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Conspiracy Watch | L'Observatoire du conspirationnisme

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Conspiracy News #25.2021

dimanche 20 juin 2021 à 11:28

L’actu de la semaine décryptée par Conspiracy Watch (semaine du 14/06/2021 au 20/06/2021).

RÉMY DAILLET. Rapatrié de Malaisie, Rémy Daillet Wiedemann a été mis en examen dans l’affaire Mia pour complicité d’enlèvement de mineur. Cette figure du mouvement complotiste est apparue publiquement pour la première fois le mercredi 16 juin à l’occasion d’une audience devant le juge des libertés et de la détention au sein de la cité judiciaire de Nancy. Alors qu’il s’agissait de savoir s’il devait être incarcéré, Daillet en a entre autres profité pour annoncer… sa candidature à l’élection présidentielle de 2022 (source : France Bleu, 17 juin 2021).

MARJORIE TAYLOR GREEN. Le 14 juin, après avoir visité le Musée de l’Holocauste de Washington (USHMM), Marjorie Taylor Green a présenté ses excuses pour avoir comparé, à plusieurs reprises, l’obligation de port du masque pour lutter contre le Covid-19 à la Shoah. La comparaison de l’élue trumpiste, représentante de Géorgie à la Chambre et adepte de la théorie QAnon, avait choqué démocrates comme républicains (source : CNN, 15 juin 2021 ; Paris Match, 15 juin 2021).

FRANCESOIR. Le 14 juin, l’AP-HP a démenti formellement les allégations du site de Xavier Azalbert, FranceSoir, concernant la prétendue hospitalisation « pour décompensation psychiatrique » du professeur Éric Caumes, chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière (Paris), annoncée quelques heures plus tôt.

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L’article publié par FranceSoir, qui tient plus du réglement de comptes que de l’enquête (le Pr Caumes étant devenu la bête noire des milieux complotistes en raison notamment de son ouvrage sur la maladie de Lyme), a suscité des commentaires complotistes comme celui-ci, relevé par le magazine Marianne : « Certains découvrent la vérité et sont enfermés en psychiatrie de peur qu’ils dévoilent le scandale Covid » (source : @APHP/Twitter, 14 juin 2021 ; Marianne, 16 juin 2021).

ALEXANDRA HENRION-CAUDE. Le Monde a consacré un portrait à Alexandra Henrion-Caude, ex-directrice de recherche à l’Inserm devenue une figure de la fronde contre les vaccins. La généticienne est apparue dans le film « Hold-up », bréviaire conspirationniste très populaire sorti à l’automne 2020. Elle ne fait pas non plus mystère de son engagement catholique. Elle a ainsi cofondé, en 2011, l’association Science en conscience, qui milite contre les essais cliniques sur l’embryon. Très active dans l’opposition à l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes lesbiennes, elle figure également parmi les membres du comité d’honneur de l’Association des scientifiques chrétiens (source : Le Monde, 14 juin 2021).

FRANCIS LALANNE. « Vaccin ? » Le tweet interrogatif signé Francis Lalanne a choqué plus d’un internaute le samedi 12 juin au soir. Alors que le joueur danois Christian Eriksen s’effondrait en plein match de l’Euro de football face à la Finlande, le chanteur a suggéré un parallèle entre la vaccination contre le Covid-19 et le malaise cardiaque du footballeur, s’attirant ainsi une salve d’insultes sur les réseaux sociaux. Des suspicions balayées quelques heures plus tard par le directeur de l’Inter Milan, le club où officie le Danois de 29 ans : non seulement Christian Eriksen n’a pas eu le Covid-19, mais « [il] n’a pas été vacciné non plus » (source : Le Parisien, 14 juin 2021).

Source : Twitter, 12/06/2021.

RICHARD BOUTRY. « Ces injections sont là pour reprogrammer l’ADN humain, c’est-à-dire transformer les injectés en potentiel démons ». Tel est le message que l’ancien journaliste Richard Boutry, engagé dans une opération de « sensibilisation » à travers la France, s’efforce de propager, affirmant recevoir des « rapports internationaux médicaux toute la journée » appelant à éviter la vaccination (source : @Nain_Portekoi/Twitter, 17 juin 2021).

À visionner dans le même registre, le reportage réalisé par Julien Pain lors d’un rassemblement covido-sceptique près d’Avignon début juin. Le journaliste de « Vrai ou Fake », le service de fact-checking de France Info, y a notamment rencontré Richard Boutry et Francis Lalanne. Une immersion dans les réseaux de la désinformation.

COMPLOTISME ÉLECTORAL. Cette partie sera mise à jour le 21 juin 2021, au lendemain des élections régionales et départementales.

« PENSER PAR SOI-MÊME ». « N’importe qui peut comprendre qu’une espèce complexe comme la nôtre vit dans un monde qui est le fruit d’un processus cumulatif d’innovations transmis de génération en génération. Même si l’expression est un peu grandiloquente, nous sommes tous juchés sur les ‘épaules des géants’ qui nous ont précédés… » Dans un entretien avec la rédaction de Conspiracy Watch, Sebastian Dieguez, chercheur en neuroscience cognitives à l’Université de Fribourg et auteur de Total bullshit ! Au cœur de la post-vérité (PUF, 2018), revient sur un lieu commun du discours conspirationniste : l’idée qu’on pourrait penser seul, par soi-même… (source : Conspiracy Watch, 17 juin 2021).

ROMANA DIDULO. Fin mai 2021, une certaine Romana Didulo, domiciliée en Colombie-Britannique (Canada) et fondatrice du mouvement « Canada1st Party of Canada », a publié une lettre ouverte par laquelle elle ordonne la cessation de toute mesure sanitaire contre le Covid-19. Se présentant comme la « reine du Canada », soutenue par des activistes QAnon, elle promet de faire exécuter qui ne lui obéirait pas. Ses fans « se sont organisés en groupes locaux pour envoyer en masse leurs revendications par courriers électroniques, par lettres recommandées ou simplement pour se rendre dans des magasins ou des commissariats afin de les distribuer physiquement » (source : Vice.com, 17 juin 2021).

BERNARD LACHANCE. Auteur, compositeur et interprète quebécois, Bernard Lachance est mort du sida le 11 mai 2021, à l’âge de 46 ans. Avant sa mort, l’artiste s’était soumis à plusieurs traitements naturels pour se « détoxifier » de sa trithérapie. Sa famille croit que ces traitements alternatifs ont donné à Bernard Lachance, séropositif, de faux espoirs, et que ses mentors conspirationnistes l’ont influencé dans son rejet de la médecine conventionnelle (source : Radio-Canada, 2 juin 2021). Une lecture à compléter par le visionnage d’un reportage saisissant de Brigitte Noël pour Radio-Canada.

DÉPLATEFORMAGE. Suspendre des comptes extrémistes des grandes plateformes sociales semble produire des effets concrets. Ces comptes ne parviennent pas, par la suite, à reconstituer leur audience initiale sur les plateformes dites alternatives où ils se réimplantent, comme le montre une étude réalisée par le journaliste Adrian Rauchfleisch et le chercheur en communication Jonas Kaiser (source : SSRN, 15 juin 2021).

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BOBARDS D’OR. Chaque année depuis 2010, la fondation d’extrême droite Polemia, présidée par Jean-Yves Le Gallou, organise la cérémonie des « Bobards d’or », qui distingue les journalistes « qui n’hésitent pas à mentir délibérément pour servir le politiquement correct ». Celle du 14 juin a notamment rendu hommage au « courageux Français » qui a giflé Macron et a accueilli Thaïs d’Escufon, ex-militante de Génération identitaire. Dans son discours de clôture de la soirée, Jean-Yves Le Gallou a mis en garde contre le « bobard total, mondial, global avec le COVID, l’élection américaine ou Black Lives Matter : aujourd’hui tout est bobard » (source : Pierre Plottu/Twitter, 15 juin 2021).

DOMINIQUE DELAWARDE. Le parquet de Paris a annoncé vendredi 18 juin avoir ouvert une enquête au sujet de Dominique Delawarde, un général à la retraite depuis le milieu des années 2010, accusé d’avoir proféré le jour même des propos antisémites sur la chaîne de télévision CNews. « Vous savez bien qui contrôle la meute médiatique dans le monde et en France » a déclaré Delawarde, en réponse aux questions du journaliste Claude Posternak, avant de se voir presser de préciser sa pensée et de répondre : « la communauté que vous connaissez bien ». M. Delawarde est l’un des vingts généraux à avoir signé une tribune de militaires publiée mi-avril dans l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs Actuelles (source : Le Monde, 18 juin 2021).

Une lecture à compléter par celle d’un thread du compte @GastonCremieux, qui permet de mesurer l’ancrage de cet antisémitisme, que certains ont cherché à nier ou à relativiser.

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LECTURE. Plus une semaine ne passe sans que le complotisme, par la déclaration tonitruante d’une personnalité médiatique, ne soit mis en avant dans l’actualité. Chercheuse au CNRS, spécialiste des croyances, Sylvie Taussig vient de faire paraître Le système du complotisme (éd. Bouquins), un ouvrage où elle réinscrit ce phénomène dans une perspective historique et intellectuelle. Elle y décortique le mode de pensée conspirationniste et montre qu’il s’agit là d’une idéologie intrinsèquement liée à la modernité (source : L’Express, 17 juin 2021).

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« Union Essentielle » : le double discours d’une liste complotiste

vendredi 18 juin 2021 à 18:04

Le collectif « Union Essentielle » fait figure d’invité inattendu des élections régionales et départementales. Les revendications en apparence anodines de ce ce « collectif citoyen » dissimulent mal une approche covido-sceptique teintée de conspirationnisme.

Martin Villette et Shella Gill, candidats d’« Union Essentielle » en Auvergne-Rhône-Alpes (capture d’écran YouTube/La Chaîne populaire, 13/06/2021).

Dimanche 20 juin, neuf listes s’affronteront en Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes lors du premier tour des élections régionales. Dans le sillage des listes citoyennes « Un Nôtre Monde » et « France Démocratie Directe », le collectif « Union Essentielle » entend « s’engager dans la voie de la Démocratie directe, avec et pour le Peuple, dans la bienveillance et l’intelligence collective. » La charte de la liste nouvellement créée, bien que floue et généraliste, semble pavée des meilleures intentions du monde : « respect des Droits de l’homme », amour de la nature, combat contre la corruption, valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité face à « l’ingérence, aux incohérences et aux conflits d’intérêts des pouvoirs publics »

Le mouvement a bénéficié d’une relative couverture médiatique à l’échelle locale. C’est ainsi que Benjamin Boucher, tête de liste aux régionales dans le Cantal, déclarait à La Montagne être « pour la liberté de choisir le masque lorsqu’il n’a pas de raison d’être imposé ». Le 29 mai dernier, Shella Gill saisissait l’opportunité des micros de France Bleu pour questionner elle aussi la dangerosité du masque, en particulier pour les enfants. En somme, des oppositions à la gestion sanitaire du Gouvernement mais rien de bien complotiste pour ces néophytes de la politique.

Des relais médiatiques douteux

Sauf que les têtes de liste d’« Union Essentielle » ont également reçu des relais médiatiques influents de la part de la scène complotiste. Le 16 juin, FranceSoir, acteur majeur de la désinformation dans l’Hexagone, a permis à Shella Gill de donner de la visibilité à sa liste citoyenne. Dans une vidéo, partagée sur le site officiel du mouvement, la tête de liste dans l’Hérault Anne Bolatre Villain est interviewée par le Gilet jaune Oliv Oliv. Ce dernier, récemment accueilli sur le plateau de l’émission « Touche Pas à Mon Poste » (C8), est également connu pour avoir donné la parole à des personnalités éminentes de la complosphère telles que Richard Boutry, le réalisateur du film « Hold-up » Pierre Barnérias ou encore Francis Lalanne – qu’on ne présente plus. De plus, comme le souligne France info, « Union Essentielle » ainsi que les listes « Un Nôtre Monde » et « France Démocratie Directe » sont reliées à Louis Fouché, fondateur du site REINFO COVID et figure de proue des covido-sceptiques.

Bien que le discours tenu sur tout type de médias ne permet pas de confirmer des penchants clairement conspirationnistes, un simple examen des réseaux sociaux des têtes de liste permet de lever le doute. Comme l’ont justement souligné Numerama et Le Parisien, les publications sur les pages Facebook de certains candidats affichent des opinions directement liées à la complosphère. Des articles qui ont justement été mal digérés par la liste qui s’est octroyée sur son site un droit de réponse au Parisien, qualifiant le travail des journalistes de « propagande aux ordres des milliardaires qui les emploient » au service de la « Pensée Unique ».

« Complotiste je suis. Complotiste je serai »

Sur plusieurs profils publics des têtes de liste, les propos conspirationnistes sont beaucoup plus désinhibés. Fabien Clier, candidat en Savoie, affiche sur son compte Facebook une illustration réalisée par ses soins associant un QR code (comprendre, le pass sanitaire) et une étoile jaune.

Source : Facebook, 05/03/2021.

Il indique avoir retiré ses enfants de l’école pour les sortir de « l’endoctrinement de l’Education Nationale » et partage régulièrement les interventions de Louis Fouché (Anne Bolatre-Villain en est également coutumière). Les abonnements et mentions « J’aime » permettent également de se faire une bonne idée de l’univers idéologique des candidats. Sur le compte Facebook de la tête de liste pour la région Occitanie Anthony Le Boursicaud, on retrouve par exemple la page de Christian Perronne, le site Wikistrike, RT France ou BTLV. Sandra Haury, candidate dans la Loire, partage quant à elle aujourd’hui une vidéo de Richard Boutry.

Même son de cloche dans l’Aveyron où la tête de liste, Hector Girault, partage sur son compte Facebook « la Minute de Ricardo », chronique quotidienne de Richard Boutry. Le 7 juin, il écrit : « Complotiste je suis. Complotiste je serai, tant que certains personnages amèneront à la supercherie des millions de crédules qui leur faisaient confiance. »

La page Facebook du mouvement n’est pas en reste. A côté de publications illustrant les coulisses de campagne des candidats, elle relaie fièrement les soutiens des figures bien connues de la complosphère : Louis Fouché, Francis Lalanne ou Richard Boutry. Le 17 juin, « Union Essentielle » partage une vidéo sur les vaccins affirmant que les Français ne sont que les cobayes de l’industrie pharmaceutique. Les candidats participent également à des événements contre la « dictature sanitaire » comme le 11 juin dernier devant la Gare Saint-Roch à Montpellier.

Une ligne floue, des ambitions claires

La ligne officielle d’« Union Essentielle » se résume facilement : mouvement citoyen spontané et indigné par la gestion sanitaire, favorable à une démocratie directe et soutenu par des idées écologistes. On sent pourtant bien que cette liste a émergé grâce aux réseaux de dénonciation de la « dictature sanitaire ». Si elle souhaite surfer sur cette tendance, elle cherche aussi à modérer son discours face à des médias plus grand public, certainement pour esquiver le procès en conspirationnisme. C’est par des annonces en forme de clin d’œil qu’elle s’adresse à son électorat-cible, comme la proposition de construire des IHU en Auvergne inspiré du modèle marseillais de Didier Raoult. Conscients que leurs chances sont minces, quelques candidats se sont exprimés sur la stratégie à adopter au second tour. C’est le cas de Stéphane Espic, tête de liste en Haute-Savoie, qui envisage de rallier la liste écologiste.

Si l’impact sera faible pour ces élections, l’émergence de listes sensibles aux théories complotistes peut inquiéter, d’autant qu’« Union Essentielle » n’est qu’une des émanations du mouvement covido-sceptique. « France Démocratie Directe » et surtout « Un Nôtre Monde », pourraient obtenir de meilleurs résultats. Et ils ambitionnent déjà des alliances, voire une candidature à la présidentielle… Par chance, Rémy Daillet-Wiedemann a annoncé avant-hier son intention de briguer l’Elysée.

 

Voir aussi :

[PODCAST] Régionales : ces complotistes aux ambitions politiques

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Sebastian Dieguez : « Non seulement on ne peut pas “penser par soi-même”, mais on le peut en fait de moins en moins »

jeudi 17 juin 2021 à 17:51

Chercheur en neuroscience cognitives à l’Université de Fribourg et auteur de Total bullshit ! Au cœur de la post-vérité (PUF, 2018), Sebastian Dieguez revient sur un lieu commun du discours conspirationniste : l’idée qu’on pourrait penser seul, par soi-même… Entretien.

Sebastian Dieguez (capture d’écran RTS, 3 juin 2020).

Conspiracy Watch : Sur le plateau d’une émission de la RTS l’année dernière, vous avez soutenu qu’on ne pouvait pas « penser par soi-même ». Cela vous est reproché aujourd’hui sur la base d’un extrait tronqué de l’émission qui est diffusé sur les réseaux sociaux. Que vouliez-vous dire précisément ?

Sebastian Dieguez : Je ne m’attendais vraiment pas à ce que le simple fait de dire qu’on ne peut pas penser par soi-même produise un effet aussi puissant, du coup j’ai bien envie d’en rester là et de laisser tourner la machine… Il faut dire que c’est d’une grande beauté : d’un côté les complotistes sont outrés qu’on puisse mettre en doute leur fabuleuse faculté de découvrir les dessous de l’Histoire tous seuls dans leur tête, et de l’autre côté les sceptiques et autres zététiciens sont consternés par cette attaque frontale contre l’idée qu’ils se font du sacro-saint « esprit critique » (bien entendu, ils « comprennent » ce que j’ai voulu dire, mais apparemment il ne faudrait pas dire des choses pareilles à la télévision). Bref, tout le monde voudrait pouvoir « penser par soi-même » en paix… On dirait qu’il y a un certain idéal romantique de l’authenticité qui est devenu un impératif culturel d’individualisme forcené, comme si personne ne devait jamais rien à personne, et que toute remise en cause de cet idéal était immédiatement perçu comme une insulte, ou au moins une atteinte grave à l’intégrité intellectuelle, et même morale, des individus.

Il y a évidemment une longue histoire de l’idée d’« être soi-même », qui est admirablement retracée par un livre du philosophe Claude Romano qui porte précisément ce titre et que je recommande chaleureusement. Depuis l’Antiquité, l’idéal d’un individu libre, autonome, parfaitement singulier et autodéterminé se heurte au simple fait que nous sommes une espèce sociale. Personne n’est une île, et si la « pensée par soi-même » doit finalement se concevoir comme une sorte de capacité à choisir parmi toutes les pensées disponibles « en dehors » de soi, on voit bien que le concept prend un sens très spécifique. Naturellement, chacun comprend que l’idée de base est de ne pas se laisser gouverner et conduire par des pensées imposées par d’autres, par exemple par les autorités, la religion ou la tradition. Mais le problème est que ce genre de « pensées », précisément, n’en est pas !

D’où un paradoxe embarrassant : soit on pense exclusivement « par soi-même », mais alors on n’a plus vraiment de matière à penser autres qu’une poignée d’idées a priori ; soit on pense exclusivement « pas par soi-même », mais alors on ne pense pas du tout. Conclusion, il faut une sorte de compromis où on s’efforce de rester « soi-même » tout en se frottant aux idées d’autrui et voir ce qu’il en sort. Mais si c’est ça, « penser par soi-même », autant simplement dire « penser » tout court, on gagnera du temps.

CW : Quel lien faites-vous entre le déni de l’endettement intellectuel qui est le nôtre à l’égard de nos prochains et le complotisme ?

S. D. : N’importe qui peut comprendre qu’une espèce complexe comme la nôtre vit dans un monde qui est le fruit d’un processus cumulatif d’innovations transmis de génération en génération. Même si l’expression est un peu grandiloquente, nous sommes tous juchés sur les « épaules des géants » qui nous ont précédés, nous avons tous commencé à penser au contact de nos parents et de nos proches, nous avons tous reçus une éducation et lu des livres, nous baignons tous dans des cultures foisonnantes d’idées, de traditions, de préjugés, de normes et d’influences, nous nous exprimons même à travers un système de signes que nous n’avons pas inventé nous-mêmes… Bon sang, c’est l’évidence que nous ne pensons pas « par nous-mêmes » !

Mais ce que cette affaire m’a fait découvrir est encore plus étrange. J’ai vraiment été surpris de voir à quel point les complotistes prennent au sérieux leurs propres manœuvres rhétoriques. Il faut vraiment se représenter le grotesque de la situation : des gens que je ne connais pas tiennent absolument à me faire savoir que eux, contrairement à ce que je dis, sont capables de « penser par eux-mêmes ». C’est dingue quand même ! Il y a donc tout lieu de penser que cette idée de « penser par soi-même » joue un rôle, dans le complotisme, beaucoup plus central que ce qu’on pourrait, de prime abord, l’imaginer.

A cet égard, une autre injonction habituelle des complotistes, celle selon laquelle il faut « faire ses propres recherches », est tout aussi fascinante (et risible). On sait bien que « faire ses propres recherches » consiste généralement, dans la complosphère, à simplement consulter et recracher les âneries proférées par d’autres complotistes, souvent des espèces de gourous stupides et incompétents qui déversent leur ignorance sur Internet. Quel boulot ! Et notons qu’en plus d’être ridicule, cette injonction est en fait contradictoire avec l’idée de « penser par soi-même ». C’est pareil pour cet autre idiotisme complotiste : « on pose juste des questions ». Mais s’il faut « juste » poser des questions, ou « faire ses propres recherches », c’est bien qu’on n’arrive pas tout à fait à penser juste par soi-même, non ? Et si on a déjà « pensé par soi-même », quelle genre de réponses ces « questions » et ces « recherches » visent-elles alors à obtenir ? Bref, on en arrive à une situation où tous ces gens « pensent » exactement la même chose « par eux-mêmes », et vont s’empresser de le « liker » et de le « partager » auprès de leurs semblables. Le seul fait que tous ces brillants esprits me tombent dessus en même temps montre assez à quel point ils ont pensé « par eux-mêmes » !

Voici donc une hypothèse : il me semble que la seule façon de se protéger d’une position aussi instable et vulnérable consiste à se convaincre que l’on « pense par soi-même », et la faiblesse inouïe de ce dispositif naïf explique à mon avis la virulence des réactions suscitée par ma remarque somme toute parfaitement banale. Ce n’était pas le but recherché du tout, mais en disant qu’on ne peut pas penser par soi-même, j’ai visiblement ôté à pas mal de monde le seul motif de fierté qui leur restait.

CW : Vous avez travaillé sur le « platisme », un terme qui désigne l’ensemble des discours affirmant que la Terre n’est pas ronde mais plate. Quels sont les principaux enseignements que vous en avez tiré ?

S. D. : C’est un cas d’étude absolument passionnant. Quand j’ai commencé à entendre ces histoires de Terre plate, aux alentours de 2016, ma première réaction a été celle d’une lassitude bientôt doublée d’un profond désintérêt. Encore une ânerie destinée à nous faire perdre notre temps… Mais je travaillais alors sur les rapports entre complotisme et créationnisme, et on voit bien, depuis, à quel point ces différents types de croyances « non-conventionnelles », pour utiliser un euphémisme habituel en sciences sociales, partagent en fait de profondes affinités.

Il se trouve qu’historiquement, le platisme n’était qu’une frange plutôt marginale de mouvements fondamentalistes chrétiens dans le paysage anglo-saxon. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, en Angleterre, un bonimenteur itinérant se faisant appeler (entre autres noms et pseudonymes) Samuel Rowbotham, allait expliquer à qui voulait l’entendre, dans des conférences spectaculaires, que la Terre était plate, une réalité fondée selon lui à la fois sur la science, la logique, la Bible et l’intuition personnelle. Les aventures de cet excentrique, et des quelques platistes militants qui l’ont sporadiquement suivi jusqu’à l’extinction progressive du « mouvement » autour des années 1970, sont très instructives. Tout d’abord, elles montrent que le platisme, contrairement à une idée-reçue assez tenace (et relayée, bien évidemment, par Francis Lalanne récemment), n’a jamais été une idée très populaire. Eh non, nos « ancêtres » n’ont jamais vraiment cru que la Terre était plate, ou du moins il n’y a quasiment aucune donnée qui documenterait la popularité d’une telle croyance. En fait, il est probable que pendant une bonne partie de l’histoire de l’Humanité, on se fichait tout simplement de savoir de quelle forme était la « Terre ». Si la question devait se poser, on pouvait parfois proposer de drôles de compromis entre platitude et rotondité, mais pour l’essentiel l’idée était plutôt largement acquise dans les cercles intellectuels, au moins depuis Aristote, qu’elle était « théoriquement » ronde. Avancer que la Terre était plate, dès lors, a quasiment toujours été une proposition provocante et incongrue, en tout cas jamais une évidence.

Nous avons étudié le platisme, avec mon collègue Pascal Wagner-Egger, sous de multiples angles, qui tous aboutissent à cette idée que le platisme n’est pas vraiment une croyance, mais plutôt un outil de distinction personnel et social : on n’affirme pas que la Terre est plate en dépit du fait que c’est une idée controversée, mais parce que c’est une idée controversée. Et c’est même la plus controversée qui soit, puisque l’idée de Terre plate est quasiment une icône de l’irrationnalité, dont on se sert sarcastiquement pour disqualifier tout discours un peu farfelu (ou jugé tel). C’est en gros la plus grande et la plus connue des stupidités que vous puissiez proférer pour vous faire remarquer, ce que j’appelle le « boss final » des théories du complot. C’est clair et net d’un point de vue historique : Samuel Rowbotham défendait une philosophie (qu’il appelait, c’est amusant, la « zététique ») dont le platisme était en quelque sorte l’aboutissement logique, et qui stipulait en gros qu’il fallait toujours « penser par soi-même », se fier à ses intuitions (et à la Bible), et ne pas croire un mot de ce que disent les experts, les instituteurs, les journalistes et les scientifiques sans avoir fait « ses propres » vérifications. C’est très contemporain, et il n’est pas surprenant que son œuvre majeure Astronomie Zététique soit aujourd’hui rééditée (on pourrait aussi bien vendre une Epidémiologie Zététique).

CW : Vous avez publié un important article sur le platisme avec Pascal Wagner-Egger* dans lequel vous examinez le développement de la croyance en la rotondité de la Terre chez les jeunes enfants, les positions de certains philosophes et penseurs contemporains sur le sujet, l’émergence et la propagation du platisme sur les plateformes en ligne (en particulier YouTube), ainsi que les données d’une enquête d’opinion comprenant un item sur la forme de la Terre. Quel est le rapport avec le complotisme ?

S. D. : Le platisme est évidemment un complotisme : dès le XIXe siècle, la véritable forme de la Terre importait moins à ces hurluberlus que le fait qu’elle soit dissimulée au public par une sorte de vaste conjuration (dans quel but ? Voilà, pour le coup, une « zone d’ombre » intéressante). Brièvement, nos analyses montrent que si le platisme est relativement rare, il s’imbrique de façon très intéressante dans une structure de croyances linéaire et hiérarchique (qui n’est rien d’autre que ce que j’appelle le « complotisme ») : d’une part, il est quasiment impossible de croire (ou plutôt d’affirmer croire) que la Terre est plate sans adhérer à beaucoup d’autres théories du complot (et autres croyances associées, en particulier le négationnisme et le créationnisme) ; et d’autre part, l’intensité de la croyance est directement proportionnelle au nombre de théories du complot acceptées. Cela veut dire qu’il est assez rare de croire « un peu » à beaucoup de théories du complot, ou « beaucoup » à une seule et pas du tout aux autres. C’est cela le complotisme. Et le platisme en est simplement l’aboutissement le plus extrême, dans lequel s’emboîtent d’autres idées complotistes.

Pour en revenir à notre sujet, il me semble qu’il est impossible d’interpréter cette résurgence inattendue (et peut-être déjà un peu passée, depuis qu’on a eu les joyeusetés du Pizzagate, de QAnon et du Covid-19) du platisme sans l’intégrer dans cette valorisation à outrance de la « pensée par soi-même ». Il s’agit, dans le fond, de montrer à quel point on est capables de « penser par soi-même » et déterminés à le faire, plutôt que de penser réellement. La Terre plate est simplement un repoussoir, pour ainsi dire disponible, « clés en main », qui permet d’afficher très efficacement le prix que l’on est disposé à payer afin de passer pour un penseur radical. Le prix à payer est purement social, bien évidemment, puisque le travail à fournir pour « prouver » que la Terre est plate a déjà été « effectué » par d’autres, à commencer par Rowbotham (qui avait fait largement le « tour » de la question, si l’on peut dire). Il n’y a en fait, à ma connaissance, aucun argument nouveau sur cette question, ce sont toujours des histoires d’horizon plat, de niveaux d’eaux suspects, etc. A nouveau, on retrouve ce paradoxe amusant : « penser par soi-même » aboutit immanquablement à produire du réchauffé…

Ce qui soulève une question beaucoup plus intéressante que le platisme, et sur laquelle le dramaturge George Bernard Shaw avait ironisé : pourquoi croit-on que la Terre est ronde, au juste ? Le fait qu’autant de gens en soient persuadés, disait Shaw, prouvait bien qu’on était, à son époque, au moins aussi crédules, sinon plus, qu’au Moyen-Âge. Et George Orwell a rebondit sur cette boutade, dans un essai savoureux publié en 1946 : Comment prouver que la Terre est ronde ? Comme Shaw, Orwell faisait remarquer que très peu de personnes sont en réalité capables d’expliquer pourquoi la Terre est ronde, et comment ils savent qu’elle l’est. Moins sarcastique que son prédécesseur, l’auteur de 1984 en concluait qu’il devait nécessairement en être ainsi dans une époque où « le poids du savoir que nous devons porter » est devenu impossible à gérer pour des personnes isolées. Et c’est bien pour cela que non seulement on ne peut pas « penser par soi-même », mais on le peut en fait de moins en moins. Tout le monde, et surtout les scientifiques, est aujourd’hui quasiment totalement dépendant de savoirs produits par d’autres, et même ceux qui produisent ces savoirs n’y ont accès que par portions fragmentées. Cet état de « dépendance épistémique », selon le terme du philosophe John Hardwig, est notre lot quotidien, et c’est à mon avis très bien ainsi. Je ne peux pas me lever tous les matins pour résoudre des problèmes qui ont déjà trouvé leur solution depuis des dizaines de générations, j’ai mieux à faire. Et n’étant ni navigateur, ni astronome, ni géologue, je n’ai en fait pas vraiment besoin de savoir exactement pourquoi la Terre est ronde. Mais pour reprendre une boutade de Wittgenstein, je serai tout de même curieux de savoir à quoi notre planète devrait ressembler pour que les platistes la trouvent intuitivement et suffisamment ronde à leur goût…

 

* Dieguez, S. & Wagner-Egger, P., « Réflexions sur la forme de la Terre », in J. Baechler & G. Bronner (dirs.), L’Irrationnel aujourd’hui (pp. 323-400), éd. Hermann, 2021.

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« Vrai ou fake » en immersion chez les complotistes covido-sceptiques

mardi 15 juin 2021 à 10:32

Dimanche 6 juin 2021, Julien Pain, journaliste pour « Vrai ou fake » sur France Info, s’est rendu à « l’Université citoyenne », un événement organisé par des groupes covido-sceptiques à Avignon. Il y a croisé plusieurs Gilets jaunes comme Jérôme Rodrigues, ainsi que des têtes d’affiche de la désinformation anti-vaccinale et du complotisme comme Alice PazalmarRichard Boutry, Louis Fouché ou Francis Lalanne.

Réalisation : Julien Pain et Alexandre Gras ; montage : Florian Dumont et Stéphane Girbal.

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Conspiracy News #24.2021

dimanche 13 juin 2021 à 13:11

L’actu de la semaine décryptée par Conspiracy Watch (semaine du 07/06/2021 au 13/06/2021).

JEAN-LUC MÉLENCHON. Depuis son interview sur France Inter dimanche 6 juin, où il a prédit qu’un « un grave incident »« écrit d’avance », se produirait dans la dernière semaine de la campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a déclenché la colère des familles de victimes des attentats terroristes et fait l’unanimité de la classe politique contre lui. Depuis, le député des Bouches-du-Rhône explique qu’il entendait pointer l’instrumentalisation politique des faits divers et attaques commises avant la présidentielle, sans retirer ses propos. Dérapage ou stratégie populiste ? Selon Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, le leader de La France Insoumise (LFI) n’en est pas à son coup d’essai en matière de complotisme. Interview (source : L’Obs, 11 juin 2021).

À noter que l’émission Quotidien a braqué les projecteurs sur les déclarations aux accents conspirationnistes faites par le chef de file de LFI à propos de la panne d’Orange, le 2 juin, qui a empêché d’acheminer de nombreux appels vers les numéros d’urgence (cinq décès sont reliés à l’incident) : « Je trouve ça suspect, parce que ça rentre dans un système… À chaque fois qu’il s’agit de privatiser quelque chose, on commence par montrer que le service public ne fonctionne pas. […] Et bah maintenant vous avez un exemple de ce qui ne marche pas ! » (source : Quotidien/Twitter, 7 juin 2021).

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À lire sur le même sujet, la chronique de Saïd Mahrane, posant lui aussi la question de la place du complotisme dans l’action du leader de LFI (source : Le Point, 7 juin 2021).

À noter que ces propos de Mélenchon ont été salués par Francis Lalanne, pour qui le député de la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône « a brisé l’omerta du système politique » (source : Tristan Mendès France/Twitter, 7 juin 2021).

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LE DESSIN DE LA SEMAINE. Le regard de notre collaborateur Morgan Navarro sur la manière dont Jean-Luc Mélenchon a tenté de justifier ses propos complotistes (il a fustigé les « complotistes anticomplotistes » qui auraient selon lui déformé sciemment ses propos).

PAPACITO. Au lendemain de ses propos controversés sur France Inter, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé la menace directe que représentait le youtubeur Papacito qui avait mis en ligne, la veille, la vidéo d’un simulacre d’exécution d’un électeur de LFI. On se reportera au thread de notre rédaction, pour éclairer les idées de ce pourfendeur du « mondialisme », des lois « scandinavo-maçonniques » et de la « République satanique » (source : Conspiracy Watch/Twitter, 8 juin 2021). Plusieurs responsables politiques, dont Jean-Luc Mélenchon, ont porté plainte contre Papacito. Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris pour « provocation au meurtre » (source : L’Obs, 9 juin 2021).

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GIFLE. L’épisode de la gifle d’Emmanuel Macron, une opération de communication ? L’agression du président de la République le mardi 8 juin à Tain (Drôme) a rapidement donné lieu à des théories farfelues voire complotistes sur les réseaux sociaux. D’après certains internautes, l’incident serait une mise en scène. Certains ont ainsi accusé à tort le gifleur, Damien T., d’être un acteur, tandis que d’autres ont vu dans cette séquence un moyen de susciter la sympathie auprès de la population… (source : 20 Minutes, 9 juin 2021).

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Un profil idéologique assez net de l’agresseur semble pourtant se dégager, comme le montre son intérêt marqué pour les chaînes YouTube d’extrême droite (source : Libération, 8 juin 2021).

ENFARINAGE. L’individu qui a enfariné Jean-Luc Mélenchon samedi 12 juin à Paris s’est présenté comme un « souverainiste qui ne croit pas au débat ». C’est en fait un youtubeur proche de l’extrême droite selon le journaliste Sébastien Bourdon et le porte-parole jeunesse de la France Insoumise David Guiraud (sources : Sébastien Bourdon/Twitter, David Guiraud/Twitter, 12 juin 2021).

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LOUIS FOUCHÉ. Anesthésiste-réanimateur, Louis Fouché est à la fois un contempteur des géants du numérique et le premier à user des réseaux sociaux pour coordonner les actions de Réinfo Covid, le collectif anti-restrictions sanitaires qu’il a fondé en 2020 et qui revendique, selon lui, plus de 4 000 membres chez les soignants et les universitaires. Devenu spin doctor de la France anti-vaccins, il mène une guerre culturelle dans laquelle il préconise d’« inonder YouTube, Facebook, Twitter ». Portrait d’un influenceur devenu stratège (source : Le Monde, 8 juin 2021).

À noter que le collectif Reinfo Covid dispose d’un stand d’information dans le centre-ville de Toulouse le samedi, pour aller au devant du public. Cette vitrine pose problème lorsque l’on sait que le collectif est accusé de « dérives complotistes » et « sectaires » et qu’il est désormais dans le viseur du Conseil national de l’Ordre des médecins (source : La Dépêche, 8 juin 2021).

RICHARD BOUTRY. Présentateur de l’émission « Vrai ou Fake », Julien Pain est allé à la rencontre de l’ex-journaliste Richard Boutry, aujourd’hui influenceur complotiste. Au sujet des autorités, l’homme parle « d’apprentis sorciers qui se prennent pour des créateurs et qui aujourd’hui veulent changer le monde (…) et détruire une partie de l’humanité », ajoutant que « c’est pas être un illuminé que de penser ça » (source : Julien Pain/Twitter, 11 juin 2021). Ce pourfendeur de la politique sanitaire du gouvernement est aussi un partisan de la théorie de la « grand réinitialisation » (« Great Reset ») (source : FranceTVinfo, 10 juin 2021). Voir également la notice que nous avons consacrée à Richard Boutry.

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MANIPULATIONS HISTORIQUES. Dans sa chronique hebdomadaire sur France Inter, Tristan Mendès France s’est intéressé le 11 juin à la question de l’instrumentalisation de l’Histoire par la mouvance covido-complotiste. Notre collaborateur a dressé la liste de parallèles historiques servant couramment à dénoncer les restrictions ou les contraintes sanitaires : dictature, collaboration, Vichy, étoile juive, nazisme, goulag, inquisition, génocide, apartheid, ou même Pol Pot et Corée du Nord. La comparaison la plus populaire reste de loin celle qui fait référence à la persécution des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale (source : France Inter, 11 juin 2021).

Une écoute à compléter par les images du reportage de Julien Pain, parti à la rencontre d’opposants à la politique sanitaire. « La France est une dictature, se voit expliquer le journaliste. On se rapproche du régime nazi » (source : Julien Pain/Twitter, 11 juin 2021).

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HARCÈLEMENT. Le sénateur Bernard Jomier, médecin généraliste et président de la Mission d’information Covid-19, a dénoncé dans une question au ministre de la Santé le harcèlement dont les porteurs de la parole scientifique sont l’objet de la part de milieux complotistes et anti-vaccination. Des membres de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille semblent, d’après le sénateur, participer à ce harcèlement qui se traduit notamment par des menaces de procédures judiciaires (source : Bernard Jomier/Twitter, 10 juin 2021).

COMPLOPTISME SPATIAL. Le complotisme spatial est un des sujets qui nourrit les thèses les plus folles. De QAnon au gourou Raël, les adeptes de ces thèses conspirationnistes concernant l’espace sont le plus souvent liés de manière globale à l’univers complotiste, covido-sceptiques, ou membres de mouvances d’extrême droite. « La conquête complotiste de l’espace », c’est le 10e épisode de Complorama, avec Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, maître de conférence et membre de l’Observatoire du conspirationnisme, spécialiste des cultures numériques. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l’application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcasts, Podcast Addict, Spotify, ou Deezer.

ANTISÉMITISME. « Saviez-vous que treize Juifs contrôlent ce que dit la BBC ?…les informations sont partiales… elles sont en faveur des sionistes ». Ces affirmations ont été proférées publiquement lors d’une manifestation antisioniste à Manchester le 22 mai dernier (source : Simone Rodan-Benzaquen/Twitter, 9 juin 2021).

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L’Institute for Strategic Defense examine dans un nouveau rapport la question de l’antisémitisme en ligne qui, comme on le sait, s’est fortement développé à l’échelle mondiale à la faveur de la crise sanitaire. L’ISD a examiné les contenus liés au Covid-19 en français et en allemand, sur Twitter, Facebook et Telegram. Le rapport souligne les théories du complot sur les juifs censés dominer les institutions financières, politiques et médiatiques internationales. Il effectue en outre une série de préconisations. Télécharger le rapport.

EELV. Figures d’Europe Ecologie – Les Verts, Benoît et Stéphanie Muzard-Biteau n’hésitent pas à diffuser les thèses de la complosphère antivaxx, qualifiant la campagne de vaccination de « crime contre l’humanité ». Le site Agriculture et environnement note que depuis le début de la pandémie, on peut lire sur la page Facebook de Benoît Biteau, proche conseiller de Yannick Jadot, de très nombreux messages à l’encontre du port du masque, et plus encore contre la campagne de vaccination. Y sont diffusées toutes les figures connues des « anti », comme Alexandra Henrion-Caude, Martine Wonner ou encore Christian Perronne (source : Agriculture et environnement, 7 juin 2021). Ancien secrétaire de la section giennoise du Parti communiste, Ali Besli, aujourd’hui candidat EELV à Gien, a relayé sur son compte Facebook des parutions à connotation antisémite et complotiste (source : 2èmeDB73/Twitter, 6 juin 2021). « Je le regrette » a commenté le militant qui a effacé ces publications (source : La République du Centre, 8 juin 2021).

CATHOLICISME ET COMPLOTISME. L’ancien archevêque Carlo Maria Viganò, la généticienne Alexandra Henrion-Caude et le réalisateur de « Hold-up », Pierre Barnérias, font partie des grands (dés)informateurs de la pandémie de Covid-19. Tous revendiquent par ailleurs leur appartenance à la religion catholique. Existe-t-il des liens entre certains milieux catholiques et le complotisme ?  C’est la question à laquelle l’émission « Vrai ou Fake » s’est efforcée de répondre (source : FranceTVinfo, 3 juin 2021).

PAKISTAN. Le média Graphika publie une enquête au sujet d’une campagne d’influence ciblant les Pakistanais. Un réseau de faux comptes (40 profils et 25 pages Facebook, six groupes et 28 comptes Instagram…) a été élaboré pour diffuser des messages politiques en faveur des autorités politiques et militaires du pays. Des acteurs et des journalistes indépendants ont également été rémunérés à cette fin. Le rapport met notamment aussi en lumière le rôle de certaines entreprises de marketing et de relations publiques dans les campagnes de désinformation (source : Graphika, 3 juin 2021).

DÉSINFORMATION RUSSE. Depuis quelques années, la propagande russe et ses relais à l’étranger, y compris les réseaux sociaux, utilisent des techniques multiples : diabolisation d’opposants politiques, création d’écrans de fumée, multiplication de fausses pistes et d’hypothèses extravagantes et, finalement, le mensonge pur et simple. Dans un entretien avec Galia Ackerman pour le média Desk Russie, Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, analyse ces techniques (source : Desk Russie, 9 juin 2021).

Une lecture à compléter par celle de Business Insider, qui montre que Moscou utilise depuis l’ère soviétique des techniques de désinformation pour semer la division et le doute à l’Ouest. Une tactique où les médias sociaux jouent à présent un rôle majeur (source : Business Insider, 5 juin 2021).

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