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Conspiracy News #21.2021

dimanche 23 mai 2021 à 19:06

L’actu de la semaine décryptée par Conspiracy Watch (semaine du 17/05/2021 au 23/05/2021).

TOP 10. En partenariat avec l’outil d’analyse de sites web SimilarWebConspiracy Watch a établi un classement des dix sites conspirationnistes francophones les plus consultés au cours de l’année 2020. C’est encore une fois Égalité & Réconciliation qui tient le haut du pavé avec une moyenne de 3,71 millions de visites par mois, suivi de près par FranceSoir avec 3,17 millions de visites. Par ordre décroissant de fréquentation, ce classement se compose ainsi des sites Égalité & RéconciliationFranceSoirBoulevard VoltaireDreuz.infoRéseau VoltaireNouvelOrdreMondial.ccWikistrikeLe Salon BeigeRiposte Laïque et Réseau international. Chacun a reçu, l’année dernière, plus de 700 000 visites par mois (source : Conspiracy Watch, 21 mai 2021).

À noter que FranceSoir ose tout, en se positionnant comme le « média » qui aurait eu raison avant les autres. Parmi d’autres infos et théories complotistes, le site n’hésite ainsi pas à créditer les thèses d’un virus développé « à partir du VIH » dans un « laboratoire d’armes » dédié « à lui tout seul » au SARS-CoV-2… (source : William Audureau/Twitter, 21 mai 2021).

QANON. De La Haye à Stuttgart en passant par Paris, ils disent lutter contre le « contrôle des consciences », les réseaux « pédocriminels », la « Plandémie » inventée selon eux par une caste dirigeante aux sombres desseins. L’AFP s’est immergée dans ce bouillon de culture complotiste européen où l’on trouve des QAnon, des anti-vaccins, des populistes de droite, des écologistes adeptes des thérapies douces, des chefs d’entreprise, des chômeurs et même des médecins. Un attelage hétéroclite dont la montée en puissance inquiète les services de renseignement, qui craignent une déstabilisation des démocraties européennes (source : Challenges, 19 mai 2021).

NICK FUENTES. « La Palestine n’est pas le seul pays sous occupation israélienne ». On doit ce tweet posté le 18 mai à Nick Fuentes, figure influente de l’Alt-Right américaine. En novembre dernier, le jeune homme avait notamment reproché à Israël d’avoir trahi Donald Trump.

GAB. Lancée en 2016, la plateforme Gab, qui se présente comme un champion de la liberté d’expression, a gagné en notoriété ces dernières années auprès des communautés d’extrême droite. En 2021, à la suite de l’assaut au Capitole, elle a connu une augmentation record du nombre de ses nouveaux membres, alors que des communautés d’extrême droite, interdites sur Twitter et Facebook, l’ont ralliée. Pour mieux comprendre l’utilisation de la plateforme par les activistes d’extrême droite australiens, des chercheurs ont analysé des contenus postés entre le 1er janvier et le 30 septembre 2020 (source : Institute for Strategic Dialogue, 19 mai 2021).

DÉPLATEFORMAGE. La plus grande vigilance observée par les grandes plateformes des médias sociaux semble porter quelques fruits. On constate ainsi une baisse significative d’influence des comptes toxiques. La démonstration est nette avec la très faible audience du blog de Donald Trump (source : Jean-Éric Branaa/Twitter, 22 mai 2021). En janvier dernier une étude de Zignal Labs, relayée par le Washington Post, montrait que l’exclusion de Trump de Twitter s’était accompagnée d’une baisse de 73% des fake news partagées sur la plateforme… (source : phonandroid.com, 18 janvier 2021).

DÉSOCIALISATION. Ils se sont un jour retrouvés face à une personne inconnue : un père, une mère, un ami, passés « de l’autre côté du miroir », dans un monde inaccessible de cabales et de conspirations. Le complotisme a brisé leur couple, leur famille, les laissant dans la stupeur et l’incompréhension. Le phénomène vit et prolifère dans le monde numérique mais ses répercussions sociales sont très concrètes. France 24 a enquêté sur les ravages du complotisme dans la vie réelle (source : France 24, 17 mai 2021).

LE DESSIN DE LA SEMAINE. Samedi 15 mai, environ 22 000 personnes se sont rassemblées en France pour manifester pour la Palestine, certains aux cris de « À mort Israël ! », en dépit de l’interdiction administrative de certaines de ces manifestations pour risques de troubles à l’ordre public. Pour certains, ces interdictions sont la preuve que la France est tenue en otage par le « sionisme ». La situation a inspiré notre collaborateur Morgan Navarro…

« ANTISIONISME ». Selon David Miller, professeur à l’université de Bristol, « la sphère publique britannique est prise d’assaut par l’État d’Israël et ses défenseurs ». Il désigne la société juive (« JSoc ») comme étant sous l’emprise d’un « groupe de pression israélien ». Ses débordements ont donné lieu à des appels outrés en faveur de son renvoi, mais l’homme a aussi reçu des messages de soutien massifs venant de la gauche universitaire parmi lesquels Noam Chomsky, Judith Butler, Norman Finkelstein, Ramón Grosfoguel, François Burgat, Françoise Vergès ou encore Nacira Guénif. Retour sur une controverse qui a éclaté en février dernier et dont le récit éclaire la question de l’antisémitisme qui gangrène une partie de la gauche britannique depuis des années (source : Revue K, 17 mai 2021). Lire à ce propos également l’interview donnée par le journaliste David Aaronovitch à Conspiracy Watch en avril dernier.

ANTISÉMITISMES D’ÉTAT. Le président turc, qui s’est érigé en défenseur de la cause palestinienne, a critiqué le 17 mai Israël pour ses frappes dans la bande de Gaza, dénonçant dans une violente tirade des « meurtriers » qui « tuent des enfants âgés de cinq ou six ans »« Il n’y a que sucer le sang qui les assouvit », a-t-il ajouté. La déclaration a fait scandale, notamment auprès de l’administration américaine, car elle réactive un vieux stéréotype antisémite : le thème du juif vampire, assoiffé de sang. Voir notre thread à ce sujet.

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Le média chinois CGTN a de son côté défendu l’idée qu’Israël serait manipulé par les États-Unis afin de servir les intérêts des compagnies pétrolières, et que « les Juifs dominent les secteurs de la finance, des médias et d’Internet », ce qui expliquerait la politique américaine. Effacée, la vidéo a fait réagir l’ambassade d’Israël en Chine, exprimant sa consternation face à l’antisémitisme « flagrant » d’un média officiel chinois (source : Antoine Bondaz/Twitter, 19 mai 2021).

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« UN NÔTRE MONDE ». En Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), Bretagne, Pays de la Loire, les électeurs trouveront dans leur bureau de vote, le 20 juin, des bulletins pour une liste régionale estampillée « Un nôtre monde ». Ce mouvement, qui n’est affilié à aucun parti existant, est étiqueté « liste divers » par le ministère de l’Intérieur. Proche du collectif contestataire Reinfo Covid, il suscite les interrogations en raison du profil de ses créateurs (source : Le Monde, 21 mai 2021). Sur la liste portée par Linda Rigaudeau en région Pays de la Loire par exemple, on trouve de nombreux adeptes des médecines parallèles : hypnothérapeute, conseillère alimentation « diplômée de l’institut Hildegardien », expert en « bonheur hormonal », animatrice d’ateliers de relaxation coréenne, ou « praticienne en méthode de libération des cuirasses », entre autres (source : Ouest-France, 19 mai 2021). D’autres listes complotistes figureront dans la course aux régions, notamment en région Auvergne-Rhône-Alpes et en Ile de France (source : Le Monde, 21 mai 2021). Un producteur de plantes médicinales adhérent au parti Cap Écologie (créé en février 2021) et candidat aux élections régionales 2021 partage sur les réseaux sociaux des propos anti-vaccination, anti-confinement, anti-masque ainsi que des contenus de « réinformateurs » complotistes. Il n’hésite pas davantage à parler d’un « nouvel ordre mondial qui gérerai (sic) les affaires du monde »… (source : T.T/Twitter, 17 mai 2021).

JÜRGEN CONINGS. En Belgique, un militaire proche de milieux d’extrême droite est en cavale depuis mercredi après que sa voiture a été découverte avec à son bord quatre lance-roquettes ainsi que des munitions. Le forcené est soupçonné de vouloir s’en prendre à des représentants de l’État belge et à des personnalités publiques, dont un virologue, Marc Van Ranst, bête noire des anti-masques et des covido-sceptiques. Sur Facebook, un groupe baptisé « Als 1 achter Jürgen » (« Tous unis derrière Jürgen ») réunit plus de 24.000 membres. À son initiative, près de 150 personnes se sont rassemblées à Maasmechelen (Flandres), le samedi 22 mai, pour soutenir le forcené. Les participants portaient des pancartes « No License to Kill », accusant des « politiciens corrompus » et des « médias menteurs » (source : Le Figaro, 22 mai 2021). À noter que Marc Van Ranst a été mis en lieu sûr avec sa famille (source : La Libre Belgique, 18 mai 2021).

PIERRE BARNÉRIAS. Marianne révèle que Pierre Barnérias, réalisateur controversé du film complotiste Hold-up, fut proche d’une gourou. Fondatrice et animatrice d’un groupe de prière nommé « Amour et miséricorde », Éliane Deschamps attirait auprès d’elle des dizaines de fidèles parmi lesquels le journaliste, à partir de 1999, au moins épisodiquement. Depuis, quatorze anciens membres ont porté plainte pour « abus de faiblesse ». Éliane Deschamps sera jugée les 26 et 27 mai par le tribunal correctionnel de Dijon (source : Marianne, 22 mai 2021).

HÉCATOMBE. Lors d’un live, le docteur Louis Fouché a invité les auditeurs à consulter et à partager les « recettes super chouettes » des naturopathes et des « gens comme ça », tels que Christian Tal Schaler. La dernière vidéo de celui-ci évoque le « poison calculé » des vaccins, la toxicité des personnes vaccinées pour les non vaccinés. Le contrôle par la 5G fait partie des obsessions du youtubeur qui appelle à la convocation d’un « tribunal de Nuremberg » pour juger l’ « eugénisme délirant » qui serait actuellement à l’œuvre (source : L’extracteur/Twitter, 21 mai 2021).

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Comme les infox ont la vie longue, renvoyons à la mise au point qu’avait effectuée il y a quelques mois les Décodeurs du journal Le Monde au sujet des nanoparticules et des vaccins anti-Covid-19 (source : Le Monde, 11 décembre 2020).

À noter également que l’analogie aussi absurde qu’irrespectueuse consistant à comparer la situation actuelle avec la Seconde Guerre mondiale, et notamment avec la persécution antijuive, n’en finit pas d’inspirer les covido-sceptiques et les antivaxx. C’est notamment le cas de Jean-Marie Bigard qui, dans une manifestation samedi 22 mai, a estimé que le pass sanitaire consistait à « mettre un signe distinctif exactement comme on l’a fait pour les Juifs » (source : Tristan Mendès France /Twitter, 22 mai 2021).

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FRANCIS LALANNE. Le chanteur avait appelé, fin mars, 350 manifestants à s’embrasser sans masque. Le docteur Jean-Paul Hamon, généraliste et président d’honneur de la Fédération des Médecins de France, l’avait pour cela traité d’« abruti ». Pour cette raison, le médecin est désormais convoqué devant le Conseil de l’Ordre des Médecins des Hauts-de-Seine, le 2 juin, suite à une plainte de Francis Lalanne pour « manquement grave à la déontologie ». Sur les réseaux sociaux, les soignants défendent le médecin, sous le hashtag #Lalanneabruti (source : L’Obs, 18 mai 2021).

COVID-19. Virologue à l’Institut Pasteur, Étienne Simon-Lorière estime que l’hypothèse d’une émergence naturelle du virus du Covid-19 reste dans la course sans qu’on puisse écarter celle d’une fuite accidentelle du virus d’un laboratoire. L’idée que le virus aurait été « fabriqué » est en revanche peu plausible. La rédaction de Conspiracy Watch a interrogé le scientifique (source : Conspiracy Watch, 22 mai 2021). À écouter sur le même sujet la mise au point de la journaliste Raphaëlle Bacqué dans l’émission C dans l’air.

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BAROMÈTRE DE LA CONFIANCE POLITIQUE. La Fondation Jean-Jaurès est cette année encore partenaire du Baromètre de la confiance politique. Pour cette vague de mai 2021, il s’est agi de mesurer la confiance que les Français ont dans leurs institutions et dans la démocratie, au moment où la tendance est à l’amélioration des indicateurs sanitaires. La plus grande intention de se faire vacciner et la confiance dans les institutions n’a pas réduit les méfiances des Français à l’égard de certaines idées : 29 % des Français pensent par exemple que l’épidémie de Covid-19 a probablement été planifiée en secret par des agents puissants, une méfiance surtout dirigée vers le gouvernement. L’enquête montre aussi que 47 % de Français (hausse de 5 points depuis janvier 2021) pensent probable l’idée selon laquelle la crise sanitaire fournit l’occasion au gouvernement de surveiller et contrôler les citoyens (source : Fondation-Jean-Jaurès, 21 mai 2021).

LE COÛT DE L’INFOX. Les fake news n’ont pas seulement des effets délétères sur la démocratie, la santé, l’environnement, les sciences ou l’équilibre social de nos sociétés. Elles ont aussi d’immenses conséquences sur notre vie économique. Selon les estimations de l’université de Baltimore, cette foire au n’importe quoi a coûté au moins 78 milliards d’euros aux acteurs économiques en 2019, dont une bonne partie à la charge des entreprises, petites ou grosses (source : Capital, 17 mai 2021).

JUSTICE. L’essayiste d’extrême-droite Alain Soral a été condamné mercredi 19 mai en appel à quatre mois de prison en semi-liberté pour provocation à la haine en raison de la religion, après avoir imputé aux Juifs l’incendie de Notre-Dame de Paris (source : Le Figaro, 19 mai 2021).

De son côté, le militant d’extrême droite Hervé Lalin, dit Ryssen, a été condamné en appel à un an d’emprisonnement dont six mois ferme, à purger à domicile avec un bracelet, pour contestation de crime contre l’humanité et injure antisémite (source : Ouest-France, 17 mai 2021).

MALADIE DE LYME. Certains, comme les « Lyme Doctors », parlent de la maladie de Lyme – cette infection transmise par les tiques –, comme d’une « épidémie cachée ». S’il existe un scandale sanitaire, c’est pourtant avant tout dans la mauvaise prise en charge des patients convaincus d’être atteints de cette pathologie, alors que la plupart souffrent en réalité d’autres maux. L’infectiologue Éric Caumes a été l’un des premiers à le démontrer et ses travaux ont depuis été confirmés par de nombreuses autres études. Entretien dans L’Express avec l’auteur de Maladie de Lyme, réalité ou imposture (éd. Robert Laffont) (source : L’Express, 5 mai 2021).

MICHEL FOURNIRET. Le tueur en série pédocriminel est décédé le 10 mai dernier, à l’âge de 79 ans, des suites de problèmes cardiaques et respiratoires. Sans attendre, l’air du soupçon a commencé à flotter autour d’un personnage que d’aucuns, tel le journaliste Karl Zéro, refusent de considérer comme un « prédateur solitaire » (source : Charlie Hebdo, 19 mai 2021).

GRAND REMPLACEMENT. Le « Grand Remplacement » est probablement l’un des thèmes conspirationnistes les plus populaires : ses adeptes estiment qu’une immigration en provenance d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne se substituera à terme à la population européenne et annihilera sa civilisation. Directrice-adjointe de la rédaction de Conspiracy Watch, l’historienne Valérie Igounet revient pour Konbini sur les tenants et aboutissants de cette peur (source : Konbini, 19 mai 2021).

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PRESS TV. Dans sa chronique hebdomadaire sur France Inter, Tristan Mendès France s’est intéressé le 21 mai au média iranien Press TV, créé en 2007. La version française de ce média d’État, conçu sur le modèle de RT (Russia Today), reçoit à ce jour un peu plus de deux millions de visiteurs par mois. Il a notamment relayé les discours complotistes accusant les « Sionistes » d’avoir organisé les attentats du 11-Septembre ou d’être derrière la tuerie de Sandy Hook, comme il accueille la parole de Dieudonné M’Bala M’Bala et d’Alain Soral. Notre collaborateur estime que Press TV ne manquera pas de chercher à influencer l’opinion publique française à l’occasion des élections présidentielles françaises (source : France Inter, 21 mai 2021).

LECTURE. Grand reporter à L’Obs et écrivaine, Doan Bui a scénarisé une BD passionnante, illustrée par Leslie Plée, Fake news, l’info qui ne tourne pas rond (Delcourt). Une enquête très instructive sur la fabrication des fake news. Dans un entretien à Ouest-France, elle décrit l’adhésion aux théories du complot comme un recours pour faire face à un « monde hyper angoissant » : « Vous partagez des théories, vous faites partie d’un collectif. Le fait d’être minoritaire, d’avoir des ennemis communs, ce sont des mécanismes qui soudent le groupe » (source : Ouest-France, 16 mai 2021).

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Étienne Simon-Lorière : « L’hypothèse d’une fabrication en laboratoire reste largement écartée »

samedi 22 mai 2021 à 15:26

Virologue à l’Institut Pasteur, Étienne Simon-Lorière estime que l’hypothèse d’une émergence naturelle du virus du Covid-19 reste dans la course sans qu’on puisse écarter celle d’une fuite accidentelle du virus d’un laboratoire. L’idée que le virus aurait été « fabriqué » est en revanche peu plausible… Explications.

Étienne Simon-Lorière (crédits : Institut Pasteur).

Plus d’un an après l’apparition du SARS-Cov-2, l’origine du virus provoquant le Covid-19 n’est toujours pas établie. Les dizaines de milliers de tests effectués pour confirmer l’hypothèse d’une zoonose naturelle en identifiant le fameux animal intermédiaire responsable de la transmission du virus de la chauve-souris à l’Homme ne sont à ce stade toujours pas concluants. L’opacité des autorités chinoises ne permettent pas non plus d’enquêter sérieusement sur place pour valider l’hypothèse d’une infection de l’Homme par un coronavirus de chauve-souris – par exemple à l ‘occasion d’un prélèvement – et la circulation de l’épidémie à bas bruit jusqu’à l’explosion de l’épidémie à Wuhan fin 2019. 

De sorte que l’hypothèse selon laquelle un virus d’origine naturelle conservé dans un laboratoire aurait pu s’en échapper accidentellement du fait d’une défaillance de sécurité revient sur le devant de la scène.

Selon Richard Ebright, professeur de biologie chimique à l’Université Rutgers (New Jersey), cette hypothèse est étayée par trois arguments :

1/ L’épidémie est apparue à Wuhan, c’est-à-dire dans une ville ne comportant pas de colonies de chauves-souris rhinolophes qui constituent le réservoir des coronavirus proches du SARS-CoV-2.

2/ L’Institut de virologie de Wuhan (WIV) abrite un laboratoire « P3 » (distinct du laboratoire P4 construit en coopération avec la France) qui mène le plus grand projet de recherche au monde sur les virus de la chauve-souris rhinolophe et possède la plus grande collection au monde de souches de ce type.

3/ Les équipements de protection individuelle et les normes de biosécurité utilisées en Chine exposeraient le personnel de ces laboratoires à un risque très élevé d’infection par un virus ayant les propriétés du SARS-CoV-2.

Même si elle n’est pas prouvée, la thèse de l’accident ne relève pas du complotisme et ne saurait être identifiée aux accusations fantaisistes qui, à partir du mois de janvier 2020, ont commencé sur Internet à viser Bill Gates, le Pentagone, George Soros, Jacques Attali, Yves Lévy (l’époux de l’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn) ou encore l’Institut Pasteur.

C’est dans ce contexte de diffusion frénétique de fake news complotistes qu’une trentaine de scientifiques du monde entier – dont le virologue allemand Christian Drosten – publiait en mars 2020 dans The Lancet un texte s’alarmant de la menace que « les rumeurs et les informations erronées autour [des origines du virus] » faisaient peser sur le partage rapide, ouvert et transparent des données sur cette épidémie, et condamnant « fermement les théories du complot suggérant que le Covid-19 n’a pas d’origine naturelle ».

En octobre 2020, le virologue Étienne Decroly (CNRS) a évoqué l’hypothèse d’un échappement du virus à la suite d’une ou plusieurs « expériences de “gain de fonction” », une technique consistant à contraindre un virus à évoluer par répétition d’infections sur des animaux de laboratoire ou des cellules mises en culture.

Pour y voir plus clair, Étienne Simon-Lorière, chercheur en virologie à l’Institut Pasteur, a accepté de répondre à nos questions.

Conspiracy Watch : Quelle est l’hypothèse aujourd’hui privilégiée par la communauté scientifique quant à l’origine du SARS-CoV-2, le virus responsable du Covid-19 ?

Étienne Simon-Lorière : Je dirais que l’opinion dominante reste sur l’hypothèse d’une émergence naturelle. L’hypothèse qui est largement écartée est celle d’une fabrication en laboratoire. Reste donc une troisième possibilité, qui est discutée dans la communauté scientifique en ce moment, qui rappelle qu’on ne peut pas entièrement écarter un échappement accidentel d’un laboratoire. On ne parle donc pas d’un virus fabriqué, mais simplement de chercheurs qui auraient récolté un virus en faisant des prélèvements sur les chauves-souris, qui auraient mis ce virus en culture pour faire des analyses et qui, par accident, se seraient contaminés et auraient ainsi lancé l’épidémie. L’explication la plus simple, c’est donc celle d’un virus qui était naturellement présent chez les chauves-souris et qui a fini par arriver chez l’Homme, soit en passant par un autre animal, soit en passant par une personne qui l’a manipulé. Et si on doit lister toutes les possibilités, cette personne pourrait être un individu quelque part en Chine qui a besoin de nourrir sa famille en vendant des animaux vivants sur un marché, mais aussi potentiellement un technicien dans un laboratoire qui s’est renversé quelque chose sur lui et a ensuite contaminé ses proches.

CW : Quels arguments plaident dans un sens ou dans l’autre ?

É. S-L : Il n’y a pas d’éléments scientifiques qui permettraient de différencier une zoonose naturelle d’une contamination accidentelle dans un laboratoire. En revanche, aucun argument ne plaide dans le sens d’une fabrication en laboratoire. On observe un virus qui, sur des aspects clés de son fonctionnement, ne ressemble pas à ce qui était connu par la science jusqu’alors, par exemple sur sa façon de se lier à son récepteur pour entrer dans nos cellules ou sur la question de la furine [voir plus bas – ndlr]. Si c’était quelque chose qui avait été inventé, on peut faire le raisonnement inverse et se demander comment une personne aurait pu penser qu’en mettant quelques lettres dans cet ordre, cela allait donner un virus fonctionnel.

CW : Ce que vous voulez dire, c’est que le SARS-CoV-2 a un fonctionnement auquel aucun être humain n’aurait jamais pu penser de lui-même logiquement ?

É. S-L : Exactement, du moins sur la base des connaissances internationales sur cette famille de virus à l’époque. Cependant, si c’est quelque chose qui s’est fait sans intervention humaine directe, par exemple si le virus a été isolé à partir de chauve-souris dans une grotte et que celui-ci a été cultivé en laboratoire pour l’étudier, peut-être en le cultivant en parallèle avec un autre virus dans un même tube et que des échanges de matériel génétique ont eu lieu – c’est ce qu’on observe très souvent dans cette famille de virus –, sans intervention humaine, il n’est pas possible de le détecter. Mais c’est aussi, précisément, ce qui arrive extrêmement souvent dans la nature, comme on le voit en étudiant les séquences de coronavirus détectés dans de nombreuses espèces de chauve-souris, et dont, à ce stade, nous n’avons clairement échantillonné qu’une toute petite partie.

CW : Pourquoi la thèse d’une éventuelle fuite de laboratoire, qui était plutôt écartée par la communauté scientifique il y a un an, est-elle aujourd’hui davantage acceptée ?

É. S-L : Il est malheureusement possible que ce soit en grande partie des problèmes de formulation : les personnes qui avaient listé les possibles événements ayant conduit à cette émergence ont immédiatement associé la thèse du laboratoire avec celle d’une fabrication intentionnelle, pour laquelle on n’a clairement aucun élément. Le mot « laboratoire » a tout de suite été associé à une idée d’intentionnalité, de volonté. Il y a donc eu une réaction assez hostile à l’égard des théories liant l’origine du virus à un laboratoire. Peut-être que si les gens avaient mieux différencié la thèse d’un virus fabriqué en laboratoire à dessein, presque unanimement rejetée par la communauté scientifique, de celle d’une fuite accidentelle d’un virus naturel, cette dernière serait restée dans la discussion. C’est comme ça qu’on en est arrivé à cette vision peut-être un peu trop centrée sur « c’est naturel un point c’est tout », alors que la thèse de la fuite d’un laboratoire aurait dû être maintenue dans la liste des scénarios plausibles. Mais quoi qu’il en soit, il faut explorer ces questions par le biais d’une enquête.

CW : Voilà donc comment la thèse du laboratoire s’est retrouvée cantonnée aux complotistes ?

ESL : Exactement, c’est comme ça que je l’interprète.

CW : Que dire des thèses du professeur Montagnier qui, en avril 2020, a été le grand vecteur en France de la thèse d’une fabrication en laboratoire ?

É. S-L : Voilà exactement l’exemple de quelqu’un qui a contribué à décrédibiliser la thèse du laboratoire en avançant des choses sans fondement sur le plan scientifique. Le Pr Montagnier défendait précisément cette idée d’une conception en laboratoire à dessein, résultant d’une manipulation humaine. Et c’est ça qui ne tenait pas.

CW : Il parlait d’ajout de séquence d’autres virus…  Comment était-il arrivé à cette conclusion et en quoi est-elle défaillante ?

É. S-L : Il évoquait notamment des séquences génétiques issues du VIH. En fait, il avait notamment relayé les analyses de chercheurs d’Inde avec trop peu d’expertise et qui ont par la suite rétracté leurs travaux lorsque les erreurs méthodologiques leur ont été présentées. En regardant des petits fragments du génome du SARS-CoV-2, ces chercheurs avaient retrouvé les mêmes dans le génome du VIH. C’était vraiment l’équivalent d’une recherche « Ctrl+F » dans Word… Il n’y a que quatre lettres dans le code génétique, ATCG ou AUCG pour les virus à ARN. Donc si on prend juste un enchaînement de 8-10 lettres comme ils l’ont fait, le hasard peut très facilement faire qu’on retrouve un enchaînement identique ailleurs, dans une plante, une bactérie ou, ici, dans le VIH. Quelques lettres enchaînées sur un élément qui en compte près de 30 000, c’est quelque chose qui, de manière stochastique, arrive très fréquemment.

>>> Lire, sur Conspiracy Watch : Le prix Nobel du complotisme (19/04/2020)

CW : Pourquoi la communauté scientifique a au contraire plaidé quasi unanimement pour la thèse de l’origine animale ?

É. S-L : Tout simplement parce que pour les autres coronavirus, on sait que ce sont typiquement des zoonoses, des pathogènes issus d’animaux qui ne rendent pas nécessairement malades. On sait que cette famille de virus a des très proches cousins chez les chauves-souris, voire des virus quasiment identiques, par exemple pour le SRAS ou pour le MERS. Donc même s’il y a eu un passage par la case laboratoire, que ce soit avec ou sans modifications, il est irréfutable de dire que ce virus est à la base d’origine animale. Il vient très vraisemblablement de la chauve-souris, avec ou sans animal intermédiaire, question sur laquelle on n’a pas encore de certitude.

 CW : On a entendu dire qu’il existait des marqueurs génétiques laissés par un virus fabriqué artificiellement, qui permettraient de l’identifier très clairement comme tel, et que justement le SARS-CoV-2 en était dépourvu. D’autres scientifiques, Étienne Decroly par exemple, ont remis récemment ce point en question en affirmant qu’un virus fabriqué pouvait également ne laisser aucune trace. Pouvez-vous nous expliquer ?

É. S-L : Historiquement, quand des gens reconstruisaient des virus ou des gènes artificiellement, ils avaient besoin de mettre dans la séquence génétique des composants qui permettent aux divers éléments de pouvoir s’emboîter, comme des pièces de Lego. Et ces composants laissent des traces dans le génome. Or, là, la communauté scientifique est a priori d’accord sur le fait qu’il n’y a pas de traces de ces éléments, rien dans le génome du virus qui suggère ce genre de manipulation. Mais depuis plusieurs années, de nouvelles techniques se sont popularisées, y compris la synthèse de gènes « de novo » par exemple, qui pourraient permettent de recréer un génome complet sans laisser la moindre trace d’assemblage artificiel. Étienne Decroly et d’autres ont donc raison sur ça : avec ces tous derniers progrès, il est clairement possible de fabriquer un virus qui ressemblerait à quelque chose d’entièrement naturel, sans aucun marqueur d’artificialité, tant qu’on connait sa séquence.

CW : Donc ceux qui disent qu’un virus fabriqué par l’homme devrait obligatoirement avoir laissé des marqueurs, sont un peu « dépassé » ?

É. S-L : En quelque sorte, oui. Ils ne sont peut-être pas au fait de ce qui se fait en ce moment. Cependant, il y a un argument fort qui va à l’encontre de l’hypothèse d’une fabrication humaine, c’est le fait que le SARS-CoV-2 présente de multiples éléments qui n’avaient pas été observés jusqu’alors : par exemple, la méthode que ce virus utilise pour se coller à son récepteur est distincte de celle que son cousin le SRAS utilisait. Il est ainsi très difficile d’imaginer comment des personnes, même les plus à la pointe dans ce domaine, auraient pu imaginer créer une telle combinaison.

CW : Pourquoi ?

É. S-L : Prenons une comparaison : imaginez un poing fermé et une main qui viendrait se coller par-dessus, qui va le toucher au niveau des phalanges, du pouce et de la paume. Disons que ça, c’était la façon dont il avait été montré que certains virus de cette famille se collaient au récepteur. Dans le cas du SARS-CoV-2, on a exactement le même poing, mais cette fois la main qui vient s’y coller entre en contact juste avec l’index et une autre partie de la paume. Or je ne vois absolument pas comment quelqu’un aurait pu se dire qu’un tel moyen de liaison était possible, sans en avoir aucun exemple existant dans la nature. C’est d’une complexité incroyable, la combinaison d’un nombre considérable d’acides aminés, dont la moindre micro-variation pourrait changer la forme de la protéine d’une façon même légère et faire qu’elle ne puisse pas s’accrocher au récepteur efficacement.

Il y a aussi l’exemple du motif de clivage par la furine, qui est beaucoup discuté dans les théories du complot et parfois cité comme l’indication d’une manipulation dans cette séquence. La furine est une enzyme qui permet de couper une protéine lorsqu’elle reconnait un motif. Pour de nombreux virus, c’est un processus qui est absolument nécessaire à leur maturation. Or, le SARS-CoV-2 présente un motif de coupure par la furine qui est différent de ceux parfois observés dans d’autres coronavirus plus distants, et qui n’a pas été observé chez les membres de la famille proche du SRAS et du SARS-CoV-2 trouvés jusqu’ici. Certains se sont dit qu’on avait peut-être pris un coronavirus et qu’on lui avait ajouté ce motif de furine pour le rendre plus réplicatif ou plus virulent. Mais en pratique, la séquence de ce motif chez le SARS-CoV-2 est originale, de sorte qu’il est très difficile d’imaginer qu’un scientifique aurait choisi cette séquence (sans savoir si elle serait bien reconnue) et non un motif furine observé dans les coronavirus déjà décrits.

CW : Ça aurait donc été une toute première mondiale que quelqu’un se soit dit « tiens je vais faire comme ça et ça va fonctionner » ?

É. S-L : Oui et c’est une stratégie qui aurait été très hasardeuse : c’est tellement compliqué et coûteux d’essayer de recréer un virus que personne n’aurait eu l’idée saugrenue de tenter une telle combinaison au hasard. Mais c’est un argument qui a aussi ses limites car cela impliquerait que des scientifiques qui travaillent sur les coronavirus depuis des années auraient en fait découvert un ou des coronavirus qui fonctionnent avec ce motif de furine, mais n’auraient jamais partagé aucune information à ce sujet avec leurs pairs.

CW : Mais cette hypothèse signifierait que le laboratoire de Wuhan aurait été le seul au monde à avoir ces informations, donc qu’il était très en avance sur la recherche mondiale ?

É. S-L : Non seulement ça, mais qu’en plus ils ne les auraient jamais publiées. Or, partout dans le monde, il y a toujours cette pression permanente de devoir publier les résultats de ses recherches, pour pouvoir être visible scientifiquement et montrer son expertise. C’est tout aussi vrai pour la Chine. Ça aurait donc été très étonnant, s’ils l’avaient découvert, qu’ils n’aient jamais rien publié sur ce sujet…

CW : Pensez-vous que l’on pourra un jour avoir la réponse à la question de l’origine du SARS-CoV-2 ?

É. S-L : Je n’en suis pas du tout convaincu… Déjà parce que c’est un jeu d’aiguille dans une botte de foin : il faudrait être très chanceux pour aller échantillonner une chauve-souris, ou un autre animal vecteur éventuel qui porterait exactement le virus qui est le cousin le plus proche de celui qui circule. C’est déjà une chance incroyable qu’on ait réussi à trouver celui correspondant au SRAS. Si on prend l’exemple d’Ébola, qui a énormément intéressé les scientifiques et pour lequel de très nombreuses recherches ont été faites, on n’a encore jamais réussi à trouver une seule chauve-souris porteuse du virus Ébola qui a sévi en Afrique de l’Ouest. Ce ne sont que des preuves indirectes qui nous font penser qu’elles sont aussi le réservoir. Les autres aspects comme l’hypothèse d’une fuite de laboratoire me dépassent et doivent être approfondie dans le cadre d’une enquête.

CW : Quelle est votre opinion personnelle sur la question ?

É. S-L : Je suis assez pessimiste sur la possibilité qu’on ait un jour les véritables réponses à ce mystère qu’est l’origine du SARS-CoV-2… La chose importante est de comprendre que quoi qu’il se soit passé, il y a clairement eu un passage d’un virus animal à l’Homme et qu’il faut tout faire pour essayer de limiter ce genre de risque, d’une part en renforçant la sécurité des laboratoires s’il y a le moindre doute sur les pratiques en place, et plus généralement en s’assurant que les gens qui manipulent des animaux qui sont de potentiels vecteurs le fassent dans des meilleures conditions. Parce qu’on se rend compte avec toutes les études qui sont faites qu’il y a des dizaines, voire des centaines de coronavirus, et nous ne sommes pas à l’abri qu’un autre ne soit pas capable de faire le même petit trajet et de se transmettre lui aussi aux êtres humains. Il est vraiment important que des mesures de sécurité sanitaire durables soient mises en place et appliquées partout dans le monde.

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Complosphère : quels sont les 10 sites les plus visités ?

vendredi 21 mai 2021 à 19:56

Sur les 10 sites du classement, les deux premiers, Égalité & Réconciliation et FranceSoir, cumulent à eux seuls près de 7 millions de visites par mois…

Infographie Conspiracy Watch.

En partenariat avec l’outil d’analyse de sites web SimilarWeb*, Conspiracy Watch a établi un classement des dix sites conspirationnistes francophones les plus consultés au cours de l’année 2020. C’est encore une fois Égalité & Réconciliation qui tient le haut du pavé avec une moyenne de 3,71 millions de visites par mois, suivi de près par FranceSoir avec 3,17 millions de visites.

Par ordre décroissant de fréquentation, ce classement se compose ainsi des sites Égalité & RéconciliationFranceSoir, Boulevard VoltaireDreuz.infoRéseau VoltaireNouvelOrdreMondial.ccWikistrikeLe Salon BeigeRiposte Laïque et Réseau international. Chacun a reçu, l’année dernière, plus de 700 000 visites par mois.

À eux seuls, les deux premiers sites de notre classement, Égalité & Réconciliation et FranceSoir, cumulent un nombre de visites mensuelles moyennes équivalent aux 8 autres.

Les dix sites de notre classement cumulent près de 14 millions de visites mensuelles sur l’année 2020, un chiffre comparable par exemple au trafic généré vers le site du quotidien régional La Voix du Nord.

Si les animateurs ou propriétaires de six de ces dix sites sont facilement identifiables, quatre autres (Dreuz.infoNouvelOrdreMondial.ccWikistrike et Réseau international) ne le sont pas, leurs mentions légales étant incomplètes voire inexistantes.

Les contenus ouvertement hostiles aux Juifs, à Israël ou au « sionisme » sont présents sur une majorité des sites de ce classement tandis que quatre d’entre eux s’inscrivent davantage dans l’horizon d’une extrême droite identitaire et contemptrice de l’immigration et de l’« islamisation » : Boulevard Voltaire, Dreuz.info, Le Salon Beige, Riposte Laïque.

Le nouveau « navire amiral de la complosphère francophone »

Nouveau venu en 2020 dans la complosphère francophone, FranceSoir s’est fait une spécialité du covido-scepticisme. Il accueille sur sa plateforme des personnalités issues du souverainisme (Florian Philippot, Jean-Frédéric Poisson, François Asselineau…), de l’extrême droite soralienne (Pierre Jovanovic), de la mouvance anti-vaccination (Jean-Jacques Crèvecoeur, Silvano Trotta, Thierry Casasnovas) ou encore de l’« anti-pédocriminalité » (Morad El Hattab).

Le site de Xavier Azalbert a, au cours des derniers mois, détrôné le site d’Alain Soral confirmant une dynamique amorcée au printemps 2020, lors du tournant éditorial du site. FranceSoir s’impose ainsi désormais comme le navire amiral de la complosphère francophone.

Afin de préserver l’homogénéité de notre classement, nous en avons exclu les médias qui, bien qu’ayant relayé par le passé des contenus à caractère conspirationniste, sont contrôlés et financés par des États tels que les sites russes Sputnik France (20,86 M de visites mensuelles) et RT France (4,2 M) ou le média iranien Press TV (2 M).

De la même manière, les sites Santé+ Mag (3,77 M), Alternative Santé (931 000 visites mensuelles) et Esprit Science Métaphysiques (856 000), centrés sur les questions de santé et de « bien-être », n’y figurent pas, même s’ils ont pu s’illustrer en diffusant des fausses informations. Enfin, le site d’extrême droite Fdesouche (3,07 M de visites mensuelles), qui se présente comme une « revue de presse » tirant ses informations de la presse professionnelle généraliste, a également été exclu de ce classement.

Les 35 sites complotistes qui suivent ce « top 10 » font chacun plus de 100 000 visites par mois. À titre de comparaison, Conspiracy Watch réalise, selon les données de SimilarWeb, 129 000 visites par mois.

 

* En tant que plate-forme reconnue comme étant la plus fiable pour comprendre les comportements en ligne, des millions de personnes utilisent SimilarWeb quotidiennement pour renforcer leur connaissance du monde numérique. Nous permettons à tous, de l’individu curieux au chef d’entreprise, de prendre de meilleures décisions en comprenant les dynamiques de leur écosystème digital (SimilarWeb).

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Hostages

mardi 18 mai 2021 à 10:41

Samedi 15 mai, environ 22 000 personnes se sont rassemblées en France pour manifester pour la Palestine, certains aux cris de « À mort Israël ! », en dépit de l’interdiction administrative de certaines de ces manifestations pour risques de troubles à l’ordre public. Pour certains, ces interdictions sont la preuve que la France est tenue en otage par le « sionisme ».

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Conspiracy News #20.2021

dimanche 16 mai 2021 à 15:00

L’actu de la semaine décryptée par Conspiracy Watch (semaine du 10/05/2021 au 16/05/2021).

CRIIGEN. Le Criigen (« Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique ») a donné son accord pour parasiter au moyen de contenus hostiles à la vaccination le site ViteMaDose, une plateforme créée par le jeune ingénieur Guillaume Rozier (source : Le HuffPost, 11 mai 2021). En septembre 2020, cette association anti-OGM a publié une « Note d’expertise grand public sur les vaccins ayant recours aux technologies OGM » alertant sur les possibles dangers des vaccins à ARN messager (ARNm) contre le Covid-19 tels que ceux développés par Pfizer-BioNTech et Moderna ; un document de 14 pages dont les principales assertions ont été réfutées par le Pr Alain Fischer (source : L’Express, 6 janvier 2021).

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ARMES CHIMIQUES. Pour semer le doute sur la responsabilité de Bachar el-Assad dans les attaques chimiques commises en Syrie et décrédibiliser le travail de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), le gouvernement russe s’appuie sur d’anciens diplomates qui ont dénoncé la politique américaine en Irak avant de basculer dans le conspirationnisme. Pour Conspiracy Watch, Élie Guckert analyse l’action de ces diplomates rebelles au service de la propagande du Kremlin (source : Conspiracy Watch, 11 mai 2021).

DÉSTABILISATION. À la suite d’une conférence organisée le 29 avril par l’association de l’École de guerre économique (AEGE) sur le thème de la « Fabrication de la désinformation complotiste comme arme de déstabilisation », Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, a répondu aux questions du Club Influence de l’AEGE. Il y revient sur la manière dont naît et se développe une théorie du complot, mais également sur les enjeux de la lutte contre le complotisme. Selon lui, « nous ne commençons qu’à peine à prendre l’entière mesure du défi que représente l’influence de l’imaginaire complotiste en matière d’ordre public et de sûreté du territoire » (source : Portail de l’IE, 14 mai 2021).

SOFT POWER. Dans Les Guerres de l’information à l’ère numérique (PUF), ouvrage dirigé avec Maud Quessard paru au début de l’année 2021, Céline Marangé, spécialiste de la politique étrangère américaine, insiste sur l’évolution de la diffusion de l’information, avec la révolution numérique, devenue fragmentée et horizontale. Une horizontalité qui facilité la diffusion et la multiplication des théories du complot. L’exemple de la Russie témoigne ainsi de la place de la désinformation dans les rapports de force et d’une redéfinition du soft power. À lire, l’entretien passionnant avec l’auteure publié par Non Fiction.

COMPLORAMA. Francis Lalanne, Jean-Marie Bigard, Kim Glow… À la télévision ou sur les réseaux sociaux, certaines personnalités relaient auprès d’une large audience des idées complotistes, phénomène accéléré par la crise du Covid-19. « Les “people” et le complotisme », c’est le 8e épisode de « Complorama », le podcast de France Info animé par Marina Cabiten, accompagnée de Rudy Reichstadt et de Tristan Mendès France. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l’application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcastsPodcast AddictSpotify ou Deezer.

À ajouter à cette liste de personnalités relayant des contenus complotistes la chanteuse de Desireless, Claudie Fritsh (source : Tristan Mendès France/Twitter, 15 mai 2021).

Plus particulièrement, au sujet de la dérive complotiste de Francis Lalanne, on lira le thread du journaliste William Audureau consacré à un visuel retweeté par le chanteur, faisant d’Adolf Hitler une simple marionnette des puissants.

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D’ANTI À PRO-MASQUES. Le média américain Vice rapporte les effets inattendus d’une nouvelle théorie du complot sur les vaccins anti-Covid-19, relayée dans les sphères complotistes. Persuadés que les personnes vaccinées émettent des particules nocives, les tenants de cette thèse s’interrogent sur l’adoption de gestes de protection. Certains professent ainsi le port du masque, tandis que d’autres estiment que la seule protection qui vaille consiste à garder ses distances vis-à-vis des vaccinés… (source : heidi.news, 12 mai 2021).

PRÉSIDENTIELLE. Alors que l’élection présidentielle en France de 2022 se profile, la question du vote électronique revient au cœur des débats. Une vidéo, datant de 2017 mais partagée plus de 5 000 fois sur Facebook depuis le 17 avril, prétend dénoncer une « fraude électronique » lors du dernier scrutin présidentiel en France, assurant que les voix de machines à voter auraient été « consolidées aux États-Unis » pour permettre l’élection d’Emmanuel Macron. Mais les résultats des machines à voter utilisées par 1,3 million d’électeurs en 2017 n’ont jamais quitté le pays et les rapports rendus par différents observateurs sur le déroulement de l’élection ne font pas mention de telles fraudes (source : AFP Factuel, 10 mai 2021).

FRANC-MAÇONNERIE. Le projet d’attentat d’un groupuscule néonazi arrêté le 4 mai dernier et soupçonné d’avoir voulu notamment s’attaquer à une loge maçonnique est venu rappeler la place capitale occupée par la franc-maçonnerie dans l’imaginaire complotiste. La chronique hebdomadaire de Tristan Mendès France sur France Inter, le 14 mai 2021, était consacrée à cette question : « Aujourd’hui, on peut dire que le complotisme antimaçonnique est un des thermomètres de l’état de nos sociétés. Plus les [francs-maçons] sont attaqués, plus la société va mal » (source : France Inter, 14 mai 2021).

ÉLUS COMPLOTISTES. Anti-masques, antivaxx, anti-confinement, « plandémie », « Great Reset »… Plusieurs élus, très à droite, mais pas seulement, ont fait de la défiance envers les autorités un véritable business. Quitte à mépriser les faits, la science et à alimenter les pires théories conspirationnistes. Le journal L’Humanité s’est interrogé sur les débouchés politiques possibles pour ces nouvelles figures du complotisme (source : L’Humanité Dimanche, 15 mai 2021).

ISRAËL/PALESTINE. L’interdiction réclamée par le ministre de l’Intérieur de manifestations pro-palestiniennes à Paris, samedi, confirmée la veille par la justice administrative en raison des troubles à l’ordre public qui avaient pu être constatés en 2014 lors de manifestations du même genre, a suscité plusieurs commentaires outrés. Pour Jean-Luc Mélenchon, « c’est évidemment dans le seul but de provoquer des incidents et [de] pouvoir stigmatiser cette cause » que cette interdiction aurait été décidée. En juillet 2014, dans un contexte similaire, le chef de file des Insoumis avait perçu une « manipulation » dans la décision d’interdire une manifestation pro-palestinienne prévue à Paris. Selon lui, le président de la République et le Premier ministre d’alors, respectivement François Hollande et Manuel Valls, « souhait[ai]ent les incidents »… Samedi 15 mai 2021, malgré l’interdiction, environ 22 000 personnes se sont rassemblées en France. Des manifestants ont scandé « À mort Israël ! », un slogan analogue à celui tagué sur la façade de l’Institut d’études politiques de Paris le 12 avril dernier.

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Le directeur du Centre islamique de Genève, Hani Ramadan, et le blogueur Fatih Karakaya, collaborateur de l’agence de presse Anadolu et administrateur du site Medyaturk, estiment quant à eux que l’interdiction de la manifestation pro-palestinienne à Paris est la preuve que la France est tenue en otage par le « sionisme » (source : Conspiracy Watch/Twitter, 15 mai 2021).

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BOB MARLEY. Le 40e anniversaire de la mort du chanteur Bob Marley offre l’occasion de rappeler une théorie du complot lancée en novembre 2017 par un site de désinformation. Un article qui associait les termes « sur son lit de mort », « CIA » et « Bob Marley » pouvait-il vraiment être pris au sérieux ? La question aurait dû se poser pour les milliers d’internautes qui, de la Pologne aux États-Unis en passant par le Brésil, ont partagé un article affirmant que l’icône du mouvement rasta aurait été victime d’un complot ourdi par la CIA (source : Le Monde, 4 décembre 2017).

DÉSOCIALISATION. Le HuffPost américain a rencontré neuf enfants d’adeptes du mouvement complotiste radical QAnon, âgés de 19 à 46 ans, dans sept États américains. Certains d’entre eux tentent désespérément de déradicaliser leurs parents. Ce processus éprouvant est très souvent frustrant, déchirant et vain. D’autres estiment que leurs parents ont déjà dépassé le point de non-retour et ont renoncé à les aider. Quelques-uns ont pris la douloureuse décision de couper totalement les ponts avec eux. Tous partagent leur histoire pour soutenir les nombreuses autres personnes confrontées au même drame en coulisses. La fille d’une femme ayant rejoint le mouvement complotiste rapporte ainsi que sa mère a cessé de prendre soin d’elle et ne voit que très rarement ses petits-enfants : « elle a pris du poids et passe presque toutes ses journées rivée sur son téléphone, à regarder des vidéos de QAnon et à vivre dans la crainte constante de la prochaine atrocité commise par l’État profond » (source : Huffington Post, 13 mai 2021).

CHEMTRAILS. Jean-Jacques Crèvecoeur, figure de la mouvance antivaxx, a qualifié d’« hypothèse plausible », dans une vidéo repérée par le journalistre Raphaël Grably, l’idée selon laquelle la seconde vague d’infection au Covid-19 en France « a peut-être été provoquée par les épendages de chemtrails » et les « nanoparticules » « déclenchées par exemple par la 5G », reprenant là une vieille théorie du complot qui prétend que les traces blanches de condensation laissées par les avions dans le ciel seraient en fait un épendage de produits chimiques (source : Raphaël Grably/Twitter, 15 mai 2021).

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LFI – EELV – GÉNÉRATIONS.S. Relayant un thread du compte Twitter « 2emeDB73 », L’Écho républicain rapporte qu’Abdelaziz Hafidi, membre de Génération.s, le parti de Benoît Hamon, et colisiter du groupe « Un nouveau souffle écologiste et solidaire », qui réunit également La France Insoumis et EELV pour les élections régionales en Centre-Val de Loire, a été retiré de la liste et suspendu par Génération.s pour ses prises de position sur les réseaux sociaux. Il y affichait ses sympathies pour la mouvance islamiste et y publiait des contenus à caractère complotiste et aux relents antisémites (source : L’Écho républicain, 15 mai 2021).

CÉVENNES. Valentin Marcone, le suspect du double homicide de Plantiers (Gard) mis en examen ce dimanche, dispose de comptes Twitter, Facebook et YouTube. Notre rédaction a pu constater qu’il y tient des propos teintés de complotisme sur la pandémie, les laboratoires pharmaceutiques, les vaccins à ARNm, le gouvernement ou encore Emmanuel Macron… Toutefois, on n’y trouve aucun lien vers des sites complotistes, aucun véritable argumentaire complotiste structuré ni aucune référence aux thèmes complotistes les plus populaires.

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