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Conspiracy Watch | L'Observatoire du conspirationnisme

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Conspiracy News #06.2022

dimanche 6 février 2022 à 15:28

L’actu de la semaine décryptée par Conspiracy Watch (semaine du 31/01/2022 au 06/02/2022). 

IVAN RIOUFOL. Le 1er février 2022, dans l’émission « L’Heure des Pros » sur CNews, le journaliste et essayiste Ivan Rioufol a déclaré : « quand le ghetto de Varsovie a été créé en 1940, c’était un lieu de contaminés. C’était d’abord un lieu hygiéniste […] c’est un lieu qui était fait pour préserver du typhus ». L’affirmation est historiquement et scientifiquement fausse. Comme le montre un article du site Fact & Furious, « la principale épidémie de typhus est apparue après la création du ghetto de Varsovie. L’idée selon laquelle les juifs étaient rassemblés pour des raisons sanitaires provient de la propagande nazie » (source : Fact & Furious, 4 février 2022).

NÉGATIONNISME. Dans sa chronique « Antidote » du 4 février sur France Inter, Tristan Mendès France s’est intéressé à la question de la diffusion du négationnisme en ligne, un phénomène qui touche particulièrement les jeunes via les réseaux sociaux. Depuis la pandémie, des audiences qui étaient jusque-là épargnées ont été touchées, certaines figures gravitant autour du complotisme sanitaire s’étant fait les relais de contenus négationnistes (source : France Inter, 4 février 2022).

CLIMATOSCEPTICISME. Aujourd’hui, et depuis des décennies, il existe un consensus scientifique autour de la réalité du réchauffement climatique et de la responsabilité de l’Homme dans ce processus. Cette unanimité scientifique n’empêche pas certaines prises de position, comme celle d’Anne-Laure Blin, députée LR, ou celle d’Éric Zemmour, qui entretiennent le doute sur ce diagnostic (source : Vrai ou Fake (FranceInfo)/Twitter, 4 février 2022).

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LIVRE NOIR. Au-delà de la myriade d’éditorialistes sensibles à ses idées, Éric Zemmour peut compter sur Livre Noir, un nouveau média en ligne dont les vidéos sont aussi efficaces qu’un clip de campagne. Si elle se défend d’être « l’agence de com’ » du candidat, l’équipe du site entretient des liens d’amitié et militants anciens avec des piliers de sa campagne (source : Mediapart, 30 janvier 2022).

ANTI-SYSTÈME. Une profusion de candidats anti-système entendent faire entendre leur voix dans l’actuelle campagne à l’élection présidentielle. Ils sont si nombreux et pour certains, si confidentiels, que la presse ne parvient pas à les recenser tous. Plus ou moins anti-pass et antivaxx, post-Gilets Jaunes, partisans du Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) ou issus de l’ultra-droite, ils affichent tous, à des degrés divers, un tropisme complotiste, se posant en défenseurs du peuple contre les élites (source : Conspiracy Watch, 1er février 2022).

RUSSIA TODAY. L’Allemagne a interdit la diffusion de la chaîne de télévision russe RT en allemand. Déjà privée de diffusion satellitaire, RT s’est vu interdire toute diffusion via le site internet et une application mobile. La chaîne diffusait sans l’autorisation délivrée par l’autorité régulatrice des médias en Allemagne (source : AFP/Twitter, 2 février 2022).

ALICE PAZALMAR. Le tribunal de Cahors a condamné à 6 mois de prison ferme Alice Martin-Pascual, connue sous le nom d’Alice Pazalmar, une jeune femme engagée dans le mouvement complotiste One Nation, pour de multiples infractions routières (source : La Dépêche, 1er février 2022). Elle ne s’est pas présentée à son procès mais avait, en revanche, adressé un message vidéo au tribunal où elle explique notamment qu’elle « ne reconnaî[t] pas la personne juridique qui [lui] a été attribuée » (source : Tristan Mendès France/Twitter, 2 février 2022).

ANTOINE MELLIES. Après avoir milité auprès des antisémites et islamistes du Parti antisioniste d’Alain Soral, de Dieudonné M’Bala M’Bala et Yahia Gouasmi, après avoir rallié le Rassemblement national, Antoine Mellies soutient désormais avec ferveur le candidat Zemmour. Stanislas Rigault, président de « Génération Z », a pu ainsi le féliciter officiellement pour son investissement lors du passage du candidat Zemmour à Lyon (source : Licra/Twitter, 1er février 2022).

CHRISTIAN PERRONNE. Lors d’une prise de parole devant la Chambre des députés du Luxembourg, le 12 janvier 2022, le professeur Christian Perronne, invité par deux auteurs de pétitions contre la vaccination obligatoire, a tenu une série d’affirmations sur les injections anti-Covid, qui ne seraient, pas selon lui, des vaccins mais consisteraient en un « traitement expérimental ». Ses assertions, rapidement devenues virales sur les réseaux sociaux, ont cependant été remises en cause par des scientifiques interrogés par l’AFP, qui les jugent fausses ou trompeuses (source : AFP, 27 janvier 2022).

CYRIL HANOUNA. Venu du monde du divertissement, Cyril Hanouna mord de plus en plus sur celui de l’information dans son émission TPMP. À travers la parole donnée à deux figures de la complosphère, l’ancien journaliste Richard Boutry et l’infectiologue Christian Perronne, démis de ses fonctions par l’APHP, l’équipe de « Vrai ou Fake » a analysé la manière dont Hanouna contribue à relayer la désinformation (source : « Vrai ou Fake » (FranceInfo)/Twitter, 28 janvier 2022).

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YANNICK LESCURE. Côté pile, Yannick Lescure est un sympathique youtubeur, installé à Montréal, présentant des recettes de cuisine. Côté face, il se définit comme un « résistant français national-socialiste » qui, grâce notamment à sa communauté, a mis sur pied un groupe de complotistes d’extrême droite qui fantasment de « renverser la République ». Il explique ainsi : « Créer un appareil de combat de toutes pièces ne se fait pas en six mois, ni un appareil civil. Mais je suis heureux de voir que la discussion avance, que des gens sont prêts à avoir recours à l’ultime sacrifice pour le bien de la France » (source : Libération, 31 janvier 2022).

IRL. À noter le lancement par Libération d’un observatoire des Influences des radicalités en ligne (IRL), aux fins d’ « ausculter et décrypter l’impact des influenceurs nationalistes, des youtoubeurs complotistes, des réseaux sociaux conspirationnistes », dans le contexte de la campagne électorale.

GRAND REMPLACEMENT. Trouvant ses racines dans la chrétienté médiévale, qui considère juifs et musulmans comme une menace, la théorie d’une « submersion » de la France par un prétendu « envahisseur étranger » convoque et adapte toutes les idéologies présentes et passées – racialistes, antisémites et nationalistes – aptes à servir son propos (source : Le Monde, 28 janvier 2022).

SPOTIFY. Accusé de laisser le champ libre à la désinformation sur le Covid-19 dans ses podcasts, le géant suédois du streaming audio Spotify a annoncé des mesures, dimanche 30 janvier, pour tenter de répondre à la controverse croissante autour de la diffusion de contenus antivax. Le PDG de la plateforme a annoncé une série de mesures, dont l’introduction de liens dans tous ses podcasts évoquant le Covid-19, qui guideront ses utilisateurs vers des informations factuelles et scientifiquement sourcées (source : Le Monde, 31 janvier 2022).

INSTAGRAM. Instagram a beau annoncer de nouvelles mesures de modération pour diminuer la désinformation sur sa plateforme, le réseau social se retrouve trahi par ses propres outils. D’après une étude réalisée par Media Matters, les « stories » ainsi que le « sticker » pour ajouter des liens sont largement utilisés par les antivax pour propager et monétiser de la désinformation autour de la pandémie de Covid-19. Un procédé qu’ils utilisent également pour rediriger leurs abonnés vers d’autres plateformes moins soucieuses des contenus fallacieux comme Telegram, Clouthub ou encore Gettr (source : La Dépêche, 28 janvier 2022).

SUBSTACK. Évincés des principaux réseaux sociaux, les influenceurs complotistes  se connectent avec le public par le biais des newsletters et des podcasts. Substack, la plateforme de newsletters par abonnement, est en passe de devenir la plaque tournante de la désinformation sur la pandémie. Une plateforme qui, d’après les chercheurs du Center for Countering Digital Hate, gagnerait des millions de dollars grâce aux contenus anti-vaccination… (source : Washington Post, 27 janvier 2022).

INGÉRENCE. Ni l’espionnage ni les opérations d’influence n’ont attendu Internet pour se déployer mais, en cette matière comme en bien d’autres, le numérique accélère le rythme, ouvre le champ des possibles à de nouveaux acteurs, permet les changements d’échelle. À l’approche de scrutins essentiels, les menaces de déstabilisation sont au cœur des préoccupations de l’État, qui s’efforce de les prévenir en multipliant les initiatives (source : Libération, 1er février 2022).

COMPLORAMA. Augmentation des cancers, modification de l’ADN ou 5G, disparitions de faux morts du Covid… Les théories du complot autour du vaccin se portent bien, en ce début d’année 2022. Mais le complotisme antivax a évolué, depuis le lancement de la campagne de vaccination il y a un peu plus d’un an. « Le complotisme antivax autour du vaccin contre le Covid », c’est le 22e épisode de Complorama, avec Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, maître de conférence et membre de l’observatoire du conspirationnisme, spécialiste des cultures numériques. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l’application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcastsPodcast AddictSpotify, ou Deezer.

DÉQODEURS. La chaîne francophone complotiste « Les DéQodeurs », située dans la mouvance QAnon, avait prédit un coup d’État pro-Trump le 20 janvier 2021 (source : Le Monde, 21 janvier 2021). Sur Telegram, à renfort de « Grand réveil » et d’ « État profond », le média prophétise à nouveau l’imminence d’un « impact », un événement « que l’humanité n’a jamais vu jusqu’à présent »… (source : Rudy Reichstadt/Twitter, 4 février 2022).

FREEDOM CONVOY. Le 23 janvier 2022, un convoi de camions s’est élancé de Vancouver, au Canada. Objectif : rouler 4 400 kilomètres plein Est, jusqu’à la capitale fédérale Ottawa pour contester la vaccination obligatoire contre la Covid-19, nécessaire pour franchir la frontière avec les États-Unis. Baptisé le « Freedom Convoy », ils sont arrivés dans la capitale fédérale samedi 29 janvier. Une mobilisation accompagnée d’images impressionnantes sur les réseaux sociaux… et de plusieurs intoxs (source : FranceInfo, 2 février 2022). L’initiative ne fait pas l’unanimité dans la complosphère où certains dénoncent une opération montée par l’ « État profond » dans le but de discréditer le mouvement d’opposition aux restrictions et de créer des pénuries pour accélérer le « Great Reset » (source : Albert le Ver/Twitter, 1er février 2022).

DONALD TRUMP. Lors d’un meeting au Texas, Donald Trump a continué à blanchir les participants à l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021. Alors qu’il envisage une nouvelle candidature à l’élection de 2024, l’ancien président a suggéré à une foule de partisans que les plus de 700 personnes inculpées jusqu’à présent dans cet événement étaient visése à tort et pourraient être graciées par lui, une fois élu (source : Mother Jones, 30 janvier 2022).

MALI. Les messages anti-français ou pro-Russes inquiètent dans un contexte de crise politique. Mais certains activistes luttent pour les démentir. C’est notamment le cas du site Benbere Vérif, qui traque et démonte les moindres fausses nouvelles. Son directeur, Abdoulaye Guindo, explique que « les fake news sont d’abord rédigées en français. Des personnes les traduisent ensuite en langue locale et les envoient dans les groupes WhatsApp des populations » (source : Deutsche Welle, 2 février 2022).

[PODCAST] Où en est le complotisme antivax ?

vendredi 4 février 2022 à 19:45

Augmentation des cancers, modification de l’ADN ou 5G, disparitions de faux morts du Covid… Les théories du complot autour du vaccin se portent bien, en ce début d’année 2022. Mais le complotisme antivax a évolué, depuis le lancement de la campagne de vaccination il y a un peu plus d’un an.

Si vous avez un ou plusieurs comptes sur les réseaux sociaux, il y a beaucoup de chances que vous ayez vu la vidéo de Karim. Le 14 décembre dernier, les caméras de l’AFP, l’agence France presse, filment dans son lit de réanimation, à Montreuil, Abdelkrim Azzaoui, dit Karim, atteint du Covid. C’est là qu’il exprime ses regrets de ne pas s’être fait vacciner. La vidéo est mise en ligne par l’AFP et Karim est la cible de nombreuses fausses affirmations, notamment de la part de figures complotistes. Cet homme est mort des suites du Covid le 20 décembre. Mais même après son décès, il sera victime d’une théorie du complot, celle des “faux” morts du Covid qui circule beaucoup en ce moment.
Qu’est-ce qui a évolué, dans le complotisme antivax, entre le début de la campagne vaccinale contre le Covid il y a un peu plus d’un an, et aujourd’hui ? D’abord les figures de proue du mouvement, comme par exemple le professeur Christian Perronne, dont l’intervention le 12 janvier 2022 lors d’un débat public au Parlement du Luxembourg est devenu une vidéo virale sur internet. Huit minutes d’un discours truffé d’informations fausses voire mensongères.

L’affaire Neil Young versus Spotify illustre le boom des podcasts complotistes

La toute récente affaire Spotify versus Neil Young est emblématique d’un problème qui a pris beaucoup de place ces derniers mois, celui de la modération des contenus audios et donc notamment des podcasts. Mais le problème est le même sur les « spaces » de Twitter, où des groupes de personnes peuvent exprimer sans modération toutes sortes d’affirmations sans fondement autour du vaccin.

Autre évolution dans la sphère complotiste anti-vaccin, la radicalisation et une amplification des violences. Menaces et agressions de scientifiques, médecins, ou d’élus. En janvier dernier s’est déroulé un coup de filet. Deux hommes et six femmes ont été interpellés en Moselle, dans le Rhône, la Seine-et-Marne, les Hauts-de-Seine et le Finistère. Ils comparaîtront à Paris pour harcèlement moral en ligne, après des actions concertées et ciblées sur deux parlementaires et un médecin en 2021 : ces personnes sont des membres du groupe antivaccins « V_V ».

« Le complotisme antivax autour du vaccin contre le Covid », c’est le 22e épisode de Complorama, avec Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, maître de conférence et membre de l’Observatoire du conspirationnisme, spécialiste des cultures numériques. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l’application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcastsPodcast AddictSpotify, ou Deezer.

Présidentielle : le point sur les candidatures « anti-système »

mardi 1 février 2022 à 18:19

Qu’ils croient ou pas à leurs chances, les candidats à l’élection présidentielle évoluant dans la complosphère se bousculent au portillon.

Montage CW.

Dans la saison 3 de la série « Baron Noir », sortie début 2020, Christophe Mercier, un youtubeur complotiste, crée la surprise en se qualifiant pour le second tour de l’élection présidentielle. Enseignant et promoteur du tirage au sort comme mode de désignation des représentants, son personnage était largement inspiré d’Etienne Chouard.

Dans la réalité, ce n’est finalement pas un mais une profusion de candidats « anti-système » que l’on voit partir en campagne. Si nombreux et pour certains, si confidentiels, que la presse – et même Wikipedia ! – ne parvient pas à les recenser tous. Plus ou moins anti-pass et antivaxx, post-Gilets Jaunes, partisans du Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) ou issus de l’ultra-droite, ils affichent tous, à des degrés divers, un tropisme complotiste, se posant en défenseurs du peuple contre les élites.

Si l’on met de côté les cas d’Éric Zemmour, de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, ces vrais-faux candidats savent qu’ils ne figureront pas sur la ligne de départ : ils sont censés réunir au moins 500 signatures d’élus d’ici au 4 mars pour pouvoir se présenter officiellement. Mais hormis les parrainages, ils se plient volontiers aux usages et codes d’une campagne présidentielle classique : un programme, un site internet, des pages officielles sur les réseaux sociaux, un directeur de campagne.

La sphère covido-sceptique tente sans conviction de peser sur les élections

L’association Bon Sens (fondée par Martine Wonner, Christian Peronne, Silvano Trotta et Xavier Azalbert, le directeur de FranceSoir), a commandé à l’institut MIS Group un sondage sur les intentions de vote aux présidentielles et sur les thèmes de campagne.

Plutôt que de tester une liste de candidats déclarés, ce sondage teste les intentions de vote pour une série de candidats mais aussi pour un « candidat citoyen qui rassemblerait toutes vos idées dans un programme » : sans surprise, celui-ci obtient 6,6%. Les responsables de Bon Sens ont également soumis des questions autour de divers thèmes de campagne dont une sur les contre-pouvoirs : « 50% des Français pensent que le référendum d’initiative citoyenne (RIC) peut permettre d’améliorer la vie démocratique ». Parmi eux, 66% le donnerait aux citoyens via des RIC et 33% à un parlement constitué de citoyens tirés au sort.

Commentant ce sondage, Silvano Trotta s’enthousiasme à l’idée que « notre candidat sans être dévoilé est déjà 4ème ! Et devant Pecresse ! Il faut y croire. Eux en ont peur, croyez-moi… […] On peut créer une énorme surprise, cela ne dépend que de vous. Pourquoi pensez-vous que Darmanin aille voir Fabius pour parler des élections ? Parce qu’ils connaissent le danger et essayent de le contrer. Mais si nous restons déterminés, unis, et que chacun de nous devienne un acteur actif sur les réseaux sociaux, on pourra les battre. Et enfin vivre libre ! Analysez ce sondage, sans trucage, et vous verrez les larges marges que nous avons. On peut gagner. Il suffit de le vouloir. Dans tous les cas, essayons au moins ! »

Silvano Trotta avait déjà entrepris début janvier de faire émerger une candidature d’union en réunissant sur le plateau de sa chaîne : Benjamin Victor Boucher et Shella Gill, membres d’Union Essentielle (qui prône le RIC en toutes matières, le mandat impératif et révocatoire pour tous les élus et la suppression du Conseil constitutionnel), ainsi que des représentants du Collectif des Maires Résistants (né dans le cadre des mouvements anti-pass vaccinal et qui ne regroupe à ce jour que deux édiles) et de PULS (pour « Peuple Uni, Libre et Souverain »), un collectif de « résistants » créé par un dissident de la mouvance de soutien à Rémy Daillet-Wiedemann.

Dans le même ordre d’idée, Richard Boutry, ancien journaliste reconverti dans le complotisme (très remonté contre Florian Philippot à qui il reproche de vouloir « récupérer » le mouvement anti-pass) avait auditionné, en novembre 2021, sur le plateau de sa chaîne, LaUneTV, en compagnie notamment de son acolyte Abdel Zahiri, quatre vrais-faux candidats à la présidence de la République : Benjamin Victor Boucher (Union Essentielle), Clara Egger (Espoir RIC 2022), Fabrice Grimal (La Concorde Citoyenne) et David Schuler (La Gouvernance sociocrate), tous partisans du RIC.

Capture d’écran de la vidéo « En route pour la Présidentielle » (LaUneTV, 8 novembre 2021).

Citoyens, anti-pass, pro-RIC et Gilets jaunes

Dans un registre proche de la mascarade, le 4 janvier 2022, l’Alliance éco-citoyenne (qui se proclame « première force du pays ») réunissait, sous le haut patronage de Me Fabrice Di Vizio, Me Carlo Alberto Brusa et du Dr Louis Fouché, pas moins de 19 candidats putatifs : anti-pass pour la plupart, pro-RIC ou revendiquant l’esprit des Gilets jaunes.

Parmi eux, on notait la présence du naturopathe complotiste Éric Fiorile, ex-président du factieux et foutraque « Conseil National de Transition », et celle d’Alexandre Juving Brunet, ex-gendarme, souverainiste et militant anti-pass virulent.

Egalement présents lors de cette sorte de primaire populaire des complotistes, un représentant du député béarnais Jean Lassalle ainsi que Philippe Argillier, le fameux « Monsieur X » de Maxime Nicolle, qui assurait fin 2018 à une assemblée de Gilets jaunes, « détenir des informations pouvant entraîner une troisième guerre mondiale ». Philippe Argillier se présente sous les couleurs du RDH-Rassemblement des Droits de l’homme.

Capture d’écran Facebook (Alliance éco-citoyenne, 04/01/2022).

Antoine Martinez avait décliné l’invitation des organisateurs de cette rencontre mémorable. Général de l’armée de l’air à la retraite, Antoine Martinez avait fondé en 2005 avec Yvan Blot (ancien membre du Front National et cofondateur du Club de l’Horloge) le groupe Volontaires pour la France-VPF pour « défendre l’identité française » et « combattre l’islamisation du pays » (des membres de VPF se sont retrouvés par la suite au sein d’Action des forces opérationnelles, un groupuscule d’ultra-droite qui projetait de s’en prendre à des musulmans). Antoine Martinez avait déclaré ainsi sa candidature à l’élection présidentielle de 2022 : « Il est aujourd’hui nécessaire de s’opposer à un système corrompu, soumis à l’oligarchie financière apatride qui travaille, guidée par une idéologie mondialiste et progressiste, à la disparition des nations et des identités ». Le Général Martinez mène une campagne paisible (un déplacement par mois). Son projet présidentiel prévoit notamment « la réouverture d’un bagne destiné aux terroristes » et « la suppression de toutes les aides et prestations sociales constituant un appel d’air pour l’immigration ».

Embouteillage de candidats dans la mouvance « patriote » et complotiste

L’extrême-droite est très présente, cette année, avec les candidatures de Marine Le Pen, Éric Zemmour, Florian Philippot, François Asselineau et Nicolas Dupont-Aignan. Une partie de l’ultra-droite, toutefois, ne parvient pas à se ranger derrière l’un d’entre eux.

On a déjà mentionné la candidature d’Éric Fiorile, initiateur d’au moins deux tentatives de soulèvements, l’un raté, le 14 juillet 2015, l’autre, avorté, en décembre 2020. Il propose « un retour à la démocratie grecque, qui a été dévoyée par la république ».

Le néo-pétainiste Yvan Benedetti, ex-FN, ex-Œuvre Française, porte-parole du PNF-Parti Nationaliste Français, multi-condamné et récemment relaxé pour des propos négationnistes tenus lors d’une commission d’enquête parlementaire en 2019, s’est résolu à faire acte de candidature pour « faire respecter les trois lois naturelles : du sang, du sol et du ciel ». Son programme prévoit la réhabilitation de Pétain, l’« interdiction des sociétés secrètes », l’instauration de la « liberté vaccinale » et la « cessation immédiate de toutes les mesures du diktat sanitaire ». Il prévoit, en outre, de réhabiliter « l’ordre naturel qui a fait la France depuis 1500 ans par le rétablissement d’une religion d’État, le catholicisme, de la fête nationale fixée au 15 août, du repos hebdomadaire obligatoire du dimanche sauf nécessité directe d’intérêt général et/ou de service public » ainsi que le « retour de l’Église Sainte Geneviève, construite sur le tombeau de Clovis, actuellement dénommée Panthéon, au culte catholique ».

Alexandre Juving Brunet mène une campagne active avec le soutien du site Profession Gendarme : l’ex-capitaine de gendarmerie sillonne depuis quelques semaines le pays à bord d’un camping-car. Il était sorti de l’ombre en avril 2021 en dénonçant les infiltrations d’éléments islamistes dans l’armée, peu après la « tribune des généraux ». Figure toulonnaise du mouvement anti-pass, il appelle 10 août 2021 l’armée et la police « à suivre le peuple », puis à la création de Comités de Salut du Peuple, dont il s’autoproclame président.

Déçu par Florian Philippot (qui se sera décidément fait beaucoup d’ennemis en tentant de capter à son profit la contestation anti-pass), Juving Brunet s’est résigné tardivement (le 16 décembre 2021) à concourir pour combattre « Emmanuel Macron et sa bande de criminels et de sociopathes non-refoulés […]. Ils sont la négation de la Vérité Scientifique et Médicale qu’ils détournent pour imposer une tyrannie sanitaire alors que l’épidémie de Covid-19, aux origines troubles, touche maintenant à sa fin. Ils sont la négation des pères et des mères qui courageusement se battent pour défendre l’intégrité physique et morale de leurs enfants et pour leur garantir un futur libre et joyeux. Ils sont enfin la négation de toutes nos spiritualités qui ont fondé notre civilisation française ».

Quant à Jacques Cheminade, président de Solidarité & Progrès (branche française du mouvement larouchiste), déjà candidat en 1995, 2012 et 2017, il fera campagne aux côtés de Georges Kuzmanovic, ex-bras droit de Jean-Luc Mélenchon pour les questions internationales et président du mouvement République souveraine.

 

Voir aussi :

« Union Essentielle » : le double discours d’une liste complotiste

Conspiracy News #05.2022

dimanche 30 janvier 2022 à 16:15

L’actu de la semaine décryptée par Conspiracy Watch (semaine du 24/01/2022 au 30/01/2022). 

LE DESSIN DE LA SEMAINE.  « Rester simple », l’œil de Morgan Navarro pour Conspiracy Watch.

COMPLOTEURS. Dans sa chronique « Antidote » du 21 janvier sur France Inter, Tristan Mendès France s’est intéressé à la tendance de certains complotistes à fomenter eux-mêmes des complots. Notre collaborateur cite notamment l’exemple de ces Républicains, aux États-Unis, qui ont tenté de remplacer des grands électeurs démocrates par des élus pro-Trump dans cinq États, en rédigeant de faux documents pour que Joe Biden ne soit pas certifié au Capitole le 6 janvier. Un véritable complot donc, organisé par ceux-là mêmes qui crient au complot électoral sans preuve depuis plus d’un an… (source : France Inter, 21 janvier 2022).

RÉCENTISME. À écouter également, la chronique du 28 janvier portant sur une théorie conspirationniste appelée « récentisme » selon laquelle tout ce qu’on sait de l’histoire de l’Antiquité ne serait en fait qu’un vaste mensonge créé de toute pièce par des jésuites au XVIIe siècle (source : France Inter, 28 janvier 2022).

YANNICK LESCURE. Dans une vidéo publiée le 7 janvier 2022 sur sa chaîne « La Place Publique », Yannick Lescure pourfend le « coronacircus » et le « Nouvel Ordre Mondial ». Le cuisinier et vidéaste français appelle ouvertement au meurtre de ceux qui sont à la « source du problème », à savoir les Francs-maçons et les Juifs, en particulier les Juifs ashkénazes (qui seraient en réalité de « faux juifs »). Conspiracy Watch a publié une notice sur cet individu qui vit aujourd’hui à Montréal. Une lecture à compléter par celle d’un thread Twitter du compte « Portes ouvertes » où l’on apprend que Lescure dit avoir « besoin d’un réseau de gens suffisamment préparés avant de passer à de l’action de terrain » (source : Sources ouvertes/Twitter, 24 janvier 2022).

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V_V. Huit personnes membres du groupe antivaccin « V_V » – « Vivi » (« vivant » en italien) ont été interpellées le 18 janvier dans différents départements français. Leur méthode consistait à publier des centaines de messages virulents visant ceux qu’ils considèrent comme leurs adversaires. Ils comparaîtront à une date ultérieure à Paris pour harcèlement moral en ligne. La mouvance reste active sur certaines plateformes comme Telegram, utilisant la figure de l’anarchiste masqué de la bande dessinée V pour Vendetta, adaptée au cinéma (source : L’Express, 24 janvier 2022).

ANTIVAX. Des centaines d’annonces de recherche d’emploi frauduleuses ont été publiées dans différents journaux régionaux en Allemagne. Leur point commun ? Elles ont été écrites par des militants antivax qui veulent donner l’impression que la vaccination obligatoire pour les soignants, en vigueur le 15 mars, privera les hôpitaux allemands d’une partie non négligeable de leur personnel (source : Courrier international, 26 janvier 2022).

FABRICE DI VIZIO. La Cour de justice de la République (CJR) a jugé irrecevables 253 plaintes sérielles déposées contre le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti pour injures publiques envers particuliers, a annoncé ce vendredi le procureur général près la Cour de cassation dans un communiqué. Ces 253 plaintes avaient été rédigées en des termes identiques à partir d’un formulaire mis en ligne par Me Fabrice Di Vizio, avocat de Didier Raoult devenu une figure du mouvement covido-sceptique et anti-pass, connu pour ses recours et actions collectives massives. Lundi, le procureur général près la Cour de cassation avait déjà annoncé avoir classé sans suite 19 685 plaintes « types » rédigées également à partir d’un formulaire payant de Me Di Vizio et déposées contre plusieurs membres du gouvernement (source : Le Parisien, 28 janvier 2022). En septembre dernier, Le JDD avait révélé que ces plaintes groupées assuraient des revenus très substanciels à Me Di Vizio (source : Le JDD, 13 septembre 2021).

SPOTIFY. Le célèbre chanteur canadien Neil Young avait menacé de quitter Spotify si la plateforme n’en finissait pas avec un podcast antivax, The Joe Rogan Experience, présenté par l’animateur du même nom, et qui comporte des centaines d’épisodes dont l’écoute est estimée à une dizaine de millions de personnes pour chaque émission. Neil Young a mis sa menace à exécution : on ne peut plus écouter ses albums sur la plateforme (source : Numerama, 27 janvier 2022). À sa suite, la chanteuse Joni Mitchell a décidé de retirer sa musique de Spotify, pour les mêmes raisons (source : Franceinfo, 29 janvier 2022).

AGAMBEN. En partenariat avec l’association Bon Sens, le collectif italien Studenti Contro il Green Pass Torino a organisé un événement rassemblant, samedi 29 janvier 2022, en direct sur YouTube, les principales figures de la mouvance covido-sceptique, antipasse et antivax de France et d’Italie. Animé par le chorégraphe Tristan Edelman, ce live de 8 heures a vu se succéder au micro ou en distanciel le philosophe italien Giorgio Agamben, Laurent Toubiana, Jean-Dominique Michel, l’oncologue Marianno Bizzarri, Olivier Soulier, Andrea Camperio Ciani, Laurent Mucchielli, Vincent Pavan, Sébastien (un gilet jaune), Alexandra Henrion-Caude, Ariane Bilheran, Christian Perronne, Amine Umlil, Virginie de Araujo, Xavier Azalbert (FranceSoir), David Pliquet, Ugo Mattei, Idriss Aberkane, Michel Rosenzweig, Geminello Preterossi, Riccarda Antiochia, Olivier Tournafond (Radio Courtoisie), Mehdi Belhaj Kacem, Marc Gabriel Draghi, François Godeau, Louis Fouché et enfin un jeune homme porte-parole de l’association Bon Sens.

NOVAK DJOKOVIC. Le numéro un mondial de tennis serbe ne fait pas confiance aux vaccins. Il croit aussi à l’existence de « tunnels énergétiques » pour régénérer ses cellules et à la possibilité de transformer des aliments toxiques par la prière. Si Djokovic s’exprime peu sur ces sujets, ses propos sont en revanche très repris par la médecine conventionnelle (source : Twitter/Vrai ou Fake/Franceinfo, 20 janvier 2022).

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TIKTOK. L’Unesco vient de lancer un partenariat avec TikTok contre le négationnisme. Cette initiative vise à lutter contre la déformation des faits liés à la Shoah, qui constitue 17% des contenus postés sur l’application en lien avec ce sujet. Le texte affirme que « si des utilisateurs cherchent des termes en lien avec l’Holocauste qui ne respectent pas les consignes communautaires de TikTok, la plateforme bannira les résultats de recherches et affichera à la place la même bannière les invitant à consulter les ressources éducatives en ligne du CJM (Congrès juif mondial) et de l’Unesco. » L’année dernière, le CJM et l’Unesco avaient signé un partenariat similaire avec Facebook, plateforme sur laquelle quelque 11% des posts relatifs à la Shoah en anglais, 10% en allemand et 9 % en français relèvent de la négation ou de la distorsion des faits (source : Le Figaro, 27 janvier 2022).

NÉGATIONNISME. Le tribunal judiciaire de Paris vient d’ordonner le blocage de « Shoarnaque » et « Blogue-sc » (pour « Blogue sans concession ») chez les principaux fournisseurs d’accès français : Orange, SFR, Free, Bouygues, mais aussi Colt et Sprintlink France. Deux sites rattachés à la maison d’édition fondée par le négationniste Vincent Reynouard. Le média Next INpact diffuse les deux jugements rendus le 25 janvier (source : Next INpact, 25 janvier 2022).

En 2000 paraissait dans la Revue d’Histoire de la Shoah l’étude de Gilles Karmasyn, en collaboration avec Gérard Panczer et Michel Fingerhut, sur le « négationnisme sur Internet ». Le site PHDN (« Pratiques de l’histoire et dévoiements du négationnistes ») publie cette étude en une seule partie avec une mise à jour de l’ensemble des liens. Un précieux retour aux « origines » qui éclaire la situation (catastrophique) actuelle (source : phdn.org).

RÉVISIONNISME. « Le révisionnisme c’est la double peine des victimes, c’est survivre aux pires crimes et lutter pour la vérité. Et aujourd’hui cette peine que je ressens à chaque fois que certains viennent balancer leur contre-vérité haineuse sur la Syrie, je la ressens face aux négationnistes de l’Holocauste. » Dans un texte aussi court que saisissant, le politologue et opposant à Bachar el-Assad, Firas Kontar, met en regard la négation de la réalité de la Shoah et le révisionnisme complotiste auquel s’adonnent le régime syrien et ses alliés (source : Conspiracy Watch, 29 janvier 2022).

DÉCONSPIRATEURS. Dans le dernier épisode des « Déconspirateurs », David Medioni, Tristan Mendès France et Rudy Reichstadt ont reçu Thomas Mahler, directeur adjoint de la rédaction de L’Express. Au sommaire de ce onzième numéro : quand Didier Raoult voulait censurer les fausses informations ; la dérive complotiste d’Idriss Aberkane ; Booba, Cyril Hanouna et Keny Arkana ; qui est Yannick Lescure ? ; d’où vient le Manifeste conspirationniste publié au Seuil ? (source : Conspiracy Watch, 25 janvier 2022).

IDRISS ABERKANE. Le 18 janvier 2022, Idriss Aberkane a publié sur YouTube une vidéo intitulée « 18 mensonges sur Didier Raoult ». Supprimée le lendemain par YouTube, remise en ligne sur la plateforme Odysee le même jour, elle a ensuite été partagée dans la description d’une vidéo YouTube de l’IHU Méditerranée. Dans sa vidéo, l’essayiste controversé y tient de nombreux propos erronés, entrecoupés de diatribes visant la presse. Antoine Daoust, du média Fact & Furious a sélectionné et analysé 18 de ses erreurs (source : Fact & Furious, 21 janvier 2022).

LE SEUIL. Les éditions du Seuil viennent de publier Manifeste conspirationniste, un livre qui légitime le complotisme d’extrême gauche. L’ouvrage aurait pu, note Jean-Paul Krivine, rédacteur en chef de la revue Sciences et pseudosciences, « rester dans les limbes de l’édition » si la publication par une grande maison d’édition n’était pas de nature à lui assurer une certaine visibilité. Krivine analyse dans un thread le positionnement idéologique d’un ouvrage qui attaque « le système en place et la science supposée à son service ». Il a été établi que l’ouvrage, anonyme, était en fait l’œuvre du militant d’ultra-gauche Julien Coupat et, relayé par des sites comme Reporterre ou Égalité & Réconciliation, pourtant classé à l’extrême-droite.

COMPLORAMA. La crise en Ukraine a relancé la puissante machine à désinformation de la Russie, dont le complotisme est l’un des leviers. Ce conspirationnisme russe est nationaliste, anti-occidental, et nostalgique. « Le complotisme en Russie », c’est le 20e épisode de Complorama, avec Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, maître de conférence et membre de l’observatoire du conspirationnisme, spécialiste des cultures numériques. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l’application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcastsPodcast AddictSpotify, ou Deezer.

MALI. Moscou applique une stratégie anti-française très claire au Mali, avec d’abord l’envoi de 500 mercenaires de la société militaire privée russe Wagner en fin d’année 2021.  Le sentiment anti-français qui s’exprime au Sahel en s’appuyant sur une vaste entreprise de désinformation sur les réseaux sociaux, n’est pas créé par la Russie, mais il est utilisé et instrumentalisé par Moscou (source : Franceinfo, 25 janvier 2022).

ANTISÉMITISME. Des Juifs associés à la finance et aux médias, des Juifs soupçonnés d’être plus attachés à Israël qu’à la France, des Juifs agressés, contraints de dissimuler leur lien au judaïsme… L’enquête publiée le 26 janvier 2022 par l’American Jewish Committee (AJC) avec la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) et l’Ifop alerte sur la persistance des préjugés antisémites et l’exposition à la violence vécue par les Français juifs. Un dispositif d’enquête exceptionnel, par sa taille mais aussi par la diversité des thématiques abordées, qui permet d’apporter de nouveaux éclairages sur l’antisémitisme (source : AJC, Fondapol, 26 janvier 2022).

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À visionner, l’émission « Le Club Anti-complot » (LCI) du 28 janvier, qui revient avec le politiste Dominique Reynié, directeur de la Fondapol, sur les résultats du sondage. À lire également, l’interview d’Anne-Sophie Sebban-Bécache, présidente d’AJC Paris, dans Le DDV-Le Droit de Vivre (source : Le DDV, 27 janvier 2022).

ANNE FRANK. Dans un livre paru le 19 janvier dernier, Qui a trahi Anne Frank ?, la romancière canadienne Rosemary Sullivan présente les résultats d’une enquête initiée il y a six ans, dont les conclusions affirment qu’Anne Frank et sa famille, qui ont vécu pendant deux ans cachés dans l’annexe secrète d’un immeuble d’Amsterdam, auraient été trahis par Arnold van den Bergh, un notaire juif. Dans une interview au journal suisse SonntagsBlick traduite et reproduite par Conspiracy Watch, John D. Goldsmith, le président du Fonds Anne Frank, explique ses réserves face à cette entreprise. Pour lui, « le fait de diffuser une affirmation qui devient ensuite dans le débat public une sorte de fait confine à la théorie du complot » (source : Conspiracy Watch, 29 janvier 2022).

Pourquoi le livre « Qui a trahi Anne Frank ? » pose problème

samedi 29 janvier 2022 à 19:02

Pour le président du Fonds Anne Frank, « le fait de diffuser une affirmation qui devient ensuite dans le débat public une sorte de fait confine à la théorie du complot. »

Qui a trahi Anne Frank ?, de Rosemary Sullivan (HarperCollins, 2022).

Déportée avec sa famille à l’âge de quinze ans, Anne Frank est morte au camp de concentration de Bergen-Belsen (Allemagne) au début de l’année 1945. Dans un livre paru le 19 janvier dernier, Qui a trahi Anne Frank ?, la romancière canadienne Rosemary Sullivan présente les résultats d’une enquête initiée il y a six ans par un cinéaste et un producteur néerlendais, Thijs Bayens et Pieter van Twisk, et ayant mobilisé une équipe d’experts dirigés par un ancien agent du FBI à la retraite, Vincent Pankoke. Selon leurs conclusions, Anne Frank et sa famille, qui ont vécu pendant deux ans cachés dans l’annexe secrète d’un immeuble d’Amsterdam, auraient été trahis par Arnold van den Bergh, un notaire juif. Dans une interview au journal suisse SonntagsBlick, John D. Goldsmith, le président du Fonds Anne Frank (une ONG de droit suisse fondée par le père d’Anne Frank pour préserver sa mémoire), explique ses réserves face à cette entreprise. Entretien.

SonntagsBlick : En début de semaine, un groupe de chercheurs a déclaré avoir identifié l’homme qui avait trahi Anne Frank et sa famille. Comment avez-vous réagi à cette découverte ?

John Goldsmith : Nous étions au courant du projet. Nous espérions une recherche sérieuse et basée sur des faits. Mais nous avons été déçus par la manière dont cette « recherche » a été menée.

SonntagsBlick : Pourquoi ?

J. G. : Pour plusieurs raisons. Le Fonds Anne Frank à Bâle a un credo fondamental : on ne gagne pas d’argent sur le dos des victimes de l’Holocauste. L’enquête en question a toujours eu une vocation commerciale. Cela nous a inquiétés dès le début. Depuis sa parution, le Journal d’Anne Frank est qualifié de faux par les négationnistes. Actuellement, il est utilisé comme figure d’identification par les opposants à la vaccination. Dans un tel contexte, je me demande si ce projet n’est pas le symptôme d’un problème plus vaste dans notre rapport à l’histoire.

SonntagsBlick : Est-ce la raison pour laquelle le Fonds Anne Frank a pris ses distances avec les chercheurs il y a des années de cela ?

J. G. : Nous n’avons pas pris nos distances publiquement. Je serais toutefois prudent avec le terme de « chercheur ». Derrière le livre Qui a trahi Anne Frank ? se trouve une entreprise, pas une université. Lorsque cette entreprise nous a contactés il y a quelques années, nous avons décidé de ne pas coopérer, nous ne leur avons pas ouvert nos archives. Nous avons rapidement soupçonné que, pour des raisons commerciales, un travail sérieux et transparent ne serait pas possible. Bien entendu, nous avons invité l’équipe à poser des questions sur les documents. Nous n’avons jamais reçu aucune demande de la sorte.

SonntagsBlick : La recherche et la rentabilité sont-elles incompatibles ?

J. G. : La qualité et le commerce ne s’excluent pas forcément, comme nous le constatons régulièrement. Mais dans le cas présent, une enquête est livrée sous la direction d’un ancien agent du FBI, qui n’aurait pas pu s’en sortir avec son ancien employeur.

SonntagsBlick : Des historiens sont impliqués…

J. G. : Bien sûr. Mais aucun d’eux n’est spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et aucun n’est spécialiste de la question des dénonciations  des Juifs en Hollande. Nous avons rapidement pris conscience de l’absence de cette expertise, et cela se voit maintenant. Depuis lundi [17 janvier – ndlr], les experts déchirent le livre, on y trouve des erreurs factuelles presque à chaque page.

SonntagsBlick : De votre point de vue, quelle est la perspective manquante ?

J. G. : Tout d’abord, nous manquons tout simplement de preuves pour étayer ces thèses. Voyez-vous, rien qu’en Hollande, environ 20 000 Juifs se sont cachés pendant la guerre. Environ 8000 d’entre eux ont été dénoncés. Si l’on aborde cette thématique de la trahison, je souhaiterais que l’on ne se concentre pas uniquement sur Anne Frank. Mais sans son nom, le livre n’aurait sans doute pas attiré l’attention des médias en dehors des Pays-Bas.

SonntagsBlick : Comme vous le dites, les spécialistes n’ont pas tardé à réagir : des historiens néerlandais ont vivement critiqué le livre et l’ensemble de l’enquête. Le débat est-il clos pour autant ?

J. G. : La réaction a été rapide, surtout en Hollande. Mais au niveau international, le titre d’origine était là, sans être contredit. Le lecteur du Minnesota ou la lectrice du Chili ou d’ailleurs ont désormais cela en tête : Anne Frank a été trahie par un Juif. Point. Les dommages collatéraux pour la communauté juive sont importants, et il faudra des années de travail d’information pour en amortir les effets.

SonntagsBlick : Quels effets observez-vous actuellement ?

J. G. : Les antisémites se réjouissent. Sur les réseaux sociaux, la communauté juive, notamment aux Pays-Bas, fait l’objet d’une forte hostilité. Si l’histoire de cette trahison était vraie, il serait tout à fait normal d’en parler et de classer les preuves. Mais cette preuve n’a tout simplement pas été apportée. Le simple fait de diffuser une affirmation qui devient ensuite dans le débat public une sorte de fait confine à la théorie du complot. Et les théories du complot sont durables, nous le savons.

SonntagsBlick : L’équipe de chercheurs affirm qu’Arnold van den Bergh, un notaire d’Amsterdam et membre du Judenrat (le Conseil juif – ndlr) local, serait, avec une probabilité de 85%, l’homme qui a trahi la famille Frank. Que pensez-vous de cette conclusion ?

J. G. : Au tribunal, une personne est considérée comme coupable ou innocente, il n’y a pas de verdict de culpabilité sans preuve contraignante. Van den Bergh (mort en 1950 – ndlr) ne peut plus se défendre aujourd’hui. Il y avait des conseils juifs partout en Europe, tout comme il y avait des collaborateurs partout en Europe. C’est le contexte historique. Van den Bergh et beaucoup d’autres se trouvaient dans une situation impossible.

SonntagsBlick : On peut en discuter.

J. G. : Le rôle des conseils juifs doit être discuté, absolument, mais pas de cette manière. Maintenant, le message principal est : un Juif trahit des Juifs. Cela reste dans les mémoires et cela inquiète. La vérité est que des Hollandais ont trahi des Juifs dans le cadre d’un système de trahison sophistiqué. Il existe de nombreux livres et d’excellents travaux de recherche à ce sujet.

SonntagsBlick : Une partie de votre famille est originaire des Pays-Bas.

J. G. : Du côté de ma mère, oui. Et tout y était représenté : les cachés, les trahis, la résistance. Ce sont ces histoires de familles individuelles qui rendent le travail sur cette période si douloureux jusqu’à aujourd’hui.

SonntagsBlick : Selon vous, fallait-il simplement présenter un coupable à la fin ?

J. G. : Oui, c’est précisément là que réside la différence avec la recherche ouverte aux résultats. Le projet a démarré avec l’annonce de la résolution de la trahison. Dans le cas présent, un investissement devait porter ses fruits. La thèse principale n’est d’ailleurs pas nouvelle et a déjà été présentée par David Barnouw en 2003.

SonntagsBlick : Cependant, Van den Bergh avait déjà fait l’objet d’une enquête auparavant. Le père d’Anne Frank, Otto Frank, avait reçu une information anonyme à la fin de la guerre qui le désignait.

J. G. : Nous sommes ouverts aux recherches de qualité et les encourageons depuis des années avec des moyens importants. Mais nous considérons que notre mission est plutôt d’agir au présent. Ce n’est pas comme si l’antisémitisme et l’extrémisme de droite appartenaient au passé. Otto Frank a tourné son regard vers l’avenir. Il n’aurait guère pu diffuser le message du journal intime de sa fille et créer la fondation portant son nom s’il s’était contenté de regarder en arrière. Je trouve encore aujourd’hui admirable qu’il ait été en mesure de fonder une nouvelle vie.

SonntagsBlick : La tâche actuelle est entravée par la dernière enquête ?

J. G. : Elle ne contribue pas à la recherche de la vérité, mais à la confusion et est en outre pleine d’erreurs. Lorsque l’étude de thèmes historiques prend des formes aussi grotesques et absurdes, nous avons un problème en tant que société. Certes, l’Europe commémore le 27 janvier les victimes du nazisme, mais ce qui était considéré il y a quelques années encore comme un consensus social, par exemple en ce qui concerne l’Holocauste, est aujourd’hui contesté ou instrumentalisé politiquement. La négation ou la relativisation de l’Holocauste se répand à nouveau dans la société, qui est visiblement dépassée par la mise sur le même plan des faits et des théories du complot.

SonntagsBlick : Et ce, 75 ans après la première publication du Journal d’Anne Frank

J. G. : Le Journal est et reste une chance pour s’engager sur le sujet et au-delà. Cela aide à aborder avec respect de nombreux sujets qui agitent notre société.

 

Source : «Verschwörungstheorien bleiben lange haften», SonntagsBlick, 23 janvier 2022, propos recueillis par Simon Marti (tr. fr. : Conspiracy Watch).

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