PROJET AUTOBLOG


Conspiracy Watch | L'Observatoire du conspirationnisme

Site original : Conspiracy Watch | L'Observatoire du conspirationnisme

⇐ retour index

Pass sanitaire, vaccination des soignants : comment la complosphère a réagi aux annonces d’Emmanuel Macron

samedi 17 juillet 2021 à 14:50

Lundi dernier, Emmanuel Macron a annoncé les nouvelles mesures envisagées par l’Exécutif pour endiguer l’épidémie de Covid-19 en France. La complosphère y voit quant à elle unanimement le signe de l’instauration d’une « dictature sanitaire », quitte à user d’analogies historiques douteuses.

Emmanuel Macron lors de son allocution du 12 juillet 2021. A droite, manifestation à Strasbourg le 15 juillet 2021 (captures d’écran YouTube, Elysée, France 3).

Face à la montée en flèche du variant Delta et au niveau insuffisant de vaccination des Français, la décision de l’Exécutif de rendre la vaccination obligatoire pour les soignants et d’étendre le pass sanitaire semblait inéluctable. Ce justificatif de vaccination devra notamment être présenté dans les trains, les centres commerciaux ou encore les restaurants au cours de l’été. Un changement de ton qui a eu un impact direct puisque plus de 1,7 millions de Français ont envahi les créneaux de vaccination disponibles sur Doctolib dans les 24 heures qui ont suivi l’allocution présidentielle. Il en a également étonné ou dérouté une partie d’entre eux, contraints de modifier leurs plans pour les grandes vacances.

Mais c’est surtout du sein de la complosphère que sont venues les protestations les plus véhémentes. Hostiles depuis le début de la pandémie à une vaccination massive de la population, antivaxx et covido-sceptiques ont vu dans les annonces présidentielles la confirmation  de leurs craintes. Le classement des hashtags les plus employés sur les réseaux sociaux suite à l’allocution télévisée du président lundi soir reflète bien cette tendance de fond, le mot-clé #dictature arrivant ainsi en troisième position.

Des personnalités politiques de premier plan et des militants complotistes ont mêlé leurs voix pour hystériser le débat public à coups de slogans outranciers et alarmistes. Avec, parfois, des conséquences « dans la vie réelle », comme ces menaces de mort caractérisées adressées aux députés de la majorité présidentielle Patricia Mirallès et Jean-Marc Zulesi, ou l’attaque ayant visé avant-hier la permanence parlementaire du député LREM Didier Baichère.

« Coup d’État »

Dans un tweet, l’eurodéputée EELV Michèle Rivasi a ainsi comparé les mesures prises par Emmanuel Macron à « l’apartheid », s’attirant le désaveu de sa propre formation politique. À l’autre extrémité de l’échiquier politique, Gilbert Collard (RN), lui aussi député européen, a évoqué la situation en parlant de « détention sanitaire » tandis que Florian Philippot (Les Patriotes) a dénoncé « l’installation officielle de l’apartheid ».

Même son de cloche de la part de François Asselineau pour qui « Macron veut imposer le fichage et la ségrégation des non-vaccinés ». Le président de l’UPR a fustigé, à l’instar de l’économiste Philippe Herlin, le « coup d’État » commis selon lui par le président de la République. De la même manière, Nicolas Dupont-Aignan (DLF) a dénoncé « un coup d’état sanitaire » et Philippe de Villiers n’a pas hésité à affirmer que « la France [venait] de basculer dans un régime totalitaire » tout en soulignant que les événements conféraient un caractère prophétique à son dernier livre.

<script async src="https://platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8">

Assurant elle aussi que le discours d’Emmanuel Macron « nous conduit vers un état totalitaire » et invoquant à son tour la « Résistance », Christine Boutin s’est voulue – elle aussi… – prophétique : « souvenez-vous : il y a 20 ans ! j’ai annoncé l’évolution vers laquelle nous allions en matière bioéthique. »

La députée du Bas-Rhin et figure de la complosphère antivaxx Martine Wonner a appelé quant à elle à stopper « la dictature ». Quant au député LFI Loïc Prud’homme, il évoquait, quelques jours avant l’annonce des nouvelles mesures envisagées par l’Exécutif, le fameux « code de Nuremberg », dressant un parallèle entre les expérimentations qu’infligeaient les médecins nazis à des prisonniers et la campagne de vaccination anti-Covid.

Sur Telegram, le youtubeur et conférencier Thierry Casasnovas a incité à « prendre le maquis », renvoyant à un message audio du vidéaste complotiste Johann Fakra.

<script async src="https://platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8">

Fabrice Di Vizio, avocat de Didier Raoult et futur chroniqueur régulier de l’émission de Cyril Hanouna sur C8, suggère d’entrer « dans la clandestinité s’il le faut ». Quant à Xavier Azalbert, propriétaire du média FranceSoir, il milite pour un remake de la prise de la Bastille, expliquant que les Français ont pris conscience « de la dérive totalitaire de ce gouvernement sur des fondements non scientifiques. »

Autre innovation sémantique : l’apparition de l’expression « pass nazitaire », tout droit sortie de la complosphère (les double « s » du mot « pass » étant parfois écrit avec la graphie historique utilisée pour l’emblème de la SS hitlérienne).

<script async src="https://platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8">

Analogies douteuses

Génocide, esclavage, ségrégation, apartheid… : ces analogie révulsent certains observateurs qui y voient un manque de respect, un piétinement de la mémoire et le risque d’une banalisation du pire.

Si cela fait plusieurs mois que la comparaison entre les mesures sanitaires et les crimes nazis se multiplient, le mouvement s’est accentué avec les annonces du président de la République lundi, à tel point que le hashtag #Shoah s’est hissé au rang des plus populaires sur Twitter lundi soir (même si, comme le souligne Raphaël Grably, il l’a également été en raison des nombreux messages qui dénoncent cette analogie).

Le symbole de l’étoile jaune est utilisé par certains activistes covido-sceptiques comme Jean-Marie Bigard. Cette usurpation outrepasse même les cercles traditionnels de la complosphère. Ainsi, et bien qu’elle ait fini par supprimer sa publication, Isabelle Balkany n’a pas hésité à verser dans ce parallèle historique douteux.

Le nazisme et ses symboles sont l’une des sources d’inspiration favorite des covido-sceptiques, qui rabattent sans ciller la vaccination sur la politique meurtrière du Troisième Reich et la figure d’Emmanuel Macron sur celle d’Adolf Hitler (quand ils ne comparent pas Jean Castex au criminel nazi Adolf Eichmann).

Capture d’écran du live des DéQodeurs du 13 juillet 2021.

Il en va de même pour l’utilisation du terme « apartheid ». Désignant à l’origine la politique raciste de « développement séparé » mise en œuvre par le gouvernement sud-africain de 1948 à 1991, le terme a été à plusieurs reprises dévoyé ces derniers jours, suscitant une mise au point de la part de la Licra pour qui « les analogies historiques abusives vident les mots et les événements de leur sens ».

<script async src="https://platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8">

Même relativisme du côté d’Égalité & Réconciliation, l’un des sites de désinformation les plus influents en France, pour qui le 12 juillet 2021 est « le jour où Macron a fait basculer la France dans un autre monde ». Le site d’Alain Soral écrit ainsi :

« Ce racialisme sanitaire [sic] distinguera les bons citoyens ventripotents qui pourront bénéficier des lustres de la vie en société, ses services et ses divertissements, et les autres, les Untermenschen de la vie moderne dans toute son inversion spectaculaire. Nous serons les nègres d’hier, mais c’est au nom de la bienveillance et de la solidarité qu’on nous fouettera, sous les regards arrogants des bons citoyens qui nargueront ces dangereux irresponsables de leur omnipotent sésame. »

Sur le site néo-nazi Démocratie Participative, les annonces d’Emmanuel Macron sont prétexte à un déchaînement d’antisémitisme et de racisme :

« Il reste toutefois à voir comment cette dictature juive va mettre en place cette vaccination obligatoire. J’imagine que des hordes de négresses en blouses bleues ou blanches appuyées par des gendarmes feront du porte à porte pour piquer les goyim. A vrai dire, tout dépend de la réaction populaire après la mise en place du passeport intérieur dit “vaccinal”. Philippot appelle à manifester. C’est certainement la chose la plus évidente à faire dans l’immédiat après le repli hors des grandes villes contrôlées par ZOG. »

Ancien vice-président du Front national, Florian Philippot organise en effet depuis plusieurs mois des manifestations contre la « dictature sanitaire » et la « coronafolie ».

Tandis qu’un peu moins de 20 000 personnes ont manifesté le 14 juillet contre les nouvelles mesures sanitaires, une centaine de manifestations ont lieu samedi 17 juillet après-midi à Paris, Marseille, Montpellier, Toulouse, Quimper ou Narbonne. Leur mot d’ordre : « Liberté ! »

L’article Pass sanitaire, vaccination des soignants : comment la complosphère a réagi aux annonces d’Emmanuel Macron est apparu en premier sur Conspiracy Watch | L'Observatoire du conspirationnisme.

Raoult Pro-Vax ?

jeudi 15 juillet 2021 à 12:29

L’article Raoult Pro-Vax ? est apparu en premier sur Conspiracy Watch | L'Observatoire du conspirationnisme.

Conspiracy News #28.2021

dimanche 11 juillet 2021 à 14:59

L’actu de la semaine décryptée par Conspiracy Watch (semaine du 05/07/2021 au 11/07/2021).

DIDIER RAOULT. Le 9 juillet, le directeur de l’IHU Méditerranée Infection a posté un tweet dans lequel il se disait « favorable à la vaccination systématique des personnels soignants ». Cette prise de position du Pr Didier Raoult, tardive mais salutaire, est venue jeter le trouble chez les covido-sceptiques et les opposants à la vaccination qui constituent une part significative de ses partisans. Nombreux ont été les commentaires mettant en doute l’authenticité de la déclaration, pointant le mode d’émission du message, les termes employés et défendant la thèse du compte piraté (source : Raphaël Grably/Twitter, 9 juillet 2021).

<script async src="https://platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8">

D’autres, tel Fabrice Di Vizio, l’avocat de Didier Raoult, n’ont pas hésité à déclarer que le professeur marseillais avait tout simplement tort.

ANTIVAXX. Plusieurs dizaines de manifestants se sont réunis à Nancy le samedi 3 juillet pour protester contre les mesures sanitaires. La député Martine Wonner, le professeur Christian Perronne, l’avocat Carlo Alberto Brusa se sont succédés dans les prises de parole. France Info a passé au crible les déclarations faites par les figures du mouvement lors de l’événement (source : France Info, 8 juillet 2021). Pour Conspiracy Watch, Élie Guckert a fait le récit de cette manifestation marquée par des propos radicaux et menaçants (source : Conspiracy Watch, 4 juillet 2021). À écouter sur ce même sujet, l’intervention de notre collaborateur sur BFM qui revient sur la présence de Richard Boutry à cette manifestation. Dans son intervention enflammée, cette figure de la complosphère s’en est notamment référé à l’ancien capitaine de gendarmerie Jean-Pierre Fabre-Bernadac, à l’origine de la tribune des généraux publiée en avril dernier (source : BFMTV/Twitter, 6 juillet 2021).

<script async src="https://platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8">

TÉMOIGNAGES. Entre surprise et désarroi, découvrir qu’un proche est sceptique face aux vaccins contre le coronavirus, ou bien « antivaxx », peut s’avérer troublant. Il est alors difficile de savoir comment réagir. Plusieurs Français ont raconté au média Numerama comment leurs relations avec des amis ou des membres de leur famille se sont tendues drastiquement à cause de ces divergences (source : Numerama, 6 juillet 2021). Une lecture à compléter par le témoignage directement reçu par notre collaborateur Tristan Mendès France.

<script async src="https://platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8">

MEDIATOR. « J’ai découvert de façon horrifiée que l’étendard du Mediator était saisi par des personnes opposées à la vaccination » a expliqué sur BFM Irène Frachon, lanceuse d’alerte dans l’affaire du Mediator. La pneumologue a parlé d’une manipulation sur les réseaux sociaux, allant à l’encontre de l’intérêt et de la santé des personnes : « la démonstration du Mediator avait été une démonstration scientifique, la médecine fondée sur les preuves. » De la même façon, a-t-elle ajouté, « la démonstration de l’efficacité des vaccins contre la Covid s’est faite dans de bonnes conditions, fiables et (…) d’ailleurs le succès de ces vaccins est maintenant éclatant lorsque l’on regarde la mortalité s’effondrer dans les pays qui ont massivement vacciné leur population » (source : BFMTV/Twitter, 6 juillet 2021). Son intervention a, sans surprise, déclenché un flot de commentaires mettant en cause sa parole et son intégrité morale (source : William Audureau/Twitter, 6 juillet 2021).

FRANCIS LALANNE. Le chanteur, très engagé dans la lutte contre les mesures sanitaires, a vu son compte Twitter suspendu pour avoir enfreint les règles du réseau social, en diffusant notamment de fausses informations relatives au Covid-19. Le tweet incriminé, qui faisait suite à de multiples autres relayant des fake news et des théories du complot, avait été publié le 8 juillet et assimilait la vaccination à un crime contre l’humanité (source : Nice-Matin, 10 juillet 2021).

ÉTOILE JAUNE. L’analogie entre une prétendue stigmatisation des non-vaccinés et l’imposition de l’étoile jaune pendant la Seconde Guerre mondiale continue de faire des émules. Le média complotiste Réseau international s’en est fait la promotion (source : Rudy Reichstadt/Twitter, 8 juillet 2021). On a aussi pu voir une pancarte brandie dans un rassemblement d’opposants à la vaccination à la Réunion (source : Licra/Twitter, 10 juillet 2021).

<script async src="https://platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8">

GAUCHE. Interrogée sur La France insoumise, la présidente réélue de la région Occitanie, la socialiste Carole Delga, a eu des paroles sans détour au sujet de Jean-Luc Mélenchon : « Il y a une dérive de la part de Jean-Luc Mélenchon depuis plusieurs années, mais qui a connu un paroxysme avec les théories du complotisme et je pense en effet que Jean-Luc Mélenchon n’est plus de gauche » (source : France Info, 6 juillet 2021).

<script async src="https://platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8">

Le leader de LFI n’est pas le seul concerné par cette dérive pointée depuis plusieurs années par Conspiracy Watch. Le député LFI Loïc Prud’homme a repris à son compte, dans un tweet posté le 9 juillet, les spéculations hasardeuses relatives au « code de Nuremberg », une liste de dix critères d’éthique et de morale médicales, tirée du procès des médecins nazis jugés à Nuremberg et régulièrement détournée par la complosphère pour s’opposer à la vaccination (source : Conspiracy Watch/Twitter, 10 juillet 2021).

OISEAUX FACTICES. Un mouvement a pris de l’ampleur aux États-Unis. Il s’appelle « Birds Aren’t Real » (« les oiseaux ne sont pas vrais »). Selon ce mouvement, il y aurait eu un plan secret du gouvernement américain où douze milliards d’oiseaux auraient été massacrés. Le but étant de remplacer ces oiseaux par des outils de surveillance perfectionnés… C’est là l’un des sujets évoqués par Bénédicte Le Chatelier et Thomas Huchon dans l’émission hebdomadaire « Anti-complot » sur la chaîne LCI (source : LCI, 9 juillet 2021).

FACEBOOK. Le procureur général des États-Unis Karl Racine a assigné Facebook en justice dans le cadre d’une enquête sur la désinformation relative à la pandémie : l’enquête « vise à s’assurer que Facebook prend vraiment toutes les mesures possibles pour minimiser la désinformation sur les vaccins sur son site et soutenir la santé publique ». La plateforme se voit ainsi demander de fournir l’ensemble des informations relatives aux groupes, pages et comptes ayant enfreint ses règles sur ce plan et de détailler les ressources consacrées à la cause sanitaire (source : Politico, 1er juillet 2021).

BRÉSIL. Depuis sa victoire électorale de 2018, Jair Bolsonaro a fait des allégations sans fondement de fraude électorale au Brésil, qui, pour certains observateurs, pourraient jeter les bases d’une contestation des élections à venir de même nature que celle qui a caractérisé son idole politique, l’ancien président américain Donald Trump… (source : Reuters, 2 juillet 2021).

YASSER ARAFAT. La mort de Yasser Arafat, en 2004, avait inspiré de multiples théories du complot. Le 2 juillet 2021, la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rejeté une requête déposée par la veuve et la fille du leader palestinien et conclut que l’enquête conduite par la justice française avait été sérieuse et qu’elle ne portait pas atteinte au droit à un procès équitable. « De quoi ridiculiser, commente Nicolas Bernard pour Conspiracy Watch, une fois de plus l’allégation conspirationniste selon laquelle les juges seraient aux ordres d’un complot réunissant Israël ou des adversaires d’Arafat ainsi que l’armée et la médecine françaises » (source : Conspiracy Watch, 8 juillet 2021).

CYBER POLYGON. Alors que les États-Unis ont récemment été la cible d’une cyberattaque de grande ampleur, une nouvelle rumeur agite la complosphère : le Forum économique mondial, qui organise depuis un demi-siècle une rencontre internationale de dirigeants d’entreprises et de responsables politiques à Davos, en Suisse, tenterait de précipiter son projet de Great Reset (ou Grande réinitialisation) en organisant une simulation d’attaque informatique mondiale appelée « Cyber Polygon ». La rédaction de Conspiracy Watch revient sur cet exercice annuel international de cybersécurité qui excite la complosphère (source : Conspiracy Watch, 5 juillet 2021).

FAUX SOUVENIRS. Des chercheurs irlandais se sont intéressés aux effets de l’exposition aux fake news sur le comportement des individus. Négligeables pour le plus grand nombre, elles sont préoccupantes pour d’autres qui développent de faux souvenirs sur la base de fausses histoires qu’ils ont lues. L’étude montrent aussi que certains adoptent des comportements particuliers après une exposition à une fake news, alors même qu’ils ne conservent pas le souvenir d’y avoir été exposés (source : niemanlab.org, 30 juin 2021).

À LIRE. Dans le numéro de juillet (n°23) de la revue Mutations de la Mutualité française, Rudy Reichstadt évoque dans un entretien les interactions entre la crise sanitaire et le complotisme. Le directeur de Conspiracy Watch y montre comment « les situations d’anxiété et de perte de contrôle favorisent l’adhésion à ces théories du complot, qui deviennent paradoxalement un besoin de se rassurer. »

À visionner également sur ce même thème, l’émission « État de santé », sur la chaîne LCP, consacrée aux rumeurs et fausses informations en santé qui ont explosé au cours des derniers mois.

Sur le site antifasciste Lignes de Crêtes, Sylvie Taussig, chercheuse au centre Jean Pépin (CNRS) et autrice de Le Système du complotisme (éd. Bouquins, 2021), revient sur le conspirationnisme contemporain et ses rapports, notamment, avec la gnose. Elle rappelle que « la rage complotiste a fait des morts. » Et de poursuivre : « si la sincérité des complotistes ne fait pas de doute et que leur héroïsme proche du thème de mourir pour des idées émeut, il faut regarder l’ensemble du système : celui qui part de la gnose, passe par un nihilisme radical, conçoit une politique fasciste et condamne la masse damnée des non éveillés. »

PUBLICATION. « Complotisme, de quoi parle-t-on ? » : c’est le titre du dossier du dernier numéro (n°337) de la revue Science et Pseudo-Sciences éditée par l’Afis. Au sommaire, des contributions de Gérald Bronner, Véronique Campion-Vincent, Jean-Bruno Renard, Sebastian Dieguez, Sylvain Delouvée, Pascal Wagner-Egger, Jérôme Quirant ou encore Laurent Cordonier.

L’article Conspiracy News #28.2021 est apparu en premier sur Conspiracy Watch | L'Observatoire du conspirationnisme.

Mort de Yasser Arafat : la CEDH porte un coup dur aux théories du complot

jeudi 8 juillet 2021 à 12:39

Il y a quelques jours, la Cour européenne des Droits de l’Homme a rejeté une requête déposée par la veuve et la fille de Yasser Arafat. Elle a jugé que l’enquête conduite par la justice française avait été sérieuse et qu’elle ne portait pas atteinte au droit à un procès équitable.

La salle d’audience de la Cour européenne des Droits de l’Homme à Strasbourg (crédits : Adrian Grycuk, 2014).

Par une décision rendue le 2 juillet 2021, la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rejeté une requête contre la France déposée par Suha et Zahwa Arafat, respectivement veuve et fille de Yasser Arafat. Ces dernières prétendaient que le chef palestinien, décédé en France en 2004, aurait succombé à un empoisonnement. À les en croire, cependant, l’instruction du dossier par la justice française n’aurait pas été menée avec rigueur et impartialité. Dès lors, elles avaient saisi les juges de la Cour de Strasbourg, chargée d’appliquer la Convention européenne des droits de l’homme dans les 47 États qui en sont signataires, d’une requête tendant à faire constater une violation de leur droit à un « procès équitable ».

La Cour n’a pas fait droit à cette requête, considérant que l’enquête conduite par la justice française avait été sérieuse, voire exhaustive, et n’avait pas porté atteinte aux droits de ces justiciables.

Revenons-en aux faits.

11 novembre 2004. Yasser Arafat, leader historique de la cause palestinienne, meurt à 75 ans à l’Hôpital d’instruction des armées Percy, à Clamart. La cause du décès reste mal connue : infection bactérienne, cirrhose du foie voire virus du SIDA… ? Il est vrai que la victime était âgée, et ne présentait pas – c’est bien le moins qu’on puisse dire – une santé de fer. En témoignent ses antécédents : un vitiligo, une affection cutanée, un ulcère à l’estomac depuis octobre 2003, des calculs dans la vésicule biliaire, des troubles de la mémoire, peut-être la maladie de Parkinson, sans oublier une hémorragie cérébrale en 1992.

Il n’en faut pas plus, cependant, pour que les théories du complot prospèrent sur ce terreau : Arafat aurait été empoisonné, soit par les Israéliens, soit par ses rivaux. La théorie de l’empoisonnement semble confortée en 2012 lorsque l’Institut de radiophysique appliqué de Lausanne, saisi par un journaliste de la chaîne d’informations qatarie Al-Jazeera, décèle des traces de polonium 210, matière hautement radioactive, sur des effets personnels d’Arafat récupérés auprès de l’hôpital Percy. Le 31 juillet de cette même année, la veuve et la fille du défunt déposent plainte avec constitution de partie civile pour des faits d’assassinat – ce qui revient à demander à la justice française de valider une théorie du complot. La veuve d’Arafat, il est vrai, avait clamé avant même le trépas de son époux qu’il était victime d’une conspiration !

La justice française réagit avec promptitude. Le 28 août 2012, le procureur de la République de Nanterre ouvre une information judiciaire du chef d’assassinat. Trois juges d’instruction seront désignés. Comme le fera ultérieurement observer la CEDH, « de très nombreux témoins furent entendus au cours de l’information judiciaire, en France et sur le territoire palestinien, et des commissions rogatoires internationales furent adressées aux autorités jordaniennes, russes et tunisiennes, notamment sur la base d’une liste fournie par la première requérante. Trois experts furent également commis pour déterminer les causes de la dégradation de santé de Yasser Arafat entre le 12 octobre et le 11 novembre 2004. Le corps du défunt, enterré à Ramallah, fut exhumé afin de prélever et d’analyser des cheveux, des os, de la terre, ainsi que le linceul. Ces opérations se déroulèrent en présence d’une équipe française, d’une équipe du centre hospitalier de médecine légale de Lausanne, ainsi que, à la demande de l’Autorité palestinienne, d’une équipe russe. »

Un premier rapport d’expertise, établi le 6 novembre 2013, écarte la théorie de l’empoisonnement, au motif que, notamment, le contenu de certains relevés pouvait s’expliquer par une atmosphère mortuaire riche en radon 222. Ce rapport ayant été critiqué par des experts suisses, il fait l’objet, le 16 mars 2015, d’un rapport d’expertise complémentaire, qui confirme les constatations initiales. La veuve et la fille d’Arafat contre-attaquent en accusant non pas les conclusions mais la méthodologie : elles réclament une confrontation entre les auteurs du rapport d’expertise complémentaire et des experts suisses, des examens pour déterminer la traçabilité et la datation de l’échantillon utilisé, l’audition d’autres médecins… Demandes rejetées, au reste sans surprise, sauf à prolonger indûment une instruction déjà complète.

Non-lieu

Les plaignantes demandent alors la nullité du rapport d’expertise complémentaire, dans la mesure où il se serait fondé sur un échantillon exclu du périmètre du complément d’expertise, de surcroît en se faisant assister par le service de radioprotection radiologique des armées, qui ferait partie du complot – décidément étendu. En vain. La justice rend un non-lieu, densément motivé pour faire ressortir le sérieux de l’instruction sur un dossier politiquement sensible.

Déboutées en appel et en cassation, ayant épuisé les voies de recours de Droit interne, la veuve et la fille d’Arafat saisissent alors la CEDH. Elles soulèvent une violation de leur droit à un procès équitable, tiré de l’article 6-1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Elles se plaignent, tout d’abord, du refus de constater la nullité du rapport d’expertise complémentaire, en raison de leurs doutes sur la provenance et la traçabilité de l’échantillon utilisé dans ce cadre, de la méthodologie employée et des résultats contredits par des experts suisses. Elles critiquent ensuite le refus d’ordonner une contre-expertise et de faire droit à leurs autres demandes, compte tenu de l’existence de contradictions entre les résultats des mesures et des analyses effectuées par les experts suisses et français.

Saisis de cette requête, les juges de Strasbourg, insistons sur ce point, ne mènent pas d’enquête sur la mort d’Arafat. Ils le rappellent eux-mêmes dans leur décision : « il n’entre pas dans les attributions de la Cour de substituer sa propre appréciation des faits et des preuves à celle des juridictions internes, sa tâche étant de s’assurer que les moyens de preuve ont été présentés de manière à garantir un procès équitable. » En d’autres termes, il lui appartient de statuer, non point sur les causes du décès d’Arafat, mais sur l’instruction du dossier par la justice française, aux fins de déterminer si les droits des requérantes ont été respectés. Bref, elle statue en droit, sur le respect du Droit.

Par décision n°82189/17 du 2 juillet 2021, la Cour rejette la requête, au motif suivant :

« 24.  Or, la Cour constate tout d’abord que le procureur de la République de Nanterre a ouvert une information judiciaire du chef d’assassinat moins d’un mois après le dépôt de plainte le 31 juillet 2012, soit le 28 août 2012 […]. Elle relève que trois juges d’instruction ont été désignés, ce qui manifeste l’attention portée à la plainte des requérantes par les autorités internes […]. La Cour note par ailleurs que de très nombreux actes ont été diligentés, sans discontinuer, que ce soit au niveau national ou international, qu’il s’agisse notamment des déplacements à Ramallah dès 2012, des opérations d’exhumation du corps et de prélèvements, ou encore des multiples expertises et auditions de témoins effectuées en France et à l’étranger […].

« 25.  En outre, il apparaît qu’à toutes les étapes de la procédure, les requérantes, assistées de leurs avocats, ont été mises à même d’exercer effectivement leurs droits et de faire valoir leur position sur les différents points en litige. Informées du déroulement de la procédure, elles ont pu présenter des demandes d’actes, exercer des recours et formuler des observations. La Cour relève en particulier que les auditions réalisées ont notamment été effectuées à partir d’une liste de témoins fournie aux juges d’instruction par les requérantes elles-mêmes […] et que leur demande d’auditions supplémentaires présentée en 2014 a également été acceptée […].

« 26.  Certes, les requérantes se plaignent du rejet de certaines de leurs demandes au cours de l’information judiciaire. Cependant, la Cour considère, eu égard à l’ensemble des actes effectués, que les refus litigieux ne sont pas par eux-mêmes, de nature à remettre en cause l’équité de la procédure, prise dans son ensemble […]. La Cour constate en particulier que tant l’allégation, par les requérantes, de la nullité du rapport d’expertise complémentaire que leurs demandes de contre-expertise et d’investigations supplémentaires ont été dûment examinées par les juges internes, qui les ont rejetées par des décisions motivées […].

« 27.  Enfin, il n’apparaît pas que les juges internes aient tiré des conclusions arbitraires des faits qui leur étaient soumis ou auraient dépassé les limites d’une interprétation raisonnable des pièces de la procédure ainsi que des textes applicables. »

Réactivité de la justice, enquête menée à l’échelle internationale, audition de très nombreux témoins, expertises allant jusqu’à l’exhumation du cadavre : la CEDH ne peut que constater la rigueur des investigations. De même retient-elle que les plaignantes ont été informées du déroulement de la procédure, ont eu accès au dossier, ont exercé leurs droits, ont fait connaître leur position, ont obtenu l’audition des témoins qu’elles souhaitaient. Que la justice ne les ait pas suivies dans leurs critiques du rapport d’expertise complémentaire ne saurait constituer une atteinte à leurs droits de justiciables, les décisions juridictionnelles rendues ayant été clairement et longuement motivées. Quant à l’appréciation des preuves par la justice française, elle n’apparaît ni arbitraire, ni déraisonnable.

Quoique la Cour, rappelons-le, ne statue pas sur les causes du trépas d’Arafat, elle porte là un coup très dur aux théories du complot intéressées. En effet, selon elle, l’instruction du dossier par la justice française, non seulement a été de qualité, mais n’a pas été attentatoire aux droits de l’homme : de quoi ridiculiser une fois de plus l’allégation conspirationniste selon laquelle les juges seraient aux ordres d’un complot réunissant Israël ou des adversaires d’Arafat ainsi que l’armée et la médecine françaises.

 

Voir aussi :

Contre la théorie du complot : ce que l’on sait sur la mort d’Arafat (et pas plus)

L’article Mort de Yasser Arafat : la CEDH porte un coup dur aux théories du complot est apparu en premier sur Conspiracy Watch | L'Observatoire du conspirationnisme.

Freedom

mardi 6 juillet 2021 à 19:31

 

Voir aussi :

« Dictature sanitaire » : à Nancy, les masques tombent

L’article Freedom est apparu en premier sur Conspiracy Watch | L'Observatoire du conspirationnisme.