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[PODCAST] De Francis Lalanne à Kim Glow : ces “people” séduits par les théories du complot

samedi 15 mai 2021 à 11:31

A la télévision ou sur les réseaux sociaux, certaines personnalités relaient auprès d’une large audience des idées complotistes, phénomène accéléré par la crise du Covid.

Quel est le point commun entre Jean-Marie Bigard, Kim Glow, Mathieu Kassovitz ou encore… Gérard Depardieu ? Ce n’est pas un projet de superproduction, mais un penchant pour la conspiration, qui s’affiche sur nos « petits » écrans de smartphone.

Parmi les personnalités qui partagent publiquement leurs sympathies complotistes, il y a Francis Lalanne, chanteur, militant, très mobilisé en ce moment contre le vaccin et le masque face au Covid.

Ces noms connus du grand public offrent-ils une visibilité, voire une crédibilité supplémentaire au complotisme ? Impossible de ne pas parler, dans ce 8e épisode de Complorama, du cas de Dieudonné.

Le complotisme est-il “hype” ?

Il y a aussi l’influenceuse et star de la télé-réalité Kim Glow, suivie par plus d’un million de personnes sur Instagram, qui a une « story » permanente en une de son profil nommée « La vérité » pour partager des théories complotistes. Elle propulse donc ces théories au sein de sa communauté, pas forcément complotiste. C’est inquiétant, selon Tristan Mendès France, car « la plupart de ses followers sont jeunes et exposés à des contenus extrêmement toxiques alors qu’ils ne sont parfois pas encore formés idéologiquement. » Aujourd’hui, il y a une mode à pousser des discours complotistes car ils génèrent de fortes audiences.

Il y a également l’incontournable Dieudonné, une personnalité désormais difficilement associable au monde du spectacle tant elle est liée au complotisme. Dès le début des années 2000, Dieudonné a opéré un virage politique à l’extrême droite. « En moins de dix ans, il est passé de l’opposition au Front national, à quasiment son adhésion. En 2008, Jean-Marie le Pen devient le parrain de sa fille, il fait monter sur scène le négationniste Robert Faurisson et compagnonne avec Alain Soral, membre du comité central du FN », explique Rudy Reichstadt.

Les « people » et le complotisme, c’est le 8e épisode de « Complorama », avec Marina Cabiten (France Info), Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, maître de conférence et membre de l’Observatoire du conspirationnisme, spécialiste des cultures numériques. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l’application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcastsPodcast AddictSpotify, ou Deezer.

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Ces diplomates rebelles au service de la propagande du Kremlin

mardi 11 mai 2021 à 19:05

Pour semer le doute sur la responsabilité d’Assad dans les attaques chimiques commises en Syrie et décrédibiliser le travail de l’OIAC, la propagande russe s’appuie sur d’anciens diplomates qui ont dénoncé la politique américaine en Irak avant de basculer dans le conspirationnisme.

De gauche à droite : José Bustani, Denis Halliday, Hans-Christof von Sponeck et Lawrence Wilkerson.

Ils sont quatre et partagent deux points communs. Tous, à des degrés divers, ont été à des postes à hautes responsabilités au moment de la seconde guerre du Golfe (2003) et se sont publiquement opposés à la politique américaine en Irak. Tous ont depuis été recyclés par la propagande du Kremlin.

Le dossier des attaques chimiques en Syrie a toujours fait l’objet de multiples campagnes de désinformation orchestrées par la Russie, alliée de Bachar el-Assad. Mais après l’attaque de Douma en avril 2018, la machine de Poutine est montée en puissance pour faire dérailler le travail de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), dont la Syrie vient d’être exclue.

Dans cette pièce de théâtre, José Bustani, Denis Halliday, Hans-Christof von Sponeck et Lawrence Wilkerson jouent le rôle de très respectables lanceurs d’alerte que l’on chercherait à faire taire.

Francs-tireurs de la guerre d’Irak

Retour en arrière, à la fin des années 90. L’Irak est sous le coup d’un lourd embargo international imposé suite à l’invasion du Koweït par Saddam Hussein. L’Irlandais Denis Halliday, qui a déjà derrière lui plus de trente ans de carrière aux Nations Unies, est nommé en 1997 coordinateur humanitaire de l’ONU en Irak. Il démissionne avec fracas un an plus tard, dénonçant les effets néfastes de l’embargo sur la population irakienne, et accuse publiquement le Conseil de sécurité de « génocide ». L’allemand Hans-Christof von Sponeck, lui aussi diplomate chevronné, prend le relais avant de démissionner pour les mêmes raisons en février 2000.

Quelques mois plus tard, c’est le choc du 11 septembre 2001. L’ex colonel américain Lawrence Wilkerson est alors le chef de cabinet du secrétaire d’État Colin Powell, pour qui il est chargé d’examiner le dossier de la CIA qui servira à préparer le fameux discours à la fiole devant le Conseil de sécurité des Nations Unies en février 2003 puis l’invasion irakienne le mois suivant. Depuis, il affirme avoir été dupé et condamne l’invasion irakienne, mais nie aussi la réalité de l’internement massif des Ouïghours au Xinjiang.

À cette époque, le tout premier directeur général de la jeune Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), fondée en 1997, est le Brésilien José Bustani. Les États-Unis, sous l’impulsion de John Bolton, alors sous-secrétaire d’État chargé des questions de désarmement, veulent le pousser à la démission. Bustani négociait alors avec le régime de Saddam Hussein pour qu’il rejoigne la Convention pour l’interdiction des armes chimiques et pour lancer des inspections en Irak. De quoi, selon lui, mettre en péril les plans de l’administration Bush.

Bustani sera effectivement démis de ses fonctions par un vote de l’OIAC en 2002 dans des circonstances très controversées. En 2003, le Tribunal administratif de l’Organisation internationale du travail reconnaîtra que l’éviction de Bustani était illégale et causée par des « ingérences politiques ».

Les ennemis de mes ennemis sont mes amis

Des figures de la politique internationale et américaine qui dénoncent les mensonges, les pressions et les intentions belliqueuses de Washington : du pain béni pour la Russie de Vladimir Poutine. Wilkerson, Sponeck et Bustani sont sans surprises devenus des invités de marque pour la chaîne de propagande russe RT où ils dénoncent la duplicité de la politique américaine au Moyen-Orient, quitte à valider le narratif du Kremlin. Bustani en particulier permet aux propagandistes russes de discréditer l’OIAC, institution qu’il a lui-même servi et qu’il s’évertue désormais à dynamiter.

On les retrouve également avec Denis Halliday parmi les signataires du « Statement of Concern » au sujet de l’enquête sur l’attaque chimique de Douma publié en mars dernier par la Courage Foundation, un satellite de Wikileaks qui a joué avec le Working group on Syria propaganda and media un rôle crucial dans la campagne de désinformation contre l’OIAC à partir de 2019, comme Conspiracy Watch l’avait raconté ici.

De haut en bas : Hans-Christof von Sponeck, Lawrence Wilkerson et José Bustani.

Mais ces transfuges ne se contentent pas tous de signer des lettres ouvertes. En avril dernier, Sponeck et Wilkerson ont participé à l’une de ces nombreuses conférences informelles organisée par la Russie à l’ONU et au cours desquelles ont déjà été invités à s’exprimer des conspirationnistes pro-Assad comme Eva Bartlett, Vanessa Beeley, Theodore Postol, ou encore Ian Henderson, le « lanceur d’alerte » de l’OIAC qui a fourni les documents à l’origine de la campagne de désinformation lancée contre l’enquête sur l’attaque chimique de Douma.

Le but de cette conférence d’avril 2021 était de dénoncer la « désinformation » sur les attaques chimiques en Syrie… du point de vue du Kremlin. Sponeck et Wilkerson s’y sont exprimés aux côtés d’Aaron Maté – chroniqueur du site conspirationniste américain The Grayzone, qui joue lui aussi un rôle crucial dans la campagne contre l’OIAC depuis 2019. À les entendre, l’enquête de l’OIAC ne serait qu’une farce destinée à fabriquer des preuves sur les armes chimiques pour justifier une intervention occidentale en Syrie, comme l’avaient fait les Américains pour l’Irak en 2003. Sauf que les preuves qui manquaient il y a vingt ans s’accumulent.

En octobre 2020, José Bustani avait déjà servi de courroie de transmission de la Russie à l’ONU. Le Conseil de sécurité débat alors des derniers développements concernant le dossier des armes chimiques en Syrie, l’OIAC venant de publier un rapport affirmant avoir découvert dans un centre de production syrien des produits chimiques qui auraient du être démantelés. Pour défendre son allié, la représentation russe impose le témoignage de Bustani, qui reprend les accusations fausses de WikiLeaks et d’Henderson sur l’enquête de Douma. Le Conseil refuse son intervention à la majorité. Mais qu’à cela ne tienne, l’histoire est encore plus belle : pour RT et The Grayzone, l’ancien directeur de l’OIAC a donc été « censuré ».

Un réseau coordonné avec la diplomatie russe

Et pourtant, si c’étaient eux qui complotaient avec des services de renseignements ? Le mois dernier, Paul McKeigue, professeur à l’Université d’Édimbourg et membre du Working group on Syria propaganda and media (WGSPM), a été pris la main dans le sac en train d’échanger des infos cruciales avec un dénommé « Ivan », qu’il prenait pour un espion russe.

McKeigue l’encourageait à enquêter sur des journalistes occidentaux, ainsi que sur des témoins d’attaques chimiques en Syrie, et demandait son aide pour mettre à genoux la Commission for International Justice and Accountability (CIJA), une organisation privée indépendante qui a accumulé des tonnes de documents prouvant les crimes du régime syrien et qui a contribué à l’ouverture des premières plaintes en Europe.

Pire encore, McKeigue lâche à « Ivan » que des membres du WGSPM sont en contact réguliers avec pas moins de quatre diplomates russes, à Genève, La Haye, New York et Londres, allant jusqu’à admettre que les campagnes médiatiques de son groupe étaient coordonnées avec ces derniers. Pour ne rien gâcher, le professeur britannique admet également que la création récente du Berlin Group 21 n’est qu’une façade du WGSPM pour lui permettre d’échapper aux critiques et de pousser ses campagnes en Allemagne.

Dès sa création en mars dernier, le Berlin Group 21 avait en effet relayé le « Statement of Concern » de la Courage Foundation, signé donc par nos quatre rebelles, ainsi que par Roger Waters, Tulsi Gabbard, Ray McGovern, Noam Chomsky, John Pilger ou encore Theodore Postol, Le Berlin Group 21 a été co-fondé par le conspirationniste Richard Falk… avec nul autre qu’Hans-Christof von Sponeck et José Bustani.

Nul doute que cet aréopage sera encore mobilisé très prochainement. Ces derniers mois, l’Identification and Investigation Team de l’OIAC a désigné Assad comme responsable de deux nouvelles attaques chimiques, celle de Latamneh en mars 2017 et de Saraqib en février 2018. L’organisation doit également désigner un coupable pour l’attaque de Douma, où tous les éléments pointent une fois encore vers Damas.

 

Voir aussi :

Affaire Skripal : Craig Murray s’enfonce un peu plus dans la théorie du complot

Sur RT France, Jacques Baud coche toutes les cases du conspirationnisme géopolitique

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Conspiracy News #19.2021

dimanche 9 mai 2021 à 13:06

L’actu de la semaine décryptée par Conspiracy Watch (semaine du 03/05/2021 au 09/05/2021).

NAPOLÉON. Napoléon a-t-il été empoisonné à l’arsenic ? Son corps a-t-il été subtilisé par les Anglais ? Nicolas Bernard fait le point sur les multiples légendes qui entourent la mort, il y a deux cents ans, du Corse le plus célèbre de l’histoire sur une petite île aux confins de l’Atlantique. Les rumeurs sur son compte naissent de son vivant, explique notamment l’auteur : « un personnage aussi grandiose a-t-il vraiment fini ses jours sur une île aussi petite ? Depuis sa déportation vers Sainte-Hélène en 1815, maints imposteurs ont usurpé son identité en France métropolitaine ; comme pour Adolf Hitler, des rumeurs quant à une éventuelle survie circuleront plusieurs années après sa mort » (source : Conspiracy Watch, 4 mai 2021).

À lire ou relire, sur le site PHDN (Pratiques de l’Histoire et Dévoiements négationniste), le célèbre texte parodique de Jean-Baptiste Pérès (1752-1840), « Comme quoi Napoléon n’a jamais existé », qui peut être lu comme un pastiche illustrant les méthodes des négationnistes. Une lecture à compléter par celle d’un court pamphlet intitulé Doutes historiques sur l’existence de Napoléon Bonaparte dans lequel toute l’épopée napoléonienne est passée au crible de l’irrévérence et de la satire.

TERRE PLATE. « La plupart des gens qui adhèrent à l’idée de Terre plate sont arrivés à la Terre plate via des vidéos YouTube », explique Sebastian Dieguez, chercheur en neurosciences à l’université de Fribourg. Si cette théorie remonte à la fin du XIXe siècle, elle connaît un regain d’intérêt depuis quelques années, dans un contexte de montée des populismes : « Je pense que ce n’est pas vraiment une conviction sincère, c’est plutôt une manière de s’approprier une méthode de dissidence ». L’universitaire y voit aussi la volonté d’un accès plus direct à la connaissance : « ça explique pourquoi souvent ces gens vont faire des expériences dans un amateurisme à peu près complet » (source : Kombini News/Twitter, 5 mai 2021).

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ANTIVAX. Gisèle Beaudoin, une chanteuse country de 70 ans opposée à la vaccination contre le Covid-19, est décédée le 1er mai à cause d’une forme grave du virus. Avant de mourir, elle est revenue sur sa position en écrivant sur sa page Facebook : « Je vous mets en garde contre ce virus. Je n’aurais jamais pensé être si malade » (source : Le Dauphiné, 4 mai 2021).

Contrairement à ses annonces d’une chasse aux comptes anti-vaccination, Facebook laisse en activité des comptes dont les contenus de désinformation font des millions de vues. D’après le Center for Countering Digital Hate, 10 des 12 principaux comptes antivax sur le média social continuent d’être actifs. Ils sont 9 sur 12 sur Instagram, réseau social appartenant à Facebook (source : Vice, 28 avril 2021).

Il est à noter que l’adhésion à la vaccination progresse en France. D’après les chiffres du cabinet Kekst CNC, elle est passée de 40% des Français en décembre dernier à 59%. Le cabinet Opinion Act a cherché à identifier les mécanismes d’adhésion et de rejet de la vaccination dans notre pays, en étudiant les discussions publiques relatives aux quatre vaccins les plus mentionnés sur la période du 1er décembre au 28 février 2021 (source : Opinion Act, 6 mai 2021).

MICHAEL YEADON. Une vidéo abondamment relayée sur les réseaux sociaux soutient que 0,8% des personnes vaccinées contre le Covid-19 décèdent quinze jours après leur première injection, assurant se fonder sur les déclarations d’un ancien cadre de Pfizer, Michael Yeadon. Figure de la complosphère francophone, celui-ci a toutefois assuré à l’AFP qu’il n’avait jamais formulé une telle mise en garde. Si l’on se fiait à ce pourcentage, plus de 100.000 personnes seraient déjà mortes en France après avoir été vaccinées ; un chiffre colossal en décalage complet avec les données officielles et jugé « surréaliste » par un virologue interrogé par l’AFP (source : AFP, 6 mai 2021).

ALZHEIMER. Des publications très partagées sur internet, en français et en anglais, affirment que les vaccins anti-Covid à ARN messager peuvent provoquer des maladies neurodégénératives comme Alzheimer. Mais « l’étude » citée à l’appui de cette hypothèse a été rédigée par un militant anti-vaccin notoire et n’est pas fondée scientifiquement, comme l’expliquent plusieurs experts (source : AFP, 7 mai 2021).

HOLD-UP. Quelle fut l’ampleur réelle du documentaire complotiste Hold-Up ? Le chercheur en sciences politiques Antoine Bristielle et l’agence Kap Code ont réalisé une analyse de social media listening sur Twitter, en récoltant de septembre 2020 au 15 janvier 2021 tous les tweets mentionnant le mot-clé « Hold-Up ». Cette analyse des réseaux de propagation permet de visualiser la construction et l’évolution des interactions entre internautes s’exprimant sur ce sujet, leurs avis, ainsi que leur proximité/relations et influence dans le réseau social (source : Fondation Jean-Jaurès, 5 mai 2021).

INDE. Au cours des dernières semaines, alors que le nombre de morts dans le pays a dépassé les 200 000 personnes, beaucoup se sont tournés vers les réseaux sociaux pour demander de l’aide et obtenir des informations sur les lits de soins intensifs et les fournitures vitales en oxygène. D’autres ont donné de leur temps, consacrant de longues heures à diffuser des informations fiables pour aider les patients et leurs proches désespérés. La désinformation quant à elle a battu son plein. Rajneil Kamath, du service indien de vérification des faits NewsChecker, affirme que la charge de travail de l’organisation a doublé au cours du mois dernier et qu’elle reçoit des dizaines de fausses déclarations à traiter chaque jour (source : codastory.com, 3 mai 2021).

RUSSIE. L’ONG International Strategic Action Network for Security publie un article dans lequel est décrite la manière dont le gouvernement russe utilise la messagerie Telegram – 500 millions d’utilisateurs mensuels – pour influer sur la situation politique en Ukraine et en Biélorussie. Telegram permet de diffuser à grande vitesse, anonymement et à une large audience des narratifs pro-Kremlin, en lien avec les pouvoirs en place. Certains canaux sont directement animés par le Kremlin et comptabilisent plusieurs centaines de milliers d’abonnés (source : iSans, 28 avril 2021).

RADICALISATION. Ali Hassan Rajput, l’homme qui avait poignardé à mort un enseignant du pôle universitaire Léonard de Vincy, à la Défense, en décembre 2018, ne sera pas jugé. La chambre de l’instruction a tranché le 4 mai : elle le considère comme pénalement irresponsable de son acte (source : Le Parisien, 4 mai 2021). À l’époque, Conspiracy Watch avait été le seul média à enquêter sur le profil de l’assassin dont le radicalisme religieux allait de pair avec un antisémitisme et un complotisme effrénés (source : Conspiracy Watch, 8 décembre 2018).

QANON. Né aux États-Unis fin 2016, le mouvement extrémiste et complotiste QAnon gagne du terrain en Europe et notamment en France. Dans une vidéo publiée sur une chaîne française pro-QAnon intitulée « Les DéQodeurs », des personnes répondent à des questions d’internautes et débattent d’un visuel qui compare la situation des juifs dans les années 40 à ceux qui refusent de porter le masque en 2020. « Malheureusement, les individus qui ne souhaitent pas porter le masque sont marginalisés de la société, comme les juifs autrefois », explique Leonard Sojli, l’une des principales figures du mouvement dans l’Hexagone. Dans son émission hebdomadaire sur LCI, Thomas Huchon revient sur cette mouvance qui pourrait bien peser sur la campagne présidentielle de 2022 (source : LCI, 7 mai 202).

« CITOYENS SOUVERAINS. » Dans sa chronique hebdomadaire sur France Inter, Tristan Mendès France s’est penché sur une mouvance complotiste venue des États-Unis – présente en France –, connue sous l’appellation de « Citoyens Souverains ». L’objectif partagé par les différents groupes qui s’en revendiquent ? Remettre en cause l’autorité de l’État et tout ce qu’il représente, explique notre collaborateur qui précise que le FBI a fini par considérer ses membres comme un « potentiel danger terroriste » (source : France Inter, 7 mai 2021).

NÉONAZIS. Six membres d’un groupuscule néonazi ont été interpellés le 4 mai alors qu’ils préparaient un attentat contre une loge maçonnique. Les interpellations ont eu lieu dans le Bas-Rhin et dans les environs de Sochaux (Doubs). Des armes, notamment des couteaux, et des munitions ont été découvertes ainsi que de l’argent. Baptisé « Honneur et Nation », le groupuscule préparait un attentat terroriste intitulé  « projet Alsace » contre une loge maçonnique en Moselle mais également contre des lieux communautaires et contre le ministre de la Santé, Olivier Véran. Les membres du groupe, qui faisaient preuve dans leurs échanges d’un antisémitisme et d’un complotisme débridés, avaient fait des recherches sur les explosifs et effectué des repérages. Ce groupe aurait enfin déjà été sollicité par le complotiste Rémy Daillet-Wiedemann, impliqué dans le rapt de la petite Mia (sources : BFM TV, 7 mai 2021 ; lejdd.fr, 8 mai 2021).

LECTURE. Enseignant-chercheur en psychologie sociale et en statistique à l’Université de Fribourg (Suisse), Pascal Wagner-Egger vient de publier Le bruit de la conspiration (PUG). À la lumière des études scientifiques en psychologie menées sur le sujet, l’ouvrage propose d’explorer les raisons qui font que nous pouvons tous être attirés par ce genre de récit, et de comprendre pourquoi certains y croient plus que d’autres. L’auteur interroge la rationalité de ces théories et s’attache à identifier les faiblesses du raisonnement complotiste, donnant au lecteur les clés intellectuelles pour le contrer. Conspiracy Watch publie les bonnes feuilles de ce livre qui constitue, d’après son préfacier, Gérald Bronner, un « apport salutaire dans le contexte actuel » (source : Conspiracy Watch, 5 mai 2021).

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Comment lutter contre la prolifération des théories du complot ?

mercredi 5 mai 2021 à 19:34

Enseignant-chercheur en psychologie sociale et en statistique à l’Université de Fribourg (Suisse), Pascal Wagner-Egger publie aujourd’hui Le bruit de la conspiration*. Conspiracy Watch en publie les bonnes feuilles.

Le bruit de la conspiration, de Pascal Wagner-Egger (PUG, 2021).

Un point qui n’a été que peu étudié pour le moment est, compte tenu des nombreuses conséquences négatives des théories du complot (TC), de savoir que faire pour contrer la prolifération de ces théories. Au niveau psychologique, une seule étude a investigué l’effet de différentes interventions sur les croyances aux TC : Orosz et ses collègues (2016) ont mesuré le taux d’adhésion à un mégacomplot incluant plusieurs TC en pré-test et post-test, en intercalant entre les deux une vidéo au contenu variable. Dans une première condition appelée rationnelle, la vidéo soulignait les failles du raisonnement complotiste et corrigeait certaines affirmations des TC. Dans une condition ridiculisante, la vidéo soulignait aussi les failles du raisonnement, mais par l’absurde et le ridicule (référence aux reptiliens, etc.). Une troisième condition, dite empathique, a été testée, dans laquelle était souligné le caractère de victime des cibles des TC (p. ex. les juifs). Enfin, dans la condition de contrôle, la vidéo portait sur des prévisions météorologiques. Les résultats ont montré une baisse comparable des croyances aux TC dans les conditions rationnelle et ridiculisante, montrant par là que l’argumentation et l’humour peuvent être des armes utiles contre la prolifération des TC. Par contre, le recours à l’empathie n’a produit aucun effet notable. La plupart des actions entreprises dans les écoles sont d’ailleurs de former à l’esprit critique, qui implique de favoriser la pensée analytique en ligne (évaluation de la fiabilité des sources sur Internet) et en général (apprentissage des biais cognitifs, p. ex.). L’éducation est bien évidemment une arme clé pour lutter contre les TC, puisque nous avons vu que les personnes plus jeunes et moins formées ont tendance à croire davantage que les autres aux TC.

Lewandowsky et ses collègues (2017) ont pour leur part établi une liste de mesures à propos de la dimension communicationnelle des TC, notamment Internet, pouvant être prises pour lutter contre la désinformation : créer des ONG proposant un système de jugement du niveau d’information pour chaque site internet, élaborer des chartes de « bonne conduite journalistique » dans les médias et pour les blogueurs, désigner des médiateurs ou éditeurs dans les médias chargés de débusquer les fake news, clarifier les conflits d’intérêts des représentant·es politiques et économiques, « inoculer » la population contre les fake news par des campagnes d’information sur leur fonctionnement, initiation aux médias, notamment en ligne, informations concernant la désinformation par les « trolls » et les bulles de filtrage, faire davantage entendre les voix des scientifiques, utiliser des algorithmes de vérification des faits (fact-checking) et, finalement, poser quelques questions simples sur le contenu d’un article avant de pouvoir le partager sur les réseaux sociaux (cela diminue drastiquement le nombre de partages de la part des internautes n’ayant pas répondu correctement).

De véritables stratégies de « vaccination cognitive », appelées « inoculations », ont été testées par les psychologues sociaux à partir de McGuire (1961) [1]. Ces techniques, qui ont été développées dans de nombreuses recherches, sont basées sur deux principes :

(1) la menace, qui active la motivation de la personne à résister à une persuasion extérieure en mettant en évidence la vulnérabilité de ses attitudes actuelles ;

(2) la préemption réfutationnelle, qui délivre à la personne un contenu spécifique passible d’être mobilisé pour renforcer les attitudes face à une attaque imminente, et qui lui permet également de s’exercer à défendre ses croyances par des contre-arguments.

Concernant spécifiquement les TC, Banas et Miller (2013) ont testé l’effet de deux techniques d’inoculation, l’une basée sur la logique (en attirant l’attention sur les problèmes de logique et de méthode du documentaire, comme le non-respect du rasoir d’Ockham, le fait que le film se base sur des données erratiques mais pas sur des témoignages directs de personnes ayant participé au complot, etc.), l’autre sur des faits (en soulignant des erreurs factuelles contenues dans le documentaire), à propos de la TC des attentats du 11 Septembre, en montrant ensuite à leurs participant·es le film complotiste Loose Change et en demandant finalement des jugements de la théorie du complot qu’il contient. Ils ont également mesuré l’effet inverse de deux techniques de méta-inoculation (à nouveau l’une basée sur la logique, l’autre sur des faits), en faisant précéder l’inoculation d’un avertissement contre l’inoculation (en avertissant, par exemple, du fait que certaines personnes pourraient abusivement éloigner les participant·es d’idées jugées « dangereuses » ou alternatives, les manipuler en leur enjoignant d’être des penseurs et penseuses indépendant·es et pas des moutons, etc.) ! Les résultats ont montré tout d’abord l’attrait du documentaire complotiste (et seulement sa première partie de 40 minutes) avec, dans la condition contrôle, une augmentation moyenne de 1,5 sur une échelle de 1 à 7 (soit une augmentation de 25 %). Les techniques d’inoculation, pourtant constituées de seulement quelques lignes de texte, ont nettement diminué l’adhésion à la thèse complotiste, notamment la technique la plus factuelle, jusqu’à annuler le pouvoir persuasif de la vidéo. Comme attendu, la méta-inoculation diminuait significativement l’efficacité du « vaccin », mais sans toutefois l’annuler. Ce qui pourrait suggérer que les personnes trop engagées dans leur « voyage spirituel » au pays des TC ne seraient plus « immunisables » contre les idées fausses ou du moins peu probables.

Une autre technique simple a été proposée par Bonetto et collègues (2018). Dans une série de quatre études, ils ont amorçé l’idée chez leurs participant·es de résistance à la persuasion (en leur demandant de donner leur degré d’accord à une série de 12 affirmations comme « En général, je ne change pas d’avis après une discussion »), ce qui a suffit pour réduire de façon certes modeste mais néanmoins robuste les croyances conspirationnistes.

Prévenir l’anomie

Au niveau sociétal, deux des principaux facteurs alimentant les TC pourraient être combattus : l’anomie et l’anxiété. Il est évidemment bien plus difficile d’intervenir au niveau de la société, puisque cela implique des politiques à long terme. Mais, néanmoins, on peut estimer que l’anomie pourrait – et sans doute devrait – être diminuée très généralement par la réduction des inégalités sociales. J’ai déjà relevé le fait que nous vivons dans des sociétés où, désormais – information bien connue des complotistes –, 1 % des personnes possèdent plus que les 99 % des autres êtres humains [2]. Lewandowsky et ses collègues (2017) nous rappellent que depuis les années 1960, les salaires faibles ou moyens ont majoritairement stagné, à l’inverse des hauts salaires qui ont pris l’ascenseur : 1 % des plus hauts salaires ont bénéficié de 85 % de l’augmentation totale des salaires entre 2009 et 2013. En conséquence de quoi, en 2013, 1 % des plus hauts salaires avaient augmenté de plus de 25 fois par rapport aux 99 % des autres salaires. Statistiques à l’appui, Lewandowsky et ses collègues (ibid.) relèvent de plus un déclin du « capital social » (défini comme la bonne volonté, l’empathie, la confiance envers les gens et envers les institutions publiques) depuis les années 1960-1970. Comme nous l’avons vu en France avec le mouvement des Gilets jaunes, le sentiment d’anomie créé par les inégalités sociales peut mener au complotisme et à la violence. Dans le même sens, Gombin (2013) conclut, au sujet d’une enquête sociologique menée en France et montrant les prédicteurs usuels des TC (méfiance, droite politique, etc.) :

« Cela signifie que traiter les théories du complot est moins une question d’élever le niveau d’éducation ou de mettre en avant des arguments politiques que de recréer les conditions politiques, sociales et économiques de la confiance partagée » (p. 35, ma traduction).

Ainsi, la réduction des inégalités sociales qui deviennent de plus en plus grandes est une tâche certes herculéenne, mais à laquelle nos sociétés doivent s’atteler afin de réduire la crise de confiance de nos démocraties envers leurs dirigeant·es (cf. p. ex. Piketty, 2019). Cette crise de confiance ne mène pas seulement à l’anomie et à la violence, mais aussi à un soutien politique aux divers populismes des extrêmes politiques. Comme l’ont montré Castanho Silva et ses collègues (2017), les TC sont liées au populisme (défini par une distinction entre le « peuple » vu positivement et les « élites » maléfiques, ce qui n’est autre que la dimension verticale des TC, ou leur dimension manichéiste). Van Prooijen (2018) note avec les exemples de l’élection de Donald Trump aux États-Unis et le vote sur le Brexit au Royaume-Uni que les TC amènent la population vers des choix de vote populiste. Staerklé et Green (2018) ont observé que le populisme est structuré par les deux mêmes dimensions que les TC, à savoir une dimension verticale opposant le « peuple » aux « élites », et également une dimension horizontale différenciant les « nationaux » et les « immigrant·es ». Il n’est guère surprenant que les prédicteurs du vote populiste soient en partie les mêmes que pour les TC (autoritarisme de droite, méfiance, insécurité, etc.). À un niveau plus facile à modifier, Van Prooijen (2018) propose de veiller à ce que le système judiciaire use des procédures décrites par la « justice procédurale », laquelle décrit des procédures jugées justes par la majorité des gens, fondées sur le principe d’équité. Elles permettent que même en cas de décision négative, cela n’impacte pas la confiance des individus dans le système de justice. Si les procédures sont au contraire jugées injustes, une décision négative va exacerber le sentiment d’injustice.

Principe de précaution

Un remède contre la croissance de l’anxiété – et donc celle des récits anxiogènes comme les fausses rumeurs, fake news et TC – pourrait être l’application d’un principe de précaution proportionné dans le domaine des progrès médicaux et technologiques. Même si certaines analyses dénoncent une dérive « précautionniste » effectivement irrationnelle (Bronner & Géhin, 2014), un principe de précaution raisonnable semble indispensable. Comme le relèvent ces auteurs, il est vrai que les biais cognitifs humains focalisent davantage sur les risques et les pertes que sur les gains, et qu’on ne peut jamais prouver définitivement qu’un produit, un pesticide, un vaccin ou un médicament sont inoffensifs pour l’être humain ou sans effets secondaires. De plus, il est vrai que retarder certaines inventions peut avoir un certain coût humain comme, par exemple, ne pas commercialiser un OGM qui pourrait être utile dans les pays du tiers-monde. Il est également vrai que, comme les TC, le principe de précaution repose parfois sur des soupçons non fondés : on ne sait pas, par exemple, si les ondes de la 5G sont dangereuses ou non pour la santé, et l’on pourrait conclure d’une analyse similaire à celle des TC que tant que les dangers ne sont pas prouvés, ils n’existent pas, et que ces dangers, au contraire de l’absence totale de dangers, peuvent être établis. Ainsi, le fardeau de la preuve reviendrait aux associations et organes de contrôle.

Cette analyse a en apparence tous les aspects rationnels que je défends pour les TC, mais l’analogie avec les TC est erronée du fait d’une différence cruciale : si les dangers potentiels des TC ont été établis (les plus graves dangers étant d’augmenter les préjugés envers certains groupes, ou la méfiance envers les vaccins), les dangers potentiels du progrès technologique sont sans commune mesure (Beck, 2008) : ils deviennent tout simplement exponentiels, le danger potentiel d’une guerre atomique ou du réchauffement climatique étant comme on le sait l’extinction pure et simple de l’humanité. La miniaturisation des composants électroniques, les progrès des biotechnologies ou de l’intelligence artificielle offrent une puissance sans pareille dans son histoire à l’être humain (Harari, 2018). Le rythme du progrès technique va également croissant en raison de l’augmentation du nombre de scientifiques et du financement des recherches dans le monde (cf. p. ex. la célèbre loi de Moore émise en 1975 qui stipulait que le nombre de transistors des microprocesseurs sur une puce de silicium allait doubler tous les deux ans, ce qui a été vérifié jusqu’en 2001) [3]. Ainsi, il faudrait pour bien évaluer les risques calculer ce qu’on appelle l’espérance mathématique, et non seulement les probabilités : l’espérance est la probabilité du risque multipliée par les conséquences de ce risque. Ainsi, si un risque est faible, il sera erroné d’être cognitivement focalisé sur cette probabilité faible, mais si l’on multiplie une probabilité faible par une conséquence importante, voire désastreuse, l’espérance devient élevée. Ainsi, le principe de précaution, même exagéré au vu des probabilités des risques, ne peut être jugé irrationnel qu’en le mettant en rapport avec l’étendue des conséquences possibles. D’autre part, on peut estimer qu’un principe de précaution peut être appliqué de façon temporaire, comme c’est le cas en Suisse pour les OGM dont le moratoire continue. Pour l’instant, les études scientifiques ne semblent pas identifier de risques liés à cette technologie, mais l’introduction de nouvelles espèces dans l’écosystème peut quant à elle créer des effets indésirables. Ainsi, laisser le temps à davantage d’investigations indépendantes, sans fermer la porte sur une levée du principe de précaution, peut aider à identifier des risques nouveaux ou estimer les conséquences d’un risque même faible, voire d’éviter certaines catastrophes. En conclusion, il apparaît bel et bien qu’un principe de précaution correctement appliqué et non définitif pourrait aider à empêcher l’accroissement de l’anxiété sociale. Peut-être qu’une solution pour les gouvernements à propos de certaines peurs liées à des nouvelles technologies comme la 5G serait la création de « task forces » d’expert·es indépendant·es, et dont la conclusion à la fin du moratoire, basée sur les recherches scientifiques menées et les méta-analyses disponibles, serait publiquement communiquée.

 

Notes :

[1] Notre expérience nous a prouvé que la métaphore médicale induit comme effet secondaire de fortes réactions allergiques chez les complotistes. Nous l’avons déjà observé dans la réponse de Basham et Dentith (2016) à propos de notre utilisation du terme « maladie » en parlant du complotisme qu’il faudrait « soigner » (Bronner et al., 2016). Ce livre justifie, avec tous les aspects négatifs des théories du complot recensés, une telle utilisation, mais les allergiques pourront simplement remplacer ces termes par des qualificatifs plus neutres comme « croyances irrationnelles » ou « changements d’attitude »… Par un paradoxe amusant, j’ai déjà relevé au début de ce livre que les complotistes les plus acharnés connaissent vaguement mais exagèrent nettement la portée des expériences de psychologie sur les influences cognitives et sociales (comme la persuasion, le conformisme, l’obéissance à l’autorité, etc.), voire même imaginent des expériences de parapsychologie cachées de la part de la CIA. Rappelons ici aux non-spécialistes que les effets mesurés en psychologie sont le plus souvent relativement modestes, même si statistiquement significatifs, comme c’est le cas des effets de ces « inoculations ». Par exemple, dans l’expérience célèbre de Asch sur le conformisme (1956), 37 % des réponses observées se conformaient à l’avis du groupe manifestement erroné, ce qui signifie que 63 % des réponses étaient non conformistes ! Ainsi, les techniques testées en psychologie sont bien loin du « contrôle mental » ou du « lavage de cerveau » fantasmé par les complotistes extrêmes…

[2] https://www.nouvelobs.com/monde/20160118.OBS2935/inegalites-1-de-la-population-mondiale-possede-plus-que-les-99-restants.html.

[3] Cf. p. ex. https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/publications-scientifiques-les-etats-unis-talonnes-par-la-chine_120255.

 

* Le bruit de la conspiration : Psychologie des croyances aux théories du complot (PUG, coll. Points de vue et débats scientifiques, préface de Gérald Bronner, 2021).

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« Napoléon assassiné » : les théories du complot sur la mort de l’Empereur

mardi 4 mai 2021 à 13:13

Napoléon a-t-il été empoisonné à l’arsenic ? Son corps a-t-il été subtilisé par les Anglais ? Nicolas Bernard fait le point sur les multiples légendes qui entourent la mort, il y a deux cents ans, du Corse le plus célèbre de l’histoire sur une petite île aux confins de l’Atlantique.

Montage CW.

Printemps 1965. Dans le train qui le ramène d’un voyage à Bruxelles, André Castelot, célèbre spécialiste de la geste napoléonienne, est soudainement séquestré dans son compartiment par des douaniers français. Aux protestations de l’historien, nos braves fonctionnaires s’expliquent : « On voulait être sûrs de vous retrouver, parce qu’on a une question à vous poser », à savoir : « Est-ce que vous croyez vraiment que Napoléon a été empoisonné ? » [1] Cette année-là, en effet, les médias s’emballent : un dentiste suédois, Sten Forshufvud, aurait démontré que l’Empereur serait mort assassiné, intoxiqué à l’arsenic ! Bientôt, un autre auteur, Georges Rétif, ira plus loin encore : les Anglais auraient dérobé l’auguste cadavre pour l’inhumer à Westminster ! Ainsi s’envolent deux théories qui, s’encourageant l’une l’autre, planent encore sur le paysage médiatique français. Et pourtant, observe l’historien Philip Dwyer, « comme toutes les théories du complot, elle[s] repose[nt] sur une lecture fondamentalement erronée de l’Histoire, sur un manque de contextualisation, sur des connexions fallacieuses et sur une incapacité à accepter la réalité » [2].

Mort dans l’après-midi

Le 5 mai 1821, sur une « petite île » [3] de l’Atlantique Sud, un confinement prend fin : « à six heures moins onze minutes du soir, au milieu des vents, de la pluie et du fracas des flots, Bonaparte rendit à Dieu le plus puissant souffle de vie qui jamais anima l’argile humaine » [4]. Depuis bientôt six ans, l’Aigle dépérissait à Sainte-Hélène, « île chiée par le diable » [5] entre l’Afrique et le Brésil. Le gouvernement anglais, en déportant Napoléon aux antipodes, avait souhaité se prémunir de toute évasion – et espéré que, retranché de la civilisation, il finirait oublié d’elle. Pari partiellement perdu ! Le terrible proscrit, certes, ne s’est pas évadé ; mais il ne rejoindra pas les oubliettes de l’Histoire. « Ma destinée se montre aux rebours des autres, aurait-il prétendu à l’un de ses mémorialistes, le comte de Las Cases. La chute les abaisse d’ordinaire, la mienne me relève infiniment. Chaque jour me dépouille de ma peau de tyran, de meurtrier, de féroce. » [6] L’exil et la mort de l’Empereur à Sainte-Hélène le transfigurent en martyr. Des cendres de l’échec renaîtra la légende, imprégnée de romantisme.

Une légende parfumée de mystère, tout de même. Et d’abord, un personnage aussi grandiose a-t-il vraiment fini ses jours sur une île aussi petite ? Depuis sa déportation vers Sainte-Hélène en 1815, maints imposteurs ont usurpé son identité en France métropolitaine ; comme pour Adolf Hitler, des rumeurs quant à une éventuelle survie circuleront plusieurs années après sa mort [7]. De fait, lorsque la nouvelle de son trépas est rendue publique en France, au cours de l’été 1821, elle est parfois accueillie avec un certain scepticisme dans les classes populaires [8]. Ce mythe de la survie s’éteindra de lui-même, devant le témoignage irréfutable des compagnons d’exil de l’Empereur, qui raconteront son agonie pour mieux chanter sa gloire.

Mais de quoi est mort Napoléon ? A ce jour, la question reste entière. Toutefois, des hypothèses plausibles ont pu être émises, qui excluent catégoriquement un empoisonnement criminel, mais évoquent plutôt un fiasco médical digne de Molière.

Sa Majesté des mouches

Quelques rappels s’imposent. Une évidence, tout d’abord : depuis son arrivée à Sainte-Hélène en 1815, aux lendemains de Waterloo, Napoléon a profondément souffert de son exil forcé. Le révolutionnaire botté, le Premier Consul, l’Empereur des Français, le maître de l’Europe était ravalé au statut de prisonnier de guerre. « L’homme qui avait tour à tour habité les Tuileries, le Kremlin et l’Escurial » [9] (mais aussi Schönbrunn et Sans-Souci) ne régnait plus que sur une demeure coloniale de la plaine de Longwood, tantôt battue par les vents et la pluie, tantôt frappée de vagues de chaleur, toujours envahie par les rats. Ce bâtisseur d’État doublé d’un grand capitaine en était réduit à arpenter, au mieux, quelques kilomètres, sans autre pouvoir que celui de régenter une cour microscopique de fidèles – et, il est vrai, un important personnel d’aides-de-camp et de domestiques [10]. Le démiurge hyperactif qui avait vaincu toutes les armées d’Europe affrontait désormais bien pire : l’ennui, quotidien, lancinant, interminable, pollué par les mésententes mesquines entre ses proches, aggravé par l’étroite surveillance anglaise. Sa vie familiale était réduite à néant : Joséphine était morte en 1814, sa seconde épouse Marie-Louise, fille de l’Empereur d’Autriche, convolait avec un général autrichien, et son fils, né en 1811, était élevé à la Cour de Vienne. Napoléon ne se consolait qu’en courtisant les épouses des généraux qui partageaient son exil…

Autre source d’usure mentale, notre homme menait, de front, deux campagnes simultanées : l’une, psychologique, contre ses geôliers britanniques, notamment le Gouverneur Hudson Lowe, qui persistaient à lui dénier le titre de souverain impérial ; l’autre, politique, consistant à diffuser, à l’extérieur de l’île, les esquisses de sa future légende, pour gagner à sa cause l’opinion publique (notamment britannique), aux fins de bénéficier d’une amélioration de son sort [11]. Las ! En 1818, lors du congrès d’Aix-la-Chapelle, les puissances alliées avaient confirmé leur intention de claquemurer ce fauteur de troubles à Sainte-Hélène. Il y resterait donc cloîtré, empereur de l’insignifiance.

Il y avait là autant de circonstances propres à nourrir une dépression ! Laquelle l’a finalement éloigné de son travail d’écriture à compter de 1819, et a, évidemment, fragilisé sa santé : embonpoint prononcé, maux de dents, gonflement des membres inférieurs, éventuellement calculs biliaires (dont les symptômes évoquaient une hépatite)… Or, durant toute une année, de l’été 1818 à l’été 1819, Napoléon a été privé de médecin, refusant les soins de celui désigné par les Britanniques, ce qui n’a pas manqué d’aggraver son calvaire. Malgré une rémission due à de l’exercice physique, le déclin allait être effrayant à partir de l’été 1820, amenant un de ses courtisans, le général de Montholon, à écrire le 5 mars 1821 : « C’est aujourd’hui un cadavre qu’un souffle de vie anime encore. » [12] Les deux mois suivants, jusqu’à son trépas, Napoléon ne quitterait pratiquement pas son lit. Épuisé par la fièvre, rongé de douleurs abdominales, puis hoquetant, vomissant, il avait trouvé la force d’achever son testament lors de rares répits au mois d’avril, avant d’être submergé de délire, et de disparaître au crépuscule d’une journée de mai.

La mort n’est pas une fin (des polémiques)

Une autopsie revient à ouvrir un corps comme un livre, pour y déchiffrer les causes de la mort. Napoléon en avait sollicité une pour lui-même [13]. Le lendemain du décès, son médecin attitré, le Dr. Antommarchi, réalise un examen post-mortem des plus rigoureux [14]. Toutefois, ses constatations sont grevées des méconnaissances médicales de l’époque et de considérations politiques. L’autopsie, de fait, est conduite en présence – et sous la surveillance – de médecins britanniques, qui établiront leur propre procès-verbal [15]. Elle établit que le siège de la maladie n’est autre que l’estomac [16], perforé par un ulcère gastrique chronique et « rempli en partie d’une substance liquide, noirâtre, d’une odeur piquante et désagréable » [17]. Pas de doute : c’est ici que la mort a frappé.

Sur ces constats, imprécisions voire contradictions [18], ainsi que les témoignages des mémorialistes, ont prospéré bien des hypothèses. « Sans pouvoir avancer d’explication définitive, résume l’historien Charles-Eloi Vial, la mort de l’Empereur est aujourd’hui attribuée à un ulcère à l’estomac, peut-être cancéreux et finalement percé, qui serait à l’origine des vomissements, maux de ventre et constipations qui l’ont fait souffrir durant les deux dernières années de sa vie, et qui aurait entraîné des saignements gastriques et une profonde anémie, encore aggravée par l’absorption de calomel, substance toxique qui aurait précité sa mort. » [19] Deux jours avant le trépas, en effet, les médecins britanniques entourant Napoléon avaient, croyant bien faire, administré à leur patient fort mal en point dix grains de calomel pour le purger ; ce médicament, du concentré de mercure pur, allait causer une grave hémorragie (la perte totale de volume sanguin dépassant les 40 % !), achevant littéralement le patient [20].

Napoléon victime de sa réclusion et des carences de la science médicale, telle est l’explication la plus crédible. Comme le disait Molière dans Le Médecin malgré lui, « presque tous les hommes meurent de leurs remèdes et non pas de leurs maladies » ! Mais, de ces incertitudes quant aux causes exactes de sa mort, d’autres théories ont surgi : selon l’une d’elles, l’Empereur aurait été frappé du syndrome de Zollinger-Ellison, maladie hormonale qui l’aurait, peu à peu, transformé en femme [21] (un comble, pour ce misogyne consommé !) ; selon d’autres, plus inquiétantes mais non moins rocambolesques, il aurait été assassiné – par le poison.

Arsenic et (pas si) vieilles querelles

Napoléon lui-même a donné le ton, dans son testament achevé le mois précédant son trépas : « Je meurs prématurément, assassiné par l’oligarchie anglaise et son sicaire » [22], à savoir le Gouverneur Hudson Lowe. Dénonciation d’outre-tombe ? Plutôt une dernière retouche à sa tunique de martyr, l’Empereur incriminant surtout un exil indigne de sa gloire. Il n’empêche que lorsque la nouvelle de sa disparition franchit les océans, quelques pamphlets accusent l’Angleterre d’un véritable régicide. Toutefois, ces interrogations, ces rumeurs sont totalement dissipées par les témoignages que livrent les derniers compagnons d’exil de Napoléon à leur retour en Europe, ainsi que la publication du rapport d’autopsie d’Antommarchi [23].

Longtemps discréditée, l’accusation d’empoisonnement ne refait surface qu’au début des années 1960, portée par le dentiste suédois Sten Forshufvud [24], avant d’être reprise par divers auteurs, pas davantage historiens que lui, notamment l’homme d’affaires canadien Ben Weider [25], le colonel John Hughes‐Wilson [26], puis l’économiste et juriste René Maury [27].

Sten Forshufvud & Ben Weider, Assassination at St-Helena. The Poisoning of Napoleon Bonaparte, Mitchell Press, 1978.

Selon eux, Napoléon aurait d’abord été fragilisé pendant plusieurs années par un empoisonnement à l’arsenic ; le coup de grâce lui aurait été porté en lui faisant absorber un habile mélange de lait d’amande amère et de calomel (laquelle mixture aurait généré du cyanure de mercure). Aussi confuse que spectaculaire, la thèse repose manifestement sur un raisonnement « complotiste » : conclusions aventureuses voire inexactes tirées des travaux de scientifiques et d’historiens, lecture orientée des témoignages, incompétence médico-légale certaine, accusations par insinuations et présomptions, et stigmatisation d’une imaginaire conjuration pour pallier une absence criante de preuve.

Les poisons de la couronne (de cheveux)

Premier argument « majeur » des « empoisonnistes », Napoléon présenterait trente-et-un symptômes d’intoxication arsenicale chronique. Mathématiquement impressionnante, la démonstration est scientifiquement sans valeur. Manquent à l’appel, en effet, les quatre symptômes essentiels : mélanodermie (teinte de la peau en gris), polynévrite douloureuse des extrémités, kératinisation des plantes de pied et des paumes, bandes de Mees (stries grises transversales sur les ongles) [28]. Les « empoisonnistes » contournent l’obstacle en rappelant que le cadavre de Napoléon apparaissait, lors de son exhumation en 1840, parfaitement conservé, ce qui serait une propriété de l’arsenic. Là encore, c’est trop solliciter les faits : le cadavre impérial avait été installé dans quatre cercueils emboîtés qui ne laissaient passer l’air, ce qui explique cet état de conservation [29].

Deuxième argument majeur, cette fois plus sérieux : diverses expertises ont établi que les cheveux de Napoléon (dont des spécimens avaient été pieusement conservés par ses proches) révélaient une présence importante d’arsenic. Mais le fait ne prouve rien, comme le résume l’historien Thierry Lentz : « Cette présence d’arsenic dans les cheveux de Napoléon pourrait d’ailleurs s’expliquer par la présence massive de ce poison minéral dans l’environnement de Sainte-Hélène, car les terres volcaniques en produisent naturellement. Le produit se retrouvait donc dans l’air, l’eau et l’alimentation, de même d’ailleurs que dans les produits pour lutter contre les parasites ou dans la fumée dégager par la combustion du charbon pour chauffer les pièces (Napoléon étant frileux, le feu était entretenu en permanence). On doit encore remarquer que l’entretien des chevelures et la conservation des cheveux coupés étaient souvent assurés par des produits à base d’arsenic, ce qui expliquerait qu’on en ait également retrouvé dans les cheveux de l’Empereur prélevés avant 1821, de même que dans ceux d’autres personnalités du temps. » [30]

Certes, une expertise conduite en 2001 par le Dr. Pascal Kintz, professeur de médecine légale à l’Institut médico-légal de Strasbourg, a paru donner de l’eau aux moulin des « empoisonnistes », dans la mesure où elle a conclu que l’arsenic retrouvé dans les cheveux napoléoniens serait endogène, donc y aurait pénétré par l’organisme [31]. Mais le Dr. Kintz ne conclut nullement à un empoisonnement criminel et doute même que l’intoxication arsenicale ait causé la mort de Napoléon [32]. Du reste, ses conclusions sur le caractère endogène de l’arsenic ont été critiquées par d’autres expertises [33]. Une querelle d’experts non significative, en d’autres termes [34], sachant qu’il reste à expliquer pourquoi des spécimens de cheveux napoléoniens antérieurs à son exil, de même que des spécimens de cheveux issus de son fils, l’Aiglon, comportaient une dose d’arsenic supérieure à la moyenne [35] ! Le fait suggère, non point un empoisonnement criminel, mais une contamination liée à l’environnement ou au procédé de conservation desdites mèches.

Suspects habituels

Les allégations « empoisonnistes » butent également sur l’identité du coupable – et la détermination de son mobile. Si Sten Forshufvud innocente la Perfide Albion, à commencer par l’irascible Gouverneur Hudson Lowe, Ben Weider, lui, est d’un autre avis, « oubliant » que le gouvernement anglais et Hudson Lowe sous-estimaient la gravité de l’état de santé de Napoléon et, surtout, craignaient d’être sous le feu des critiques en cas de disparition anticipée du prisonnier. A moins que les Bourbons, revenus au pouvoir en France mais craignant le retour de « l’usurpateur corse », n’aient été les véritables commanditaires ? Hélas, plusieurs décennies d’« enquêtes » à leur encontre ont fait chou blanc.

Le suspect favori (et pour tout dire, unique) de nos détectives en herbe n’est autre qu’un des derniers fidèles du monarque reclus, à savoir le général de Montholon. Sans doute l’homme était-il cupide, hâbleur, charmeur voire intriguant et se taillera-t-il la part du lion du legs testamentaire de Napoléon, héritant d’une colossale somme de deux millions de francs (le revenu moyen annuel était alors de mille francs [36]). Montholon laissera même son épouse, Albine (dont il était tout de même profondément amoureux) se glisser dans le lit du monarque déchu à Sainte-Hélène. Beau profil d’aventurier !

C’est oublier que Montholon s’est aussi révélé d’une fidélité exemplaire à l’Empereur avant, pendant et après Sainte-Hélène, allant jusqu’à s’associer aux tentatives de prise du pouvoir de Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III [37]. Contre lui, les « empoisonnistes » en sont réduits à sur-interpréter, voir manifestement déformer le sens de ses propres écrits (notamment sa correspondance avec Albine), ce qui ne témoigne pas d’un grand sérieux. Et pourquoi aurait-il tué son maître ? Par opportunisme ? Par appât du gain ? Pour reconquérir le cœur d’Albine ? Par vengeance ? On ne sait, et un enquêteur tel que René Maury a allègrement enchaîné ces divers mobiles dans ses ouvrages… Bref, l’accusation dirigée contre Montholon tient du polar, pas de l’Histoire. Ce cher général, à Sainte-Hélène, n’a rien tué d’autre que le temps.

L’Aigle s’est envolé

Romanesque à souhait, la théorie de l’empoisonnement a connu un avatar – celui de la substitution, non de l’Empereur, mais de son cadavre. Quelques années après la diffusion des premiers « travaux » de Sten Forshufvud, un photojournaliste, Georges Rétif, publie un extraordinaire pamphlet, par lequel il soutient le plus sérieusement du monde que les Britanniques, après l’inhumation du corps impérial, ont dérobé son corps pour l’ensevelir à Westminster – où il résiderait toujours, malgré le Brexit [38]. Une thèse fascinante, enterrée dès 1971 par un historien [39], mais qu’un juriste passionné d’Histoire, Bruno Roy-Henry, tente vaillamment d’exhumer depuis une vingtaine d’années [40].

Quelques rappels historiques s’imposent. En 1840, l’Angleterre autorise la France, dirigée par Louis-Philippe et son président du Conseil Adolphe Thiers, à rapatrier les restes mortels de Napoléon (ses « cendres », d’où l’expression « retour des cendres »). Opération politique, assurément : Londres souhaite se concilier Paris et le gouvernement français cherche à promouvoir la réconciliation nationale (en d’autres termes, désarmer les oppositions) [41]. Une mission composée notamment d’anciens fidèles de Napoléon ayant partagé son exil (mais sans Montholon, alors emprisonné), est expédiée à Sainte-Hélène à bord de trois navires, La Belle Poule, La Favorite et L’Oreste, pour récupérer le corps. L’exhumation est effectuée le 15 octobre : le cercueil de Napoléon (en fait quatre cercueils emboîtés, le détail a son importance) n’est ouvert que deux minutes, le temps de procéder à l’identification du cadavre. Un bref laps de temps qui suffit toutefois à créer « un mouvement universel de surprise et d’attendrissement », jusqu’à tirer des larmes à ceux qui avaient suivi, servi et veillé l’Empereur à Sainte-Hélène et le reconnaissent aussitôt, si bien conservé qu’il était grâce à l’absence d’oxygène dans le cercueil [42]. La Belle Poule n’a plus qu’à ramener l’Aigle en France, pour qu’il soit de nouveau inhumé aux Invalides – où il gît à ce jour.

Napoléon Ier à Fontainebleau le 31 mars 1814, par Paul Delaroche (1840, huile sur toile, Musée de l’Armée à Paris).

D’après les « substitutionnistes », il n’en serait rien. Tentons de les résumer en quelques lignes. Peu avant l’inhumation de l’Empereur de 1821, ses fidèles tentent de réaliser un masque mortuaire, mais, s’offusquant de sa laideur, commettent une première substitution : ils s’emploieront à diffuser un autre masque mortuaire, celui du maître d’hôtel de Napoléon décédé à Sainte-Hélène en 1818, un certain Cipriani, dont la physionomie évoquerait celle, idéalisée, de Napoléon à l’époque où il était Premier Consul. Deuxième substitution, plus grave celle-là : le roi d’Angleterre George IV, « personnage dépravé, aux tendances narcissiques, voire homosexuelles […] et, selon toute vraisemblance, nécropathe » [43] fait exhumer le corps de l’Empereur dans les années 1820 et lui substitue celui… du même Cipriani. Conséquence de cette improbable coïncidence, lors de l’exhumation de 1840, les témoins reconnaissent Cipriani… mais n’osent signaler la supercherie, de crainte que ne soit démasquée – si l’on ose dire – leur instrumentalisation frauduleuse du masque mortuaire du défunt maître d’hôtel !

L’île aux quatre cercueils

Sur quoi se fondent pareilles allégations ? Rien d’autre qu’une lecture orientée des témoignages et des documents, sans aucune pièce (rapport, correspondance, Mémoires) étayant expressément cette substitution. L’essentiel de l’argumentaire « substitutionniste », en effet, revient à confronter des descriptions de 1821 et 1840 pour surexploiter des divergences (ou prétendues telles) de détail (emplacement des décorations de Napoléon, objets placés dans les cercueils, état du tombeau, tasseaux du corbillard, etc.), sans aucun égard pour l’imprécision propre à tout témoignage, ou à l’erreur humaine – et encore lesdites approximations demeurent-elles exceptionnelles, sachant que, pour rappel, les observations de 1840 n’ont pas duré plus de deux minutes [44]. Insistons là-dessus : rien, rigoureusement rien n’appuie la matérialité d’une conjuration britannique, qui relève du fantasme.

La pierre angulaire du fragile édifice « substitutionniste » repose sur le décompte des cercueils. Le procès-verbal d’inhumation du 7 mai 1821, signé par trois compagnons de l’Empereur (dont le fameux Montholon) mentionne que l’Empereur a été installé dans trois cercueils [45]. Or, lors de l’exhumation de 1840, Napoléon repose dans quatre cercueils : en acajou, en plomb, en bois exotique et en fer blanc. Un cercueil de trop, c’est la preuve d’une manipulation, donc d’une conspiration, donc d’une substitution ! Il n’en est rien, car on sait depuis longtemps que le procès-verbal du 7 mai a été établi avant la livraison d’un quatrième cercueil en bois [46]. Bref, la thèse s’écroule.

Comme chez les « empoisonnistes », l’imagination fait office de démonstration. Quitte à distiller une atmosphère de mystère là où il n’y a pas lieu. C’est ici qu’il faut évoquer ce désormais fameux maître d’hôtel, Cipriani, dont le cadavre reposerait aux Invalides à la place de Napoléon. Jadis au service de la famille Bonaparte, ce personnage trouble était, sous l’Empire, un espion, avant d’être chargé, à Sainte-Hélène, de l’approvisionnement de la maisonnée impériale. Une place de choix qui lui avait permis de se constituer un réseau pour se livrer à divers trafics, quitte à être en contact avec les geôliers britanniques de l’Empereur. Agent double, voire triple, Cipriani est décédé le 27 février 1818, dans des circonstances mal élucidées : péritonite ? Rupture d’un abcès au foie ? Voire meurtre ou suicide [47] ?

Toujours est-il que l’allégation selon laquelle les proches de Napoléon auraient utilisé un imaginaire masque mortuaire de Cipriani pour duper les Bonaparte ne résiste pas à l’analyse, non plus qu’une instrumentalisation de son cadavre par les Britanniques. Tout d’abord, il n’existe aucun portrait précis de l’intéressé, si bien qu’il est, au mieux, imprudent de lui prêter une quelconque ressemblance avec Napoléon. Ensuite, il n’est pas établi qu’une empreinte de son visage ait été prise après sa mort, alors que le parcours des masques mortuaires de Napoléon, quoique compliqué, est désormais bien connu, et exclut toute manipulation dénoncée par les « substitutionnistes » [48]. Pour tenter de sauter l’obstacle, nos enquêteurs distillent une ambiance énigmatique : la tombe de Cipriani à Sainte-Hélène, soutiennent-ils, aurait disparu – et donc, son cadavre aussi. En vérité, Cipriani, malgré les services rendus, n’a bénéficié d’aucune pierre tombale pour sa sépulture, laquelle ne peut être identifiée à ce jour [49]. Beaucoup de bruit pour rien !

Sainte-Hélène a été, pour l’Empereur, « la dernière bataille », celle de la postérité – et il l’a gagnée, largement. Mais comme l’avait dit Wellington, « rien, sinon une bataille perdue, n’est aussi triste qu’une bataille gagnée » [50] : pour prétendre à l’immortalité, il fallait endurer le martyre, composer sa vie en tragédie. À ce titre, nul besoin d’empoisonner Napoléon pour le faire mourir, sa déchéance, son cloisonnement, son désespoir y ont suffi. Le général de Montholon a tout résumé, le 5 mars 1821 : « Au physique et au moral, ce maudit Sainte-Hélène l’aura tué. » [51] Or, « empoisonnistes » comme « substitutionnistes » raisonnent en « complotistes », subordonnant l’Histoire aux méfaits de groupes occultes, quitte à mépriser les sources documentaires. Paradoxalement, ils échafaudent des théories compliquées, voire absconses, pour simplifier la réalité. Napoléon lui-même nous avait mis en garde : « L’homme aime le merveilleux. Il a pour lui un charme irrésistible, il est toujours prêt à quitter celui dont il est entouré, pour courir après celui qu’on lui forge. Il se prête lui-même à ce qu’on le trompe. […] Tous ces charlatans disent des choses fort spirituelles ; leurs raisonnements peuvent être justes, ils séduisent ; seulement la conclusion est fausse, parce que les faits manquent. » [52]

 

Notes :
[1] Anecdote rapportée par Alain Decaux, Grands Secrets, Grandes Enigmes, Paris, Perrin, 1970, p. 314.
[2] Philip Dwyer, Napoleon. Passion, Death and Resurrection. 1815-1840, Londres, Bloomsbury, 2018 et 2019, p. 141. La formule de cet historien, réservée aux théories « empoisonnistes », s’applique également à leurs sœurs « substitutionnistes ».
[3] Selon l’expression de Napoléon Bonaparte, en conclusion de l’un de ses cahiers de jeunesse – dans Frédéric Masson et Guido Biagi (éd.), Napoléon inconnu : papiers inédits (1786-1793), Paris, Ollendorf, 1895, vol. II, p. 49.
[4] François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Paris, Gallimard, coll. « Pléiade », vol. I, 1946, p. 1022.
[5] Selon le mot de l’épouse du général Bertrand, qui accompagna l’Empereur à Sainte-Hélène (Pierre Branda, Napoléon à Sainte-Hélène, Paris, Perrin, 2021, p. 116).
[6] Emmanuel de Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène ou Journal ou se trouve consigné, jour par jour, ce qu’a dit et fait Napoléon durant dix-huit mois, Paris, Bossange et Co., 1824, vol. VII, entrée du 2 novembre 1816, p. 162. La phrase est toutefois absente du manuscrit original – Thierry Lentz, Peter Hicks, François Houdecek, Chantal Prévot (éd.), Le Mémorial de Sainte-Hélène. Le manuscrit retrouvé, Paris, Perrin, 2018, p. 709.
[7] Nathalie Pigault, Les Faux Napoléon 1815-1823. Histoire d’imposteurs impériaux, Paris, C.N.R.S., ainsi que, plus ancien, le délicieux chapitre consacré aux « faux Napoléon » par G. Lenôtre dans son Napoléon. Croquis de l’épopée, Paris, Grasset, 1932 et Livre de Poche, 1964, p. 248-254.
[8] Dwyer, Napoleon. Passion, Death and Resurrection, op. cit. p. 133-134.
[9] Alexandre Dumas, Napoléon, Paris, Delloye, 1840, p. 336.
[10] Branda, Napoléon à Sainte-Hélène, op. cit., p. 168-184.
[11] Sur ce dernier point, voir Branda, Napoléon à Sainte-Hélène, op. cit., p. 380-386.
[12] Cité dans Charles-Eloi Vial, Napoléon à Sainte-Hélène. L’encre de l’exil, Paris, Perrin, 2018, p. 228.
[13] Mémoires du Docteur Antommarchi ou les derniers moments de Napoléon, Bruxelles, P. J. De Mat, 1825, vol. II, p. 215-216. Napoléon redoutait de succomber à une maladie héréditaire, et à supposer que tel ait été le cas, tenait à ce que son fils soit mis en garde.
[14] Rapport d’autopsie reproduit dans Jean Tulard (éd.), Napoléon à Sainte-Hélène, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1981, p. 744-745 ainsi que dans Charles-Tristan de Montholon, Récits de la captivité de l’Empereur Napoléon à Sainte-Hélène, Paris, Paulin, 1847, vol. II, p. 557-559. Sur l’autopsie, voir Jacques Macé, Dictionnaire historique de Sainte-Hélène, Paris, Tallandier, coll. « Texto », 2016, art. « Autopsie de Napoléon », p. 143-146 ; Branda, Napoléon à Sainte-Hélène, op. cit., p. 580-586 ; Thierry Lentz et Jacques Macé, La mort de Napoléon, Paris, Perrin, 2009 et 2021 (coll. « Tempus »), p. 55-58 ; Albert Benhamou, L’autre Sainte-Hélène. La captivité, la maladie, la mort et les médecins autour de Napoléon à Sainte-Hélène, Londres, A. Benhamou Publishing, 2010, p. 408-434 (sur liseuse).
[15] « Report of appearances on dissection of the body of Napoleon Bonaparte », reproduit par l’un des médecins britanniques, le Dr. Archibald Arnott, dans An Account of the Last Illness, decease, and post mortem appearances, of Napoléon Bonaparte, Londres, John Murray, 1822, p. 25-26. Traduit en français dans Benhamou, L’autre Sainte-Hélène, op. cit., p. 411-412 (sur liseuse).
[16] L’obsession des Britanniques intéresse le foie impérial : serait-il endommagé qu’il confirmerait des soupçons d’hépatite, inflammation du foie susceptible d’être imputable aux conditions de détention à Sainte-Hélène. Le foie, précisément, est décrit par Antommarchi comme « engorgé et d’une grosseur plus que naturelle », tandis que le procès-verbal britannique se limite pudiquement à mentionner que l’organe « ne présentait aucun aspect malsain ». L’un des médecins britanniques, le Dr. Shortt, fera ajouter que « le foie était peut-être un peu plus grand que normal » (Benhamou, L’autre Sainte-Hélène, op. cit., p. 416). Le Gouverneur Hudson Lowe fera supprimer cette mention du rapport officiel. Le 12 septembre 1823, à sa demande, un autre médecin britannique ayant assisté à l’autopsie, le Dr. Walter Henry, écrira que le foie était « parfaitement sain » (correspondance reproduite dans James Kemble, Napoleon immortal. The medical history and private life of Napoleon Bonaparte, Londres, John Murray, 1959, p. 282-283 – traduction française dans Paul Frémeaux, Dans la chambre de Napoléon mourant : journal inédit de Hudson Lowe, gouverneur de Sainte-Hélène, sur l’agonie et la mort de l’Empereur, Paris, Mercure de France, 1910, p. 241-245). Cependant, le général Bertrand, qui avait suivi Napoléon à Sainte-Hélène et restera à ses côtés jusqu’au bout, notera que le foie « était d’une grandeur un peu plus grande que le naturel et un peu engorgé, quoique le procès-verbal anglais n’en ait pas fait mention » (général Henri Gatien Bertrand, Cahiers de Sainte-Hélène. Les 500 derniers jours 1820-1821, Paris, Perrin, 2021, éd. établie par François Houdecek, entrée du 6 mai 1821, p. 262).
[17] Les observations des médecins britanniques, malgré des divergences de détail, sont globalement similaires : perforation ulcéreuse de l’estomac, « presque rempli d’une grande quantité de fluide ressemblant à du marc de café » et dont la surface « était une masse de maladie cancéreuse, ou de parties squirreuses avançant vers un cancer ». Dans ses carnets, le général Bertrand écrit : « Des squirres au pylore [tumeurs] avaient occasionné divers ulcères tout autour, dans les parties voisines de l’estomac ; un de ces ulcères était devenu chancre et avait percé l’estomac d’un trou à passer le petit doigt » (Cahiers de Sainte-Hélène, op. cit., entrée du 6 mai 1821, p. 261-262).
[18] En 1825, Antommarchi rédigera dans ses Mémoires un nouveau compte-rendu d’autopsie, aggravant les lésions de l’Empereur, dont celles du foie. Toutefois, il est établi que ce document n’a aucune valeur probante, Antommarchi ayant plagié un article médical sans rapport avec l’Empereur paru en 1823 ! Voir Roland Jeandel et Jacques Bastien, « Antonmarchi, dernier médecin de Napoléon : requiem pour un faussaire. Le compte rendu d’autopsie publié en 1825 est un plagiat ! », Médecine Sciences, vol. 22, n°4, avril 2006, p. 434-436.
[19] Charles-Eloi Vial, Napoléon à Sainte-Hélène. L’encre de l’exil, Paris, Perrin, 2018, p. 258.
[20] Voir les analyses récentes du Dr. Alain Goldcher, Napoléon Ier. L’ultime autopsie, Paris, S.P.M., 2012 ainsi que Philippe Charlier, « Napoléon Ier. Chronique d’une mort fantasmée », Napoléon n’est plus, Paris, Gallimard/Musée de l’Armée, 2021, p. 72-74. Selon le Dr. Goldcher, l’ulcère impérial, quoique bouché par le foie, aurait continué à être légèrement hémorragique ; l’administration de calomel le 3 mai 2021 (contre l’avis d’Antommarchi), en générant une grave hémorragie interne, a achevé Napoléon. Le Dr. Goldcher n’est pas convaincu que le cancer, s’il a existé, aurait été la cause directe de la mort de Napoléon. Il n’en est pas moins vrai que l’Empereur avait perdu beaucoup de poids avant de mourir – A. Lugli, A. Kopp Lugli & M. Horcic, « Napoleon’s autopsy : New perspectives », Human Pathology, vol. 36, 2005, p. 320-324.
[21] Robert B. Greenblatt, « Sexual Profile : Napoleon », Medical Aspects of Human Sexuality, vol. 14, 1980, p. 11.
[22] Testament du 15 avril 1821 – version manuscrite reproduite ici : http://www.corsicatheque.com/Histoire-personnages-historiques/Napoleon-Bonaparte-1769-1821/Napoleon-Bonaparte-son-testament
[23] Thierry Lentz, Bonaparte n’est plus ! Le monde apprend la mort de Napoléon, Paris, Perrin, 2019, 135-141.
[24] Sten Forshufvud, Napoléon a-t-il été empoisonné ?, Paris, Plon, 1961.
[25] Ben Weider et Sten Forshufvud, Assassination at St-Helena. The Poisoning of Napoleon Bonaparte, Mitchell Press, 1978 (réédité en 1995 sous le titre Assassination at St-Helena revisited, New York, Wiley) ; Ben Weider et David Hapgood, Qui a tué Napoléon ?, Paris, Robert Laffont, 1982 ; Ben Weider, Napoléon est-il mort empoisonné ?, Paris, Pygmalion/Gérard Watelet, 1999.
[26] Colonel John Hughes‐Wilson, « Who killed Napoleon? An historic murder solved », The RUSI Journal, 1997, p. 142-146.
[27] L’assassin de Napoléon ou le mystère de Sainte-Hélène, Paris, Albin Michel, 1994 ; Albine : le dernier amour de Napoléon, Paris, Calmann-Lévy, 1998 ; L’énigme Napoléon résolue. L’extraordinaire découverte des documents Montholon, Paris, Albin Michel, 2000.
[28] Lentz et Macé, La mort de Napoléon, op. cit., p. 103-106 ; Charlier, « Chronique d’une mort fantasmée », op. cit., p. 76-77.
[29] Sur ce point, le général Bertrand notait dans ses carnets, le 7 mai 1821 : « On a dit [s’agissant des cercueils] que l’air ne pénétrant pas, cela se conserverait des siècles » (Cahiers de Sainte-Hélène, op. cit., entrée du 7 mai 1821, p. 264).
[30] Thierry Lentz, art. « Mort de Napoléon (polémiques) », Napoléon. Dictionnaire historique, Paris, Perrin, 2020, p. 646-647.
[31] Kintz, P., Goullé, J.-P., Fornes, P., & Ludes, B., « A New Series of Hair Analyses from Napoleon Confirms Chronic Exposure to Arsenic », Journal of Analytical Toxicology, 2002, vol. 26, n°8, p. 584–585
[32] Lentz et Macé, La mort de Napoléon, op. cit., p. 112.
[33] Voir notamment Gérard Lucotte, « Napoléon empoisonné ? La fin d’une énigme », Napoléon Ier. Le magazine du Consulat et de l’Empire, n°67, mars-avril 2013, p. 10-21.
[34] Voir sur ce point l’analyse de Josiane Demeurisse, « Expertise scientifique, histoire et preuve », Questions de communication, 2002, vol. 2, p. 83-94.
[35] Lucotte, « Napoléon empoisonné ? La fin d’une énigme », op. cit., p. 17.
[36] Branda, Napoléon à Sainte-Hélène, op. cit., p. 556.
[37] Voir Jacques Macé, L’honneur retrouvé du général de Montholon, Paris, Picard, 2000 (sans complaisance, du reste, pour le personnage).
[38] Georges Rétif, sous le pseudonyme de « Georges Rétif de la Bretonne », Anglais, rendez-nous Napoléon !, Paris, J. Martineau, 1969 – récemment réédité en format pdf.
[39] Colonel Dugué Mac Carthy, « Les cendres de l’Empereur sont-elles aux Invalides ? », Revue de la Société des Amis du Musée de l’Armée, 1971, n°75, p. 31-43. En ligne : https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/les-cendres-de-lempereur-sont-elles-aux-invalides/
[40] Bruno Roy-Henry, Napoléon : L’énigme de l’exhumé de 1840, Paris, L’Archipel, 2000 – rééd. : Napoléon, l’énigme de l’exhumé de Sainte-Hélène, Paris, L’Archipel, 2003 et 2021 (sur liseuse).
[41] Voir, sur l’événement, Gilbert Martineau, Le Retour des Cendres, Paris, Tallandier, 1990.
[42] Rapport du diplomate Philippe de Rohant-Chabot du 19 octobre 1840 (reproduit dans Georges Firmin-Didot, La captivité de Sainte-Hélène d’après les rapports inédits du marquis de Montchenu, Paris, Firmin-Didot, 1894, p. 251).
[43] Roy-Henry, Napoléon, l’énigme de l’exhumé de Sainte-Hélène, op. cit., p. 233 (sur liseuse).
[44] Outre la réfutation de Dugué Mac Carthy, voir sur ce point l’analyse, dévastatrice, de Jacques Macé, « Le corps de Napoléon est bien aux Invalides ! », Revue du Souvenir Napoléonien, n°455, février-mars 2003, p. 35-45. En ligne : https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/39624/. Egalement Macé et Lentz, La mort de Napoléon, op. cit., p. 163-188.
[45] Procès-verbal d’ensevelissement du 7 mai 1841 reproduit dans Tulard (éd.), Napoléon à Sainte-Hélène, op. cit., p. 746. Le document décrit ainsi les cercueils : un en fer-blanc, puis un en plomb, puis un troisième en bois d’acajou. Cependant, comme l’établissait Dugué Mac Carthy en 1971, l’ordre d’installation des cercueils est erroné : en fait, Napoléon a été déposé dans un cercueil en fer-blanc, lequel a été inséré dans un cercueil en bois, celui-ci ayant été déposé dans un cercueil en plomb (« Les cendres de l’Empereur sont-elles aux Invalides ? », op. cit.).
[46] Le fait est matériellement établi par le compte-rendu quotidien d’un décorateur britannique chargé de l’organisation logistique des obsèques de Napoléon, Andrew Darling – Jacques Macé (éd.), « Les obsèques de Napoléon. Journal d’Andrew Darling, tapissier à Jamestown », Revue du Souvenir Napoléonien, n°455, février-mars 2003, p. 46-49. En ligne : https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/les-obseques-de-napoleon-journal-dandrew-darling-tapissier-a-jamestown/. De surcroît, ce document se trouve corroboré par des lettres écrites les 6 et 10 mai 1821 par un militaire britannique à sa mère, l’enseigne Duncan Darroch – reproduites dans Mac Carthy, « Les cendres de l’Empereur sont-elles aux Invalides ? », op. cit. – ainsi que que les Mémoires du valet de chambre de l’Empereur, Louis Marchand (Jean Bourguignon et commandant Henry Lachouque (éd.), Mémoires de Marchand, Paris, Tallandier, 2003, p. 578-579). Georges Rétif fait de Darling un agent de la conjuration, qui aurait stupidement ajouté un cercueil lors de l’exhumation du corps de l’Empereur par les Britanniques (Anglais, rendez-nous Napoléon !, op. cit., p. 175-177). Il connaît aussi les lettres de Darroch, qu’il reproduit dans son ouvrage, mais « omet » opportunément de reproduire les passages qui anéantissent sa théorie… Bruno Roy-Henry, lui, préfère mettre en doute l’authenticité de ces documents – sans aller plus loin que l’insinuation (Napoléon, l’énigme de l’exhumé de Sainte-Hélène, op. cit., p. 130-131).
[47] Macé, Dictionnaire historique de Sainte-Hélène, op. cit., art. « Cipriani », p. 198-200 ; Michel Dancoisne-Martineau, Chroniques de Sainte-Hélène. Atlantique Sud, Paris, Perrin, 2011, p. 182-197.
[48] Sur les masques mortuaires de Napoléon, voir la mise au point de Chantal Prévot, « Les masques mortuaires de Napoléon. Résumé des problématiques » : https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/les-masques-mortuaires-de-napoleon-resume-des-problematiques/ (2014). Egalement Macé et Lentz, La mort de Napoléon, op. cit., p. 171-177.
[49] Dancoisne-Martineau, Chroniques de Sainte-Hélène, op. cit., p. 196-197.
[50] « Believe me, nothing except a battle lost can be half so melancholy as a battle won », cité par William Mudford, An Historical Account of the Campaign in the Netherlands in 1815, under His Grace the Duke of Wellington, and Marshal Prince Blücher, comprising the battles of Ligny, Quatre Bras, and Waterloo, Londres, Henry Colburn, 1817, p. 286.
[51] Cité dans Charles-Eloi Vial, Napoléon à Sainte-Hélène, op. cit., p. 228.
[52] Le Mémorial de Sainte-Hélène. Le manuscrit retrouvé, op. cit., entrée du 22 juillet 1816, p. 571.

 

Bibliographie sélective :

Albert Benhamou, L’autre Sainte-Hélène. La captivité, la maladie, la mort et les médecins autour de Napoléon à Sainte-Hélène, Londres, A. Benhamou Publishing, 2010.
Général Henri Gatien Bertrand, Cahiers de Sainte-Hélène. Les 500 derniers jours 1820-1821, Paris, Perrin, 2021, éd. établie par François Houdecek.
Jean Bourguignon et commandant Henry Lachouque (éd.), Mémoires de Marchand, Paris, Tallandier, 2003.
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Paul Ganière, Napoléon à Sainte-Hélène, Paris, Perrin, 1964, 1998 et 2015, coll. « Tempus ».
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Jacques Macé, Dictionnaire historique de Sainte-Hélène, Paris, Tallandier, coll. « Texto », 2016.
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