes de l’information » de Bill Gates), n’a qu’une vision d’Internet très réduite. Ce qui est bien normal, puisqu’il n’est pas du tout spécialiste, ou féru du domaine.

Décrire Internet depuis l’extérieur, sans le pratiquer intensément durant de longues années, sans y rencontrer ceux qui le font, le modifient, le protègent, est un exercice périlleux pour un journaliste qui veut en parler.

Pour enfiler la métaphore, c’est un peu comme quelqu’un qui n’aurait aucune notion d’histoire, lirait Mein Kampf et voudrait soudainement se mettre à expliquer comment les livres, l’écriture, l’imprimerie et les idées peuvent devenir un très grand danger pour l’humanité. Sans discuter avec aucun historien ou politologue.

La personne en question aurait raison en apparence dans son discours : les livres ça peut être dangereux, les idées aussi, et l’imprimerie une technologie fortement déstabilisatrice, parce que permettant toutes les propagandes. C’est vrai Eric. Mais ce serait un peu réducteur, non ? Et c’est bien là que nous arrivons à Internet, cette imprimerie très moderne…

Internet est Internet parce qu’il est sans contrôle, décentralisé et doit rester neutre

Ce serait un peu long ici même, de te retranscrire toute l’histoire du net, cher Eric, mais il faut que tu saches que ce réseau de réseaux est ce qu’il est, te permet de faire ce que tu fais parce qu’il n’est pas centralisé. Il n’a donc pas de « chef ».

Il n’y a pas d’autorité centrale avec Internet. Et le concept de neutralité du net, qui a déjà une quinzaine d’années est assez important pour une raison simple, puisque sans neutralité du réseau, tu te retrouverais avec plein d’Internet différents les uns des autres, et que fonction d’où, comment, avec quel appareil, quel FAI, que montant payé pour ton accès, tu n’aurais jamais le même Internet. Ce serait dommage, parce que les pauvres, par exemple, auraient leur Internet, bien moins rapide que l’Internet des riches, et puis les communications des puissants auraient des priorités, et tu serais obligé d’attendre, et plein d’autres choses étranges t’arriveraient, au bon vouloir des telco et des décisions de leurs gouvernements…

Mais peut-être es-tu un ardent défenseur de cette conception de la liberté basée sur la discrimination et l’inégalité de fait, par l’argent ou la condition ?

Daech, ce scélérat qui ose utiliser des codes secrets !

Tout le départ de cette histoire vient de ce fameux édito grotesque de ta consœur. Les djihadistes utilisent plein de trucs pas net sur le net. Au point qu’on lit qu’il y a un « Dark Web », et toutes ces choses que le lecteur peu averti prend pour argent comptant : alors comme ça il y aurait des coins sombres dans le réseau ? Naaaan, c’est dingue Eric ! Un scoop : si tu ne veux pas qu’on voit ta tronche en voiture, tu peux faire fumer tes vitres. Ah, zut, ça va être interdit. Mais mieux : tu peux rencontrer des gens dans des endroits où il n’y a :

Dans ces endroits obscurs (ton arrière cuisine, un bois, une carrière, une usine désaffecté, le salon de ta mémé partie en cure), les gens se disent des trucs sans que personne ne soit au courant. Ils peuvent même y préparer des attentats. Que faut-il faire ? Interdire les coins sombres ?

Plus sérieusement : les communications chiffrées, les protocoles d’accès à des services « invisibles », les techniques d’anonymisation, tout ce travail formidable qui a été réalisé sur le réseau pour permettre de préserver autant que possible la vie privée des personnes, sont aussi importants que ton droit à la confidentialité des correspondances, à la vie privée et à la propriété privée. Accepterais-tu de vivre dans une société où l’Etat pourrait ouvrir ton courrier, déclencher une caméra pour regarder ce que tu fais chez toi à tout moment, ou pouvoir écouter tout ce que tu dis, tout le temps ?

Le système politique où ces droits élémentaires (confidentialité, vie privée etc…) étaient annihilés est connu, c’est l’Union Soviétique. l’Express serait donc devenu un repère de staliniens qui voudraient centraliser Internet, le contrôler, lui ôter tout caractère de confidentialité, sous prétexte que des djihadistes l’utilisent ? Il va falloir nous expliquer ça…

La légion d’Internet n’existe pas plus qu’un Daech généré par l’ère Internet

Lors de la seconde guerre mondiale, les Américains avaient trouvé un truc (que tu dois connaître) pour passer des messages vocaux qu’aucun ennemi ne pouvait déchiffrer : ils utilisaient la langue navajo. Comme personne d’autres que les Navajos ne parlaient navajo, et que l’ennemi n’avait pas de Navajos sous la main, c’était bien pratique. On appellait ça des code-talker. C’est un peu PGP avant l’heure, un truc chiffré, que tu ne déchiffres pas comme ça. Il y avait même un dico du code. Effrayant…

Il est pour autant certain que la seconde guerre n’a pas été gagnée grâce aux Navajos. Ni qu’Hitler a pu devenir le Führer et causer 6 millions de morts par déportation uniquement grâce à l’imprimerie. Ou à la radio (et un peu de cinéma-télévision). Même si tous ces éléments l’ont aidé.

Internet est quelque chose de puissant, c’est vrai. Comme la TV, ou la radio en ondes courtes. Pour peu qu’on sache comment il fonctionne. Pour autant Internet n’est pas autre chose qu’un outil de communication dont les êtres humains font ce qu’ils veulent. Mais il ne faudrait pas pour autant en venir à penser que communiquer est dangereux. Les « gentils » communiquent, et les « méchants « aussi. Daech est méchant et il communique. Il utilise des outils modernes de communication. Comme il utilise des moyens modernes pour se déplacer. Pour faire la guerre. Pour engranger de l’argent.

Donc, renvoyer aux lecteurs que Daech est une « créature de l’ère Internet », est une démarche intellectuelle très périlleuse. Totalement foireuse, en réalité.

Les républicains espagnols recrutaient des milliers de jeunes gens qui venaient les rejoindre pour lutter contre Franco : bizarrement, Internet n’était pas encore du tout au point. Les exemples de génocides, de mise en place de dictatures au cours du XXème siècle — tous sans Internet — sont légions.

Pourquoi donc avoir besoin de théoriser sur Internet pour expliquer la création de Daech ? Parce que toutes les autres raisons, politiques, géopolitiques, économiques sont plus difficiles à faire passer, du point de vue de la responsabilité des dirigeants des grandes « démocraties » ? L’intervention de Georges W. Bush de 2003 en Irak ne serait-elle pas un peu en cause ? Le suivisme français en Afghanistan, les atermoiements sur la Syrie, le soutien aux « rebelles » syriens financés par les alliés des pétromonarchies qui ont fini par constituer Daech ne seraient-ils pas de grosses pièces du puzzle, un peut trop gênantes ?

Un indice : sans Internet, les kalachnikov crépitent quand même, les égorgement font couler du sang, les revendications aussi. Un bon gros camescope, et des envois aux plus grandes rédactions, et tout le monde connaîtra la revendication au 20h. Le pétrole se transporte avec des camions pas avec Internet, et s’il n’y a pas d’Internet, tous les systèmes connus depuis la seconde guerre mondiale (et avant) pour échanger des informations et faire des transactions secrètes seront utilisés. Ben Laden en 2001 n’avait pas besoin d’Internet dans sa grotte pour être une super-star…

Je finis donc cette réponse à ton billet avec les « légions de l’Internet libre » — que tu dénonces — mais sans m’attarder, puisque c’est peut-être là le plus affligeant de l’affaire.

Il n’y a pas de « légions » sur Internet. Seulement des individus, les plus libres possibles, qui tentent, le plus souvent, de défendre leurs idées. Leurs convictions. Pas toujours celles que tu apprécies — ou celles que certains gouvernements apprécient dans le cas des « légions de l’Internet libre ». Et donc, il faut savoir que ceux qui luttent pour que la liberté de communiquer sans contrôle des Etats ou d’autres puissances, sont avant tout des gens de conviction. Qui connaissent… et aiment le réseau. Les légions en question, en y réfléchissant bien, sont en réalité des communautés. On appelle ça parfois des peuples aussi. Qui revendiquent leur droit à la liberté… et à l’expression.

C’est visiblement ça que vous n’aimez pas, toi et ta collègue de l’Express.

Et c’est peut-être bien ça, au fond, qui nous sépare. Certainement, en y pensant bien.

P.S : Pour le pseudonymat sur Internet, que vous détestez visiblement, toi et ta consœur, il serait intéressant de nous expliquer, à nous la « légion », pourquoi le pseudonymat est utilisé depuis le XIXème siècle par la profession des journalistes — ainsi que par les auteurs — sans que cela ne gêne personne ?

Daech, les bitcoins, le dark ouèbe et l’Express… mais pourquoi ?

mardi 1 décembre 2015 à 23:05

darknet-image-735L’Express face aux « légions du web », avec un peu d’Internet dedans, c’est le petit psychodrame qui a animé aujourd’hui Twitter. Un article publié sur le site de l’Express a fait réagir, assez logiquement, pas mal de monde. L’article en question, signé Christine Kerdellant, est un inventaire à la Prévert d’approximations, pourtant éculées sur Internet, dans lequel l’auteur explique tout le bénéfice qu’en tire une organisation comme Daech, qualifiée de « créature de l’ère Internet« . Christine Kerdellant va jusqu’à affirmer que Daech n’existerait pas sans Internet.

Un article qui sonne comme une charge anti Internet pour certains, de trop évidentes vérités pour d’autres. Reste les faits. Et les faits ne font pas pencher la balance en faveur de cet article qui assène tout de même un bon nombre de contre-vérités, de clichés, le tout évidemment sans aucun élément factuel qui pourrait venir étayer les propos tenus.

« Les djihadistes de l’Etat islamique n’existeraient pas sans Internet. Ils utilisent le bitcoin, le crowdfunding, le cryptage de Telegram, Facebook et le dark web, le côté obscur de la toile, ces sites Internet qui échappent à l’indexation de Google. »

On a par exemple dans cette introduction une contre vérité, un amalgame malheureux, et un non sens.

La contre vérité : les djihadistes de l’Etat islamique existeraient sans Internet, comme avant eux ceux du Kosovo. Internet ne fait que rendre visible ce qui ne l’était pas si facilement.

Le malheureux amalgame : « ils utilisent bitcoin »… la belle affaire. L’auteur fait ici probablement référence à des transactions pseudo anonymes. Sauf que l’auteur se méprend sur la nature de Bitcoin. Les djihadistes utilisent aussi l’électricité, pourtant, on ne voit pas de médias s’en prendre à EDF. En outre Bitcoin n’est pas le FarWest dépeint dans cet article, et les transactions sont parfaitement traçables. Voici un article de Metronews sur la question que Christine Kerdellant aurait du lire, et voici sa version approfondie en anglais.

Le non sens : « le cryptage de Telegram, Facebook et le dark web », ici l’auteur doit vouloir parler de chiffrement (et non de cryptage). Le même chiffrement que l’on retrouve aujourd’hui sur beaucoup de sites web, SSL/TLS (du moins pour Facebook), et pour Telegram c’est un peu plus fumeux, mais certainement pas aussi sécurisé que ne se l’imagine l’Express. Telegram est fermé, il produit beaucoup trop de métadonnées pour isoler correctement le contexte, il s’utilise souvent sur des smartphones qui sont tout sauf sécurisés et il n’est évidemment pas exempt de failles. Bref à mélanger des choux avec des carottes, on en vient à dire un peu n’importe quoi.

Le contenu de l’article est du même cru, on apprend par exemple que les djihadistes auraient organisé les attentats sur Telegram. C’est d’ailleurs amusant car l’article du même site sur lequel link cette assertion parle bien de revendications mais pas d’organisation… et il y a une petite nuance technique qui fait sens à bien faire la distinction entre utiliser un réseau de communication public pour revendiquer un attentat, ou l’utiliser pour organiser un attentat. Dire que les djihadistes organisent des attentats sur Telegram, en l’absence d’élément factuel pour étayer cette affirmation, c’est …. n’importe quoi. Et c’est d’autant plus n’importe quoi que les enquêteurs ont mis en évidence l’utilisation de simples SMS non chiffrés pour se coordonner. Mais c’est tellement moins vendeur et anxiogène un banal SMS.

Passons sur le vocabulaire jamesbondesque qui fige le lecteur dans la cryptoterreur « Telegram permet d’envoyer à des groupes d’utilisateurs des messages écrits, des photos et des vidéos chiffrés de bout en bout, qui s’autodétruisent une fois lus ». Les terroristes s’envoient donc des messages qui s’autodétruisent… sont forts ces terroristes, ils font même péter les messages chiffrés.

Un bon article anxiogène sur Internet ne peut faire l’impasse sur le « dark web », le web sombre, le web aux couleurs de Daech.

« Ensuite, tout se passe sur le dark Web, le côté obscur de la Toile, ces sites Internet qui échappent à l’indexation de Google »

Ça fiche la trouille hein ? Un réseau qui échappe à l’indexation de Google. Mais comment kifon ? Personne n’empêche Google de venir indexer le « dark web ». Par contre dans le web pas dark si je ne veux pas que Google indexe mon site, je dis à ses robots de passer leur chemin, dans un petit fichier nommé robots.txt, placé à la racine de mon site, voici par exemple celui de l’Express.
… bref une fois de plus l’auteur parle manifestement de concepts qu’il ne maîtrise pas, c’est criant… objectivement criant. Rappelons que la vertu du Dark Net (et non du Dark Web) c’est d’être un réseau anonymisant. Pour les sites web, ceci a un effet bénéfique direct puisqu’on peut publier de manière anonyme, notamment en se passant d’un registar à qui l’on doit confier des données personnelles pour l’enregistrement d’un nom de domaine. Bref la réalité est bien moins fantasque que ce que l’article décrit.

Mais c’est un peu plus loin que l’article arrive à son paroxysme avec un scénario scadastrophe… car oui l’auteur cherche à parler de SCADA, mais là encore, il le fait n’importe comment et on aboutit sur une belle énormité : le hack du site d’une centrale nucléaire… ni plus ni moins.

« Le ministre des Finances britannique, George Osborne, a avoué qu’il craignait les cyberattaques mortelles: même si ce n’est pas à la portée du premier venu, il est possible de s’attaquer, via le Web, aux hôpitaux, à la gestion de l’air, de l’eau ou de l’électricité, voire aux centrales nucléaires, en « hackant » leurs sites, c’est-à-dire en pénétrant à l’intérieur des systèmes informatiques internes pour les dérégler. »

Outre le fait que Daech n’a probablement pas la capacité à mener une opération du type Aurora et encore moins du type Olympic Games, plus connue sous le nom du virus Stuxnet, sur la centrale nucléaire iranienne de Natanz, ce n’est certainement pas en piratant en remote un site web qu’on peut arriver à attaquer des centrifugeuses… là on est carrément dans l’absurdité technique la plus totale.

L’Express aurait pu s’en tenir à un mauvais article, il serait vite passé aux oubliettes, ce n’est pas le premier mauvais article alarmiste sur cette « saloperie » qu’est Internet pour reprendre le qualificatif de Jacques Seguela.
Mais voilà que piqué au vif par les réactions des internautes, une seconde publication, signée Eric Mettout, fait écho à ce mauvais article.
Ambiance cour de récréation, il entend régler des comptes avec les « légions de l’Internet libre ». L’auteur n’aura peut-être pas remarqué le pléonasme dans son titre puisque pour faire officiellement partie d’Internet, un protocole doit faire l’objet d’au moins trois implémentations libres… oui c’est comme ça, Internet est libre, et heureusement parce que sinon il fonctionnerait beaucoup moins bien. Les « légions de l’Internet libre »… quel terme calamiteux.

Et il attaque fort Eric Mettout à qui je signale tout de suite que je ne suis pas du tout anonyme et qu’il n’aura pas grand mal à mettre un nom derrière mon pseudonyme :

« Le Web est un repaire de légions, question de viralité, d’immunité et d’anonymat, ces pères et mères de toutes les lâchetés, mensonges et manipulations. »

S’en suit une diatribe dont l’objet est de venir à la rescousse de Christine Kerdellant. Si cette solidarité est tout à son honneur, après ce que nous venons de voir ensemble, vous comprendrez qu’il est hasardeux de défendre toutes ces approximations qui confinent à la désinformation. Pourtant, Eric Mettout parvient à reformuler la problématique qui aurait mérité un bien meilleur traitement.

« sans Telegram, Facebook, les réseaux de financement participatifs ou le cryptage, le prétendu Etat islamiste n’existerait pas, en tous cas sous la forme qu’on lui connaît, qu’il ne serait ni aussi réactif, ni aussi riche, ni aussi puissant, ni aussi convaincant, ni aussi efficace. Ca se tient, et assez bien même. Au pire, ça se discute. Mais chez ces gens-là, Monsieur, on ne discute pas, on flingue. »

Expliqué comme ça pourquoi pas.. (mais par pitié … chiffrement… pas cryptage). Oui on peut discuter du fond, sauf que l’article n’aborde à aucun moment des questions de fond et se borne à expliquer avec une grande maladresse qu’Internet, c’est le danger.

 » à Christine surtout, mais à moi aussi, un peu, parce que j’ai « laissé passer ça » – de ne pas connaître le sujet (un classique) »

Démonstration est faite que le sujet n’est pas maîtrisé, je n’irai pas argumenter sur les remarques insultantes faites à l’Express, je ne les cautionne pas. Mais je ne peux m’empêcher de relever une incongruité de plus à la lecture de cette phrase :

« Notamment, mauvaise foi ou mauvaise vue, ils désapprennent à lire dès lors qu’on touche à la question ultra-sensible de la neutralité du Web et, plus largement, de sa responsabilité et d’une éventuelle réglementation adaptée. »

Que vient faire la neutralité du NET (et non du web… le web n’étant qu’un protocole comme le Net en compte par centaines) dans cette histoire ? On parle de confidentialité des échanges, d’anonymat, de l’utilisation d’un réseau public qui pourrait très bien être non chiffré puisque ce n’est qu’un support de communication au public, un outil de propagande dont l’objet est d’être bien visible pour pouvoir recruter.

L’article initial n’était donc pas brillant, c’est un fait… Mais sa justification, aussi inutile qu’indigne d’un grand média comme l’Express, c’est un cyber suicide.

Climat : des voix scientifiques contre l’emballement politique

mardi 1 décembre 2015 à 19:18

curry

Le consensus scientifique asséné par le GIEC commence à agacer des climatologues pourtant engagés de longue date dans la défense du caractère anthropique du réchauffement/changement climatique. L’un d’entre eux est Judith A. Curry :

Judith A. Curry est une climatologue américaine, présidente de la School of Earth and Atmospheric Sciences (École des sciences de la Terre et de l’atmosphère) au Georgia Institute of Technology. Ses domaines de recherche comprennent les ouragans, la télédétection, les modèles atmosphériques (en), le climat polaire, les interactions air-mer et l’usage de drones pour les recherches sur l’atmosphère. Elle est membre du Comité de recherche climatologique (Climate Research Committee) du Conseil américain de la recherche1.

Judith Curry est coauteur du livre Thermodynamics of Atmospheres and Oceans (1999) et coéditrice de l’Encyclopedia of Atmospheric Sciences (2002). Elle est également auteur ou coauteur de plus de 140 articles scientifiques. Au nombre des distinctions dont elle a été honorée figure le Henry G. Houghton Research Award, qui lui a été décerné par la Société américaine de météorologie en 1992. (Source : wikipedia)

Judith A. Curry est intervenue en avril 2015 au Congrès américain pour apporter ses doutes sur l’emballement politique en lien avec le caractère anthropique du changement climatique. En tant que scientifique, madame Curry ne peut plus cautionner le discours du GIEC sur les causes de ce réchauffement — qui n’augmente quasiment plus depuis 1998 — par les gaz à effet de serre dont au premier chef, le  CO2.

Résumé de son intervention (traduction originale sur http://pensee-unique.fr et vidéo originale en fin d’article) :

Le changement climatique anthropique est une théorie dont le mécanisme de base est bien compris mais dont l’amplitude est hautement incertaine. Nous savons que le climat évolue naturellement sur des échelles de temps allant de décennies aux siècles mais nous n’avons pas d’explication pour un grand nombre de variations répertoriées au cours de l’histoire ou vues dans les données paléo-climatiques. Ces dernières incluent le réchauffement de 1910 à 1940, le refroidissement de la moitié du 20e siècle et les hiatus observé au début du 21e siècle. Les désaccords au sujet du changement climatique résultent de l’incertitude reconnue au sujet de la variabilité naturelle du climat.

Les projections des modélisations du climat pour le 21e siècle voient leur crédibilité s’amenuiser à cause de :
• L’échec des modélisations dans la prédiction du hiatus du réchauffement de la surface au début du XXIe siècle.
• L’incapacité de simuler l’organisation et le timing des oscillations océaniques multidécennales.
• L’absence de la prise en compte des variations solaires futures et des effets indirects du soleil sur le climat.
• L’apparente exagération de la sensibilité vis à vis de l’augmentation des gaz à effet de serre.

Ainsi, comment le climat du 21e siècle va-t-il évoluer ?

Outre le manque de confiance dans les projections des modèles climatiques qui se focalisent principalement sur l’impact de l’augmentation des gaz à effet de serre, notre connaissance est insuffisante pour être capable de projeter les effets des variations du soleil, les conséquences des éruptions volcaniques futures et des variations décennales et centennales de la circulation des profondeurs océaniques. Nous ne pouvons pas éliminer la possibilité d’une continuation du hiatus ou même d’un refroidissement à venir durant une partie du 21e siècle.
Nous ne pouvons pas prévoir, avec la moindre certitude, comment les variations solaires, les éruptions volcaniques, les circulations océaniques et l’influence humaine vont interagir pour déterminer l’évolution du climat durant le 21e siècle et les scientifiques ne sont pas d’accord sur lequel de ces facteurs dominera les autres.

[…]

Le changement climatique est-il dangereux ?

La question cruciale pour ce qui est du changement climatiques est celle-ci : Le réchauffement climatique est-il dangereux ?
La convention internationale de l’ONU, l’UNFCC (1992) affirme que son objectif est de parvenir à  » la stabilisation de la concentration des gaz à effet de serre à un niveau qui éviterait une interférence anthropique dangereuse avec le système climatique ».
Les troisième et quatrième rapports du GIEC font état de « raisons d’inquiétude ». Ce n’est qu’en 2010 qu’une clarification au sujet du mot « dangereux » a été apportée par les négociateurs internationaux de l’ONU. En 2010 les gouvernements sont tombés d’accord sur le fait que les émissions doivent être réduites de manière à ce que l’augmentation de la température du globe soit limitée à 2°C. La cible des 2°C est demeurée le point central des accords internationaux et des négociations bien que cette définition reste controversée et soit actuellement remise en question.

La justification originale de la cible des 2°C repose sur l’idée que des « points de basculement », – c’est à dire des transitions abruptes et non linéaires vers une état différent – pourraient se produire si ce seuil était franchi avec des conséquences qui seraient grandement non maîtrisables et hors de notre contrôle.
Le rapport AR5 du GIEC a envisagé la possibilité d’un certain nombre de points de basculement incluant la disparition de calottes glaciaires, l’effondrement de l’AMOC ( NdT : dont fait partie le Gulf Stream) et le relâchage du carbone par le pergélisol. Chacun de ces scénarios catastrophiques a été analysé par le GIEC (table 12.4) et ils se sont vus attribuer des qualificatifs de « très improbable » et « exceptionnellement improbable » ou bénéficient d’une faible confiance. Le seul point de basculement que les GIEC considère comme probable pour le 21e siècle est la disparition de la glace arctique en été (qui se reforme en hiver quoiqu’il arrive). […]

En dépit de cela, le seuil de 2°C est utilisé dans un but politique pour motiver sur l’urgence à agir pour limiter les émissions de CO2.
Lors d’un récent sommet climatique de l’ONU, le secrétaire général Ban-Ki-Moon a averti que  » En l’absence de réductions significatives des émissions de tous les pays et dans des secteurs clefs, la fenêtre d’opportunité pour rester dans la limite des 2°C ( de réchauffement) sera fermée pour toujours. »

En réalité, cette fenêtre d’opportunité pourrait rester ouverte beaucoup plus longtemps encore. Les valeurs plus faibles de la sensibilité climatique trouvées par Lewis et Curry et par d’autres études récentes impliquent que l’on s’attend à ce que le réchauffement climatique anthropique ne dépassera pas la limite « dangereuse » des 2°C au cours du 21e siècle. Un taux d’augmentation plus faible du réchauffement signifie qu’il est moins urgent d’éliminer les émissions de gaz à effet de serre et que l’on dispose de plus de temps pour trouver des solutions acceptables du point de vue économique pour décarboner l’économie. Cela procure aussi plus de flexibilité pour réviser nos politiques au fur et à mesure que de nouvelles informations deviendront disponibles. […]

Une cascade d’informations biaisées

Le changement climatique peut exacerber les problèmes environnementaux qui résultent de la surpopulation, de l’utilisation mal programmée des sols et de la sur-exploitation des ressources naturelles. Cependant il est très difficile de séparer les impacts des variations climatiques anthropiques de ceux qui résultent des variations naturelles du climat et des autres impacts sociétaux.

Il n’en reste pas moins que le changement climatique est devenu l’objet d’un grand plaidoyer selon lequel les variations anthropiques du climat sont devenues la cause dominante des problèmes sociétaux. Tout ce qui tourne mal et y compris jusqu’à des problèmes qui existaient auparavant, renforce la conviction qu’il n’y a qu’une seule chose que nous puissions faire pour résoudre le problème du changement climatique, c’est d’arrêter de brûler des combustibles fossiles. Ce grand plaidoyer est trompeur parce qu’il nous persuade que si nous résolvions la question du changement climatique la situation des autres problèmes serait alors résolue.

Les politiciens, les activistes et les journalistes ont mis en place un système de cascade d’informations biaisées et alarmantes quant au changement climatique anthropique dans le but de renforcer un agenda politique dont l’objectif est de réduire les émissions des carburants fossiles.

Une cascade d’informations est un processus qui s’amplifie de lui-même pour participer à la mise en place d’une croyance qui déclenche une réaction en chaîne auto-entretenue à l’image de la constitution d’une foule ou de la formation d’une boule de neige qui dévale une pente : plus un danger retient l’attention, plus le public s’en inquiète, ce qui conduit à une amplification de la couverture médiatique et, donc, de l’alarme.
Du fait que la lente augmentation des températures ne semble pas alarmante, ceux qui mettent en place ces processus mettent en avant l’idée que les événements météorologiques extrêmes et les impacts sur le santé résultent du changement climatique anthropique et que l’avenir est encore plus sombre si nous n’agissons pas rapidement pour refroidir la planète en réduisant les émissions des carburants fossile.

Une déconstruction de la cascade d’informations est impérative si nous voulons éviter de voir notre raisonnement biaisé et si nous voulons améliorer notre compréhension des véritables risques encourus du fait du changement climatique :

• L’origine de cette cascade se trouve dans le traité de l’UNFCC (NdT : La Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique) de 1992 qui était destiné à éviter le changement climatique anthropique dangereux au moyen de la stabilisation des émissions de CO2. Il est remarquable que ce n’est qu’en 1995 que le second rapport du GIEC a identifié une influence humaine « discernable » sur le climat du globe. Il est donc évident que le « char » de la politique » a précédé le « cheval » de la science.

• Par la suite l’UNFCC a modifié la définition du changement climatique pour se référer à un changement climatique qui est attribué directement ou indirectement à l’activité humaine. Ceci a conduit à la perception que tous les changements climatiques sont dus à l’homme.

• La hausse du niveau des océans et les événements météorologiques extrêmes tels que les ouragans, les sécheresses et les vagues de chaleur résultent du changement climatique dont on suppose, de facto, qu’il est causé par les hommes.

• Les impacts sur la santé humaine, les risques pour la sécurité nationale etc. qui sont exacerbés par les événements météorologiques extrêmes sont alors fallacieusement attribués à des causes liées au changement climatique anthropique.

Le point clef de cette cascade est le lien suggéré entre le changement climatique anthropique et les événements météorologiques extrêmes.

En 2012, le GIEC a publié un Rapport Spécial sur la Gestion des Événements Extrêmes et des Désastres pour la Promotion de l’Adaptation au Changement Climatique (Rapport SREX). Ce rapport a accordé une confiance basse à moyenne pour une tendance des sécheresses dans plusieurs régions du monde et une confiance élevée pour les vagues de chaleur en Australie. Il n’y a aucune tendance pour ce qui est des ouragans et des feux de forêts. L’attribution de quelque tendance que ce soit pour les événements météorologiques extrêmes ne peut être effectuée avec quelque degré de confiance que ce soit.
Pour ce qui concerne la perception (et les statistiques sur les dommages) selon laquelle les événements météorologiques extrêmes deviendraient plus fréquents, il y a plusieurs facteurs à prendre en compte.
Le premier est la vulnérabilité croissante et l’exposition associées avec une concentration croissante de la richesse dans les zones côtières et dans d’autres régions naturellement exposées aux désastres.
Le second facteur résulte de la variabilité naturelle. Nombre d’événements météorologiques extrêmes ont été attribués à la variabilité naturelle du climat. Aux Etats-Unis, les événements météorologiques extrêmes (e.g. les sécheresses, les vagues de chaleur et les ouragans) ont été notablement pires durant les années 1930 et 1950.

La cascade des informations sur le changement climatique décrit comme une apocalypse, obère notre capacité à raisonner rationnellement sur la manière dont nous devrions répondre au changement climatique et agit en rétrécissant les points de vue et les options politiques sur lesquels nous pourrions converger pour ce qui concerne la santé publique, les désastres météorologiques et la sécurité nationale.

Devrons nous être surpris si la réduction des émissions de CO2 n’améliore aucun de ces problèmes ?  »
[…]

 15 Avril 2015

Judith A. Curry
Institut de Technologie de Géorgie

Judith Curry a fait précéder le texte de sa déclaration par le bref résumé que voici :

« Les points principaux :

La recherche et les données récentes vont dans le sens de l’importance de la variabilité naturelle du climat. Ils remettent en question la conclusion que les humains sont la cause principale du changement climatique récent.

• La suspension du réchauffement climatique depuis 1998.
• Les estimations à la baisse de la sensibilité du climat au dioxyde de carbone.
• Les modèles climatiques prédisent beaucoup plus de réchauffement que celui qui a été observé au début de ce XXIe siècle.

Nous (NdT : La communauté des climatologues, le GIEC etc.) avons fait plusieurs choix qui posent problème quant à la définition de la situation du changement climatique et aux remèdes à y apporter.

• La définition d’un changement climatique « dangereux » est ambiguë et suppose l’existence de points de basculement catastrophiques qui sont considérés comme très peu, ou extrêmement peu, probables au cours du XXIe siècle.

•Les efforts poursuivis dans le but d’établir un lien entre les catastrophes résultant des extrêmes climatiques avec le réchauffement climatique causé par l’homme, sont trompeurs et ne sont pas supportés par les observations.

• Le changement climatique est un problème épineux qui est mal adapté à une solution de « commandement et de contrôle ».

• Il a été estimé que l’engagement des USA (INDC, Intended Nationally Determined Contribution) d’une réduction de 28% des émissions, réduirait de 0,03°C le réchauffement en 2100 (NdT : soit une baisse de quelques millièmes de degré pour des mesures équivalentes prises par la France).

Le caractère inadapté des politiques engagées qui reposent sur le Principe de Précaution laissent totalement sans solution les conséquences réelles du changement climatique et des événements météorologiques extrêmes (que ceux-ci résultent de la variabilité naturelle ou soient causés par l’humanité) :

• Nous devrions élargir le cadre de pensée pour la politique climatique et nous devrions fournir aux décideurs un choix plus vaste d’options lorsqu’il s’agit de gérer les risques liés au changement climatique.

• Des solutions pragmatiques reposant sur des efforts pour accélérer l’innovation en matière d’énergie, pour accroître notre résilience aux événements météorologiques extrêmes et pour poursuivre des mesures effectives de réduction de la pollution, ont des justifications indépendantes de leurs bénéfices en terme d’atténuation du changement climatique et d’adaptation. »

COP21 : opération #çafoutlatrouille et nucléaire à fond

dimanche 29 novembre 2015 à 16:09

Restons prudents, l’apocalypse climatique promise n’est pas encore là, mais des spécialistes plus ou moins bien inspirés savent pourtant bien nous la vendre. C’est une vision du monde. D’avant, pendant, et après la COP21.

C’est le cas de Jean-Marc Jancovici, ce polytechnicien et « consutant  climat-énergie » qui  nous fait part de ses œuvres littéraires et des solutions… nucléaires pour sauver l’humanité.

Le super-diplômé n’y va pas avec le dos de la cuillère, puisqu’il parle du danger du changement climatique, qui, « avec ce que l’on sait du danger qu’il représente, peut diminuer de plusieurs milliards la taille de l’humanité (…)  » et conclue avec un : « Je préfère de très loin les risques du nucléaire ».

Oui, parce que pour Mr Jancovici, il est impossible de passer au 100% renouvelable pour compenser une fermeture complète et incontournable de toutes les centrales au charbon de la planète.

Rien que ça.

Mais tout ça est tout à fait normal et annoncé par les rapports du GIEC. Nous vivrons donc dans un monde du brevet énergétique high-tech fait de solutions passant (beaucoup) par l’atome : vive l’écologie, vive la « décarbonisation » de l’environnement…


Jean-Marc Jancovici, « Grand angle », TV5Monde… par littlebigfred

Petit manuel du radicalisé islamiste français : un peu de questionnement, ça peut pas faire de mal…

vendredi 27 novembre 2015 à 19:01

Salafistes

Il y a beaucoup de monde pour venir, qui trouver l’origine du mal, qui expliquer le processus de radicalisation dans le détail, mais au fond, dans la grande majorité des commentaires et analyses, personne ne veut vraiment voir — le plus souvent — une réalité plus large et peut-être un peu trop déprimante pour être partagée. Allons enfants de la Patrie, le Jour de Gloire est arrivé…

Le projet ? Etre compétitif… à tout prix

Les sociétés modernes industrielles sont toutes confrontées depuis la première crise de 1974 aux même problèmes : chômage, ennui, manque de projet, règne de l’argent, domination des classes possédantes, destruction des repères collectifs, entretien et augmentation des inégalités.

Ces phénomènes, tout à fait orchestrés par les ténors du système mis en place depuis la mise en place du nouveau système de financiarisation de la planète (lire les articles sur les origines de la crise dont celui-ci qui parle de la crise de 73-74) va croissant et crée — à de nombreux moments — des mouvements de contestations, de remise en question, d’indignation —  plus ou moins violents et plus ou moins récupérés. Le punk, en 1977 est une réponse de la jeunesse au système abrutissant capitaliste. D’autres suivront, plus ou moins tranquilles : d’extrême gauche, ou d’extrême droite, basés sur une critique du système politique et parfois économique, avec comme propositions… pas grand chose de très concret ni de très réaliste.

La crise sociale française dure depuis le milieu des années 80, et elle s’amplifie dans les années 2000. Elle n’est pas le seul fruit d’une perte de vitesse économique causée par la désindustrialisation et le manque de « compétitivité » comme la plupart des ténors de la politique essayent en permanence de l’expliquer. La crise sociale française est complexe, multiforme et malheureusement entretenue par des politiques épouvantablement aveugles à celle-ci. Ou bien volontairement entretenue ? A chacun de se faire une opinion sur le sujet, le résultat reste là : paupérisation massive d’une partie de la population en l’espace de 15 ans, une défection des services publics essentiels, dont les services sociaux dans les zones les plus pauvres et les plus exclues. Ces zones qui accueillent les descendants des immigrés des années 50, 60 et 70, importés par la France qui manquait de main d’œuvre.

Bien entendu, la malaise social n’est pas cantonné aux ghettos post-immigration, puisque depuis les années 2000, la mondialisation libérale s’est donnée comme mot d’ordre la casse sociale aux fins de participer à la grande compétition économique et financière mondiale : pressions managériales, délocalisations, changements de méthodes de travail, optimisation de la gestion des ressources, optimisation fiscale, de rendement, de dividendes. Le tout recouvert par une somme de lois, règlementations, systèmes, automatisations plus étouffantes les une que les autres. La population devient un bétail pressé de se mettre en ordre et de faire tourner la roue, à n’importe quel prix, même celui de ne plus avoir de quoi vivre décemment tout en travaillant d’arrache-pied.

Une société du drive, du fun… et du vide

Tout cet enchainement socio-économique a été accompagné par la « révolution numérique » [des communications] et sa formidable capacité au pire… comme au meilleur. Passée la période excitante de découverte et de consommation des outils en ligne, le cobaye continue à tourner dans sa roue : commander sa bouffe avec un ordinateur, défoncer des ennemis dans des dédales en pixels, acheter les derniers hochets numériques à la mode et baver devant un écran ultra plat a ses limites. Le désert culturel, social, politique, économique post-moderne français devient béant. Le vide a besoin d’être rempli. C’est humain.

Là où les groupes « religieux », sectaires, fondamentalistes ont une option importante à jouer est justement ce moment du vide, du néant sociétal.  Quand plus rien, dans une société, ne tire en avant les individus, ne les relie — particulièrement pour ceux les plus faibles, fragiles, désorientés ou simplement les plus hargneux — l’appel à participer à quelque chose déclaré comme « grand », « collectif » et supérieur est un appel qui fonctionne. Relier, reliare : la religion…

Et quand ceux qui lancent l’appel ont en plus un territoire réel, conquis, et peuvent faire la promotion de leur « projet »… la tentation est grande.

Ainsi, le Califat, nommé l’Etat islamique, propose-t-il de le rejoindre afin d’effectuer plusieurs choses, dont l’une, centrale, est de vivre une expérience. Mystique, physique et politique.

Les milliers de jeunes européens s’étant convertis, souvent à la va-vite, partent pour de nombreuses raisons, toutes plus différentes les unes que les autres. Mais l’une d’elle, centrale, est de vivre une aventure, d’avoir (enfin) un projet, quelque chose à quoi se raccrocher. Prendre les armes. Oui. Tuer des gens. Comme les nations l’ont demandé à leurs populations durant des siècles. Au nom dun Dieu, qui les protège et les récompensera une fois morts. C’est effrayant, mais ce fut pourtant le lot des nations conquérantes… comme la France très longtemps.

De l’adolescente catholique au français de culture musulmane en passant par les enfants de gauchistes

La radicalisation est un processus varié, parfois complexe, mais connu. Des gens, très éduqués, peuvent du jour au lendemain rentrer dans une croyance délirante et se mettre à donner la quasi totalité de leur énergie et de leurs finances à une organisation « religieuse ». La scientologie est l’exemple le plus parlant. Démonter l’invention d’un auteur de science-fiction est malheureusement bien plus simple que les prêches de sectateurs se revendiquant d’une religion du Livre.

Toutes les religions monothéistes sont des religions du Livre. Le poids des monothéismes est important dans la plupart des sociétés pauvres, et bien moindre dans les pays riches. Quand une société n’a plus aucun repères, ni projet, ne laisse aucun espoir de changement, la tentation de se replier vers une croyance est grande. Si cette croyance se révèle  être simplement une réunion d’individus, sans plus de défis que ceux d’écouter des prêches et de prier, alors que d’autres, se revendiquant de la même religion, mais en plus « vrai », en plus pur, proposent d’agir, de participer à une prophétie, de changer de comportements, pour être élu, il y a de fortes chances que les jeunes désireux de se raccrocher à « quelque chose », aille vers la deuxième solution.

Ainsi, des jeunes gens, filles ou garçons, commencent par se tourner vers une croyance qui semble encore vivante et active, l’islam — religion souvent connotée comme religion des opprimés —  puis, ne trouvant pas obligatoirement là quelque chose de suffisant en termes d’excitation ou d' »aventure », trouvent les salafistes. Le salafisme permet de se rebeller contre la famille, la société, puisque pour les femmes il faut porter la burqa et pour les hommes,  se déguiser en barbu portant des pantalons larges. Comme les punks de 77 : le déguisement, le doigt à la société, à la famille, au pouvoir établi.

kepons-clash-77Ensuite, c’est un moyen de donner la leçon, parce que les contraintes que s’appliquent les convertis au salafisme, sont visibles et renvoient leur capacité à la pureté, à s’astreindre à un ordre, une loi divine super chiante : pas de musique, pas de rires, pas de représentations du vivant. Juste les prières, et la… désolation sociale : travailler est difficile déguisée avec une burqa ou en barbu salafiste…

Quand l’appel à aller vivre cette « religion » là où elle a établi ses quartiers, c’est-à-dire le Califat, survient, il est assez tentant, pour celui ou celle qui a plongé dedans, de passer le cap. Là-bas, au moins, il pense qu’il ne sera pas ostracisé, et puis en plus il pourra lutter avec ses « frères et ses sœurs » contre les méchants qui veulent les détruire, Allah, d’après eux, étant en plus présent là-bas à 130%…

Ce témoignage, extrait de l’émission « Un jour en France » de ce mercredi, est poignant. L’émission entière amène quelques réponses sur la démarche de radicalisation. Il reste que les jeunes gens qui plongent dans cet croyance sectaire — le salafisme — ne sont pas tous issus d’une culture musulmane, loin de là. Cette mère de famille a élevé ses enfants dans la tradition catholique.

L’état de la société n’est pas innocent, comme les terroristes

« No one is innocent » : comme le nom du groupe en question, il n’ y a pas à trouver des excuses, ou à dédouaner ceux qui commettent des actes irréparables, les djihadistes en l’occurrence.

[Attention cher lecteur, chère lectrice, article multimédia : envoie-toi donc ça dans les oreilles à fond, avec un casque, de préférence et tu reprends ensuite (Silencio, album : Propaganda – No one is innocent – 2015)] :

 

Mais il n’est pas possible non plus de se cacher les yeux, se fermer les oreilles, en refusant de comprendre ce qu’il s’est passé pour qu’on en arrive là. Exactement comme les tueries commises par des adolescents dans des campus aux Etats-Unis, croire que le ralliement idéologique, physique, d’une partie de la jeunesse à des structures violentes et totalitaires est une simple coïncidence avec laquelle la société n’a rien à voir est un mensonge aux conséquences terribles.

Ce que Valls a résumé en expliquant qu’il ne « voulait pas entendre d’explications sociologiques » aux attentats du 13 novembre. Si l’Etat islamique avait été une organisation politique pure de « destruction du capitalisme et de défense des opprimés » qui promettait un avenir glorieux à ceux qui les rejoindraient, il est probable qu’il aurait aussi bien fonctionné. Quand on sait que Manuel Valls, maire d’Evry a laissé les salafistes racoler dans les rue de sa ville durant des années, aux vues et au sus de tout le monde, et n’a jamais rien fait pour les stopper, tout en se félicitant récemment des contrats passés avec la monarchie d’où émane ce dogme…

 

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Mais la couche de promesse religieuse, de vérité universelle que la croyance salafiste amène est un « plus », et le nier est un aveuglement très inquiétant.

Que l’Etat islamique soit détruit ou non, cela ne stoppera pas l’emballement des jeunes gens qui se raccordent à la croyance sectaire qui le constitue. Ce dont nos sociétés ont besoin, c’est « d’air pur », de projets, d’espoirs, de justice sociale et de promesses tenues. Sans cela, nous continuerons à entretenir le mal-être dans nos murs, avec comme seuls objets, l’opposé de ce qui constitue une société digne de ce nom : le ressentiment, et la haine.