source: Framablog
Dans le cadre de notre campagne « Dégooglisons Internet », nous nous étions engagés à produire, parmi 30 autres services, une alternative aux plateformes de pétition telles que Change ou Avaaz. Cet engagement n’a pas été tenu. Pourquoi ?
Les pétitions sont devenues monnaie courantes sur Internet. On peut en trouver sur à peu près tous les sujets, et elles peuvent être initiées par à peu près n’importe qui.
Évidemment, il pourra nous être opposé que ces pétitions n’ont aucun effet, si ce n’est de (se) donner bonne conscience (« J’ai signé, donc j’ai agi, donc je peux passer à autre chose »). Ou, au contraire, qu’il s’agit d’un outil de mobilisation fort utile permettant de se compter, et de récolter des contacts d’allié⋅es afin de pouvoir s’organiser collectivement. Au fond peu importe, nous faisons le constat que ces outils sont là, et qu’ils sont plébiscités par beaucoup d’internautes.
Le souci, c’est qu’il demeure forcément un flou autour de l’utilisation de nos données (très) personnelles par des plateformes dont le code n’est pas accessible, et qu’on ne peut donc utiliser ou installer pour soi en toute confiance. Ces entreprises peuvent nous jurer, la main sur le cœur, qu’elle ne font pas d’utilisation commerciale de nos données, le fait est qu’elles possèdent des données extrêmement sensibles sur nous (noms, adresses, email, objets de militances, etc.) et que l’histoire nous montre chaque jour à quel point nous devons nous méfier des plateformes (si ce n’est pas le cas, lire notre veille hebdomadaire devrait vous en convaincre rapidement !).
Or, les outils libres de pétitions, qui permettraient de déléguer notre confiance en celles et ceux qui font tourner la plateforme, ne sont pas légion.
On peut citer par exemple l’outil de la Maison Blanche « We The People », dont le code est présent sur Github depuis des années, mais absolument plus maintenu, ce qui pose d’énormes problèmes de sécurité.
Paradoxalement, un des outils les plus solides que nous avions repéré est ce bon vieux SPIP (un logiciel français-oui-monsieur-oui-madame qui a motorisé l’annuaire Framasoft pendant plusieurs années à nos débuts). Cependant, SPIP permettant 1 000 autres choses, son interface de gestion ne nous a pas parue pas adaptée pour de simples pétitions, et nous avions identifié par ailleurs plusieurs problèmes potentiels dans le cadre d’un usage « multi-organisation ».
Framapétitions et Framamail resteront les deux engagements non tenus de notre campagne « Dégooglisons Internet ».
Autant pour le Framamail, c’était un choix de notre part (trop coûteux à mettre en place et maintenir, et trop de risque de créer une dépendance à Framasoft), autant pour Framapétitions, il ne manquait pas grand chose pour y parvenir.
En effet, Framapétitions devait être un « sous produit » de Framaforms, développé par Pierre-Yves Gosset (« pyg » pour les intimes), le directeur et délégué général de Framasoft. Comme ce dernier l’indiquait en 2016
[…] en fait Framaforms servira aussi de « bêta test grandeur nature » à un autre projet « Dégooglisons » de Framasoft, à savoir Framapétitions. Si mes choix tiennent la route, alors je pense que je pourrai me relancer un nouveau défi : réaliser Framapétitions en moins de 4 jours ETP (Équivalent Temps Plein) et 0 ligne de code :)
Et alors… ? Et bien « paf-pastèque », comme on dit chez nous ! Il faut croire qu’être directeur de Framasoft ne lui aura pas permis, en trois ans, de trouver une semaine pour s’abstraire du monde et aller coder dans une grotte.
En conséquence, Framapétitions fut sans cesse repoussé au profit d’autres urgences professionnelles ou personnelles.
Début 2018, alors que notre pyg national se demandait encore quand il allait pouvoir trouver le temps de se remettre à Framapétitions, nous avons eu la chance de croiser le chemin d’une autre association : « Résistance à l’Agression Publicitaire » (R.A.P.). Bien qu’ayant un objet de militance a priori éloigné du logiciel libre (la lutte contre le système publicitaire et ses effets négatifs), nous avons vite accroché avec cette association dont les valeurs et les modalités d’actions nous semblent proches des nôtres.
Lors d’une discussion informelle autour de l’intérêt de mettre en place une instance PeerTube au sein de R.A.P. (ce que l’association a fait depuis, bravo à elle !), pyg a évoqué sa frustration concernant Framapétitions. La réaction fut aussi surprenante qu’intéressante : « Ha mais nous on a développé notre propre outil de pétitions, et on l’a mis sous licence libre. »
Les discussions commencèrent alors avec Yann, le développeur de cet outil, nommé Pytition (car le logiciel est développé en langage Python).
Nous avons alors convenu un partenariat informel entre nos deux structures, Yann continuerait le développement de Pytition (notamment en y ajoutant une couche permettant de gérer de multiples organisations), et Framasoft participerait la communication et à l’agrandissement de la communauté de cet outil.
L’intérêt pour R.A.P., c’est que leur projet ne reste pas dans un tiroir, et puisse servir à d’autres structures amies, tout en ayant une certaine pérennité.
L’intérêt pour Framasoft, c’est qu’on ne charge pas sur nos épaules le développement et le maintien d’une application de plus (on rame déjà suffisamment avec celles qu’on propose, merci :) ).
L’intérêt commun, c’est de démontrer qu’il est possible, pour une structure qui n’est pas spécialisée dans le numérique, de malgré tout produire et se réapproprier ses propres outils !
Si R.A.P. peut produire son outil de pétitions, pourquoi Greenpeace, par exemple, ne pourrait-elle pas produire un outil libre de crowdfunding ? Ou la Ligue des Droits de l’Homme développer un outil libre de gestion de revue de presse ?
Bonne nouvelle : Yann a bien avancé depuis notre première rencontre. Le logiciel fonctionne bien, puisqu’il est utilisé actuellement en production en version 1.x par R.A.P. Pytition est même très, très proche d’une version 2.0 (il ne manque plus que votre aide : voyez comment en bas de cet article !).
Mais Yann a cependant besoin d’aide pour finaliser cette version 2.0. Afin qu’elle puisse être proposée au public et surtout aux associations qui voudraient l’installer et gérer leurs propres pétitions.
Le mieux est sans doute de lui donner la parole !
Bonjour, exercice difficile !
J’ai 31 ans, j’habite Grenoble depuis bientôt 1 an, avant j’étais sur Paris. Je contribue bénévolement au monde associatif depuis quelques années. Bénévole de l’association Résistance a l’Agression Publicitaire depuis 2016 (loi travail), je suis membre du conseil d’administration de l’association depuis 1 an et je viens de m’y faire ré-élire le week-end dernier lors de l’assemblée générale a Lyon pendant les « rencontres intergalactiques ».
Trompettiste sur mes heures perdues (qui sont plus rares que je ne voudrais =)), je profite aussi des montagnes Grenobloises pour faire de l’escalade.
Professionnellement je suis développeur de logiciel embarqué dans une boite qui fait du semi conducteur, je bosse principalement sur le kernel Linux, la libc, et je commence à mettre les mains dans la toolchain (gcc, binutils).
Tout ça, comme tu peux le voir est bien loin du développement web, matière ou je suis plutôt novice et en cours d’auto-formation :)
Il faut savoir qu’à R.A.P. (Résistance à l’Agression Publicitaire), on essaie d’être le plus « propre » qu’on peut dans notre démarche militante et les moyens qu’on met en place pour atteindre nos buts.
Par exemple on a une vraie réflexion sur l’usage des réseaux sociaux, sur les aspects vie privée, et publicité, mais aussi sur la culture de l’instantané et l’économie de l’attention.
A partir de là, il faut quand même être pragmatique et quand on veut toucher les gens avec nos articles, nos communiqués et nos pétitions, il est clairement plus efficace d’utiliser les réseaux sociaux hégémoniques.
Un compromis a du être mis en place chez R.A.P., on a donc écrit une charte d’utilisation des réseaux sociaux qu’on essaie de respecter le plus possible.
En l’occurrence, on s’autorise à poster sur les réseaux sociaux propriétaires/publicitaires, avec des liens vers nos sites et vers les autres réseaux alternatifs. Mais on s’interdit de ramener des gens vers les réseaux propriétaires en faisant des liens de notre site vers eux. Donc pas de lien d’antipub.org vers f*cebook, mais on va faire des billets f*cebook avec des liens vers nos articles R.A.P..
Un jour, Khaled (ancien président de R.A.P., aujourd’hui salarié) me demande si je peux regarder si je trouve un moyen pour que RAP puisse auto-héberger ses pétitions en ligne vu que nous nous interdisions d’utiliser des plateformes telles que « change dot org ».
Le module WordPress utilisé à l’époque étant peu satisfaisant en termes de fonctions et d’interface.
On a regardé, et on n’a rien trouvé qui répondait à nos besoins.
J’étais chaud pour me lancer dans l’écriture d’une solution ad-hoc pour R.A.P., mais dans le doute quand même avant de commencer j’ai contacté Framasoft pour savoir s’il n’y avait pas un Framapétitions prêt à sortir. Dans ce cas j’aurai attendu un peu, mais on m’a plutôt encouragé à développer une solution pour R.A.P., quitte à ensuite la rendre plus générique pour étendre son usage au delà de la galaxie RAP.
On avait besoin d’un système de pétition « pour dans 2 mois ».
J’ai donc écrit, à la va-vite, depuis 0, un système très basique, uniquement destiné à l’usage de R.A.P., dans un langage que je connaissais bien : Python (avec le framework web Django).
Au final ça a été rapidement mis en production, et cette v1.0 héberge déjà 9 pétitions, consultables ici : https://petition.antipub.org/
Par rapport à la v1.0, on a fait beaucoup de chemin.
[...]/petitions/12
;Les plans pour le futur ?
Oui !
Une version de démonstration de la v2.0, en bêta, est disponible ici : https://pytitiondemo.sionneau.net/
C’est uniquement disponible pour jouer avec, car la base de donnée sera effacée régulièrement au grès des mises à jour. Ne pas s’en servir pour une vraie pétition ;)
Vous pouvez m’aider de plein de manières différentes :
J’ai aussi besoin d’aide pour financer le développement du projet, vous pouvez faire des dons ici :
Je suis ravi qu’on puisse tisser des liens entre le monde de l’anti-pub et celui du logiciel libre. Deux mondes a priori distincts mais qui en réalité s’entrecroisent de bien des manières.
Dans un deuxième temps, je profite de cet espace de parole qui m’est laissé pour passer un petit coup de gueule.
Je voudrais pointer du doigt ce qui m’apparaît comme une montée en puissance de la répression vis à vis des mouvements sociaux en général et du monde associatif en particulier. On voit de plus en plus d’associations comme Attac, ANV/Alternatiba ou RAP dernièrement (mais aussi entre autre des groupes informels féministes qui dénoncent les féminicides, le collectif Vérité pour Adama, …) qui subissent de sérieuses tentatives d’intimidation suite à leur actions. Ce genre d’actions, il n’y a pas si longtemps, ne déclenchait pas tous ces mécanismes : interpellations, contrôles d’identité, gardes à vues, souvent suivis de procédures judiciaires. Il devient très compliqué de faire avancer les sujets de société sans se trouver rapidement confronté à la police et à la justice. Je trouve ça très dommageable pour notre démocratie. Celle-ci ne s’arrête en théorie pas au simple fait de voter pour l’exécutif et le législatif mais inclue aussi la participation direct des citoyen⋅ne⋅s : dans les échanges, le plaidoyer, la mobilisation, la sensibilisation, la co-construction d’alternatives et bien d’autres modes d’actions.
Je déplore la radicalisation de l’exécutif, qui s’isole de plus en plus de l’effervescence politique du reste de la population. J’aimerai que l’exécutif s’inspire beaucoup plus de ce qu’il se passe dans la société civile plutôt que de rester dans la confrontation. Pour finir sur une note plus positive, je pense que malgré les difficultés posées par le contexte répressif, il faut continuer d’œuvrer pour construire la société dans laquelle nous souhaitons vivre.
[Note de Framasoft : pour celles et ceux que le sujet intéresse, nous reparlerons spécifiquement de ce rétrécissement de l’espace démocratique et des formes de répréssions envers les associations dans quelques semaines sur le Framablog]
Framasoft : Merci Yann d’avoir répondu à nos questions, et d’avoir développé Pytitions ! Nous encourageons les lectrices et lecteurs du Framablog à soutenir Yann, que ça soit sous forme financière pour qu’il puisse se dégager du temps, en l’aidant sur le logiciel (documentation, développement, etc.), ou tout simplement en le remerciant et en l’encourageant à poursuivre ce travail.
Rendez-vous sur la page des Carnets de Contributopia pour y découvrir d’autres articles, d’autres actions que nous avons menées grâce à vos dons. Si ce que vous venez de lire vous plaît, pensez à soutenir notre association, qui ne vit que par vos dons. Framasoft étant reconnue d’intérêt général, un don de 100 € d’un contribuable français reviendra, après déduction, à 34 €.
Illustration d’entête : CC-By David Revoy
Et si le pair-à-pair devenait le modèle et le moteur d’une nouvelle organisation sociale ? – Deuxième volet de la réflexion de Michel Bauwens (si vous avez raté le début, c’est par ici).
Source : Blueprint for P2P Society par Michel Bauwens
Traduction Framalang : Fabrice, goofy, jums, CLC, avec l’aimable contribution de Maïa Dereva.
2. Les relations entre la communauté et la coalition d’entrepreneurs
Quelles sont les relations entre cette coalition d’entrepreneurs et les communs dont ces entrepreneurs retirent leur valeur ? La coalition subvient aux besoins vitaux des « commoners » et soutient parfois financièrement l’institution à but lucratif. IBM, par exemple, verse un salaire aux développeurs/commoners qui contribuent à l’environnement Linux ainsi que des aides à l’association à but non lucratif (la Fondation Linux). Ainsi, les coalitions entrepreneuriales co-produisent et financent les biens communs sur lesquels leur succès est bâti.
Il est vrai qu’en agissant de la sorte, ils font par ailleurs de Linux un « commun d’entreprises », comme l’a expliqué Doc Searls :
Le rédacteur en chef du Linux Journal explique que « Linux est devenue une entreprise économique commune (une joint venture) composée d’un certain nombre de sociétés, tout comme Visa est une entreprise commune à un certain nombre de sociétés financières. Comme le montre le rapport de la Fondation Linux, ces sociétés participent au projet pour des raisons commerciales diverses et variées ».
Dans un rapport de la Fondation Linux sur le noyau de Linux, il est dit clairement :
Plus de 70 % des développements du noyau sont visiblement réalisés par des développeurs qui sont rémunérés pour ce travail. Plus de 14 % vient de contributions de développeurs qui sont connus pour ne pas être rémunérés et être indépendants, et 13 % sont produits par des gens qui peuvent ou non être rémunérés, donc la contribution faite par des travailleurs rémunérés peut atteindre jusqu’à 85 %. Par conséquent, le noyau Linux est largement produit par des professionnels, et non par des bénévoles.
Mais ce n’est pas là toute l’histoire. Thimothy Lee explique que la transformation de Linux en entreprise n’a pas changé son modèle d’organisation sous-jacente :
… l’important est la manière dont les projets open source sont organisés en interne. Dans un projet logiciel traditionnel, il y a un responsable projet qui décide des fonctionnalités dont bénéficiera le produit, et affecte du personnel pour travailler sur ces différentes fonctionnalités. En revanche, personne ne dirige le développement général du noyau Linux. Oui, Linus Torvalds et ses lieutenants décident quels correctifs iront finalement dans le noyau, mais les employés de Red Hat, IBM et Novell qui travaillent sur le noyau Linux ne reçoivent pas d’ordre de leur part. Ils travaillent sur ce qu’ils (et leurs clients respectifs) pensent être le plus important, et la seule autorité que possède Torvalds est celle de décider si le correctif qu’ils soumettent est suffisamment bon pour être intégré au noyau.
Clay Shirky, auteur de « Here Comes Everybody : The Power of Organizing Without Organisations [NdT : Voici venir tout le monde: le pouvoir de s’organiser sans les organisations] souligne que les entreprises qui travaillent avec Linux, comme IBM, « ont abandonné le droit de gérer les projets pour lesquels ils payent, et que leurs concurrents ont accès immédiatement à tout ce qu’ils font. Ce n’est pas un produit IBM. »
C’est donc là où je veux en venir : même avec des sociétés d’actionnaires alliées à la production entre pairs, la création de valeur de la communauté reste toujours au cœur du processus, et la coalition entrepreneuriale, jusqu’à un certain point, suit déjà cette nouvelle logique, dans laquelle la communauté prime, et où le business est secondaire. Dans ce modèle, la logique d’entreprise doit s’accommoder de la logique sociale. En d’autres termes, c’est avant tout une « économie éthique ».
3. La logique démocratique des institutions à but lucratifLa production entre pairs repose aussi sur une infrastructure de coopération parfois coûteuse. Wikipédia n’existerait pas sans le financement de ses serveurs, pas non plus de logiciel libre ou de matériel ouvert sans mécanisme de support similaire. C’est pour cela que les communautés open source ont créé une nouvelle institution sociale : les associations à but lucratif.
Encore une fois, c’est une innovation sociale importante car, contrairement aux institutions à but non-lucratif ou non-gouvernementales, elles ne fonctionnent pas du point de vue de la rareté. Les ONG classiques fonctionnent encore comme d’autres institutions industrielles à l’instar de l’entreprise ou de l’état-marché, car elles estiment que les ressources doivent être mobilisées et gérées.
À l’inverse, celles qui ont un but lucratif ont uniquement un rôle actif qui permet et favorise la coopération au sein de la communauté, qui fournit les infrastructures, sans pour en diriger les processus de production. Ces associations existent dans le seul but de bénéficier à la communauté dont elles sont l’expression, et c’est la bonne nouvelle, elles sont souvent gérées de manière démocratique. Et elles doivent l’être, car une institution non démocratique découragerait les contributions de sa communauté de participants.
Maintenant, le hic est de savoir comment appeler une institution responsable du bien commun de tous les participants, en l’occurrence, pas les habitants d’un territoire, mais les personnes impliqués dans un projet similaire ? Je rétorquerais que ce type d’institution à but lucratif possède une fonction très similaire aux fonctions normalement dévolues à l’État.
Bien que la forme étatique soit toujours aussi une institution de classe qui défend un arrangement particulier de privilèges sociaux, elle ne peut jamais être un simple instrument de règle de privilégié à elle seule, mais doit aussi gérer le commun. Si l’on considère cette dernière option, la plupart des gens la verrait comme acceptable, voire bonne. En revanche, si l’on considère que l’État échoue dans cette gestion, alors il perd sa légitimité et il est vu de plus en plus comme une source d’oppression par une minorité.
En général, un État reflète l’équilibre des forces à l’œuvre dans une société donnée. L’État providence était une forme acceptable puisqu’il reposait sur un compromis et sur la force d’un puissant mouvement de travailleurs ouvriers, alors que « la peur de Dieu » était instillée dans les milieux privilégiés par la possibilité d’un modèle alternatif d’État qui aurait pu faire disparaître la loyauté de leurs citoyens.
Cette alternative s’est effondrée en 1989, et avec elle les mouvements sociaux occidentaux. Elle a d’autant plus été affaiblie par les choix sociaux, politiques et économiques de désindustrialiser le Nord depuis les années 1980. Depuis, l’État providence a peu à peu laissé sa place à l’État providence contemporain des multinationales (parfois appelé « l’État marché »), qui aide uniquement les privilégiés, détruit les mécanismes de solidarité sociaux, et appauvrit la majorité de la population, et a fortiori affaiblit fatalement la classe moyenne.
Malheureusement, un tel système ne peut avoir aucune une légitimité à long terme, et rompt tout contrat social qui peut garantir la paix sociale. Il est compliqué d’établir une loyauté sur la perspective d’une souffrance toujours plus grande !
Cela signifie que nous assistons non seulement à la mort réelle de l’État providence social, mais aussi à la mort et à l’impossibilité logique de l’État-marché. Nous pourrions ajouter que même l’État providence est devenu problématique. La raison principale en est que sa base sociale, la classe ouvrière occidentale et ses mouvements sociaux, sont devenues des minorités démographiques en Occident, et que ses mécanismes, même lorsqu’ils fonctionnaient, ne contribueraient pas beaucoup à aider la majorité sociale actuelle, c’est-à-dire les travailleurs de la connaissance et des services, souvent indépendants et précaires.
De plus, le fonctionnement paternaliste et bureaucratique de beaucoup d’États providence devient inacceptable face à la demande émergente d’autonomie sociale et personnelle qui est l’un des principaux désirs sociaux de la nouvelle classe des travailleurs de la connaissance. La plupart des autres fonctions sociales de l’État providence ont été affaiblies par les réformes néolibérales du « New Labour » qui tendent à introduire la logique du secteur privé dans le monde du secteur public.
Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.
Tout le monde ne l’a pas installée pour s’amuser. En septembre, 10 000 journalistes et rédacteurs en chef travaillant pour quatorze organes de presse officielle à Pékin ont appris qu’ils devraient se soumettre à une série de « tests de loyauté » à partir du mois d’octobre pour pouvoir conserver leur carte de presse. Les examens en ligne se feront à partir de cette application Xuexi Qiangguo, et pourraient être étendus ensuite à l’ensemble du pays. Avec ce mouchard, c’est donc potentiellement à toute l’activité des journalistes des médias d’Etat (télé, radio, journaux, agence de presse…) que le Parti communiste a accès. Et, depuis quelques mois, à celle de tous les chercheurs ou journalistes étrangers qui l’avaient installée par curiosité.
Autre indice ayant mis la puce à l’oreille aux experts, les coordonnées par défaut de l’application iLoud200 % – soi-disant utilisée pour augmenter le volume sonore d’un téléphone, indiquait finalement la géolocalisation du téléphone – qui correspondaient tout bonnement au Service général des renseignements du pays.
Depuis le début du mois d’octobre, un ample mouvement social secoue l’Équateur suite au retrait, par le gouvernement de l’actuel président Lenin Moreno, de subventions permettant de stabiliser le prix de l’essence, provoquant une forte inflation. Le mouvement s’est vite transformé en la plus grande révolte que le pays a connu ces dernières années. Des indiens venus de toutes les régions du pays ont investi la capitale, Quito, et ont occupé le Parlement. Le gouvernement a décrété l’État d’urgence et a quitté la capitale, se réfugiant à Guayaquil, sur la côte, où il siège actuellement. En réponse, la Confédération des Nationalités Indiennes de l’Équateur (CONAIE) a décrété à son tour l’État d’urgence sur les territoires indiens, annonçant que tout représentant de l’État qui y pénétrerait serait arrêté. Jusqu’à aujourd’hui, la répression du mouvement par l’armée et la police a déjà fait près de 554 blessés, 929 prisonniers et 5 morts.
L’application Tsunami Democràtic fait sienne la devise « be water » du soulèvement de Hong Kong et s’appuie sur l’application Sukey des manifestations étudiantes de 2011 au Royaume-Uni : elle ne peut être activée qu’en scannant le QR code d’un membre existant, et une fois activée, elle vous place dans une « cellule » avec des utilisateurs proches et vous montre des actions qui ont lieu à proximité, mesures visant à coordonner les manifestations et à limiter le risque d’exposition lorsque la police s’en empare.
L’application est une application Android sideloadée et il n’y a pas de version iOS, ce qui signifie qu’il n’y a aucun moyen pour Google ou Apple de supprimer l’application de leurs stores sous pression de Madrid.
Si le PKK, mouvement marxiste-léniniste fondé en 1978, fait sans conteste figure d’adversaire de l’État turc, il s’agit aussi de l’un des mouvements les plus féministes de tout le Moyen-Orient.
L’organisation politique a tenu son premier congrès sur les droits des femmes en 1987.[…] Aujourd’hui, l’une des priorités politiques du parti consiste en la reconnaissance expresse de la place essentielle des minorités religieuses, des dissidents et des femmes au sein de la vie démocratique.
[…] Les femmes représentent 30 % des combattants kurdes déployés au Moyen-Orient. Plus de 25 000 Kurdes sont par ailleurs mobilisées en Syrie au sein des Unités de protection des femmes, brigades exclusivement féminines reflétant les principes d’émancipation des femmes du PKK. À titre de comparaison, l’armée américaine ne compte que 14 % de femmes dans ses rangs.
Ce sont des troupes kurdes féminines qui ont sauvé des milliers de Yazidis pris au piège par Daech sur le mont Sinjar en Irak en 2014, et ont participé à la libération de la ville de Raqqa du joug de l’organisation terroriste en 2017.
Jean-Paul Delahaye alerte sur les coupes budgétaires drastiques prévues par le gouvernement, notamment dans les crédits destinés aux collégiens et lycéens de familles pauvres.
Le terme surtout employé par la SNCF et le gouvernement a été repris dans plusieurs médias pour évoquer les perturbations en cours sur le trafic ferroviaire. Ce débat sémantique est loin d’être anodin.
Pour tous les usagers du train, ce conducteur n’est rien d’autre qu’un héros qui a sauvé 70 vies : en effet, d’autres trains arrivant sur la voie auraient pu causer un « sur-accident », si le cheminot n’était pas parvenu à mettre en place la procédure d’urgence assez rapidement. La question que tout le monde devrait se poser est la suivante : et si l’accident avait été plus grave pour le conducteur ? Si au lieu d’une blessure à la jambe le conducteur avait été dans l’incapacité de se déplacer ? Si celui-ci était même mort dans l’accident ? Aurait-on dû, pour économiser un poste de contrôleur dans le TER, mettre en danger tous les passagers du train ? Les images du TER, dont l’avant a été déchiqueté par l’impact au point de mettre hors-service la radio, montrent que de telles hypothèses sont loin d’être fantasques !
Les représentants du ministère du Travail suggèrent la plus grande prudence à la direction de l’entreprise désireuse de prendre des mesures disciplinaires à l’égard des conducteurs de train qui ont exercé leur droit de retrait
« L’entrave au droit de retrait est un délit punissable d’une amende de 10 000 euros multipliée par le nombre de salariés concernés. »
« La manifestation se déroulait dans le calme. Il était environ 17h30 et nous étions sur la place de la Nation. Nous attendions les bus pour rentrer à Dijon, tout le monde était fatigué. Et puis d’un coup, ça s’est excité devant. On a subi un flot de grenades lacrymogènes. Mon collègue était à côté de moi, il a levé la tête et il a pris un éclat de grenade sur le casque. Il est tombé à terre tout de suite, on l’a soutenu et on a appelé les collègues pompiers de Paris. C’était la panique totale. »
[…] « Après, les collègues se sont un peu énervés. Mais à la base, on ne faisait rien, on attendait pour repartir. Aujourd’hui, nous en voulons aux personnes qui ont donné l’ordre de faire ça. »
Le 12 janvier 2019, à Bordeaux, après une charge de la police, le manifestant « gilet jaune » Olivier Beziade est gravement blessé à la tête. Plongé dans le coma artificiel par les pompiers, puis immobilisé par 90 jours d’ITT, il souffre toujours d’hémiplégie. […] l’enquête vidéo du Monde révèle comment ce manifestant a été la cible d’un tir de LBD 40 dans la tête alors qu’il ne présentait pas de menace, mais aussi d’un jet de grenade de désencerclement non autorisé. Des images qui illustrent comment les forces de l’ordre ont fait usage d’armes dangereuses sans respecter les principes de nécessité et de proportionnalité, ni les règles en matière d’assistance et de premiers secours.
Oui, la crise frappera tout le monde. Mais il y a des façons massivement injustes de faire du tort à certaines personnes plus qu’à d’autres. Et quand nous effaçons cela, quand nous ignorons les voix de celles et ceux qui sont en première ligne et qui sont le plus en jeu, quand nous nous concentrons uniquement sur « nos enfants » et non sur les gens qui meurent maintenant, nous risquons de laisser la place à l’éco-fascisme. En refusant de nommer les causes de la crise climatique et des autres injustices sociales – le colonialisme et le capitalisme – XR continuera à aliéner les gens qui vivent déjà à l’extrémité du système qui finira par tou·te·s nous tuer.
Après avoir été interrogé sur la question de savoir si les propriétaires devraient dire à leurs invités que des dispositifs intelligents – comme un haut-parleur Google Nest ou un écran Amazon Echo – sont utilisés avant qu’ils n’entrent dans le bâtiment, il conclut que la réponse est effectivement « oui ».
La semaine passée, Reclaim the Net, un site Web de cybersécurité, a déclenché une vague de réactions sur la toile après avoir publié un rapport indiquant qu’Apple partage les adresses IP des utilisateurs d’iOS localisés en Chine avec Tencent Holdings. D’après la rumeur, Tencent serait lié au gouvernement communiste chinois et ne recevrait pas que les adresses IP, mais également d’autres informations de navigation. Apple a réagi à cette rumeur cette semaine en déclarant que l’entreprise ne transmettait pas les URL de Safari à Tencent, mais uniquement les adresses IP.
Dans les systèmes hiérarchiques, ce sont nos supérieurs qui décident ; sur les marchés, ce sont les prix ; dans les démocraties, c’est « nous » qui sommes les décideurs. Mais lorsque les ressources sont illimitées, comme c’est le cas pour ce qui est de la connaissance, du code ou du design, ce n’est plus véritablement utile, puisque connaissance, code ou design peuvent être copiés et partagés à un coût marginal.
Ces communautés sont de véritables « poly-archies » où le pouvoir est de type méritocratique, distribué et ad hoc. Chacun peut contribuer librement, sans avoir à demander l’autorisation de le faire, mais cette liberté de contribution a priori est contrebalancée par des mécanismes de validation communautaires a posteriori : la validation émane de ceux dont l’expertise est reconnue et qui sont acceptés par la communauté, ceux que l’on appelle les « mainteneurs » ou encore les « éditeurs ».
La « légalité non souhaitable » c’est lorsque tu expliques que « bien sûr c’est légal » (de se promener, de faire des sorties scolaires ou de courir – non pas de courir apparemment – avec un Hidjab) mais que « bien sûr ce n’est pas souhaitable » (que des femmes courent, fassent des sorties scolaires ou se promènent dans l’espace public avec un Hidjab).
[Rien à voir mais ça me démange] Entre ces deux-là et le troisième endimanché stratosphérique qui sur un tout autre sujet nous explique qu’il est, je cite, « nécessaire d’expérimenter la reconnaissance faciale pour que nos industriels progressent », l’impression que la réalité est soluble dans un reportage de Groland devient assez troublante et pénible sur le long terme. J’en profite quand même pour rappeler à Cédric O, nouveau lauréat du prix Nobel du raisonnement à la con, que l’expérimentation du Zyklon B a également permis à l’industrie de progresser. [Rien à voir mais ça me démangeait]
Croyez les femmes quand nous disons que le bureau est trop froid, quand nous disons que nous sommes moins payées et surtout quand nous disons que nous souffrons.
Le scepticisme sur ce dernier point coûte des vies : selon une étude menée par l’Université d’Édimbourg et financée par la British Heart Foundation, les femmes qui se sont rendues aux urgences après avoir souffert de douleurs thoraciques (on a découvert plus tard qu’elles faisaient une crise cardiaque) étaient moitié moins susceptibles que les hommes de recevoir le traitement médical recommandé. La recherche vient après qu’il a été révélé que l’entrée de symptômes cardiaques identiques pour les femmes et les hommes sur Babylon, une application virtuelle louée par le secrétaire de la santé, Matt Hancock, a abouti à différents diagnostics. L’intelligence artificielle indique à une fumeuse de 60 ans qui signale des douleurs thoraciques et des nausées qu’elle fait simplement une crise de panique. Un fumeur de 60 ans qui présente exactement les mêmes symptômes se fait dire qu’il pourrait faire une crise cardiaque et on lui conseille de se rendre aux urgences.
Retrouvez les revues de web précédentes dans la catégorie Libre Veille du Framablog.
Les articles, commentaires et autres images qui composent ces « Khrys’presso » n’engagent que moi (Khrys).
Et si le pair-à-pair n’était pas seulement un moyen pratique d’échanger des fichiers mais aussi le modèle et le moteur d’une nouvelle organisation sociale ? Michel Bauwens a un plan…
Ah le P2P, que de souvenirs pour les moins jeunes… Napster, Gnutella, eDonkey et d’autres qui faisaient la nique aux droits d’auteur et nous permettaient de récupérer comme de transmettre toutes sortes de ressources numériques par nos ordinateurs individuels, avec la technique simple et efficace du Pair à pair : puisque nos ordinateurs ont a possibilité d’entrer en contact les uns avec les autres, pourquoi donc passer par un point central et demander une permission ?
Les logiciels et réseaux de P2P ont disparu après des poursuites judiciaires, mais le protocole BitTorrent est toujours disponible et encore utilisé par exemple pour la distribution massive de logiciels libres ou open source. Faut-il rappeler aussi que PeerTube, maintenant en version 1.4.1, utilise le protocole WebTorrent qui repose sur le principe du pair-à-pair ?
Cette technologie déjà ancienne semble toujours promise à un bel avenir, dans le mouvement général de re-décentralisation (le navigateur Beaker, le protocole //:dat, et encore tout cela…
… mais élargissons un peu le champ et voyons comment Michel Bauwens a envisagé une pratique sociétale du pair-à-pair, lui qui déclarait dès 2012 :
« Le P2P est le socialisme du XXIᵉ siècle ! » et « La révolution induite par le P2P aura des effets similaires à ceux provoqués par l’apparition de l’imprimerie au XVe siècle » (source)
Michel Bauwens n’est pourtant ni un redoutable révolutionnaire ni un prophète gourou à la barbe fleurie. C’est un tranquille soixantenaire qui avec sa Fondation P2P s’active sérieusement pour proposer de changer de monde.
Comme vous allez peut-être le découvrir à travers notre traduction de cette page wiki de la fondation P2P, c’est toute une conception raisonnée de la société qu’il expose en prenant appui (quelle surprise) sur les Communs et les logiques collaboratives déjà à l’œuvre dans le Libre. Voici aujourd’hui une première partie, les autres suivront. Vous trouverez au bas de cet article des liens vers des ressources complémentaires, ainsi que la possibilité de commentaires qui sont comme toujours, ouverts et modérés.
Traduction Framalang : CLC, goofy, mo, Delaforest, avec l’aimable contribution de Maïa Dereva
Un nouveau mode de production est en train d’apparaître, c’est-à-dire une nouvelle façon de produire tout ce que l’on veut, que ce soit du logiciel, de la nourriture ou des villes. Nous découvrons maintenant (la plupart du temps c’est en fait une redécouverte) comment réaliser, grâce à la libre association de pairs, tout ce qui nécessitait autrefois des organisations rigides et une société structurée par une conception pyramidale.
Il est désormais de plus en plus clair que l’entrée dans une ère qui se définit par une philosophie associant liberté d’association de pairs et horizontalité n’implique pas que la structure institutionnelle en tant que telle doive disparaître : celle-ci va simplement subir des transformations profondes. Dans le modèle émergeant de la production entre pairs, très présent dans l’industrie du logiciel libre, nous pouvons observer des interactions entre trois types de partenaires :
Il existe une nette division du travail institutionnel entre ces trois acteurs.
Les contributeurs créent une valeur d’usage qui réside dans l’innovation partagée de communs de la connaissance, de design ou de code.
L’association à but non lucratif gère et défend l’infrastructure générale de la coopération qui rend le projet soutenable « collectivement ». Par exemple, la Fondation Wikimedia collecte les fonds qui servent à financer l’espace nécessaire de serveurs sans lequel le projet Wikipédia ne pourrait exister.
La coalition d’entrepreneurs rend viable l’activité des contributeurs individuels en leur fournissant un revenu et, bien souvent, elle apporte aussi les moyens financiers qui permettent d’assurer la pérennité des associations à but non lucratif.
Par ailleurs, pouvons-nous acquérir des connaissances sur l’organisation de ce nouveau mode de création de valeur, apprendre quelque chose d’utile, non seulement à ces communautés, mais aussi à la société dans son ensemble ? Ces nouvelles pratiques sociales pourraient-elles faire apparaître une nouvelle forme de pouvoir et un nouveau modèle de démocratie pouvant servir de réponse à la crise de la démocratie que nous connaissons actuellement ? Je répondrais résolument par un OUI à cette question et, plus encore, je dirais que nous assistons à la naissance d’une nouvelle forme d’État, un État « P2P » si l’on veut.
Examinons les mécanismes du pouvoir et les stratégies de la production entre pairs.
Précisons avant tout, et c’est plutôt surprenant, que ces communautés ne sont pas des démocraties. Pourquoi donc ? Tout simplement parce que la démocratie, le marché et la hiérarchie sont des modes de répartition de ressources limitées.
Dans les systèmes hiérarchiques, ce sont nos supérieurs qui décident ; sur les marchés, ce sont les prix ; dans les démocraties, c’est « nous » qui sommes les décideurs. Mais lorsque les ressources sont illimitées, comme c’est le cas pour ce qui est de la connaissance, du code ou du design, ce n’est plus véritablement utile, puisque connaissance, code ou design peuvent être copiés et partagés à un coût marginal.
Ces communautés sont de véritables « poly-archies » où le pouvoir est de type méritocratique, distribué et ad hoc. Chacun peut contribuer librement, sans avoir à demander l’autorisation de le faire, mais cette liberté de contribution a priori est contrebalancée par des mécanismes de validation communautaires a posteriori : la validation émane de ceux dont l’expertise est reconnue et qui sont acceptés par la communauté, ceux que l’on appelle les « mainteneurs » ou encore les « éditeurs ». Ce sont eux qui décident quelle part d’un logiciel ou d’un design est acceptable. Ces décisions s’appuient sur l’expertise de certains, non sur un consensus communautaire.
L’opposition entre participation inclusive et sélection pour atteindre l’excellence existe dans tout système social, mais ce problème est réglé plutôt élégamment dans le modèle de la production entre pairs. Ce qui est remarquable ce n’est pas que celui-ci permet d’éviter tout conflit, c’est plutôt qu’il rend « inutile » le conflit puisque l’objectif de la coopération est compatible avec une liberté maximale de l’individu. En fait, le modèle de production entre pairs correspond toujours à une coopération « orientée objet », et c’est cet objet spécifique qui déterminera le choix des mécanismes de « gouvernance par les pairs ».
Le principal mécanisme d’attribution dans un projet qui remplace marché, hiérarchie et démocratie repose sur une répartition des tâches. Contrairement au modèle industriel, il n’y a plus de division du travail entre les différents postes de travail, la coordination mutuelle fonctionnant via des signaux stigmergiques.
L’environnement de travail étant construit pour être totalement ouvert et transparent (on appelle cela « l’holoptisme »), chacun⋅e des participant⋅e⋅s peut voir ce qu’il est nécessaire de faire et décider alors s’il/elle apportera sa contribution spécifique au projet.
Ce qui est remarquable dans ce nouveau modèle, c’est qu’il combine une coordination mondiale et une dynamique de petits groupes caractéristiques du tribalisme primitif, et ce sans qu’aucune structure ne donne d’ordres ni n’exerce son contrôle ! En fait, on peut dire que la production entre pairs permet une dynamique de petits groupes à l’échelle mondiale.
Bien sûr, il peut y avoir des conflits entre les contributeurs puisqu’ils travaillent ensemble, et il y en a ; cependant ces conflits ne sont pas réglés de manière autoritaire mais au moyen d’une « coordination négociée ». Les différends sont « évacués » dans les forums, les listes de discussion ou les chats que ces communautés utilisent pour coordonner leur travail.
La décision hiérarchique qui demeure, celle d’accepter ou non la modification apportée à un programme, nécessaire si l’on veut préserver la qualité et l’excellence de ce qui a été produit, est contrebalancée par la liberté de « prendre une autre voie » (fork). Cela signifie que ceux ou celles qui sont en désaccord ont toujours la possibilité de partir avec le code source et de créer une autre version où leurs choix prévaudront. Ce n’est pas une décision facile à prendre mais cela permet la création d’un contre-pouvoir. Les mainteneurs savent que toute décision injuste et unilatérale peut conduire à une chute du nombre de participant⋅e⋅s au projet et/ou les amener à créer un fork.
Mobilizon is an alternative to Facebook groups and events. After a successful crowdfunding, it is time we gave you a taste of this software and updated you on its progress.
La version originale (en Français) de cet article est à lire ici.
During the Spring of 2019, we launched our Mobilizon crowfunding, to fund a free/libre software allowing communities to liberate themselves from Facebook events, groups and pages.
This crowdfunding’s aim was to produce Mobilizon and to know how far you all wanted us to go with this project. Over one thousand people funded this project, and we are very pleased to see how enthusiastic you all were : evidently, many of us are tired of Facebook’s walled garden around on our events !
Today, we are keeping a promise we made during the campaign : sharing Mobilizon’s progress with you. We decided to showcase it to you as soon as possible, even though most features are not developed yet. This is precisely what a beta is : some things are still rough around the edges, the paint is fresh, not everything is in place (yet)… but you can still get a clear picture of what we have achieved and how much work still remains to be done.
Mobilizon‘s aim is to create a free/libre software allowing communities to create their own spaces to publish event.
Here is everything you can do with Mobilizon :
We are very enthusiastic about the ability to use different identities. Under the same account, you can compartimentalize several aspects of your social life : one identity for sports, one for family gatherings, another one for activism, etc.
This is the sort of tool Facebook & Co will never offer, as they have a vested interest in gathering every aspects of our social lives under a single, and therefore advertiser-friendly, profile… Thus, it alwyas brings us great joy to realize that when we distance oursleves from this platforms model, we can imagine user-friendly, emancipatory tools.
Better yet, you can have a look by yourself…
Wait up before you organize a Last Party Before Armageddon on test.mobilizon.org : it is only a demo site ! Feel free to use it however you want, to click at will : there will be no consequences as every account, event etc. will be automatically deleted every 48 hours.
One of our promises while we were mapping out Mobilizon’s development was to create a tool by and for people, so we worked with UI/UX designers… we hope you like the result !
We have made room on our forum for your feedback. However, we will probably not be able to answer to requests pertaning to new features, as we already have much to do !
In the few next months, we will publish regular updates of this beta release, and show you its progress. This way, we will have time to observe and hear your feedback, up until the first fully functional release of Mobilizon, which is planned for the first semester of 2020.
Depending on your level of expertise, you may look under the hood and read Mobilizon’s source code. Nevertheless, we do not recommend installing Mobilizon on your server before we take care of its federated[1] features.
As Mobilizon is not (yet) federalized[1], it is not (yet) possible, for example, to register to a Framaparty posted on Framasoft’s Mobilizon instance[2] from an account created on a UnitedUni instance, hosted by your college. Both the federeated aspect and the ability to register to an event anonymously are being developed right now. We will introduce you to them when we keep you updated on the software again, around December.
During 1st semester of 2020, we will publish the first stable release of Mobilizon. We will implement moderation tools as well as collaborative ones (groups, organizational spaces, private messages). We will be in touch with pioneer installers and users (the latest have probably used their pals’ servers). We will be working on technical documentation too.
We at Framasoft cannot wait to see as many people as possible free themselves for Facebook events, and use Mobilizon to organize, say, an advocacy group or a Climate March.
However, we might have to wait a bit before closing down all these Facebook groups that structure part of our lives. Meanwhile, we hope this demo will show the potential of a software meant to gather, organize and mobilize… people who are trying to make the world a better place.
Have a look at Contributopia’s travel journals and discover more articles and actions made possible by your donations. If you like what you just read, please think of supporting us, as your donations are the only thing that allow us to go on. As Framasoft is a public interest organization, the real cost of a 100 € donation from a French taxpayer is only of 34 €.
Header illustration : CC-By David Revoy
[1] Federation : If my college hosts my email, and yet I can communicate with a gmail (hosted by Google), it is because they speak the same language : they are federated. The federation, here, refers to the use of a common language (a « protocol ») to be able to connect. Capacities do not rely on a single player (e.g. : Facebook for WhatsApp, Google for YouTube, etc), but rather on a multitude of companies, organizations, collectives, institutions, or even private individuals, required they posess the appropriate skills. This provides more resilience and independance to these networks, and makes them harder to control as well. Thus, in the case of Mobilizon, different instances[2] of the software (on the servers of a college, collective or organization such as Framasoft, for example) will be able to synchronize the data made public (events, messages, groups, etc.).↩
[2] Instance : an instance is one hosted installation of a federated software. This software is therefore located on a server, under the responsibility of the people who administer this server (the hosts). Each host can choose whether to connect or not its instance with others, and therefore whether or not to grant access to the information shared on said instance to its members. For example, framapiaf.org, mamot.fr and miaou.drycat.fr are three Mastodon instances (respectively from the hosts Framasoft, La Quadrature du Net and Drycat). As these 3 instances are federated, their members can communicate with each other. In the same vein, two -or even two thousand- Mobilizon instances can be connected and share events.↩