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StopCovid une application qui vous veut du bien ?

mercredi 22 avril 2020 à 19:22

On continue notre dossier StopCovid, avec cette fois la (re)publication d’un billet de Loïc Gervais, médiateur numérique, formateur et citoyen engagé. Il partage ici son ressenti en tant que professionnel de la médiation numérique sur l’application StopCovid.

[Article paru originellement sur http://mediateurnumerique.org/, sous licence Creative Commons By]

Accéder aux articles déjà publiés dans notre dossier StopCovid


Dans son adresse aux Français du 13 avril, le Président de la République Emmanuel Macron a fait mention de l’application StopCovid sans la nommer.

Plusieurs innovations font l’objet de travaux avec certains de nos partenaires européens, comme une application numérique dédiée qui, sur la base du volontariat et de l’anonymat, permettra de savoir si, oui ou non, on s’est trouvé en contact avec une personne contaminée. Vous en avez sûrement entendu parler.

Une chose est certaine, nous entendons beaucoup parler de cette application. Mais qu’en savons nous, vraiment ? Le rôle du médiateur numérique est d’accompagner le citoyen dans les enjeux liés au numérique. Autrement dit de lui donner les éléments essentiels de culture numérique pour qu’il puisse se forger une opinion sur cette application et ainsi participer au débat. Voyons donc à travers ce billet son principe de fonctionnement dans un premier temps. Vous avez été nombreux à me questionner aussi sur les risques de sécurité informatique ainsi que sur les risques liés à nos données personnelles.

 

Le laboratoire de Mr Q

Dans les films de James Bond, le professeur Q est celui qui fournit à 007 les innovations technologiques pour accomplir au mieux sa mission. Pour autant la réussite du plus célèbre des agents secrets ne repose que très partiellement à son recours à l’aide technologique. A tel points que les inventions du Professeur Q sont pour nous autres de simples gadgets.

Quelque soit le problème, il y aura toujours une main qui se lèvera pour proposer une solution technologique. En fait il y aura plusieurs mains qui se lèveront. Et dans la plupart des cas, les solutions proposées ne fonctionneront pas comme espérées. Les inventeurs réclameront davantage de crédit ou une meilleure implication du public cible. Rarement le principe d’avoir recours à la technologie sera remis en cause en tant que tel. C’est pourtant la première question à laquelle nous devons répondre. Avons nous besoin de nouveaux outils technologiques pour gérer la situation actuelle ? Qu’est ce que le corps médical attend comme fonctionnalités de ces nouveaux outils ? En la matière dans son communiqué daté du 2 avril le Conseil Scientifique préconisait  » de nouveaux outils numériques permettant de renforcer l’efficacité du contrôle sanitaire de l’épidémie« 

Principe de fonctionnement.

Le gouvernement s’est donc lancé dans le développement de l’application StopCovid. Le but de cette application est de  limiter les contaminations en identifiant des chaines de transmission. Il est important d’insister sur ce point. Le but de StopCovid est de limiter la propagation du virus. L’application n’a pas pour objectif de soigner ou d’éradiquer le Coronavirus, uniquement de limiter sa propagation.

Je télécharge l’application (si je souhaite) et si j’entre en contact avec une personne (qui possède l’application) et qui a développé le virus alors je reçois une notification. En aucun cas cela veut dire que je suis moi-même contaminé. Cela m’invite à passer un test, s’il y a quelques jours j’ai croisé quelqu’un positif.

Autrement dit l’application repose sur le principe que tout le monde joue le jeu. En effet 70 % des Français possèdent un smartphone (62 % des 60-69 ans et 44 % des 70 ans et plus). Selon une étude de l’université britannique d’Oxford publiée dans la revue « Science », un tel dispositif prouverait son efficacité si au moins 60 à 70 % de la population l’utilise.

Des questions restent en suspens. Si je suis positif est-ce que c’est moi qui le notifie à mon application ? Et si je suis notifié comment garantir que je vais bien aller faire mon test de dépistage ? L’application repose sur une grand part de civisme des utilisateurs. Et bien sur il faut que la technologie utilisée soit en elle-même fiable.

Sécurité.

En amont de la rédaction de ce billet les questions ont tourné sur le degré de précision de l’application, la sécurité et la confidentialité. Reprenons ces questions. « Le bluetooth est il aussi précis que le GPS ? » me demande Matthieu.

A priori le choix du Gouvernement s’oriente vers une technologie Bluetooth. Celle-ci a le mérite de fonctionner dans plus d’endroits (par exemple dans le métro). Le Bluetooth a un degré de précision de l’ordre de 10 mètres et est plus respectueuse de ma vie privée. Le Bluetooth localise mon téléphone, mais pas son propriétaire. Ainsi si j’ai été en contact avec quelqu’un de positif, je recevrais une notification sans que personne puisse identifier la source. De la même manière personne ne saura que j’ai reçu cette notification. On saura juste que les appareils ont été en contact. Ces appareils seront identifiés par des références anonymes qui changeront toutes les X minutes. A 15h00 mon téléphone s’appellera YT59 à 15hX il s’appellera RD26. Je recommande de prendre 10 minutes pour écouter mon camarade Matti Schneider à ce sujet.

Cliquez sur l’image pour la visionner sur invidio.us

 

Le Bluetooth ravive de mauvais souvenirs chez certains. Julien me demande ainsi si le fait d’activer le BlueTooth en permanence ne constitue pas un risque en matière de vol de données du téléphone. Il est vrai que dans son guide du nomadisme numérique, l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information « recommande de désactiver les services qui sont potentiellement sources de menaces, comme  le Bluetooth« . j’ai interrogé l’ANSSI à ce sujet. Je n’ai pas eu de retour à ce jour.

Liberté.

« Cette application respecte toutes nos lois et toutes nos valeurs en termes de libertés publiques et de protection de la vie privée. Il n’y a aucune donnée qui est accessible, ni pour l’État, ni pour qui que ce soit. »

 

Cédric Ô, France Info 17 avril 2020.

Marie-Laure DENIS, Présidente de la Commission Nationale Informatique et Libertés a été auditionnée par la commission des lois de l’Assemblée nationale le 8 avril 2020 a précisé les choses en la matière de son point de vue :

« Si un suivi individualisé des personnes était mis en œuvre, il faudrait d’abord, à droit constant, qu’il soit basé sur le volontariat, avec un consentement réellement libre et éclairé – et le fait de refuser l’application n’aurait aucune conséquence préjudiciable. Ensuite, la CNIL veillerait notamment à ce que ce dispositif soit mis en place pour une durée limitée. » (Source).

En tout état de cause, la solution retenue  ne peut constituer qu’un des éléments d’une réponse sanitaire plus globale. D’un point de vue technologique, l’application peut très bien être dans les clous.

C’est sur le terrain social que nos libertés pourraient être mises à rude épreuve. Pour que l’application soit efficace, il faut un grand nombre d’utilisateurs. Il faut s’attendre donc à de grandes campagnes de communication du Gouvernement en ce sens. Vos collègues de boulot vous demanderont si vous l’avez téléchargé. On ne peut pas exclure non plus que l’employeur l’installe par défaut sur les téléphones professionnels. Le risque est que l’on s’habitue à ce type de solutions et qu’on en redemande sans même sans savoir si c’est efficace. En la matière, les caméras de vidéo-protection (ou vidéo-surveillance) constituent un exemple. Malgré son coût faramineux, son impact limité nous nous sommes habitués à être filmés partout. Tant et si bien que nous en demandons plus, en dépit de toute objectivité.(Voir par ailleurs)

L’indispensable médiation.

Le Secrétaire d’État au Numérique a saisi le Conseil National du Numérique sur StopCovid. Dans sa lettre adressée à la Présidente du CNNUM, Salwa TOKO, Cédric O demande des « recommandations sur les conditions qui pourraient permettre l’adoption [de StopCovid] par le plus grand nombre et notamment sur la question essentielle de l’inclusion ». Le ministre invite le Conseil National du Numérique à rencontrer les acteurs de la société civile. Aussi, je prends les devants et  adresse le point de vue d’un médiateur numérique.

Il y a quelques années, je participais avec les membres d’alors à la rédaction du rapport inclusion numérique de votre institution. Je me permets de reformuler ici la deuxième des sept propositions : « faire de la littératie pour tous le socle d’uns société inclusive« .

Je participe actuellement à la plateforme Solidarité-Numérique. Nous avons reçu des milliers appels. Cette semaine nous devrions traiter beaucoup de demandes liées aux déclarations d’impôts. Je doute très sincèrement que nos appelants soient en mesure de donner un consentement réellement libre et éclairé concernant StopCovid.

L’une des actions qui pourrait permettre l’adoption de  StopCovid est de développer davantage les actions de littératie numérique. La crise que nous traversons montre à quel point nous sommes tous collectivement en déficit numérique. On parle souvent de 13 millions de Français éloignés du numérique. Cette crise nous montre que ce chiffre est sous évalué, largement.

Nous n’aurons pas les moyens dans les semaines qui suivent de faire monter en compétence autant de personnes. Nous n’aurons pas les moyens de donner à chaque citoyen les éléments de littératie numérique pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette application. Je ne suis pas certains d’ailleurs que beaucoup de médiateurs numériques aient eux-mêmes ces éléments.

Pour une société numérique inclusive.

Cette crise extraordinaire questionne de fond en comble nos rapports au numérique. Elle met en relief le besoin indispensable de médiation pour permettre au citoyen de prendre part au débat. Beaucoup d’informaticiens, de juristes, d’élus ont exprimé leur réserve, voire leur opposition à ce projet. Beaucoup de citoyens vont se retourner vers un médiateur numérique pour avoir un avis sur cette application.

A titre personnel, je ne peux conseiller à quiconque d’avoir recours à cette application tant elle n’apporte aucune garantie suffisante. Pour autant les questions abordées à travers ce projet nous interrogent sur notre vision du vivre ensemble d’une part et sur l’impérieuse nécessité d’accompagnement aux usages numériques d’autre part. Comme je l’ai indiqué dans un précédent article, de nouveaux équilibres sont à trouver pour la médiation numérique.

 

 

Framaconfinement semaine 4 – tout parler pour repartir sur des bases saines

mercredi 22 avril 2020 à 16:54

Cette fois-ci, c’est moi, Pouhiou, qui raconte la semaine avant-dernière. Parce ouais, j’ai pris du retard. J’ai beau me dire bavard professionnel du clavier, y’a des moments, ça sort pas tout de suite.

Il faut dire que la période que l’on vit invite à peser sur pause, à prendre un indispensable recul sur nos manières d’agir, de réagir. Et c’est un peut tout cela qui me saute au yeux alors qu’on commence à y voir plus clair au sein de Framasoft…

Ce récit est donc basé sur notre histoire vraie, vécue entre le 6 et le 12 avril ;).

L’accès à l’ensemble de nos articles « framaconfinement » : https://framablog.org/category/framasoft/framaconfinement/

Ne nous laissez pas un clavier entre les mains…

Cette semaine, à la technique, ils ont érodé des touches et usé leurs mulots. Ça a très très mal commencé pour Luc. Dimanche soir, un serveur est tombé en rade, entraînant dans sa chute une bonne dizaine de sites et services importants (dont notre blog, notre forum, etc.). C’est la panne mécanique bête et méchante d’un serveur vieillissant, qui a demandé à Luc une bonne grosse journée de boulot (du genre 6h-21h) pour tout remonter. C’est ce que les technicien·nes appellent, dans leur jargon spécialisé, un bon gros lundi de merde.

Résumé des faits, selon Luc.

Durant cette semaine, Chocobozzz a, entre autres, travaillé à améliorer Etherpad (le logiciel qui fait tourner nos Framapads). Je comprends pas trop ce que ça veut dire, mais il paraît que suite à son ajout d’une fonction à l’API d’Etherpad Lite, Luc a mis à jour son module Perl Etherpad puis a créé une sonde Munin qui exploite cette nouvelle fonction. Ce que je comprends, c’est que grâce à eux on pourra mieux voir quand une horde de scribes vient écrire des Framapads, et qu’il faut qu’on assure pour accueillir cette montée en charge.

Theo, c’est notre stagiaire qui s’est attaqué à l’amélioration de Framaforms, un service que tout le monde utilise mais un code auquel personne ne contribue. Enfin, jusqu’à son arrivée messianique. D’ailleurs il parait que spf, qui voit augmenter le nombre de demandes d’aides face aux bugs de Framaforms, brûle secrètement des cierges à l’effigie de Théo. Mais faut pas le dire. Bref, cette semaine, notre héros a vaillamment essayé de réinventer un module Drupal avant d’apprendre qu’il existait. La morale de notre conte : même quand t’es héros, y’a des jours, c’est pas ton jour…

Par soucis d’équité, nous publions ce résumé des faits, mais cette fois-ci selon les serveurs eux-mèmes.

…on risquerait de s’en servir

Non parce que y’a pas que du code qui est sorti de nos claviers. Avec ce confinement, nous enchaînons les articles Framablog comme d’autres enchaînent les pains-cocotte au levain maison. Moi-même, je suis rentré d’une semaine de congés-Animal-Crossing pour direct lâcher sur un pad 2500 mots d’un article très intime sur les solutions technologiques vues comme autant de baguettes magiques.

Je sais que quand un texte va chercher dans mon expérience profonde, intime, dans le vécu un peu dur à sortir, c’est que le propos est d’autant plus important pour moi. Ben là, franchement, même moi j’ai été surpris d’à quel point j’avais besoin de dénoncer cette diversion de merde qu’est StopCovid. Plus on avance et plus j’ai l’impression que ce projet est utilisé pour montrer « qu’on fait quelque chose » parce que « il vaut mieux ça que rien » (demandez aux fab-labs et collectifs #VisièresSolidaires si y’a rien à faire, qu’on rigole).

Mon retour de congés, allégorie.

A priori, je ne suis pas le seul que ce solutionnisme technologique titille. Sur le Framablog, Framalang s’active à traduire les recommandations de l’association Algorithmwatch et la BD explicative de Nicky Case. Pyg et Goofy se démènent pour reprendre l’article d’Hubert Guillaud (InternetActu.net), démontrant les risques de signose et de glissement. Pendant ce temps chez la #TeamChauves, Framatophe replace cette crise et ses « révélations » dans le contexte de la surveillance généralisée et du Capitalisme de Surveillance.

Alors qu’Angie combat sa leucosélophobie afin d’écrire notre journal de la semaine précédente, elle participe, en plus et sur son temps libre, à l’encadrement du Libre Cours de Stph sur la culture libre. Stph, qui, en plus de son libre cours, propose deux articles à ajouter dans les tuyaux du Framablog. Et c’est là que Marien arrive avec l’idée d’une interview factice de la #TeamMemes afin d’organiser un lâcher de conneries sauvages sur le Framablog.

Faut pas nous laisser un clavier entre les mains, j’vous dis. C’est une grande règle chez Framasoft : si on a un clavier et du temps, on va s’en servir !

Business as unusual

C’était bien mon problème, lorsque je suis rentré d’une semaine de confinement sur mon île vidéoludique : les potes de Framasoft se sont servi⋅es de leurs claviers, genre… beaucoup. Pour rattraper le fil, y’a deux écoles : soit tu lis tout (toutes les listes de diffusion, les canaux de notre framateam, les articles blogs, etc.), soit tu ne lis rien, en mode Yolo.

Sauf que j’ai pas mon CACES.

C’est plus fort que moi : j’ai tout lu. J’ai lu le gentil message qui rappelait que Le Monde a Changé©, et donc en ce moment plus que jamais, on s’autorisait à ne rien relire, en mode Yolo. J’ai aussi lu l’échange entre Pyg (notre directeur) et le comité RH (pour « relations humaines ») qui nous enjoint de travailler moins pour travailler mieux, parce que le monde a changé, parce qu’on s’inquiète pour nos proches, parce qu’on fait la queue au supermarché.

J’ai enfin lu la proposition de Maiwann de faire une framapapote, plébiscitée par le reste de l’asso. On lance donc un framadate pour choisir quel soir de la semaine prochaine on se retrouvera, sur notre Mumble, pour papoter. Non pas pour bosser ou pour imaginer des actions… Mais juste pour être ensemble. Maiwann nous propose d’y exprimer ce qu’on veut, dont ce qui nous énerve. Parce que oui, entre nous on s’aime et on se fait des câlins, mais en ce moment la vie c’est pas forcément youpi-les-petits-oiseaux-cuicui.

Sauf dans le puit de jour de mon immeuble, où ça nidifie tranquillou.

S’autoriser à ne pas être à la page sur tout ce qui se passe en interne, s’autoriser à prioriser le soin de soi et des siens sur le boulot, s’autoriser à partager notre convivialité comme nos colères… Putain, je suis privilégié dans mon boulot. Je dis pas qu’on a trouvé le secret qui fait que « les DRH les détestent ! ! ! ! », d’ailleurs je suis moi-même déjà allé trop loin dans mon investissement pour Framasoft…

Mais si d’autres se demandent comment avec une toute petite équipe de 35 membres dont 9 salariées on abat tout ce boulot, je pense que la première piste à explorer c’est ce soin apporté aux humain·es, cette confiance en nos autonomies, ce respect de chacun·e qui s’exprime dans beaucoup de détails. Je me demande sincèrement pourquoi y’a en pas plus qui copient ce modèle : il marche. Même d’un point de vue bassement « productiviste » : faire passer l’humain en preums, ça marche.

On cherche pas la productivité, à Framasoft. Je dis pas qu’on produit rien, hein… Je dis que c’est pas l’but !

Parler, parler encore, puis on en reparle

S’il n’y a pas de « méthode Framasoft », nous avons tout de même acquis des manières de faire qui nous ressemblent. Cette semaine, un des gros travaux de fond a été de re-imaginer ce que nous allons faire en 2020, et comment, sachant que Le Monde a Changé© et que les conséquences de cette pandémie (qui risque fort de durer longtemps) sont encore imprévisibles.

Nous entamons cette réflexion dès le lundi avec un appel de 2h entre Pyg et moi (après les 2h30 de réunion sur Mumble avec les collègues Salariés). Notre duo est bien rôdé : l’un lance des idées, l’autre tente de les démonter, on regarde ce qui tient debout et on recommence. Après deux heures de papote créative à jouer au mutatis mutandis, (et près de 5h de réunion dans la journée), nous sommes rincés.

Un jour, il faudra qu’on raconte comment toute notre AG de février 2020 a été commentée par des mèmes.

Le lendemain, je padifie nos élucubrations pour en rendre compte aux collègues. Quel projet serait retardé, quelle action transfigurée, comment on sent la fin de l’année, est-ce qu’on changerait pas notre fusil d’épaule sur cette idée… Toutes ces notes sont ensuite passées aux collègues pour qu’iels les lisent le mardi et qu’on en discute ensemble mercredi.

Le mercredi matin, réunion Mumble avec les collègues que ça intéresse pour présenter nos propositions. C’est parti pour un nouveau tour de mutatis mutandis : Pyg et moi affichons les idées, tout le monde joue à les démonter, on voit ce qui nous enthousiasme, ce que l’on modifie et ce qui n’est pas du tout mûr, pas prêt dans nos têtes… et on note tout cela au clair.

L’après-midi même, Pyg présente ce plan d’action par un email sur la liste asso, qui sera l’opportunité d’un dernier tour du jeu du « ce qui doit changer changera ». Vu qu’il s’agit d’un échange par email incluant des bénévoles (qui ne contribuent pas au même rythme que des salarié·es), on laisse en général une semaine (dont le temps d’un week-end) pour que naissent les réponses et remarques.

J’aime observer nos mécaniques

On va pas se la péter : Framasoft n’a rien inventé. Procéder par itération, en élargissant à chaque tour le cercle de paroles et d’avis, c’est pas nouveau. Le jeu du Mutatis Mutandis, qui sert à éliminer ce qui est foireux, édifier ce qui va et acter ce qui n’est pas prêt, c’est relativement proche de la méthode scientifique.

Je vois bien, que pour chaque action que nous menons, même lorsque les personnes au cœur de l’initiative sont différentes (et elles changent pour chaque action), nous procédons ainsi, de manière quasi intuitive. Parce que nous sentons que c’est efficace.

Faux, ô sire Loth, il s’agit du refrain lithanique dans une magnifique chanson de Juliette Nouredine !

C’est un autre point qui nous rassemble, dans cette association. Nous avons toustes une expérience préalable des collaborations collectives, nous nous sommes toustes mangé les écueils du travail en groupe, donc nous savons qu’un collectif sera forcément soumis à des lois, relevant a priori de la psychologie sociale (la loi de futilité de Parkinson, par exemple, est bien identifiée, dans l’asso).

C’est justement en admettant l’existence de ces mécaniques de groupe et en acceptant que l’on est pas au-dessus de tout cela qu’on peut essayer de les repérer quand ça nous arrive, et de les déconstruire pour ensuite mettre en place les balises et manières de faire qui nous éviterons de tomber dans le panneau la prochaine fois.

On sait que la route est longue. Alors si on peut éviter de butter deux fois sur chaque caillou qui se dresse, autant se faciliter le cheminement !

StopConneries

mercredi 22 avril 2020 à 12:04

En ce moment, ça discute beaucoup autour de StopCovid, le projet d’application de traçage pour lutter contre la pandémie de COVID-19. Notre dessinateur Gee vient donc apporter son pavé dans la trogne mare sous forme d’une BD – un poil – énervée.

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)

Deux ou trois choses sur les applications de suivi de contacts pendant l’épidémie

lundi 20 avril 2020 à 19:27
Notre petit dossier sur l’application de contact-tracing « StopCovid » s’enrichit aujourd’hui d’un article de Stéphane Bortzmeyer, que nous avons déjà invité à de multiples reprises sur le Framablog.
La position de Framasoft au sujet de cette application est plutôt claire : StopCovid un leurre de communication politique.
Cependant, nous trouvons important d’apporter au débat des articles plus pédagogiques. Ce que nous avons fait par exemple en publiant la bande dessinée de Nicky Case, et aujourd’hui avec cet article qui, nous l’espérons vous éclairera un peu plus dans le débat.
Accéder aux articles déjà publiés dans notre dossier StopCovid

 


(NB : cet article est une republication, avec l’accord de son auteur, de l’article https://www.bortzmeyer.org/tracking-covid-19.html dont la première publication est datée du 19 avril 2020 – Nous vous encourageons à vérifier sur le site originel si l’article a pu être mis-à-jour depuis).

Deux ou trois personnes m’ayant demandé si j’avais une opinion sur les applications de suivi de contacts, dans le contexte de l’épidémie de COVID-19, je publie ici quelques notes, et pas mal d’hyperliens, pour vous donner de la lecture pendant le confinement.

D’abord, des avertissements :

  • Je ne suis pas épidémiologiste. Même si je l’étais, il y a encore beaucoup de choses que la science ignore au sujet des infections par le SARS-CoV2, comme les durées exactes des phases où on est contagieux.
  • Je ne suis pas non plus un spécialiste de la conception et de l’analyse de protocoles de suivi de contacts. Mais ce n’est pas très grave, pour les raisons que j’exposerai rapidement par la suite.
  • Vous ne trouverez pas ici d’analyse de l’application annoncée par le gouvernement français, StopCovid, pour la bonne et simple raison qu’elle n’existe pas. Il y a eu des promesses sous la forme de quelques mots (« anonyme », « sur la base du volontariat ») mais aucun détail technique n’a été publié. À l’heure actuelle, il n’est donc pas possible de dire quoi que ce soit de sérieux sur cette application spécifique.
  • D’une manière générale, la situation évolue vite, et il est très possible que, dans une ou deux semaines, cet article ne vale plus rien.

Maintenant, rentrons dans le vif du sujet. Dans la description et l’analyse des protocoles comme PACT, DP3T ou ROBERT ? Non, car, pour moi, c’est une question très secondaire. Voyons les problèmes par ordre décroissant d’importance.

D’abord, il faut se demander si une telle application de suivi des contacts est utile et, surtout, si elle justifie les efforts qu’on y consacre, par rapport à des sujets moins high-tech, moins prestigieux, moins startup-nation, qui motivent moins les informaticiens mais qui ont plus d’importance pour la santé publique, comme la production et la distribution de masques, ou comme la revalorisation des rémunérations et des conditions de travail du personnel de santé. Je ne vais pas insister sur ce point, c’est certes le plus important mais la Quadrature du Net en a déjà parlé, et mieux que moi.

Bref, ce projet d’application de suivi des contacts semble davantage motivé par le désir d’agir, de faire quelque chose, même inutile, désir qui est commun en temps de crise, plutôt que par un vrai problème à résoudre. (C’est ce que les anglophones nomment la maladie du do-something-itis.) Il y a également des enjeux commerciaux, qui expliquent que certaines entreprises se font de la publicité en affirmant travailler sur le sujet (sans tenir compte des travaux existants).

Mais surtout, une application n’a de sens que si on teste les gens, pour savoir qui est contaminé. Comme on peut apparemment être contagieux et pourtant asymptomatique (pas de maladie visible), il faut tester ces personnes asymptomatiques (qui sont sans doute celles qui risquent de contaminer le plus de gens puisque, ignorantes de leur état, elles sortent). Or, Macron a bien précisé dans son discours du 13 avril qu’on ne testerait pas les personnes asymptomatiques (probablement car il n’y a pas de tests disponibles). Cela suffit à rendre inutile toute application, indépendamment des techniques astucieuses qu’elle utilise, car l’application elle-même ne peut pas déterminer qui est malade ou contagieux.

Ensuite, le protocole est une chose, la mise en œuvre dans une application réelle en est une autre. Le diable est dans les détails. Comme indiqué plus haut, on ne sait encore rien sur l’application officielle, à part son nom, StopCovid. Pour formuler un avis intelligent, il ne faudra pas se contenter de généralités, il faudra regarder son code, les détails, les traqueurs embarqués (une plaie classique des applications sur ordiphone, cf. le projet ExodusPrivacy), etc. Il faudra aussi se pencher sur le rôle du système d’exploitation (surtout s’il y a utilisation de l’API proposée par Google et Apple). Le fait que l’application soit en logiciel libre est évidemment un impératif, mais ce n’est pas suffisant.

Si vous n’êtes pas informaticienne ou informaticien, mais que vous voulez vous renseigner sur les applications de suivi de contacts et ce qu’il y a derrière, souvenez-vous qu’il y a plusieurs composants, chacun devant être étudié :

  • L’application elle-même, celle que vous téléchargez sur le magasin, qui est la partie visible (mais pas forcément la plus importante).
  • Le protocole qui est l’ensemble des règles que suit l’application, notamment dans la communication avec le reste du monde (autres ordiphones, serveur central…). Avec le même protocole, on peut créer plusieurs applications assez différentes.
  • Le système d’exploitation qui, après tout, a un complet contrôle de la machine et peut passer outre les décisions des applications. C’est un sujet d’autant plus sensible que, sur les ordiphones, ce système est étroitement contrôlé par deux entreprises à but lucratif, Apple et Google.
  • Le serveur central (la grande majorité des protocoles proposés nécessite un tel serveur) qui peut être piraté ou, tout simplement, géré par des gens qui ne tiennent pas leurs promesses.

Parmi les bonnes lectures accessible à un large public :

Voilà, on peut maintenant passer aux questions qui passionnent mes lecteurs et lectrices passionnés d’informatique, les protocoles eux-mêmes. Il en existe de nombreux. J’ai une préférence pour PACT, dont je vous recommande la lecture de la spécification, très claire. La proposition DP3T est très proche (lisez donc son livre blanc).

Ces deux propositions sont très proches : l’ordiphone émet en Bluetooth des identifiants temporaires, générés aléatoirement et non reliables entre eux. Les autres ordiphones proches les captent et les stockent. Ces identifiants se nomment chirps dans PACT (qu’on pourrait traduire par « cui-cui ») et EphID (pour Ephemeral ID) dans DP3T. Lorsqu’on est testé (rappel : il n’y a pas assez de tests en France, on ne peut même pas tester tous les malades, ce qui est un problème bien plus grave que le fait d’utiliser tel algorithme ou pas), et détecté contaminé, on envoie les données à un serveur central, qui distribue la liste. En téléchargeant et en examinant cette liste, on peut savoir si on a été proche de gens contaminés.

C’est évidemment une présentation très sommaire, il y a plein de détails à traiter, et je vous recommande de ne pas vous lancer dans de longues discussions sur Twitter au sujet de ces protocoles, avant d’avoir lu les spécifications complètes. Les deux propositions ont été soigneusement pensées par des gens compétents et le Café du Commerce devrait lire avant de commenter.

PACT et DP3T ont assez peu de différences. Les principales portent sur le mécanisme de génération des identifiants, PACT déduit une série d’identifiants d’une graine renouvellée aléatoirement (on stocke les graines, pas réellement les identifiants), alors que DP3T déduit chaque graine de la précédente, des choses comme ça.

La proposition ROBERT est assez différente. La liste des identifiants des contaminés n’est plus publique, elle est gardée par le serveur central, que les applications doivent interroger. Globalement, le serveur central a bien plus de pouvoir et de connaissances, dans ROBERT. La question est souvent discutée de manière binaire, avec centralisé vs. décentralisé mais le choix est en fait plus compliqué que cela. (Paradoxalement, un protocole complètement décentralisé pourrait être moins bon pour la vie privée.) Au passage, j’ai déjà discuté de cette utilisation très chargée de termes comme « centralisé » dans un article à JRES. Autre avantage de ROBERT, la discussion sur le protocole se déroule au grand jour, via les tickets de GitHub (cf. leur liste mais lisez bien la spécification avant de commenter, pas juste les images). Par contre, son analyse de sécurité est très insuffisante, comme le balayage de tous les problèmes liés au serveur central en affirmant qu’il sera « honnête et sécurisé ». Et puis la communication autour de cette proposition est parfois scientiste (« Ce sont des analyses scientifiques qui permettent de le démontrer, pas des considérations idéologiques [comme si c’était mal d’avoir des idées, et des idées différentes des autres] ou des a priori sémantiques. ») et il y a une tendance à l’exagération dans les promesses.

Enfin, un peu en vrac :

(cette page est distribuée sous les termes de la licence GFDL)

Khrys’coronalungo du lundi 20 avril 2020

lundi 20 avril 2020 à 07:42

Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.

Brave New World

Spécial France

Spécial sortie de confinement

Spécial Coronavirus – données scientifiques

Spécial mauvaise gestion et casse du système de santé

Spécial travailleur·euses par temps de coronavirus

Spécial répression, violences et abus de pouvoir

Spécial la démocratie et nos droits en prennent un coup

Spécial résistance

Spécial GAFAM et cie

Les autres lectures de la semaine

Les BDs/graphiques/photos de la semaine

Les vidéos/podcasts de la semaine

Les autres trucs chouettes de la semaine

Deux personnages prennent le café. Le personnage de gauche dit : Alors, toujours coronalungo cette semaine ? - la personne de droite répond : Yep, mais ça semble se calmer un peu : on sent qu'on va vers le déconfinement...
Retrouvez les revues de web précédentes dans la catégorie Libre Veille du Framablog.

Les articles, commentaires et autres images qui composent ces « Khrys’presso » n’engagent que moi (Khrys).