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Radio Reflets #4 : le monde post-Snowden

jeudi 18 décembre 2014 à 11:06

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#RadioReflets4 - vendredi 19 décembre.

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Format OggFormat mp3

La playlist de l’émission :

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Le thème :

Pour sa quatrième émission de radio, Reflets va tenter de comprendre en quoi les révélations d’Edward Snowden ont changé, ou pas, notre monde, nos sociétés, notre façon d’agir.

Une infrastructure de surveillance généralisée a été dévoilée. Elle s’étend sur toute la planète. Nous sommes au milieu d’un gigantesque panoptique. L’auto-censure est-elle en marche ? Peut-on en sortir ? Le veut-on ? Qu’est-ce qui a changé au sein de cette gigantesque infrastructure depuis ces révélations ? Nos invités tenteront de répondre à toutes ces questions.

Les invités :

Animateurs : Drapher, Kitetoa et Bluetouff (en direct de la Corée du Nord)

Technique et programmation musicale : Epimae.

Le flux audio est assuré par Tryphon

Hashtag : #RadioReflets4

La date : le 19 décembre de 14h à 15h15 h.

Le sonore de Jean-Jacques Urvoas tiré de la matinale de France Inter du 18/12 — qui n’a pas voulu se lancer à l’antenne chez nous le 19 — est là :

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Patrick Abadie voudrait un Internet qui lave plus blanc

mardi 16 décembre 2014 à 12:51

statisticatorIl a une moustache, un masque rouge et un slip jaune. Son nom ? Statisticator. C’est un super héros virtuel qui, en cette belle année 2001 décide de révéler aux internautes ébahis qu’une entreprise ne peut décemment pas se valoriser sur la base du nombre de ses visiteurs. Entre les discours marketing bien huilés et la réalité, il y a un gouffre. La nouvelle économaïe bat son plein, des sites internet basiques se vendent plusieurs millions de francs, tout baigne dans l’huile de noix de coco. Pas pour longtemps. Les investisseurs commencent à douter. Et Statisticator, le héros au slip jaune ne va pas aider à sortir de la spirale qui mènera à l’éclatement de la bulle Internet. Il explique par le menu comment gonfler ses statistiques, fournit des outils pour le faire, affiche les statistiques réelles des sites, bref, il casse le mythe. Dans la foultitude des sociétés épinglées, Tchatche.com et son propriétaire de l’époque, Patrick Abadie. La pilule n’est pas passée. Douze ans plus tard, Patrick Abadie est décidé à faire le ménage. Il veut un Internet qui lave plus blanc, façon droit à l’oubli bien pratique. Hébergeant l’article qui le dérange, j’ai donc reçu plusieurs mises en demeures visant à retirer ce papier du Web. Mais les démarches de l’avocat de Patrick Abadie sont subtiles et cela a failli coûter la vie à Kitetoa.com. Encore…

2009 : premier courrier de Patrick Abadie. Selon lui, cet article est ancien, ne reflète plus l’actualité et lui nuit. Je classe ce courrier parmi d’autres du même type.

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D’une part, il est évident que l’actualité de chacun évolue et les journaux sont remplis d’archives qui ne la reflètent plus. D’autre part, le délai de prescription pour la diffamation est de trois mois. Patrick Abadie est en retard.

12 décembre 2014 : nouveau courrier, du cabinet d’avocats Bayle & Hasbanian, cette fois. Je dois retirer la page en question sous huit jours ou m’exposer à des poursuites judiciaires. Qui plus est, je suis sommé de formuler une proposition d’indemnisation.

Ce dernier courrier m’est parvenu par le biais de mon registrar, Gandi, car la personne qui relève aimablement le courrier dans une boite postale en Suisse pour Kitetoa.com a visiblement oublié de le faire depuis un moment.

Petite leçon de chose à l’usage des internautes qui ne disposent pas d’un nom de domaine (www.machintruc.com par exemple) : les coordonnées présentes dans la base Whois qui recense les propriétaires de domaines, doivent être exactes et permettre de joindre le propriétaire.

Initialement, un Whois de Kitetoa.com renvoyait mon nom, mon adresse personnelle et mon numéro de téléphone. Jusqu’au jour où ces informations ont largement aidé un certain Jean-Paul Ney a harceler ma famille et menacer de mort mes enfants. J’ai donc décidé de remplacer ces informations par mon nom de plume et l’adresse d’une boite postale en Suisse où mon serveur est hébergé.

Kitetoa.com : ça va être tout noir

L’avocat de Patrick Abadie reconnaît dans ce courrier que l’information exposée dans cet article en 2001 était juste. Pas de diffamation, donc. Au surplus, le délai de prescription est largement dépassé. Mieux, la personne en charge du dossier au sein du cabinet m’indique par téléphone qu’une demande de droit à l’oubli auprès de Google a échoué. Que faire ? Un courrier signé par un avocat avec des menaces de procès, cela fonctionne généralement assez bien avec les auteurs de blogs peu informés de ces problématiques. Mais il existe une autre méthode qui permet d’obtenir satisfaction, même si l’on ne dispose d’aucun levier juridique et que l’auteur se montre un peu récalcitrant à gober les menaces lancées dans le vent. Il suffit de contrôler les données dans la base Whois, d’en trouver une qui ne soit pas juste et de faire pression sur le registrar. Celui-ci doit pouvoir s’assurer que le détenteur du nom de domaine est bien qui il dit être, et pouvoir le joindre à tout moment.

Le cabinet d’avocats Bayle & Hasbanian a donc exercé ce type de pression sur Gandi. Ce dernier a bien entendu pu me joindre, disposant d’un email valide et de mon numéro de portable. Mais son courrier était lui aussi très clair : soit les données dans la base étaient mises à jour, soit le service était coupé. Plus de kitetoa.com, donc, après environ vingt ans de bons et loyaux services offerts aux Internautes.

Le retour de l’OpStayinAlive

Cette méthode de contournement juridique avait déjà été testée sans succès par Merav Griguer, du cabinet Feral-Schuhl / Sainte-Marie pour le compte de Jean-Paul Ney. J’avais à l’époque décidé d’écrire une série baptisée OpStayinAlive. La démarche était exactement la même. Pas de levier juridique pour faire retirer les pages qui dérangent, donc, tentative de faire disparaître Kitetoa.com dans son ensemble.

Cette démarche est bien entendu stupide. Les pages sont probablement archivées sur www.archive.org et une disparition de pages générerait sans doute un effet Streisand, du datalove en pagaille, bref, ceux qui voudraient que ce soit tout noir obtiendraient l’effet inverse.

Disparaître ou ne pas disparaître, telle est la question

Les démarches de Merav Griguer, du cabinet Feral-Schuhl / Sainte-Marie pour le compte de Jean-Paul Ney ont échoué. Kitetoa.com est toujours là. Les démarches du cabinet d’avocats Bayle & Hasbanian pour le compte de Patrick Abadie également. Le site est toujours là, mes discussions avec Gandi ayant porté leurs fruits, bien plus que celles que j’ai eues avec ce cabinet d’avocats à qui je n’ai pas réussi à faire comprendre les effets de bord potentiels de ses démarches.

Depuis la création de Kitetoa.com, seules quelques pages ont disparu du site ainsi qu’une image. Toujours de mon fait et sans aucune pression extérieure. J’attends donc avec zénitude un éventuel procès. J’ai toujours été partisan d’une prise de parole responsable. Si un article devait poser problème, je le défendrai en justice. Mon métier, journaliste, m’a appris à ne publier que des choses que je peux prouver. C’est d’ailleurs ce qui a guidé tous nos écrits sur Reflets.

Désarmer la finance pour sauver la démocratie ?

mardi 16 décembre 2014 à 00:01

L’observation attentive de l’évolution des systèmes socio-économiques des pays les plus développés — depuis les trente, et surtout les vingt dernières années — est riche d’enseignement. Le grand défi en cours n’est pas celui de l’emploi ou de la croissance économique, n’en déplaise aux décideurs politiques, mais plutôt le maintien d’un semblant de démocratie dans des sociétés modernes ultra-technologiques et génératrices d’inégalités sans commune mesure. Le capitalisme financier néolibéral a entièrement recouvert la planète depuis l’entrée de la Chine au sein de l’OMC en 2001 : va-t-il définitivement clore le chapitre des démocraties sociales de l’après seconde guerre mondiale au cours de cette deuxième décennie du XXIème siècle ?

Pays riches, populations pauvres

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Les pays les plus riches accueillent en leur sein les entreprises géantes qui ont mis en coupe la planète : Monsanto, Mac Donald, Google, Apple, Facebook, Total, Exxon, Vivendi, Vinci, Lagardère, Loréal, Areva, Carrefour, BNP-Paribas, Goldman Sachs. Seulement 500 de ces plus grandes multinationales et organismes financiers possèdent à elles seules… 52% de la richesse mondiale. Les chiffres d’affaires de ces entreprises, leurs bénéfices, sont colossaux, et  pourtant, les populations des pays qui les accueillent, sont elles, de moins en moins riches. Dans ces pays riches, les salaires n’augmentent pas ou très peu, les droits sociaux reculent, le pouvoir d’achat diminue, le nombre de personnes en difficulté explose : que ce soit pour subvenir aux besoins des enfants, pour se chauffer, se soigner, payer les factures ou les loyers. Ces constats devraient mener à un changement de politique économique, ou tout du moins à une réflexion sur cette problématique des inégalités croissantes. Réfléchir  au phénomène inquiétant de l’accroissement exponentiel de la richesse des multinationales corrélé à celui de la paupérisation simultanée des populations, pour logiquement tenter de stopper ce phénomène, est-il envisageable ?

Dérégulation : des réglementations ciblées pour les uns, la liberté de tout bouffer pour les autres

Le système mis en place de façon concrète et mondiale il y a vingt ans est celui d’une globalisation des échanges au profit des multinationales. L’OMC a permis à cette époque, la quasi abolition des droits de douane, la circulation des biens et des services sans entraves (ou presque), la financiarisation de l’économie à l’échelle planétaire.

« La plupart des réductions tarifaires consenties par les pays développés étaient échelonnées sur cinq ans à compter du 1er janvier 1995. Il en résulte un abaissement de 40 pour cent des droits perçus par ces pays sur les produits industriels, qui passeront de 6,3 pour cent en moyenne à 3,8 pour cent. La valeur des produits industriels importés admis en franchise dans les pays développés augmentera sensiblement en passant de 20 pour cent à 44 pour cent (…) Il y aura aussi moins de produits assujettis à des taux de droit élevés. Le pourcentage des produits importés par les pays développés en provenance de toutes les sources sur lesquels les droits exigibles sont supérieurs à 15 pour cent diminuera pour passer de 7 pour cent à 5 pour cent. Le pourcentage des produits exportés par les pays en développement qui sont passibles de droits supérieurs à 15 pour cent dans les pays industrialisés passera de 9 pour cent à 5 pour cent. » (Source : OMC)

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Tous les verrous existants, issus de l’après guerre, entre autres ceux du domaine bancaire, ont été détruits pour amener l’économie mondiale à opérer avec le minimum de règles, à travers les champions de l’industrie et des services, avalant tout sur leur passage. Ce marché mondial a donc généré des opérateurs de taille inconnue jusqu’alors, et permis l’émergence d’une nouvelle classe d’individus aux pouvoirs immenses : les actionnaires.

Fonds de pension, fonds d’investissements, les actionnaires des multinationales, milliardaires rentiers et avides de maximisation des profits sont aujourd’hui à la tête d’entités privées capitalistiques plus riches que des nations industrielles occidentales. Les actionnaires, et les dirigeants de ces entreprises ont un pouvoir d’influence sur les décideurs politiques, facile à imaginer. Au point qu’aucune décision n’est prise sans les consulter, sans leur accord. Ce sont eux les véritables gouvernants, et désormais, chacun est en mesure de le constater. Au point qu’un président français, peu de temps avant d’être élu, fut bien obligé de l’admettre :

 

Un aveu très intéressant… dont ce président devrait se souvenir pour réorienter sa politique ? Ou une déclaration naïve et sincère  d’un candidat qui ne pensait pas du tout remporter l’élection ?

La dérégulation économique est un procédé qui permet aux entreprises de classe internationale d’opérer avec le minimum de contrôles à travers la planète. Bien entendu, dans ce système, les réglementations ne disparaissent pas, au contraire. Mais ces réglementations sont là [presque uniquement] pour contrôler les individus et les systèmes… publics. Les collectivités. Le bien public. Au profit des multinationales. Pendant que les géants « bouffent tout » sans contraintes, dans une opacité quasi totale, les systèmes réglementaires s’empilent pour forcer la main des Etats à baisser leurs investissements publics, limiter les contrôles publics, brider les libertés des citoyens. La démocratie, dans ce contexte très particulier, se résume à peu de choses. Au point que l’on peut facilement imaginer sa disparition telle qu’elle fut constituée depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Une nouvelle démocratie, qui n’en a plus que le nom

Si les entreprises cotée en bourse et les 1% des hyper riches peuvent échapper à l’impôt chaque année dans des proportions telles que les système de retraites, de santé, d’éducation peuvent être mis en péril et déclarés en faillite, c’est qu’un problème grave est survenu. Les libertés de jouir d’une pension de retraite chèrement payée au cours de sa vie professionnelle, d’être soigné, éduqué de façon équitable, ces libertés sont des droits démocratiques. Si les hyper riches — par leur pouvoir (octroyé par le laxisme politique) de contourner les règles et les lois — peuvent mettre en péril cette liberté démocratique, il est nécessaire d’agir. Ou d’admettre que nous ne sommes plus en démocratie. Une petite armée d’actionnaires détruirait le peu de richesse accumulée de milliards d’individus, écroulerait des équilibres sociaux chèrement acquis, abolirait le pouvoir des peuples, et rien ni personne ne serait en mesure de la stopper ?

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Le monde dans lequel nous avons plongé et vers lequel nous nous dirigeons toujours plus profondément est celui d’une démocratie de façade, sans aucune autre alternative que le pseudo débat [sans fin] sur le travail, le chômage, et sur des choix imbéciles entre des politiques spectacles sans aucune efficacité, alors que le véritable problème se situe ailleurs : dans la confiscation de la démocratie par les maîtres du monde capitaliste : les actionnaires et leurs dirigeants. C’est vers eux que doit se diriger la révolte. Pas vers les pantins médiatiques qui déclarent détenir le pouvoir des Etats. Eux, n’ont aucun pouvoir. Ils ne gouvernent même pas. Au point de désormais l’admettre en public.

Désarmer les marchés, pour ensuite, réorienter le système capitaliste vers une nécessaire répartition des richesses, plus juste ? Afin de redonner un nouveau souffle à des sociétés au bord de l’asphyxie ? Le souffle de la démocratie citoyenne ? Que l’on soit de droite ou de gauche, le projet pourrait s’envisager, tout du moins pour la majorité, les 99% qui ne sont pas à la solde des nouveaux maîtres du monde.

Pour aller plus loin, le documentaire, « Noire Finance » :

L’autodestruction

mardi 9 décembre 2014 à 15:36

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Jusqu’où faut-il remonter pour trouver une politique publique qui bénéficie aux citoyens ? Sans même se cantonner à la France… Le résultat sociétal des décisions prises par les politiques et le secteur privé est, il faut bien s’y résoudre, pathétique. Les inégalités se creusent inlassablement, les citoyens se tuent à essayer de « gagner » leur vie. Gagner sur un plan financier, bien entendu, même s’il serait plus juste de parler de « survie ». Mais « gagner » sa vie veut aussi dire « réussir », expérimenter une vie qui comble sur un plan philosophique. L’échec des politiques menées jusqu’ici laisse rêveur. Le personnel politique a-t-il autant échoué involontairement ? S’est-il toujours laissé berner par le secteur privé ? L’aveu d’échec d’Emmanuel Macron avec le pacte de responsabilité est-il crédible ? Pensait-il un instant que le Medef allait remplir sa part du contrat ? Peut-on être à ce point naïf à ce niveau de responsabilités ? Qu’est-ce que cela dit sur les hommes politiques ? Peut-on raisonnablement se convaincre qu’en offrant quelques milliards de réductions fiscales aux entreprises, celles-ci allaient créer des emplois ? L’alternative est moins glorieuse et sans doute improbable : les hommes politiques, de droite comme de gauche, tendent vers un ultra-libéralisme qui écrase le Tiers-Etat, pour le plus grand profit du Système.

La situation du Tiers-Etat étant ce qu’elle est, on pourrait imaginer qu’il se rebelle, qu’il tente de s’unir pour faire bouger les lignes.

Paradoxalement, il n’en est rien.

Cette inaction peut être imputable à une stratégie de type « du pain et des jeux » visant à l’endormir. Une sorte de stratégie informelle permettant au Système d’asseoir chaque jour un peu plus son emprise, sa prospérité, sa survie. Si elle n’est sans doute pas théorisée, construite, cette « stratégie » est bien réelle. Elle n’est peut-être que le résultat d’une accumulation d’événements, de situations imprévues, mais qui mis bout à bout, on un effet évident.

Miss France, ce sujet incontournable

Les réseaux sociaux s’enflamment, en 2014, pour l’élection de Miss France alors que les Etats-Unis manifestent contre les meurtres opérés par la police, alors que l’OCDE alerte sur le creusement des inégalités dans une proportion inégalée.

Jamais en 30 ans le fossé entre riches et pauvres n’a été aussi prononcé qu’actuellement dans les économies avancées. Aujourd’hui, dans les 34 pays membres de l’Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE), le revenu des 10 % de la population les plus riches est 9,5 fois plus élevé que celui des 10 % les plus pauvres. Dans les années 1980, ce rapport était de 7 à 1, souligne, dans un document de travail rendu public mardi 9 décembre, l’économiste Federico Cingano – il travaille au sein de la direction de l’emploi de l’OCDE.

Pendant que les tweets badins se succèdent sur telle ou telle Miss, la haine gagne du terrain. Car pour l’instant, c’est la seule réponse qu’à trouvée le Tiers-Etat. La haine de lui-même, des autres, proches, lointains, blancs, noirs, verts, gays, hétéros, transgenres, femmes, hommes, tous sont sujets de haine. Le Tiers-Etat s’autodétruit, ce qui ne peut que ravir le Système, celui-ci évitant ainsi sa propre destruction. Ce qui est son but premier. Perdurer, quelles que soient les conditions de vie qu’il impose au Tiers-Etat. Ce dernier est bien trop occupé à s’auto-combattre,  s’auto-détruire, qu’à en vouloir au Système.

Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Et si la croissance économique ne servait à rien ?

dimanche 7 décembre 2014 à 11:14

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Le discours général sur la croissance économique tourne en boucle depuis quelques années accentué par les effets de la fameuse « crise » — qui n’en est pas une — ce que les lecteurs de Reflets les plus assidus savent, particulièrement depuis la publication de la suite d’articles les « origines de la crise ». Ce discours général sur l’économie de croissance, simpliste, est basé sur un leitmotiv basique : tout irait mieux s’il y avait de la croissance économique, et nous pourrions même résoudre des problèmes graves et récurrents de la société française, comme le chômage, la pauvreté et la précarité. Ah oui ? Sans blagues ? Mais qui affirme ça ? Cela se vérifie-t-il ailleurs, chez des voisins proches, aux économies similaires à la nôtre ?

L’économiste a dit que…

A 1,5 point d’augmentation de PIB annuel, les économies modernes européennes sont censées créer des emplois. C’est l’économiste — n’importe lequel l’affirmera — appelé au chevet des Etats qui le dit et le répète sans cesse. A partir de 1,5% de croissance du PIB, le chômage devrait donc commencer à baisser. C’est formidable. C’est mathématique, mécanique, c’est comme ça. D’ailleurs, vous diront les ténors-experts de la théorie économique néo-classique, regardez les Anglais, et les Allemands.

Ah, bien. Allons voir en premier les Anglais. Ces braves cousins d’outre-Manche ont aujourd’hui 3% de croissance : whaaaa, les veinards ! Et mécaniquement — vous dit doctement l’économiste de l’école de Chicago — et bien, leur chômage est très bas : à peine 6%. My god, ils sont trop forts ces grands-bretons ! Alors, on fait comme eux ?

Taux de chômage pour les nuls

On peut faire comme chez les sujets de leur majesté, sans problème. Mais il va falloir bien prendre en compte certaines données plutôt sensibles, avant. Le chômage anglais est, disons-le, une vaste escroquerie. Sans compter le fait qu’un chômeur anglais est,  niveau prestation sociale — un peu comme une vache qu’on conduit à l’abattoir, puisque son chômage est plafonné à une misère et qu’il ne peut excéder six mois — il faut savoir que près de 3 million de personnes sont en incapacités en Angleterre, et donc inaptes au travail, mais indemnisées, et ne sont pas comptées dans les statistiques… du chômage. Si l’on y ajoute les 800 000 travailleurs clandestins, plus les fameux contrats zéro heure permettant à un chef d’entreprise d’embaucher quelqu’un sans lui garantir une seule heure de travail (le rendant corvéable à merci et en dépendance totale envers cet employeur et donc, sans garantie de salaire), les bons chiffres du chômage anglais sont une vaste rigolade que tout observateur de la chose économique devrait immédiatement arrêter d’utiliser comme facteur positif — lorsqu’il parle d’économie.

Baisse des dépenses publiques : oui, mais…non

Toute la belle politique économique de réduction des dépenses publiques, orientées vers le fameux discours du « on va baisser la dette et le déficit public aussi » a servi aux dirigeants politiques britanniques pour privatiser  un maximum de secteurs, réduire « l’effort » de l’Etat, casser des services publics, déjà moribonds en Angleterre. Ce sont des politiques que l’idéologie hypercapitaliste souvent nommée néo-libéralisme, adore, puisqu’elles permettent à des grands groupes industriels  et commerciaux de « privatiser la vie », afin de réduire le citoyen en client et pouvoir se goinfrer de profits quand ça décolle tout en se faisant rembourser via l’argent public si ça dérape. Chacun connaît ce principe très répandu depuis une quinzaine d’années en Europe.

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Regardons donc maintenant où en sont la dette publique et le déficit du Royaume-Uni. Ça ne va pas fort. Pas fort du tout. La dette est encore à plus de 90% (Bruxelles demande 60%), le déficit a bondi à près de 6% (Bruxelles exige 3%). Ahlalalala, mais alors, à quoi bon ? On se le demande, malgré quelques explications assez triviales : à force d’obliger les populations les plus défavorisées à bosser pour des cacahuètes, mais en les incitant à s’endetter, on obtient l’effet suivant : la croissance par la consommation est dopée, d’où les 3% de croissance du PIB, mais les recettes de l’Etat baissent parce que les précaires payent peu de cotisations. Et s’ils sont très nombreux, c’est de moins en moins de recettes qui rentrent dans les caisses de l’Etat. Donc, le déficit et la dette continuent d’augmenter, pas pour cause de trop de dépenses, mais pour cause de pas assez de rentrées.

23% de la population sous le seuil de pauvreté… et l’endettement privé qui explose

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Des chouettes chiffres qui devraient inspirer Macron et son chef Valls, comme le grand manitou social-démocrate Hollande : près d’un quart de la population britannique est en dessous du seuil de pauvreté et la dette des ménages s’élève à 170% de ses revenus. Ahahah : amusante économie autant basée sur le secteur tertiaire que la nôtre, avec un volet finance-paradis fiscal au sein de la deuxième plus grosse place boursière du monde — la City — qui repose sur une bulle immobilière et une politique d’expansion monétaire, de rachat de dette par la Banque centrale du coin. Parce qu’en Angleterre, ils n’ont pas l’euro, mais une inflation à 4,5% et aux environs de 15% de la dette de l’Etat rachetée par la Banque centrale. Tout ça n’est pas très glorieux et repose sur des montages un peu bancals, avec des risques très élevés en cas de changement des taux d’intérêts, ce qui — dans le cas d’une bulle immobilière — ne manque jamais de survenir.

Nos amis d’outre-Rhin : précarité et compétitivité à tous les étages

L’Allemagne, cet eldorado dont rêvent tous les patrons français et leurs amis politiciens du PS et de l’UMP… Oui, l’Allemagne a fait des réformes du temps de Schröder (1998-2005).  Ce brave social-démocrate qui s’en est allé bosser pour une multinationale du gaz une fois l’économie de son pays mise au pas. Ces réformes, tout le monde en parle en France, tellement elles ont permis à l’Allemagne d’être compétitive et d’engranger des bénéfices commerciaux extérieurs colossaux. Pensez un peu : 80 milliards par an ! De la croissance économique qui remonte à peine le pays écrasé par la crise financière, un chômage qui descend quand celui de tous les autres pays augmente ! Trop forts ces Allemands. Oui, mais, là aussi, il y a quand même des gros problèmes. Bien plus gros que ceux connus en France. Colossaux les problèmes.

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On envoie les chiffres : 30% des retraités sont en dessous du seuil de pauvreté, 3 millions de gamins au même régime : ils vivent au sein d’une famille qui a moins de 880 € par mois. 7,4 millions de salariés sont payés moins de 450€ par mois grâce aux formidable mini-jobs mis en place par Schröder. Le chômage n’existe quasiment plus tellement il est restrictif. Un calcul a été fait récemment en Allemagne :  en 2030, 5 millions de personnes n’auront pas de retraite ou au maximum une pension de 140€ par mois. À 67 ans, parce que les réformes, c’est travailler plus longtemps pour toucher que dalle niveau retraite. La démographie est en cause, le manque d’investissements publics de l’Etat, la politique de compétitivité basée sur des délocalisations partielles vers les pays de l’Est et un… énorme dumping social. Merkel est en train de réfléchir à revenir à une retraite à 63 ans, le salaire minimum s’instaure, et des conventions collectives nationales inexistantes jusque là vont se mettre en place : sinon, ce pays va imploser, et la classe politique le sait. Etre compétitif peut nuire à sa population.

Conclusion : va falloir trouver autre chose, non ?

La croissance économique n’est en rien — aujourd’hui — un facteur d’amélioration économique et sociale des populations d’un pays capitaliste, même parmi les plus riches. Le Royaume-Uni ou l’Allemagne le démontrent bien. Afin de diminuer la dette des Etats, la baisse des dépenses publiques est une voie sans issue : partout où une politique de rigueur faite d’austérité s’installe, la dette augmente. Le chômage est une variable d’ajustement des économies dérégulées, un indicateur bidon de l’état des société post-industrielles puisqu’il est en réalité la plupart du temps au double des chiffres établis. Le modèle hypercapitaliste, néo-libéral est en panne en Europe. Une croissance du PIB sur le vieux continent, insufflée par de grands chantiers, pourrait ralentir la casse sociale, permettre de souffler un peu, mais visiblement pas de rétablir une société prospère composée de citoyens apaisés pouvant se projeter dans l’avenir. Cette société capitaliste harmonieuse, où le travail offre un revenu décent à chacun peut-elle encore exister ? Pas certain. En touts cas, certainement pas si elle est basée sur les seuls critères des taux de chômage officiels faibles et  d’une croissance annuelle du PIB forte…

Il faut trouver une autre voie. Le problème est : qui a envie de la chercher et de la mettre en œuvre parmi les décideurs politiques ?