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Un homme comme les autres (5/7)

lundi 8 septembre 2014 à 10:11

magritte-therapeute

S : — “C’est de la démocratie dont il faut parler. De l’état de la démocratie. Aller aux urnes n’a plus aucun sens, chacun le sait bien, ou tout du moins sent bien que ce ne sont pas les politiciens au pouvoir qui tiennent les rênes de la société. Ces politiciens ne peuvent que modérément freiner, s’ils ne sont pas totalement acquis à la cause scientiste-capitaliste. Mais ils ne peuvent rien empêcher. Ce qui motive les citoyens à aller voter, hormis ceux acquis à cette cause, est assez triste actuellement. Voter contre ceux qui veulent accélérer le processus, pour essayer de freiner, ou bien voter contre, par peur des partis extrémistes, ou bien aller même jusqu’à voter pour des partis extrémistes par envie du retour d’une sorte de fascisme, proche de celui inventé par Mussolini et “amélioré”, si je peux m’exprimer ainsi, par Hitler et Franco. Je crois que nous sommes à l’aube du retour d’un totalitarisme des plus vicieux.

Déguisé, parfois, comme en Amérique grâce à l’utilisation de la religion et des rêves propres à cette nation, bien plus découvert, par contre, en France ou ailleurs en Europe. Je crains que ce ne soit, comme en 1933, une nouvelle fois, le triomphe électoral des chimères humaines. Une autre réalité, là aussi, vous en conviendrez, et des plus cruelles. Les défilés SS, les bannières nazies— le IIIeme Reich dans son ensemble— devait durer 1000 ans. Et les gens y croyaient. Jusqu’à accepter l’inacceptable, fermer les yeux et basculer dans un autre monde, un monde de folie destructrice et de haine. Mais cette fois-ci le piège est plus grand, un enseignement a été tiré de cette période de l’histoire par ceux qui ont la volonté d’amener et diriger un tel monde. Il n’ y a pas eu, et il n’y aura pas de défilés pro-fasciste, ni de déclarations fracassantes. Le processus totalitaire est déjà en cours. Dans l’économie au premier chef, chacun le sait. Mais un système totalitaire ne se crée pas seul, de lui même, et comme dans l’Allemagne d’Hitler, ce sont l’ensemble des individus qui laisse faire, accepte, reste passif — alors qu’il peut être contre un tel système — et qui, au final, permet à ce système de valeurs basé sur la peur, l’angoisse, la division et l’orgueil, national, social ou racial de se mettre en place.

Ce système de valeur ne survient que grâce à une unique chose, et vous avez étudié l’histoire, peut-être la sociologie, vous devez donc le savoir. Cette chose, c’est la peur. La peur du vide, du manque de repères, du manque matériel, mais surtout, du vide existentiel. La peur existentielle dont je parlais au début de cet entretien. Et si nous étions seuls ? Alors il n’y aurait aucune chance de se réaliser autrement qu’ici, dans la matière. C’est effroyable. Mais si on commence à croire cela, qu’on ne vit seulement que par cette vision d’horrible solitude, vision d’une créature qui croit qu’elle est engendrée par le hasard chimique d’un univers vide et sans conscience, que se passe-t-il ? A quoi bon se réfréner, chercher à maîtriser ses démons intérieurs, ouvrir son esprit au delà de la matière, si notre conscience disparaît à notre mort, qu’il n’ y a pas de foyer dans lequel nous pourrions retourner nous réfugier après cette terrible épreuve de l’incarnation…?

I : — “…Oui, mais vous me concédez que malgré les croyances en la Divinité, l’humanité a toujours perpétré des crimes, des sacrifices….il y avait une Allemagne protestante, catholique….et ça n’ a rien empêché”

S : — “Je ne vous parle pas de religions. Ni d’églises, de mosquées, de synagogues, de temples, avec des citoyens s’y rendant par soumission à la tradition. Vous savez bien que cela fait des milliers d’années que la croyance profonde, intérieure, discrète et détachée des contingences matérielles, a pratiquement disparu. Notre moyen-âge le démontre bien. Au moyen-âge, on vénérait plus le Pape que le Christ. On craignait plus le Diable que Dieu. On priait pour son propre salut, pour améliorer sa condition. Et nous n’étions pas encore prêts alors à l’humanisme. Lorsque l’humanisme a émergé—et il était indispensable qu’il émerge—le socle commun du lien à la Création était déjà détourné depuis longtemps. L’évolution sociale, économique, politique, nous obligea alors à “scientifiser” l’espace de pensée, entre autres pour lutter contre la rigidité des églises. Les églises ont refusé de changer intrinsèquement. Elles se sont juste adaptées à cette évolution, jusqu’à devenir des objets creux et figés pour les individus acquis à l’humanisme, vision humaniste que je partage.

Le problème de fond reste cette possibilité propre au 18 ème siècle de l’application concrète de la science. Cette science existait à l’état brut depuis des milliers d’années : les Romains maîtrisaient l’énergie de la vapeur et auraient donc pu construire des trains et des rails, les Chinois la poudre, ils auraient pu faire des canons et des fusils il y a 3000 ans, les Egyptiens les concepts mathématiques appliqués à la physique, les Grecs la géométrie, mais cette science ne pouvait pas être mise en oeuvre. Les raisons de cette impossibilité tenaient à la crainte de défier la création, pour résumer brièvement. Mais aussi de la peur pour les dirigeants de perdre le pouvoir politique puisqu’il était directement lié à la religion…”

I : — “Si je vous suis bien, le socle du lien à la création est détourné depuis l’origine des civilisations mais nous a maintenus dans une réalité commune satisfaisante. Une réalité qui ne pouvait pas nous mener à la folie subjective égotique, selon vos termes, folie qui depuis la destruction de ce socle nous guette du côté occidental ? Les hommes d’un côté sont en train de se prendre pour Dieu, ou bien ont peur d’être seuls dans l’univers, de l’autre ils se raccrochent à des cultes, des dogmes. D’un côté, un système matérialiste totalitaire et scientiste, déconnecté du Divin; de l’autre une théocratie et des fous de Dieu. Dans un cas comme dans l’autre, le résultat est un changement de réalité, une folie individuelle et collective…planétaire”

S: — “Vous avez un esprit de synthèse remarquable Mr Liderman…”

Drôle de monde où le règne du faux s’est généralisé

dimanche 7 septembre 2014 à 23:49

roswell

Si l’on en croit la presse et l’ex-compagne du président, François Hollande n’a aucun respect pour « les pauvres ». Il les appelle les « sans dents« . Tous les journalistes qui l’ont côtoyé savent bien que François Hollande est un adepte de l’humour. Mais là… Tout de même. Ne dépasserait-il pas les bornes? Est-ce vrai ? Ou pas ? Valérie Trierweiler a-t-elle inventé cette tirade pour assurer l’efficacité de sa vengeance ? Qui sait ? Et franchement… Quel intérêt tout cela a-t-il ?

Que la population d’un pays « découvre » que les dirigeants s’intéressent à elle comme à leur première dent de lait refilée à la petite souris, peut-être… Et encore, on est en 2014 et Internet est passé par là. Mais que les journalistes fassent semblant de le découvrir, qu’ils s’offusquent, qu’ils y reviennent encore et encore, pondant des articles au kilomètre. Là, franchement, c’est indécent.

Tout journaliste qui a un peu roulé sa bosse, et notamment dans le domaine politique sait très bien que les élus dans les hautes sphères du pouvoir sont là parce qu’ils satisfont une ambition débordante, un ego surdimensionné, parce que le pouvoir rend fou comme un shoot de crack, parce qu’ils ont des ascenseurs à renvoyer, des amis à aider, on en passe. Mais certainement pas pour aider les « sans dents » à améliorer leur sort.

Paris, comme n’importe quelle capitale est un petit village dans lequel une élite s’accroche au pouvoir. Pouvoir politique, économique, culturel, journalistique…

Et tout ce petit monde se côtoie, échange, se rend des services. Or, de la même manière qu’en bourse, quand quelqu’un gagne, c’est que quelqu’un perd, dans ce petit village, étendons-le à la France puisque c’est ce qui nous occupe, quand l’élite en question gagne, et c’est tous les jours, les autres, les « sans dents », perdent.

En matière politique, tout est désormais inversé. La gauche (le PS) se fait élire sur des idées de gauche (« la finance est mon ennemie« ) mais pratique une politique que l’UMP ne renierait pas. La droite (UMP) a, depuis Nicolas Sarkozy, largement intégré les idées de l’extrême droite. L’extrême droite essaye de faire croire qu »elle défend les « sans dents » et l’extrême gauche n’existe plus dans les urnes. Pour autant, la stratégie d’inversion des valeurs ne porte pas sur l’électorat. Les gens de droite continuent de voter à droite et les gens de gauche, à gauche. Certains, bien sûr, migrent « ailleurs ».

C’est le règne du faux, théorisé et appliqué par George Bush et ses faucons, qui s’est installé partout. Pas seulement en politique. En économie et en finance aussi. Là où on pouvait espérer une mise à plat du secteur après les deux crises massives (subprimes et dette souveraine), on observe un délire exponentiel avec mise en place de toutes les nouvelles crises graves à venir. Les chiffres sont affolants (nous y reviendrons sous peu dans un article). Et que lit-on ? Que « la crise est derrière nous« , que les banques vont maintenant être forcées par la BCE de prêter au secteur privé pour « relancer la croissance« , que « la courbe du chômage va s’inverser« .

Il paraîtrait même que la tour de Pise va bientôt se redresser et que les extra-terrestres sont en route pour la Terre, histoire de nous apporter des iPhones 567.

Et la presse généraliste fait mine d’y croire. Tout au moins relaye-t-elle chaque jour les mêmes inepties. Quelques rares articles mettent en doute ce matraquage marketing visant à calmer les « sans dents« . Mais souvent par pure position idéologique. La presse de droite raille les déclarations des politiques de gauche, et inversement. Sans toutefois aller chercher la vérité toute nue pour l’opposer au discours du règne du faux. Quelques franc-tireurs s’époumonent. Mediapart, le Canard Enchaîné, Reflets dans son domaine. Mais ils sont rares.

Les sans dents mangent des iPhones

Même sans dents, on peut manger de tout. Et ceux qui en ont, des longues et aiguisées, font tout pour que nous mangions de tout, surtout de l’inutile. Il faut bien que nous les aidions à faire pousser leurs dent, à eux, en remplissant leurs portefeuilles au delà de ce qu’ils pourront jamais dépenser…

A peine sur le marché, un smartphone, un ordinateur, un lave-vaisselle, sont immédiatement « dépassés ». Le nouveau modèle est « tellement mieux », il véhicule une « promesse » tellement plus géniale. Quant à « l’expérience utilisateur », elle est indescriptible, tellement elle est fantastique.

Le discours, aussi stupide soit-il, porte. Nous achetons, remplaçons ce qui ne devrait pas l’être. Nous acceptons qu »un réfrigérateur ait une durée de vie de 5 ou 10 ans quand il durait toute une vie il y  à peine 50 ans.

Nous dépensons ce que nous n’avons pas. Et nous acceptons un sort qui aurait jeté dans les rue les mêmes parisiens il y a 143 ans à peine, pour une petite révolution dont ils avaient le secret. Avec de vrais idéaux et de vraies motivations.

Prenez ces chiffres publiés par Mediapart il y a peu. Les avez-vous vus au 20h de TF1 ? Probablement pas. On comprend aisément pourquoi.

En France, quelque 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté contre 7 millions en 2004. Dans le même temps, la hausse annuelle des revenus des 0,01% des Français les plus riches a atteint 43 % à un minimum de 840.000 euros. « Les 10 % des Français les plus pauvres n’ont eux connu qu’une augmentation de revenu à la marge. En 2005, ils gagnaient au maximum 13 020 euros par an, en 2011, ils gagnent au maximum 13 070 euros, soit une hausse de 50 euros sur l’année », soulignait Mediapart dans un récent article. Le nombre de foyers bénéficiaires du RSA a quant a lui progressé de 7,9% en deux ans à 2,310 millions en mars 2014.

Elle n’est pas belle la vie des sans dents ? En même temps, vous dirait le François Hollande de Valérie Trierweiler, s’ils sont tellement bêtes pour se laisser arracher les dents sans rien dire, pourquoi ne pas continuer à les leur arracher ?

Où va-t-on ?

Ce qui est paradoxal dans cette histoire, c’est que nous fonçons tête baissé dans un mur.

Les politiques, à force de mentir comme des arracheurs de dents, sont en train de pousser la population dans les bras de l’extrême droite. Ils scient la branche sur laquelle ils sont assis.

S’ils concédaient un tout petit rien, des miettes (à leurs yeux), aux sans dents, ces derniers s’en satisferaient peut-être. Ils porteraient ces miettes à leur crédit. Et l’alternance stérile perdurerait. Les deux gros partis politiques continueraient de pouvoir régler leurs petites affaires, de renvoyer les ascenseurs. Tout baignerait dans l’huile de noix de coco pour eux.

Est-ce parce que nous sommes bombardés d’informations comme jamais auparavant ? En tout cas, les « magouilles » se voient de plus en plus. Alors que le Service d’Action Civique (SAC), les horreurs d’un Jacques Foccart en Afrique pouvaient passer inaperçues de la majorité, ce n’est plus tout à fait le cas.

Oh, bien sûr, la presse généraliste continue d’abreuver ses lecteurs d’écrans de fumée, mais Les franc-tireurs luttent et Internet les relaye.

Il reste bien entendu le JDD pour publier un sondage d’un utilité évidente :

sondageSi les Français ne veulent pas de François Hollande pour un deuxième mandat (qui en voudrait ?) ils le diront dans les urnes. A quoi sert un tel sondage ?

Les sans dents, de leur côté, vont probablement voter massivement en 2017 pour les seuls qui n’ont jamais été aux affaires. Dégoûtés par le flot d’informations qui leur parvient. L’affaire Thomas Thévenoud n’est que le dernier épisode d’un liste sans fin. Et en votant Front National, les sans dents vont déclencher eux-même la guillotine qui finira de leur trancher le cou. Ce règne du faux généralisé est à pleurer.

Un homme comme les autres (4/7)

dimanche 7 septembre 2014 à 15:23

magritte-homme-dos

I: — “Vous préconisez une thérapie planétaire ? C’est une proposition assez…difficile à mettre en oeuvre, non ?”

S: — “Je ne préconise rien, vous vous en doutez bien. Mais votre question n’est pas si inintéressante : les rituels animistes, les traditions amérindiennes, le shamanisme avaient la vertu d’offrir l’équivalent d’une thérapie aux individus. Une autre réalité leur était présentée et le rapport qu’ils entretenaient à eux mêmes en était modifié. La réalité a été modifiée depuis ce fameux 11 septembre. L’impact qu’a eu cette confrontation à un autre réel improbable continue de modifier notre monde. Imaginez par exemple qu’avec un nouveau télescope très puissant, on observe demain une planète semblable à la terre avec d’autres êtres humains vivant dessus. Ou bien qu’un vent solaire magnétique efface les données de tous les ordinateurs de la planète, ou que les constellations se modifient toutes ensembles et inscrivent un message “divin” en 0 et 1 dans le ciel. Que se passerait-il dans l’esprit des gens ? Tout changerait certainement en nous et autour de nous.

J’invente là n’importe quel exemple, vous vous en doutez bien, mais les événements les plus improbables et positifs peuvent se produire si nous ne nous désolidarisons pas les uns des autres et retrouvons cette attitude ancienne vis à vis du monde qui nous entoure, un respect face au mystère de son origine et de sa réalité. Je ne parle pas uniquement de la nature, j’entends une attitude face à la matière de façon générale, face au temps et à l’espace — comme les Celtes, les Perses, les Sumériens où de nombreuses autres civilisations — un rapport à la magie inhérente du monde, de la possibilité et de l’improbable, de la survenue du mystère, de l’impossible. D’ailleurs, le paradoxe est que “l’Empire Occidental”—je ne fais pas de différence majeure entre l’Europe et les Etats-unis — est un empire chrétien et le revendique jusque dans ses actions politiques et militaire. Et le messie chrétien accomplissait des miracles qu’aucun des scientifiques de cet empire ne peut expliquer. J’ai entendu récemment à la radio un scientifique témoigner d’une expérience très intéressante, vous vous renseignerez et vérifierez sa véracité, c’est votre métier. Une université américaine fait tourner des codes binaires de façon aléatoire afin d’observer les fluctuations plus ou moins importantes qu’un ordinateur peut avoir sur le long terme, en lien avec les émotions humaines. Un algorithme aléatoire généré par une machine. Ceci est étudié et mis en œuvre depuis 1998, je crois. Les séquences sont toujours d’une “aléatoire perfection”. Mais très peu de temps avant que les avions ne percutent les tours du World Trade Center et que le monde entier n’apprenne l’affreuse nouvelle, les séquences ont dérapé et n’ont plus respecté l’aléatoire perfection qu’elles maintenaient depuis trois ans. Le lendemain les codes redevenaient parfaitement aléatoires et le sont encore. Je ne veux pas faire du sensationnel, mais cette observation scientifique, puisque nous y sommes désormais soumis, amène une excellente réflexion sur le monde, l’esprit, la science et le rapport au mystère dont je viens de parler.”

Je restai quelques instants sans prononcer un mot. Les digressions dans lesquels m’emmenait Siderm m’empêchaient de passer à une autre question savamment et bêtement préparée à l’avance pour mon dernier papier — qui je le sentais, n’en serait plus un. Martin Siderm, ou du moins celui qui se faisait appeler ainsi, fixait un pigeon avec attention et n’avait plus l’air de prêter attention à ma personne. Le pigeon s’approcha, vint se poser sur sa cuisse droite, et Siderm, aussitôt, lui caressa la tête. L’animal roucoula. J’avalai ma salive et improvisai une nouvelle question.

— “Vous dites que nous tous, nous influençons le monde par la pensée et que nous allons au désastre en perdant contact avec la croyance ? La matière ne serait qu’une illusion, et la folie nous guetterait par le fait que nous fabriquerions une nouvelle réalité subjective égocentrique et déconnectée du divin, c’est ça en quelque sorte?”

—“C’est un très bon résumé, Mr Liderman.”

Malgré la forme d’ironie voilée que je percevais dans ses paroles je ne me laissai pas démonter et continuai.

I: — “Puis-je vous demander, malgré la position de pensée particulière que vous adoptez, quelle est votre vision de la politique française, ou américaine ? Votre position par rapport aux élections, la citoyenneté, ce genre de choses…?”

Un homme comme les autres (3/7)

dimanche 7 septembre 2014 à 10:33

Not-to-Be-Reproduced-1937

S: — “ C’est ce que combattent les musulmans. Une peur qui, je crois, est justifiée de leur point de vue. Une peur de voir leur réalité fondre, de voir la “folie matérialiste occidentale” s’emparer des membres de leur civilisation, et dans le même temps le désir de maintenir un pouvoir par la religion. Pouvoir de l’homme sur la femme en premier lieu, puis pouvoir de chaque croyant qui pense profiter un peu de la puissance de la divinité. Un croyant à l’ego démesuré, bien sûr, puisque invoquant la puissance du Dieu pour lui-même la plupart du temps, puissance qui permet de combattre ceux qui voudraient se libérer des chaînes forgées par la culture humaine, culture inégalitaire qui sert et profite au croyant, le fidèle.”

I: — “ La crise est donc plus large que celle de deux civilisations aux croyances divergentes ?”

S: — “Bien sûr. C’est une crise totale, à l’échelle de l’humanité toute entière. Nous sommes arrivés à une étape fondamentale de la connaissance par le biais de la science et des techniques. Une puissance individuelle et globale de destruction, de création inimaginable, qui arrive d’ailleurs peut être à son terme puisque chacun sur terre redoute que la Créature détruise la Création, ce qui est possible. Une puissance qui prouve —ou du moins tente de prouver —qu’elle a la capacité à comprendre la Création, ou tout du moins la capacité à la mimétiser, et que l’homme, la Créature, puisse créer lui même la vie à l’instar de la Divinité. D’où cette nouvelle réalité qui ne peut que nous mener à une folie à la fois collective et individuelle. Une folie d’ailleurs aux pôles opposés si je fais une anticipation de l’après-11 septembre : une partie occidentale dans une “folie de réalité égotique subjective”, enlisée dans une non-culture technocratique totalitaire ; et de l’autre, une partie orientale, musulmane et sûrement juive-israélienne, emportée dans la folie de Dieu, folie religieuse, égotique et totalitaire, elle aussi.”

I: — “Des mouvements de contestations sont nés depuis quelques années pour dénoncer la dérive du tout libéral, d’une pression des puissances financières sur les populations, d’une mise en coupe de la richesse collective par un petit nombre sur le plus grand nombre. Qu’en pensez-vous?”

S: — “C’est encore une fois, à mon sens, un leurre. Cette pression, mise en coupe réglée, mafia financière, ce désarroi des démocraties sont réels, mais pourquoi ces phénomènes sont-ils là ? Dans quelle mesure le “monde meilleur possible” que José Bové appelle de ses voeux est-il vraiment différent de celui-ci ? En ce que la richesse sera un peu mieux répartie ? Que les pauvres seront moins pauvres et les riches moins riches ? Les bases de notre fonctionnement collectif resteront les mêmes, et l’individu n’y trouvera qu’une moindre insatisfaction. En tout cas, pas la plénitude, l’équilibre auquel nous avions aspiré il y a des milliers d’années.

L’utopie n’est pas un arrangement avec les puissants ou alors c’est un aveu d’impuissance, un compromis, pas une utopie. Nous fabriquons notre réalité tous ensemble, et c’est par chaque acte journalier, chaque pensée que nous redéfinissons ce réel : les alter-mondialistes sont avant tout des matérialistes, exactement comme les ultra-capitalistes qu’ils entendent combattre. Leur croyance est avant tout matérielle, donc sociale, politique, scientifique, économique. Ces concepts ne font que se percuter dans le même élan, élan qui détruit le lien essentiel de l’homme à son existence, et ce lien essentiel, je le répète, c’est le lien à la Divinité. Ce lien implique un grand nombre de contraintes, entre autres, pour qu’il soit juste, un travail important sur l’ego de chaque individu. Une acceptation “autre” de nous mêmes. Un rapport à sa propre souffrance différent, une arrogance, un orgueil intérieur bien moins grands. Une acceptation de notre statut de Créature. Pas comme marionnette, mais bien comme Créature engendrée et reliée, libre, avec une conscience individuelle et des obligations —obligations donc devoir à se rapprocher de ce qui nous a engendrés —tout en acceptant de sonder les méandres de notre esprit à la recherche d’une forme d’équilibre humble et parfois naïf. La psychanalyse est certainement l’une des plus grandes découvertes qui soit et qui pourrait nous permettre de changer cette réalité. Pour retrouver une cohésion collective. Un équilibre respectueux. Un religieux dirait : “faire tomber l’esprit saint sur terre”.

Un homme comme les autres (2/7)

vendredi 5 septembre 2014 à 11:52

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Jardin du musée Saint Pierre: 15 heures

Ce fut un soleil printanier, insolite pour la saison en cette région, qui m’accueillit. Les édifices Lyonnais resplendissaient sous les rayons de lumière et prenaient une couleur safran envoûtante; la ville vibrait, magnifique. Je respirai un bon coup et pénétrai dans l’enceinte du jardin, scrutant avec attention les bancs de pierres disséminés le long d’un tracé parfait et d’un esthétisme troublant —alliance de la raison et de l’art —caractéristiques propres au siècle des lumières. Siderm n’avait pas choisi ce lieu par hasard.

Il n’y avait qu’un seul homme assis sur un banc qui donnait à manger à une petite troupe de pigeons. Il extrayait d’un sac en toile apparemment  dédié à cet usage exclusif des miettes de pain qu’il distribuait avec une grande attention. Les pigeons semblaient aux anges…. Je m’approchai et le saluai :

—“ Mr Siderm ?”

Il releva la tête et me dévisagea longuement, sans un mot. Ses yeux étaient très foncés, son regard semblait lointain et pourtant extrêmement perspicace, comme tourné vers l’intérieur. Un regard lourd et décidé, un regard qui me gêna sur l’instant, de par la douleur qu’il exprimait.

Je ne peux pas en dire plus sur l’apparence de Martin Siderm. A la fin de l’interview il me demanda expressément de respecter en totalité son anonymat. Cette volonté faisait partie intégrante de sa pensée et de sa vision du monde. Le problème de l’ego et du rapport à la divinité, entre autres….

“Oui. Mr Lederman ?”

Je lui tendis la main et il me la serra avec fermeté. Il me fit signe de m’asseoir et nous restâmes silencieux quelques instants. Je sortis mon magnéto et l’enclenchai, pris mon carnet et parcourus d’un oeil rapide la série de questions. N’allai-je pas être ridicule?

— “Mr Siderm, cette interview n’en est peut être pas vraiment une, disons plutôt qu’il s’agit d’un entretien permettant à un penseur inconnu du grand public de s’exprimer sur des questions fondamentales concernant notre société, les problèmes majeurs que l’humanité doit affronter en ce début de vingt et unième siècle. Vous n’êtes pas une référence scientifique, ni un auteur reconnu, puis-je me permettre de vous demander de vous définir un peu ?”

Il eut un sourire en coin.

— “ J’espère que vous n’allez pas garder cette première question dans votre document, Mr Lederman. Elle n’est pas très bien formulée et le sujet n’est ni ce que je suis, ni ce que je fais. Mon véritable nom n’est pas Siderm, c’est tout ce que je peux vous dire. Si mes réponses vous paraissent intéressantes, à vous ou bien à vos lecteurs, quel est l’intérêt de savoir qui je suis ? La notoriété ? L’autosatisfaction de ma petite personne narcissique ? L’argent ? Le pouvoir que je pourrais avoir sur les autres ?”

Je restai silencieux puis m’excusai, maudissant intérieurement ma question et lançai l’interview. En voici l’intégralité.

Interviewer : — “L’après-onze-septembre a déclenché une polémique très vive entre de nombreux intellectuels au sujet d’une possible “guerre de civilisations”. Quel est votre avis à ce sujet ? Sommes-nous devant une crise unique à l’échelle planétaire, un véritable séisme de civilisations entre “Judéo-Chrétienneté” et “Islamité”, une guerre possible entre deux cultures ?”

Siderm : — “Le problème que vous soulevez n’en est pas un au sens propre du terme. La “guerre de civilisations” que vous évoquez est un paravent, l’arbre qui cache la forêt, un rideau de fumée. L’esprit humain possède de nombreuses capacités qui lui permettent d’échapper à des phénomènes immuables mais extrêmement difficiles pour lui à surmonter. Les civilisations, les cultures engendrées par l’être humain sont un moyen formidable de lutte contre ces phénomènes, la crise terrible qui nous secoue tous depuis des millénaires est celle de l’existence. De la relation au divin, à la création du monde et à la réalité.”

I :    — “La réalité?”

S : — “Chaque civilisation organise son mode de fonctionnement sur un socle de croyances. Ces croyances définissent une réalité commune. Sans cela les êtres humains deviennent “fous”, dans le sens de la perte de repères et d’une capacité à délirer, c’est à dire à redéfinir la réalité sur un socle individuel et non plus collectif —une réalité subjective qui ramène chacun uniquement à lui-même —donc à ses propres chimères. La civilisation Occidentale est en train de rentrer dans cette nouvelle définition : un monde régenté, conceptualisé par chaque subjectivité. Un monde où la divinité, bien sûr, n’existe plus, où l’homme ne se réfère plus qu’à lui seul, omnipotent et omniscient —où l’homme prend la place de la Création. Penser être Dieu pour un homme ne peut être supporté que très difficilement. Regardez le Christ et sa difficulté face à cette dualité: “Je suis Dieu” et ensuite “Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné”. De plus il est très difficile pour les autres d’accepter un Dieu vivant, incarné, devant eux. La crainte et la peur face à un Dieu humain est légitime. Mieux vaut d’ailleurs le tuer, cet homme-Dieu, par crainte d’être détruit à son tour par lui, jugé, effacé. Imaginez maintenant une civilisation où le lien avec la Création est brisé mais où chacun se croit un peu Dieu….La possibilité de vouloir détruire l’autre est alors immense et exponentielle. Pourtant, sentir la Création vibrer en nous tous est à mon sens le socle essentiel de toutes les civilisations depuis la nuit des temps —jusqu’à “presque” aujourd’hui.

Le problème majeur est que dans le même temps des abominations, mensonges et inégalités sont encore actifs par le biais des religions. C’est pourquoi nous avons cru bon de mettre en occident la divinité de côté pour lutter contre les aberrations des institutions religieuses. Ce qui fut d’un point de vue concret, c’est à dire sur le plan social et politique, une bonne chose. La question est : comment faire, sans pouvoirs religieux, pouvoirs toujours dominés par l’ego d’une minorité et pour le maintien de l’asservissement des autres, et garder quand même contact avec la réalité de la Création, de la divinité, donc d’une réalité transcendée mais commune à tous?”

I:  — “…”