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Conspiracy Watch | L'Observatoire du conspirationnisme

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Derrière le pass sanitaire, une éthique de la liberté

jeudi 12 août 2021 à 10:49

Qu’ils en soient conscients ou non, les complotistes œuvrent à la construction d’une société invivable en ce qu’elle n’accorderait plus aucune confiance au corps médical et aux gouvernants.

Place du Trocadéro, Paris, le 24 juillet 2021 (crédits : Conspiracy Watch).

C’est un fait solidement établi et à présent diversement documenté : Internet et les réseaux sociaux sont les incubateurs privilégiés des fake news et de toutes sortes de théories du complot qui y fleurissent, qui y infusent et s’y diffusent sans réelle entrave.

Si la pandémie a très vite creusé les sillons du conspirationnisme et armé derechef ses bataillons, ce sont désormais les vaccins qui focalisent et cristallisent le soupçon exacerbé de ses adeptes, qu’ils soient naïfs, crédules ou idéologues rompus au militantisme 2.0, à la rhétorique et à la joute politiciennes.

La mécanique conspirationniste est aussi connue que huilée : la moindre brèche ou faille dans la communication officielle est exploitée, en l’occurrence les hésitations, voire les contradictions, qui peuvent émailler, quelquefois, un certain discours public à propos d’un virus, faut-il le rappeler, nouveau, fulgurant et désarçonnant à plus d’un titre.

Sauf que le complotisme a un moteur qui fait sa redoutable force : il (re)lit l’histoire à l’envers en interprétant, de manière intéressée, les déclarations de l’époque en les détachant soigneusement ou plus maladroitement de leur contexte originaire, en escamotant, pour ce faire, des éléments connus de l’époque par les différents locuteurs mis en cause. Mis bout à bout, la logique interne et l’enchaînement causal en moins, ces éléments sont présentés comme autant d’indices de culpabilité et de manipulation consciente, prêtant implicitement à leurs auteurs une espèce de perfide omniscience. C’est pourquoi la mise au point en des temps records de vaccins relativement efficaces contre le virus et les variants, provoque non pas un soulagement ou une lueur d’espoir de sortie de crise sanitaire, mais a contrario un surcroît d’étonnement ou d’incrédulité qu’encouragent et exploitent à plein les conspirationnistes, qui eux dénoncent bien sûr un nouveau tour de passe-passe et un coup tordu de plus de la part des manipulateurs en chef.

En effet, le narratif complotiste, particulièrement enclin à dénicher le moindre détail servant l’expression radicale de sa suspicion, s’intéresse évidemment moins à la rapidité inédite des progrès enregistrés en matière vaccinale et de prévention, qu’aux profits des industries pharmaceutiques, ainsi qu’à l’identité et aux intentions malignes présumées de ceux qui appellent à la vaccination, fussent-ils des médecins mondialement reconnus.

Transparence

A ce propos, suivant cette pente toujours aussi soupçonneuse, les complotistes passent sous silence l’effort de transparence des pouvoirs publics et de la communauté scientifique. Si ces derniers, il est vrai, sont très favorables au vaccin, ils ne cachent en rien, comme pour n’importe quels autres vaccins et médicaments dûment testés et commercialisés du reste, la réalité d’effets possiblement indésirables chez certains sujets, avec, à cet égard, une efficacité qui n’est jamais garantie à 100%. Or, de ces réserves, les complotistes et leurs suivistes se gardent bien d’en parler, puisqu’ils s’escriment surtout à morigéner la stratégie de dissimulation présumée des élites favorables à la vaccination pour des intérêts selon eux peu avouables.

Insensibles à l’outrance et étrangers au principe de non-contradiction, les conspirationnistes ne se contentent pas seulement de dénoncer la « dictature sanitaire ». Parmi ceux qui en parlent, il n’y a certes pas que des complotistes invétérés, sachons le reconnaître ; certains reprochent au gouvernement de contraindre à la vaccination plutôt que de chercher à convaincre les plus réticents. Cet argument est audible. Mais, bon gré mal gré, tous ceux-là nourrissent l’hydre complotiste en étendant ses mâchoires, au prétexte de mettre en garde les individus à la fois contre les incertitudes entourant le vaccin et contre le pass sanitaire, dont la vocation première est quand même de tenter de freiner la contamination.

Au demeurant, les pourfendeurs de la « dictature sanitaire » sont les fers de lance ou au minimum les cautions dociles de messages moralement douteux et politiquement dangereux, voire mortifères : comparer le gouvernement français actuel au régime de Vichy, comparer le président Emmanuel Macron à Hitler, comparer les médecins au corps médical nazi, les non vaccinés aux juifs obligés d’arborer l’étoile jaune durant la Deuxième Guerre mondiale, etc.

Ceux qui ont pour habitude de tancer le libéralisme politique, sinon à le vomir, qui sont généralement les partisans d’un Etat fort et autoritaire, à l’instar d’Alain Soral, lequel ne tarie pas d’éloge à l’endroit entre autres des régimes iranien, nord-coréen et russe, n’éprouvent pas de scrupule à dénoncer et la vaccination et le projet de pass sanitaire.

Or, de quelle liberté individuelle s’agit-il au juste, celle-là même qu’invoquent et convoquent les personnes et groupes hostiles à la vaccination et au pass sanitaire ? Même des penseurs libertaires, à l’image de Ruwen Ogien (1949-2017), lui-même partisan d’une éthique minimaliste s’inspirant notamment de John Stuart Mill (1806-1873), sont attentifs à deux principes fondamentaux desquels s’affranchissent volontiers les antivax de tendance conspirationniste : ne pas nuire à autrui et lui porter assistance si nécessaire. Ogien reproduit un long passage de Mill tiré de De la liberté mais estime, en ce qui le concerne, aller plus loin que le philosophe anglais qui s’attache pour l’essentiel à défendre le principe de non-nuisance à autrui qui lui apparaît par trop restrictif :

« La seule raison légitime que puisse avoir une communauté civilisée d’user de la force contre un de ses membres, contre sa propre volonté, est d’empêcher que du mal ne soit fait à autrui. Le contraindre pour son propre bien, physique ou moral, ne fournit pas une justification suffisante. On ne peut pas l’obliger ni à agir ni à s’abstenir d’agir, sous prétexte que cela serait meilleur pour lui ou le rendrait plus heureux ; parce que dans l’opinion des autres il serait sage ou même juste d’agir ainsi. Ce sont là de bonnes raisons pour lui faire des remontrances ou le raisonner, ou le persuader, ou le supplier, mais ni pour le contraindre ni pour le punir au cas où il agirait autrement. La contrainte n’est justifiée que si l’on estime que la conduite dont on désire le détourner risque de nuire à quelqu’un d’autre. Le seul aspect de la conduite d’un individu qui soit du ressort de la société est celui qui concerne autrui. Quant à l’aspect qui le concerne simplement lui-même son indépendance est, en droit, absolue. L’individu est souverain sur lui-même, son propre corps et son propre esprit [1] ».

Le philosophe français entend essentiellement par cette éthique, qui n’est ni moralisme pur ni idéalisme aveuglant, le fait de cultiver, dans les relations interpersonnelles, « le souci de ne pas nuire à autrui » quand l’Etat, lui, toujours dans une perspective libérale, doit faire en sorte que les individus en société agissent librement mais sans se nuire mutuellement. Cette éthique minimaliste relève en même temps du principe moral et politique.

L’éthique aujourd’hui, de Ruwen Ogien (Gallimard, 2007).

Autrement dit, si l’on devait prolonger et appliquer les recommandations du penseur, exhorter à la vaccination et se faire vacciner seraient deux moyens d’honorer ce contrat éthique minimaliste. Un monde social où n’existerait plus un minimum de confiance et de crédit à l’égard du corps médical et des gouvernants, sans qu’il faille pour cela abdiquer complètement et définitivement le sens critique à l’égard des décisions du personnel politique, est un monde qui, inéluctablement, est condamné à devenir impraticable, invivable, dans lequel les relations sociales seraient vouées en quelque façon à n’être régies que par défiance et méfiance réciproques. C’est ce type de société que construisent nolens volens les complotistes et leurs sympathisants, conscients ou non.

Néo-malthusianisme

Encore une fois, il ne s’agit certainement pas de traiter avec condescendance ou mépris les inquiétudes de ceux qui doutent de l’efficacité du vaccin, qui redoutent d’éventuels effets indésirables fâcheux et insoupçonnables, que d’exposer les paralogismes et arguties de ceux qui optent pour une lecture lacunaire de la liberté individuelle, qui véhiculent et propagent l’idée d’un plan caché, d’un projet génocidaire sous couvert de vaccination préventive des citoyens.

Nous ne mettons donc pas un signe égal entre ceux qui doutent de l’efficacité du vaccin, et ceux qui, par idéologie ou calculs politiques, soit prétendent que le pass sanitaire et la vaccination sont une manière pour le gouvernement de museler les libertés publiques des individus aux fins de les asservir, soit, pis, soutiennent que c’est une manière de décimer la population, de la réduire drastiquement, sur l’autel d’un néo-malthusianisme criminel.

A cet égard, les tenants de cette thèse tiennent un discours éminemment contradictoire mais qu’importe : ils parlent volontiers de prédation d’une élite « mondialiste » soucieuse de mettre en place « un nouvel ordre mondial », et qui, à ce titre, a besoin de bras et de main d’œuvre toujours plus disponibles en vue de satisfaire ses appétits financiers et économiques, tout en affirmant qu’elle est à l’initiative, par le vaccin, d’un nouvel holocauste programmatique.

 

Note :

[1] Ruwen Ogien, L’éthique aujourd’hui. Maximalistes et minimalistes, Paris, Gallimard, 2007, p. 79.

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« L’antisémitisme auquel nous sommes confrontés avance en oblique, il prend des détours »

mardi 10 août 2021 à 15:45

Rudy Reichstadt, directeur de l’observatoire du conspirationnisme Conspiracy Watch, s’inquiète de la perméabilité du mouvement antirestrictions à certains codes antisémites à peine voilés.*

Pancarte exhibée par Cassandre Fristot lors de la manifestation du 7 août 2021 (DR).

Stupeur, dégoût, incompréhension… lors des manifestations antipasse sanitaire du dimanche 8 août, à Metz, une pancarte brandie par l’ancienne candidate du Front national Cassandre Fristot, intitulée « Mais qui ? », émaillée de plusieurs noms essentiellement juifs, a suscité l’émoi de la classe politique et des associations antiracistes.

Cette question rhétorique, « qui ? » est devenue, en quelques semaines, un code antisémite, depuis qu’elle a été adressée avec insistance sur CNews à l’ancien général Dominique Delawarde, qui indiquait, sans vouloir prononcer le mot « juif » que les médias étaient, selon lui, contrôlés par « la communauté que vous connaissez bien ». Jusqu’à être reprise dans un cortège antirestrictions.

Rudy Reichstadt, fondateur et directeur de l’observatoire du complotisme Conspiracy Watch, s’inquiète de la perméabilité des discours contestataires à cet antisémitisme qui ne dit pas son nom, et dont l’existence est minimisée. […]

Lire la suite sur le site du Monde.

 

* Propos recueillis par William Audureau.

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Conspiracy News #32.2021

dimanche 8 août 2021 à 14:02

L’actu de la semaine décryptée par Conspiracy Watch (semaine du 02/08/2021 au 08/08/2021).

LE DESSIN DE LA SEMAINE.

EMMANUEL MACRON. Sur les réseaux sociaux, le chef de l’État a répondu au cours de la semaine écoulée aux questions des internautes sur le vaccin contre le Covid-19. Une façon selon lui de contrer les « fausses informations » et « fausses rumeurs » qui se propagent en s’adressant plus directement à un public jeune. Quelques jours après le début de l’opération, le président de la République a expliqué avoir « reçu beaucoup de questions pour savoir si avec le vaccin on devient titan, si on capte la 5G, si cet étrange tee-shirt que j’avais il y a quelques jours signifie quelque chose politiquement » (source : Le Parisien, 3 août 2021 ; LCI, 4 août 2021). Le logo en forme de hibou figurant sur son tee-shirt lors de sa première intervention a engendré plusieurs spéculations quant à la volonté supposée du chef de l’État de faire passer un message subliminal. Certains ont voulu y voir une allusion au Bohemian Club, un cercle de sociabilité américain ultra-élitiste au sujet duquel les complotistes fantasment depuis des décennies.

QANON. Né aux États-Unis, le mouvement complotiste QAnon a essaimé un peu partout dans le monde et notamment en France, où il surfe sur le complotisme sanitaire. Le mouvement QAnon ne s’est pas éteint avec le départ de Donald Trump de la Maison-Blanche. En France, après avoir accusé le coup, des réseaux conspirationnistes continuent ainsi d’analyser les événements à travers le filtre des théories QAnon et d’engranger une audience toujours importante. Tour d’horizon (source : Conspiracy Watch, 4 août 2021).

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE. Des chercheurs ont utilisé un générateur de textes pour créer de faux tweets et de faux articles inspirés de la sphère complotiste QAnon. L’expérience montre que ces messages simulent à la perfection l’écriture humaine et peuvent influer sur l’opinion des gens. Avec l’intelligence artificielle, la désinformation passe au stade industriel… (source : 01net.com, 5 août 2021).

EXTRÊME DROITE. Après les annonces d’Emmanuel Macron du 12 juillet 2021, les partis d’extrême droite et eurosceptiques ont surfé sur les craintes relatives aux vaccins pour diffuser de la désinformation sur le Covid-19, promouvoir des messages antivaxx et gagner du terrain politique. Alors que les manifestations font rage à travers la France et que la quatrième vague s’accélère, de faux compte contribuent à amplifier ces messages (source : medium.com, 4 août 2021).

OUTRE-MERS. 36 médecins provenant des Outre-Mers se sont fédérés dans une tribune diffusée le mardi 3 août par le média RCI. S’appuyant sur des données scientifiques, ces médecins ont appelé la population à se faire vacciner pour freiner la catastrophe sanitaire en cours dans les territoires d’Outre-Mer. « Nous souhaitons que cet appel permette aux nôtres de vaincre leurs peurs, la désinformation, les fake news, et les contre-vérités scientifiques abondamment répandues » ont-ils notamment déclaré dans leur message (source : RCI, 3 août 2021).

LAURENT MUCCHIELLI. Directeur de recherche au CNRS, spécialisé dans l’étude des phénomènes de délinquance, Laurent Mucchielli est devenu l’un des visages de la mouvance covido-sceptique. Dans un article publié sur le blog qu’il tient sur Mediapart, le sociologue avait mis en avant une « mortalité inédite » liée à la vaccination et fait valoir une urgence à suspendre « la vaccination de masse contre le Covid-19 ». De nombreux médecins ont dénoncé l’article qui a été supprimé par Mediapart. Mucchielli est aujourd’hui controversé au sein même du CNRS. Conspiracy Watch rappelle les récentes prises de position de celui que l’on a vu intervenir dans des médias ouvertement complotistes (source : Conspiracy Watch, 6 août 2021).

DÉSINFO COVID. Les fake news pullulent sur les réseaux sociaux mais n’auraient pas, en réalité, un très grand nombre de sources distinctes. Elles reposeraient sur l’activité d’une poignée d’individus. Un rapport publié par le Center for Countering Digital Hate (CCDH) révèle à ce titre que deux tiers des fausses informations circulant à propos des vaccins contre le Covid-19 seraient propagées par 12 personnes cumulant sur divers réseaux sociaux un total de 59 millions d’abonnés (source : clubic.com, 4 août 2021).

Des études à la méthodologie bancale et aux conclusions bâclées traitant du Covid-19 échauffent les débats sur les réseaux sociaux, conférant une crédibilité scientifique au scepticisme anti-vaccins alors que la crise de l’information continue de faire des ravages en matière de santé publique. La rétractation d’études défaillantes ne suffit pas à calmer les passions qu’elles génèrent sur Internet (source : Nice-Matin, 30 juillet 2021).

ANTIVAXX. L’avocat Carlo Alberto Brusa, figure de la complosphère et conseil de la députée Martine Wonner, a diffusé sur Internet un montage présentant le Président de la République Emmanuel Macron en costume du dictateur de Charlie Chaplin. Conformément à une narration complotiste répandue et exacerbée par la crise sanitaire, l’affiche met en exergue les noms de Jacques Attali et de George Soros (pour rappel : Conspiracy Watch, 19 mars 2020). Elle désigne également certains médias et le laboratoire Pfizer (source : Licra/Twitter, 3 août 2021).

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AKHENATON. Le chanteur du groupe IAM s’était prononcé contre le « pass sanitaire ». Il avait en outre exprimé son covido-scepticisme dans un récent titre musical. Testé positif au Covid-19, Akhenaton a été pris en charge par les urgences vitales de l’hôpital de la Timone (Marseille) pour détresse respiratoire le dimanche 1er août (source : BFMTV, 4 août 2021).

SILVANO TROTTA. Sur la chaîne Telegram de Silvano Trotta (60.000 abonnés) comme sur d’autres canaux, Laurent Fabius a été l’objet de multiples attaques après la décision du Conseil constitutionnel, qu’il préside, de valider l’extension du « pass sanitaire ». Un déversoir autant qu’un défouloir, avec une imagerie antijuive à la clé (source : Raphaël Grably/Twitter, 5 août 2021).

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AFRIQUE. Depuis le début de la pandémie, les fausses informations, via Facebook, WhatsApp ou encore TikTok, fourmillent sur le continent africain et ne désenflent pas. En tout, plus de 9000 fake news auraient circulé autour du coronavirus, selon une enquête de l’Institut américain Poynter. Alors qu’à peine 2% du continent a reçu un schéma vaccinal complet, la prolifération de fausses nouvelles continue de mettre à mal l’adhésion des Africains au vaccin anti-Covid (source : Le Figaro, 27 juillet 2021).

INDONÉSIE. Les conspirationnistes de Singapour prospèrent sur Telegram, tandis qu’une star du rock et un ancien responsable de la santé font courir des rumeurs dans le pays. En Asie du Sud-Est, les lois contre les fake news ne parviennent pas à endiguer la désinformation sur le Covid-19 (source : Rest of world, 28 juillet 2021).

BRÉSIL. Les attaques constantes et sans preuves de Jair Bolsonaro contre le système électoral vont être épluchées. Un juge de la Cour suprême du Brésil a ordonné, le 4 août, l’ouverture d’une enquête contre le président brésilien pour diffusion de fausses informations (source : Le Monde, 5 août 2021).

BEYROUTH. Dans un rapport intitulé « Ils nous ont tués de l’intérieur », l’ONG Human Rights Watch a publié les résultats de son enquête sur les explosions du 4 août 2020, et mis en évidence la négligence criminelle des autorités libanaises. Durant l’année qui a suivi le drame, une série de défauts procéduraux et systémiques dans l’enquête nationale ont rendu les autorités libanaises incapables, malgré leur promesse, de rendre justice de manière crédible, comme le manque d’indépendance judiciaire ou l’immunité des hauts responsables politiques (source : L’Orient-Le Jour, 3 août 2021). On se souvient que la catastrophe avait donné lieu à de multiples spéculations conspirationnistes (source : Conspiracy Watch, 6 août 2020).

AL-QAÏDA. Le 15 juillet, l’organisation terroriste islamiste Al-Qaïda a diffusé une vidéo condamnant le blasphème incarné par les caricatures de Mahomet et attaquant la France. Le message délivré visait notamment la loi qui pénalise le négationnisme mais pas le blasphème. « Vous emprisonnez ceux qui mettent en doute les estimations controversées (des victimes de l’Holocauste) », peut-on entendre dans une vidéo de l’organisation djihadiste tandis qu’apparaît à l’écran le visage d’Alain Soral (source : Conspiracy Watch/Twitter, 2 août 2021).

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SANS MODÉRATION. 90% des publications antisémites sur les réseaux sociaux restent sur Facebook et Twitter même après avoir été signalées, a révélé une nouvelle étude. Le Center for Countering Digital Hate (CCDH) a mené une étude sur 714 publications antisémites publiées sur Facebook, Twitter, Instagram, YouTube et TikTok. L’analyse a révélé que 84 % des messages, après avoir été signalés, demeuraient en ligne. Le taux monte à 90 % en ce qui concerne Facebook et Twitter. Pour Imran Ahmed, directeur général du CCDH, l’étude montre que les plateformes de réseaux sociaux sont « un espace sûr où les racistes peuvent banaliser leur complotisme et leur rhétorique haineuse sans craindre de conséquences » (source : antisemitism.org, 2 août 2021).

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Vivre-ensemble

samedi 7 août 2021 à 14:00

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Laurent Mucchielli, de Mediapart à FranceSoir

vendredi 6 août 2021 à 14:04

Ce sociologue spécialisé dans l’étude des phénomènes de délinquance devenu l’un des visages de la mouvance covido-sceptique est aujourd’hui controversé au sein même de l’organisme dont il dépend.

Laurent Mucchielli (capture d’écran YouTube, 29/04/2019).

C’est l’une des figures du « rassurisme » et aujourd’hui de la cause antivaccination. Directeur de recherche au CNRS, Laurent Mucchielli s’est engagé de plein pied dans le débat public sur la pandémie de Covid-19, s’attirant saillies et critiques de plusieurs scientifiques et professionnels de la santé (voir encore ici, et ). Ces derniers jours pourtant, une goutte d’eau en forme de texte a fait déborder le vase déjà bien rempli des libertés prises par le chercheur avec la simple honnêteté intellectuelle. Lui y voit simplement une « cabale » contre lui.

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S’ingéniant depuis l’année dernière à relativiser la gravité d’une maladie qui a pourtant provoqué plus de 4 millions de morts à ce jour dans le monde (une mortalité annuelle environ cinq fois plus élevée que celle du sida sur une période comparable), Laurent Mucchielli a franchi un pas supplémentaire, la semaine dernière, en affirmant dans une note du blog qu’il tient depuis plus de dix ans sur Mediapart que la campagne de vaccination contre le Covid-19 aurait tué près d’un millier de personnes. Des propos qui lui ont valu la dépublication de son article par Mediapart pour diffusion de fausse nouvelle, un désaveu cinglant du CNRS… et le soutien, désormais, d’Etienne Chouard, Christine Boutin ou encore Gilbert Collard.

Source : Twitter, 30 et 31 juillet 2021.

Mucchielli propose en effet une lecture particulièrement biaisée des données publiées par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui répertorie, comme elle le fait pour chaque nouveau médicament ou vaccin mis sur le marché, l’ensemble des effets indésirables qui apparaissent suite à la vaccination, sans que ces effets aient nécessairement toujours un lien avec ladite vaccination, corrélation ne valant évidemment pas causalité.

Le billet de Mucchielli a fait réagir – « il était temps » nous confie l’un de ses collègues universitaires sous le sceau de l’anonymat – le CNRS, auquel il est rattaché. Mercredi 4 août, l’organisme de recherche s’est désolidarisé publiquement des écrits du sociologue par un tweet aussi laconique que péremptoire :

« Laurent Mucchielli est sociologue au CNRS mais s’exprime à titre personnel sur la vaccination anti-Covid. Le CNRS ne peut aucunement être associé à cette prise de position. »

C’est le dernier acte en date d’une dérive amorcée le 29 mars 2020, avec la publication sur son blog d’un article intitulé « Derrière la polémique Raoult, médiocrité médiatique et intérêts pharmaceutiques ». Laurent Mucchielli y prophétisait que tout serait fini « dans 3 mois » et que les querelles d’experts « cachent non seulement quelques probables rivalités égotiques entre “grands pontes” de la médecine française […], mais probablement aussi des enjeux financiers pour l’industrie pharmaceutique et des conflits d’intérêts chez nombre de ces savants. »

Un chercheur engagé

Sociologue au Centre Méditerranéen de Sociologie (Marseille), Laurent Mucchielli, 53 ans, est un chercheur spécialisé dans les questions de violences urbaines, d’insécurité, de délinquance et de stratégies de maintien de l’ordre. Régulièrement sollicité par les médias, il y intervient le plus souvent pour remettre en perspective le niveau de violence de l’époque, insistant sur le fait que notre société est probablement l’une des moins violentes de l’histoire. Dans son livre, L’Invention de la violence (2011), il suggère que la peur de l’insécurité est entretenue et cyniquement instrumentalisée à des fins politiques.

Dans les années 2000, il relativise la recrudescence des agressions antijuives qui n’auraient selon lui rien à voir avec un « retour de l’antisémitisme » et tout, au contraire, avec l’incapacité supposée des institutions juives à prendre leurs distances à l’égard des politiques de l’État d’Israël – une position très contestée par la plupart des chercheurs spécialistes de l’antisémitisme.

En janvier 2018, lors de la publication de la première enquête de l’Ifop initiée par Conspiracy Watch et la Fondation Jean-Jaurès sur le conspirationnisme dans la société française, Mucchielli semble étranger à toute complaisance à l’égard des théories du complot, écrivant par exemple sur Twitter que « développer l’esprit critique sans nourrir le conspirationnisme devient un défi pour nous tous. »

Source : Twitter, 8 janvier 2018.

Avec l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire en mars 2020, le chercheur se met pourtant subitement à publier ses considérations sur l’épidémie de Covid-19, fustigeant le « fiasco politico-sanitaire » et promouvant la bi-thérapie à base d’hydroxychloroquine proposée par le Pr Didier Raoult. Dans un webinaire du 27 avril 2020, il déclare :

« Moi, en m’intéressant à la polémique Raoult, je suis rentré dans le domaine médical – ce qui n’est pas du tout mon champ habituel. Et j’ai découvert en particulier l’importance des laboratoires pharmaceutiques et des enjeux financiers. Je l’avais un peu déjà subodoré en travaillant sur des questions environnementales mais alors là c’est apparu plus gros que jamais, à un point que j’aurais jamais pu imaginer. […] Quiconque n’a jamais entendu parler des laboratoires pharmaceutiques, quiconque n’a jamais entendu parler de Gilead, ne comprend pas grand chose à ce qui se joue actuellement. »

Ce que Mucchielli a omis de préciser depuis, c’est que le remdésivir, la molécule commercialisée par le laboratoire américain Gilead et présentée comme un traitement possible contre le Covid-19, non seulement n’a pas été recommandé par l’OMS (elle en a même explicitement déconseillé l’utilisation), mais il se trouve que la France est l’un des seuls grands pays à ne pas avoir commandé de doses à Gilead, au contraire d’autres pays européens.

Le premier billet de blog de Mucchielli sur l’épidémie date du 29 mars 2020. Il sera suivi de dizaines d’autres. Il y relaie le texte d’une dénommée Ella Roche, présentée comme une une « journaliste précaire », dans lequel est affirmé que le Pr Raoult et le traitement qu’il préconise seraient stigmatisés par tout un système.

C’est à partir de cette publication que Mucchielli commencera à défendre bec et ongle la solution du très médiatique directeur de l’IHU Méditerranée Infection de Marseille (ici,  ou encore là). En décembre 2020, il fait part de son enthousiasme pour la vidéo « Mal traités » qui fait l’apologie de supposées remèdes miracles contre le Covid-19 (dont l’hydroxychloroquine) qui tous auraient été écartés par les gouvernements, provoquant soi-disant le sacrifice de milliers de personnes. En réalité, le film brille par les fausses informations qu’il distille, ses approximations et ses relents complotistes.

Source : Twitter, 8 décembre 2020.

Laurent Mucchielli bascule par la suite dans une dénonciation tous azimuts d’un système politico-sanitaire et médiatique coupable selon lui de manipuler l’information sur la pandémie et les traitements. Dans un webinaire organisé par les Amis du Monde diplomatique, il accuse la toute puissance de la « doxa » qu’imposeraient l’industrie pharmaceutique, l’OMS, Bill Gates, les GAFAM et les médias :

« Qui sait que aujourd’hui le premier financeur de l’OMS, c’est Bill Gates ? […] Et en soi c’est pas complotiste, c’est juste une information, c’est la vérité. »

Tant pis si, au moment où Mucchielli prononce ces mots (le 25 janvier 2021), cette information a déjà largement été diffusée dans les médias depuis plusieurs mois, comme en atteste par exemple cet article du Monde daté du… 24 juin 2020. Mais le chercheur poursuit :

« Et par ailleurs, la stratégie sanitaire de la Fondation Bill Gates, c’est pas compliqué, elle tient en un mot : “il faut vacciner la planète”. Je suis Bill Gates, je suis votre sauveur, je suis un bienfaiteur de l’humanité, je veux vacciner tout le monde contre la maladie. Voilà, la pensée de Bill Gates, je viens de la résumer et elle est pas beaucoup plus compliquée que ça. C’est ça le message. Et comme par hasard, quel est le fond de ce discours officiel qui nous est martelé depuis le mois de mars ? Ca consiste à dire fondamentalement : “un, nous sommes sous menace quotidienne […] d’un virus qui potentiellement peut tous nous tuer”. […] “Deuxième chose, […] on ne peut rien faire. Il n’y a pas de traitement, on ne peut pas soigner. Donc, la seule solution, c’est le confinement général”. […] Troisième élément de cette doxa : “il faut confiner jusqu’à ce que le miracle arrive”. Et le miracle s’appelle le vaccin. »

Les philippiques de Laurent Mucchielli ne sont pas tournées que contre Bill Gates, la stratégie sanitaire du gouvernement ou la doxa dominante. Selon lui, « la puissance du discours officiel […] repose également sur le fait qu’elle constitue le discours de la quasi-totalité des médias ». Et de rappeler que l’essentiel de la presse française est contrôlée par quelques milliardaires. Quid des médias relevant du service public ? Ils seraient « actuellement, on le voit bien, encore plus aux ordres », les journalistes de France Télévisions ou de Radio France étant « pour la plupart d’entre eux devenus les communicants du gouvernement » (sic).

Eté 2020, la rencontre du réseau des scientifiques « rassuristes »

Ses billets et ses différentes interventions rencontrent un écho certain auprès des sceptiques du Covid-19 et des admirateurs du professeur Raoult. Entre avril et juillet 2020, le sociologue agrège autour de lui un réseau « dissident » d’une dizaines de professionnels de la santé et de scientifiques parmi lesquels le rhumatologue marseillais Jean Roudier ou le Dr Gérard Maudrux, aujourd’hui poursuivi par l’Ordre des médecins.

A l’été 2020, Laurent Mucchielli décide de rencontrer le cardiologue Jean-François Toussaint (qui interviendra quelques mois plus tard dans le film complotiste « Hold-up ») après l’avoir entendu « dire des choses très sensées » à la télévision. Une première tribune, dont il est l’initiateur, concrétise ce rapprochement. Elle est publiée le 10 septembre 2020 par Le Parisien sous le titre « Nous ne voulons pas être gouvernés par la peur », qui sonne comme un écho à ses travaux sur l’insécurité. Les signataires y accusent en effet les autorités politiques « d’insuffler la peur à travers une communication anxiogène qui exagère systématiquement les dangers sans en expliquer les causes et les mécanismes » :

« Nous appelons également le gouvernement à ne pas instrumentaliser la science. La science a pour condition sine qua non la transparence, le pluralisme, le débat contradictoire, la connaissance précise des données et l’absence de conflits d’intérêts. Le Conseil scientifique du Covid-19 ne respectant pas l’ensemble de ces critères, il devrait être refondé ou supprimé. »

Une seconde tribune, refusée par le Journal du Dimanche, est publiée sur le blog de Laurent Mucchielli le 27 septembre 2020. Parmi les signataires, on retrouve, en plus de Jean-François Toussaint, Laurent Toubiana ou Christian Perronne, des personnalités telles que Louis Fouché ou Alexandra Henrion-Caude qui ne tarderont pas à s’illustrer par leurs engagements ouvertement conspirationnistes. Quelques jours plus tard, dans un entretien à L’Express, Mucchielli continuera à contester l’idée même d’une deuxième vague épidémique – elle fut pourtant encore plus meurtrière que la première.

En avril 2021, Mucchielli publie une étude sur la mortalité du Covid-19 co-signée par Laurent Toubiana, Pierre Chaillot et Jacques Bouaud dans laquelle on peut lire que « l’année 2020 n’a connu aucune surmortalité chez les personnes âgées de moins de 65 ans ». Plusieurs travaux viennent toutefois contredire formellement les conclusions des auteurs, comme l’étude de l’Insee qui évoque une « hausse des décès inédite » et une mortalité dont l’augmentation est « très supérieure à celle observée lors des épisodes grippaux et caniculaires sévères des années précédentes ».

Des interventions chez FranceSoir, REINFO COVID et Bas les Masques

Les sites et blogs dits de « réinformation » semblent avoir rapidement compris l’intérêt qu’ils pouvaient avoir à médiatiser la parole de Laurent Mucchielli et de ses compagnons de route en covido-scepticisme. Le sociologue marseillais intervient alors sur REINFO COVID de Louis Fouché, le Courrier des Stratèges d’Eric Verhaeghe ou encore FranceSoir.

Il rejoint également le « Conseil Scientifique Indépendant », en fait une série de visioconférences organisées par REINFO COVID, ainsi que le réseau « Bas les masques » (avec Jean-François Toussaint et Laurent Toubiana) en qualité de contributeur régulier. Lui-même se met à relayer des contenus issus de ces groupes.

Source : Twitter, 7 novembre 2020.

Pour l’observateur du monde médiatique qu’est Laurent Mucchielli, qui participe fin avril 2020 à un débat sur le complotisme et les fake news, accepter d’intervenir sur un média comme FranceSoir nouvelle version interroge. Ce titre emblématique de la presse d’après-guerre a vu sa rédaction être intégralement licenciée à la fin de l’année 2019. Devenu courant 2020, sous l’impulsion de son propriétaire, l’homme d’affaires Xavier Azalbert, l’un des médias les plus influent de la complosphère, FranceSoir n’est pas n’importe quel site. Après avoir publié pendant des mois des contenus flattant l’imaginaire complotiste de ses lecteurs ou donnant la parole à des complotistes notoires comme Silvano Trotta, le site publie en janvier 2021 une tribune de Francis Lalanne appelant à renverser militairement le chef de l’État.

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Sans surprise, Laurent Mucchielli est désormais repris sur des sites complotistes comme Profession-Gendarme.com [archive] ou Mondialisation.ca [archive].

Contacté par Conspiracy Watch, le sociologue n’a pas donné suite à nos sollicitations, arguant qu’il ne répond pas aux interviews qui ne lui permettent pas d’expliquer de façon complète ses « positions non-conformistes ».

 

Voir aussi :

Le conspirationnisme légitimé : Giorgio Agamben et la pandémie

Le prix Nobel du complotisme

L’article Laurent Mucchielli, de Mediapart à FranceSoir est apparu en premier sur Conspiracy Watch | L'Observatoire du conspirationnisme.