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Défi #Ilovefs : créez une page Framasite pour votre création libre préférée !

mercredi 14 février 2018 à 15:12

C’est le 14 février. Le reste de l’année, nous avons un peu (trop ?) l’habitude de dire « y’a un beuuuuug » aux personnes passionnées qui créent des logiciels libres. Mais aujourd’hui, c’est différent.

Aujourd’hui, on dit juste « merci ». On leur dit juste combien on les aime, combien on aime leur travail.

Car aujourd’hui, le 14 février, c’est le I Love Free Software Day : le jour où on partage du #ilovefs et du datalove de partout.

Créez une Page Framasite à la gloire d’une création de l’esprit libre !

Aujourd’hui aussi, nous venons d’ajouter un nouvel outil à notre service d’hébergement et de conception de sites web : les Pages Framasite. Comme nous le disons sur ce blog, cet outil est très simple à utiliser, et permet de créer un site en quelques clics.

Du coup, nous nous sommes dit qu’on allait vous lancer un défi, juste pour le fun :

  1. Connectez-vous sur Frama.site (nécessite d’avoir un compte)
  2. Cliquez sur « créer un site » puis sur « Page »
  3. Créez un site à la gloire d’un logiciel, un blog, un roman, une asso, une ressource libre que vous aimez
  4. Quand vous avez fini, partagez-le sur vos réseaux sociaux préférés avec le hashtag #Ilovefs (et mentionnez @framasoft au passage, si vous voulez qu’on le voie !)

Si vous êtes suffisamment nombreuses et nombreux à relever le défi, on fera un petit florilège ici même sur ce blog !

Comme nous aussi on aime faire des choses pour la beauté du geste, on s’est prêté à l’exercice, histoire de vous faire un mini-tuto !

Pouhiou déclare son amour à VLC

Pouhiou, il aime VLC, le lecteur de vidéos tout terrain à l’emblématique cône de chantier. Alors il va lui dédier une page web. Pour cela, il se rend sur Frama.site, se connecte à son compte (il sait déjà comment on le crée !) et choisit de faire une Page Framasite

C’est le choix de gauche, tout simplement.

 

Là, notre Pouhiou tombe sur un formulaire assez explicite demandant l’adresse web souhaitée, le nom du site, ses mots-clés… Alors il le remplit comme ça :

Notez comme il ne montre pas la taille de son mot de passe sur cette capture d’écran, le filou !

Une fois qu’il a cliqué sur Créer un site page, cela le renvoie sur son compte général Framasite, où il trouve le nouveau site qu’il vient de créer… Il ne lui reste plus qu’à choisir Modifier mon site et de se connecter avec l’identifiant et le mot de passe qu’il a choisis dans le formulaire précédent !

Et voici son site vierge, avec quelques modules (les « bandes » du site web) déjà pré-installées !

Première étape, Pouhiou veut modifier l’image et le texte du module image d’en haut. Il lui suffit de cliquer sur les éléments, puis de sauvegarder !

Notez que, pour les besoins de cette animation, il avait déjà préparé son texte et envoyé son image sur sa Page Framasite.

Pouhiou se souvient encore, avant VLC, donc dans la préhistoire de la vidéo numérique, qu’il lui fallait avoir installé un obscur pack de codecs sur WindowsMediaPlayer (beuuuurk), et avoir RealMediaPlayer ou Quicktime pour certaines vidéos… Il en parle donc dans le module de texte suivant ! En quelques clics, il passe de ça :

À ça  :

Tiens, la disquette orange « sauvegarder » pulse : Pouhiou se dit qu’il doit régulièrement cliquer dessus pour enregistrer ses avancées…
C’est le moment ou jamais de mettre un bouton de téléchargement vers le site de VLC… Pouhiou clique donc entre deux modules pour pouvoir en ajouter un, et choisit d’ajouter un module « bouton ».

Après quelques clics pour changer l’image de fond, le texte et le lien du bouton, voici ce que ça donne !

Bon, ce vert et cette police, ça lui va pas du tout, à notre Pouhiou. Il décide d’aller voir dans les options du site pour changer tout cela !

Pouhiou surkiffe la nouvelle version majeure de VLC, la 3.0 « Vetinari ». D’une part parce que Vetirani, c’est le nom du Patricien, le tyran bienveillant des romans du Disque-Monde

Mais surtout parce que cette version 3.0 regorge de fonctionnalités. Il décide donc d’ajouter un module de carrousel d’images (éhontément piquées sur le site officiel de VLC !) pour montrer ces nouvelles fonctionnalités. Ce module fonctionne comme le module image de tout à l’heure, mais avec plusieurs images et textes à remplir !

Une fois son module paramétré, Pouhiou se rend compte qu’il est mal placé, en-dessous du bouton de téléchargement… Et s’il le faisait remonter au dessus ? Pour cela il lui suffit de cliquer sur la clé à molette du module carrousel !

 

Puis de cliquer sur la flèche qui lui permet de remonter le module !

Il profite aussi de ce bouton des paramètres de chaque module pour supprimer ceux qui ne lui serviront à rien ;).

Cela donne un mini site déjà bien sympa :
https://ilovevlc.frama.site

À vous de répandre du datalove !

Que ce soit en faisant une page Framasite, un mot sur vos médias sociaux, un email au personnes qui créent des œuvres de l’esprit libre, un don, un poème, etc… Pensez à faire un petit quelque chose aujourd’hui.

On prend rarement le temps de dire merci, aujourd’hui c’est l’occasion rêvée !

Joyeux I Love Free Software Day à vous,

 

L’équipe de Framasoft.

Pour aller plus loin & Contribuer :

 

Les Pages Framasite : plus c’est facile, plus on partage !

mercredi 14 février 2018 à 15:11

Notre service d’hébergement et de création de sites web s’enrichit d’une belle contribution, pour que quiconque puisse créer une page web en quelques clics seulement.

Framasite, un service que vous avez fait grandir

Dès son lancement en octobre dernier, nous avions annoncé la couleur : le service Framasite était loin d’être « prêt-à-l’emploi ». Notre feuille de route Contributopia est claire : proposer moins d’outils, pour prendre le temps de les imaginer avec vous. Nous avons donc proposé un Framasite tout vert, avec deux options (faire un site web ou faire un wiki). Cette sortie permettait d’avoir une base pour commencer à échanger avec vous, à récolter vos retours et contributions afin de faire évoluer ce service selon vos attentes.

Cliquez pour découvrir le monde des services de Contributopia.
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

L’option Wiki (propulsée par le logiciel libre Dokuwiki) a très vite trouvé son public : elle est relativement facile à utiliser. De plus, une personne qui crée un wiki sait en général pourquoi elle choisit ce genre de site très particulier. Les options Blog, Page ou Site (propulsées par le logiciel libre Grav), quant à elles, ont plus fait débat : les enthousiastes de la souris les ont vite adoptées, les blogueurs et blogueuses les ont apprivoisées, mais elles ne sont pas vraiment faciles à dompter pour qui n’aime pas mettre les mains dans le cambouis numérique…

 

Robin : développeur en herbe, et pas que

Framasite, illustré par David Revoy – Licence : CC-By 4.0

C’est en voulant changer le monde (un octet à la fois) que Robin s’est retrouvé à faire un stage en développement chez Framasoft. Cet aquarelliste à la formation d’éducateur a été fasciné par les modes d’organisations collectives qui naissaient dans les Nuits Debout Nîmoises. Nous reparlerons prochainement, sur ce blog, du projet qui l’a poussé à apprendre à coder… Mais la motivation est bien connue des libristes : « si le logiciel de mes rêves n’existe pas, je m’en vais le coder moi-même ! »

Robin a donc commencé son stage avec pour but de faciliter l’utilisation de Grav (le logiciel libre qui permettait, jusqu’à aujourd’hui, de créer une Page, un Blog ou un Site Framasite). Après quelques bidouillages, fausses pistes, et échanges avec d’autres développeurs qui avaient tenté de prendre le même chemin, il arrive au pied du mur. Le logiciel Grav est conçu de manière si élégante, si complète, que modifier un de ses éléments-clés (les modules, le markdown…) reviendrait à devoir le refondre en entier.

Qu’à cela ne tienne, Robin vient nous annoncer : « Il me reste un mois, si je pars de zéro, je peux faire la solution dont j’aurais rêvé pour faire mes sites d’aquarelles, lorsque je n’y connaissais rien au code… » On va vous le dire franchement : vu les délais, nous, on y croyait moyen… Mais si un stage n’est pas l’occasion d’expérimenter (pour la ou le stagiaire) et de faire confiance (pour l’encadrant·e), quand peut-on suivre son enthousiasme, hein ?

Les Pages Framasite : beau, beau, beau et con à la fois

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Robin nous a bluffé·e·s ! En un mois, il a conçu PrettyNoémieCMS, un logiciel qui permet de créer hyper simplement une belle page web (un site à page unique pour présenter son association, son CV, ses travaux artistiques ou son artisanat…).

Pourquoi c’est facile ? Parce que c’est limité (ah ben y’a pas de secret, hein…). Bien sûr on peut choisir des thèmes de couleurs, des jeux de polices… Mais tout est déjà pré-mâché pour vous, vous ne pourrez pas trifouiller les bordures, emplacements et autres joies du CSS…

Donc oui : c’est limité et limitant, c’est même conçu comme ça… Car ce sont ces limites qui permettent d’avoir un résultat vraiment joli. C’est donc un outil à réserver aux personnes qui apprécieront un principe fondamental de cet outil…

Le principe est simple : à aucun moment vous ne verrez du code.

Il vous suffit d’aller sur votre site, vous vous connectez à l’interface d’administration, et là des boutons s’affichent par dessus votre Page web.

Vous ? Vous n’avez qu’à cliquer. Vous cliquez pour rajouter un bandeau de titre, des colonnes de textes, un carrousel ou une galerie d’images, un formulaire de contact ou une carte OpenStreetMap… Vous cliquez encore pour changer les textes, les mettre en forme ou pour charger vos images.

Les boutons sont explicites, il y a une aide si jamais vous êtes perdu·e·s, mais franchement… c’est vraiment, vraiment facile. Le résultat, pour la personne qui crée le site comme pour celles qui iront le voir, est franchement sympa.

Tiens, si vous voulez voir, Robin vous a même préparé une vidéo :

À vous de créer vos Pages Framasite !

Voici une nouvelle étape dans l’évolution contributive de Framasite. Ce n’est pas fini : le logiciel derrière les Pages Framasite, PrettyNoemieCMS, est vert et frais comme un mojito ! Voyons ensemble, avec vos retours, comment il maturera. Les autres solutions (les Wikis, les Blogs, les Sites complexes) restent bien sûr disponibles et vouées à évoluer. Ces nouvelles Pages Framasite ne sont qu’une corde de plus à cet arc qui vous permet de vous exprimer pour faire vibrer la toile !

Désormais, si vous connectez à votre compte Frama.site et que vous choisissez de « créer un nouveau site », les possibilités seront classées par facilité d’utilisation :

Pour fêter l’arrivée de ce charmant petit outil, on vous a concocté un exemple doublé d’un défi : êtes-vous prêt·e à créer une Page Framasite déclarant votre amour pour un logiciel libre ?

Si oui, rendez-vous sur cet article du blog !

Et quoi qu’il en soit, n’hésitez pas à nous dire ce que vous pensez de cette nouvelle solution !

Pour aller plus loin & Contribuer :

 

21 degrés de liberté – 05

lundi 12 février 2018 à 22:56

Hier nous pouvions facilement rencontrer qui nous voulions physiquement de façon privée et être à l’abri des oreilles indiscrètes si nous l’avions décidé. C’est devenu presque impossible aujourd’hui dans l’espace numérique.

Voici déjà le 5e article de la série écrite par Falkvinge. Le fondateur du Parti Pirate suédois s’attaque aujourd’hui à la question de notre liberté de nous réunir et échanger en ligne sans être pistés.

Le fil directeur de la série de ces 21 articles, comme on peut le voir clairement dans les épisodes précédents que nous vous avons déjà livrés, c’est la perte de certaines libertés dont nous disposions encore assez récemment, avant que le passage au tout-numérique ne nous en prive.

Mais où est donc passée la liberté de réunion ?

Par Rick Falkvinge, source : Private Internet Access
Traduction Framalang : redmood, Penguin, mo, draenog, goofy et 2 anonymes

Nos parents, dans leur monde analogique, avaient le droit de rencontrer qui ils voulaient, où ils voulaient, et de discuter de ce qu’ils voulaient, sans que le gouvernement n’en sache rien. Nos enfants du monde numérique1 ont perdu ce droit, simplement parce qu’ils utilisent davantage d’outils modernes.

vue plongeante surun groupe de jeunes de 20 ou 30 ans qui échangent et discutent au cours d'un cocktail

De nombreuses activités de nos enfants ne se déroulent plus en privé, car elles ont naturellement lieu sur le net. Pour les personnes nées à partir de 1980, faire la distinction entre activités « hors-ligne » et « en ligne » n’a pas de sens. Là où les personnes plus âgées voient « des gens qui passent tout leur temps avec leur téléphone ou leur ordinateur », les plus jeunes voient un moyen de se socialiser, à l’aide de leur téléphone ou de leur ordinateur.

Il s’agit là d’une distinction essentielle que nos aînés ont du mal à comprendre.

Peut-être qu’une anecdote à propos de la génération précédente pourra encore une fois mieux illustrer le propos : les parents de nos parents se plaignaient déjà que nos parents parlaient avec leur téléphone, et non avec une autre personne grâce au téléphone. Ce que nos parents voyaient comme un moyen d’entretenir un contact social (à l’aide des lignes téléphoniques analogiques de l’époque), était vu par leurs propres parents comme une obsession pour un outil. Rien de nouveau sous le soleil…

Cette socialisation numérique, toutefois, peut être limitée, elle peut être… soumise à autorisation. Au sens où une tierce personne (entité) doit donner son accord pour que vous et vos amis puissiez établir le contact social qui vous convient, ou même établir un lien social quel qu’il soit. Les effets du réseau sont forts et génèrent une pression qui se concentre sur quelques plates-formes où tout le monde se retrouve. Lesdites plates-formes sont des services privés qui peuvent donc dicter toutes les conditions d’utilisation qu’ils souhaitent sur la façon dont les gens peuvent se rassembler et entretenir leurs liens sociaux − pour les milliards de personnes qui se retrouvent ainsi.

Un exemple, pour illustrer tout cela : Facebook utilise des valeurs américaines dans les rapports sociaux, pas des valeurs universelles. Être totalement contre toute forme de nudité, même la plus discrète, tout en acceptant les discours haineux n’est pas quelque chose qui se fait partout dans le monde ; c’est propre aux Américains. Si Facebook avait été développé en France ou en Allemagne, et non aux États-Unis, la nudité sous toutes ses formes aurait été la bienvenue dans un cadre artistique et une culture de « corps libre » (Freikörperkultur) ainsi qu’une manière parfaitement légitime de créer des liens sociaux, mais la moindre remise en cause d’un génocide aurait donné lieu à un bannissement immédiat et à des poursuites judiciaires.

Ainsi, en utilisant simplement le très connu Facebook comme exemple, toute manière non-américaine de créer des contacts sociaux est totalement bannie dans le monde entier, et il est extrêmement probable que les personnes qui développent et travaillent pour Facebook n’en ont pas conscience. D’ailleurs la liberté de réunion n’a pas été limitée seulement dans le cadre d’Internet, mais aussi dans notre bon vieux monde analogique, où nos parents avaient l’habitude de traîner (et le font encore).

Vu que les gens sont constamment géolocalisés, comme nous l’avons vu dans le billet précédent, il est possible de croiser les positions de plusieurs individus et d’en déduire qui parlait à qui, et quand, alors même qu’il s’agissait d’un échange en face à face. Si je regarde par la fenêtre de mon bureau en écrivant ces lignes, le hasard fait que les vieux quartiers de la Stasi en face de l’Alexanderplatz dans l’ancienne partie Est de Berlin se trouvent dans mon champ de vision. C’était un peu comme l’Hôtel California ; les personnes qui y entraient avaient tendance à ne plus jamais en ressortir. La Stasi espionnait aussi les gens afin de savoir qui discutait avec qui, mais cela nécessitait beaucoup d’agents pour suivre en filature et photographier ceux qui se rencontraient pour se parler. Il y avait donc une limite économique dans la manière dont les gens pouvaient être suivis au-delà de laquelle l’État ne pouvait se permettre d’augmenter la surveillance. Aujourd’hui, cette limite a totalement disparu, et tout le monde peut être pisté à tout moment.

Êtes-vous réellement libre de vous réunir, quand le simple fait d’avoir fréquenté une personne – dans la réalité, peut-être avez-vous seulement passé un peu de temps à proximité de celle-ci – peut être retenu contre vous ?

Voici encore un exemple pour illustrer cela. Dans une des fuites d’informations majeures récentes, il n’est pas important de savoir laquelle, il se trouve qu’un lointain collègue à moi avait fêté un gros événement en organisant une grande fête, qui s’est déroulée à proximité du lieu où des documents étaient en train d’être copiés, il n’en savait rien et la proximité des lieux n’était qu’une coïncidence. Des mois plus tard, ce même collègue participait à la couverture journalistique de la fuite de ces documents et de la vérification de leur véracité, toujours dans l’ignorance de leur provenance et du fait qu’il avait organisé sa grande fiesta dans un lieu très proche de celui dont les documents étaient issus.

Le gouvernement, en revanche, avait parfaitement conscience de cette proximité physique ainsi que de l’implication du journaliste dans le traitement des documents et a émis non pas un, mais deux mandats d’arrêt à l’encontre de ce lointain collègue, sur la base de cette coïncidence. Il vit maintenant en exil hors de Suède et n’espère pas à être autorisé à rentrer chez lui de sitôt.

La vie privée, jusqu’au moindre de vos déplacements, demeure de votre responsabilité.

Hommage à John P. Barlow

vendredi 9 février 2018 à 13:20

Gee utilise souvent ses BD pour critiquer assez vertement les GAFAM… mais aujourd’hui, il a préféré nous résumer la vie de John P. Barlow, un grand monsieur d’Internet qui nous a quittés il y a peu.

Lire aussi :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)

Les bibliothèques sous le règne du capitalisme

mardi 6 février 2018 à 07:42

Les bibliothèques ont toujours joué un rôle de gardiens de nos biens littéraires. Mais face à la tendance croissante à l’appropriation de la culture par le marché, elles sont peu à peu devenues de véritables ovnis dans le paysage culturel nord-américain.

Gus Bagakis est professeur de philosophie à la retraite de l’Université d’État de San Francisco. Il revient ici sur ce mouvement destructeur qui vise à transformer les bibliothèques publiques en simples institutions privées à but lucratif.

Traduction Framalang : paul, Edgar Lori, Mannik, Aiseant, claire, jums, Goofy

Source : revue en ligne Truth-out : Libraries Under Capitalism : The Enclosure of the Literary Commons

bibliothèque et nombreux lecteurs

Photo Steven Ramirez (Domaine public)

 

L’une des institutions les plus subversives des États-Unis,

c’est la bibliothèque publique.

– Bell Hooks

Nos biens communs littéraires des bibliothèques publiques sont peu à peu mis sous cloche et deviennent inaccessibles au public à cause d’une série de lois de nos gouvernements – à la fois locaux, nationaux et fédéraux – qui s’inclinent devant les diktats et les priorités des entreprises. La bibliothèque publique est l’un des rares endroits où les gens peuvent entrer gratuitement, accéder gratuitement aux documents et y séjourner sans devoir acheter quoi que ce soit. La valeur des bibliothèques publiques ne réside pas seulement dans les documents qu’elles prêtent ou dans le modèle non commercial qu’elles incarnent, mais aussi dans le bien commun qu’elles représentent : un endroit public qui offre aux citoyens des espaces intellectuels libérés, propices aux dialogues et à l’organisation de la communauté.

Les bibliothèques sont en train de passer d’un modèle de service public à celui d’entreprises à but lucratif, ce qui conduit à la destruction d’un espace public.

En riposte à cet emprisonnement, le New York Times plaide pour des moyens supplémentaires en faveur des bibliothèques. Le quotidien de la Grosse Pomme présente les bibliothèques comme des lieux où les enfants pauvres viennent « apprendre à lire et à aimer la littérature, où les immigrés apprennent l’anglais, où les chômeurs perfectionnent leurs CV et lettres de motivation, et où ceux qui n’ont pas accès à Internet peuvent franchir le fossé numérique… Ce sont des refuges pour penser, rêver, étudier, lutter et – c’est le cas de nombreux enfants et personnes âgées – pour être simplement en lieu sûr, à l’abri de la chaleur. »

Un article de la revue Public Library Quarterly intitulé « Les bibliothèques et le déclin de l’utilité publique » ajoute : « [les bibliothèques] contribuent à rendre possible la sphère démocratique publique ». L’auteur alerte également sur le fait que les bibliothèques sont en train de passer d’un modèle de service public à celui d’entreprises à but lucratif qui entraînent d’un véritable espace public.
Nous avons besoin de moyens supplémentaires pour permettre aux bibliothèques publiques de survivre. Nous devons empêcher la transformation de nos bibliothèques, institutions culturelles, éducatives et communes, en entreprises privées. Afin de comprendre plus clairement d’où viennent ces problèmes, nous devons d’abord comprendre comment les bibliothèques ont historiquement été influencées par le capitalisme.

Les bibliothèques comme système de contrôle social

Lorsqu’on étudie le développement et le déclin des bibliothèques publiques, on constate que les changements sont souvent imputables à l’objectif premier du capitalisme : le profit. Si quelque chose évolue défavorablement – autrement dit, si une chose menace la possibilité de profit – celle-ci devient un bouc émissaire opportun pour réduire les moyens dans les budgets des administrations locales, nationales ou fédérales. Les bibliothèques publiques, l’éducation publique et l’espace public représentent trois victimes actuelles de l’influence du capitalisme car elles sont devenues des « dépenses inutiles » qui entravent l’accroissement des profits.

Afin de contextualiser notre étude, rappelons que le capitalisme est un système économique fondé sur une main-d’œuvre salariée (travail contre salaire), la propriété privée ou le contrôle des moyens de production (usines, machines, exploitations agricoles, bureaux) et la production de marchandises en vue d’un profit. Dans ce système, un petit nombre de personnes qui travaillent pour de très grandes entreprises utilise sa puissance financière et politique pour orienter les priorités, les financements et les mesures gouvernementales en fonction de leurs propres intérêts. Même si le capitalisme a connu des évolutions, l’une de ses composantes demeure inchangée : la lutte pour la richesse et le pouvoir qui oppose les entrepreneurs et les travailleurs. Dans la mesure où les entreprises capitalistes possèdent l’argent et le pouvoir, on peut soutenir qu’elles contrôlent la société en général.

Mais en période de dépression, la classe ouvrière, bien plus nombreuse, souffre et réagit ; elle s’organise et se bat pour de meilleures rémunérations, davantage de bénéfices et de puissance. Ainsi, la réaction des travailleurs face à la Grande Dépression qui a conduit au New Deal de Franklin D. Roosevelt dans les années 1930, a permis de réguler le capitalisme, pour mieux le préserver. La rébellion des travailleurs était due en partie à une répartition excessivement inégale des richesses durant cet Âge d’Or, période où la classe capitaliste accumulait une richesse considérable aux dépens des travailleurs. Un contexte d’inégalité d’ailleurs semblable à celui que nous vivons aujourd’hui, à l’ère de notre Nouvel Age d’Or.

Ce conflit entre les patrons et les travailleurs transparaît aussi dans l’histoire des bibliothèques publiques. Les bibliothèques font partie d’un système de contrôle social : elles fournissent des ressources et une éducation aux immigrants. Quand les patrons encouragent la création de bibliothèques, c’est qu’ils les voient comme terrain d’essai pour immigrés au service de leur industrie. Par exemple, à Butte Montana, en 1893, la nouvelle bibliothèque Carnegie a été présentée par les propriétaires de mines comme « un antidote au penchant des mineurs pour la boisson, les prostituées et le jeu » et comme un moyen de favoriser la création d’une communauté d’immigrés afin de limiter la rotation du personnel.

Andrew Carnegie, capitaliste philanthrope en son temps, offre un bel exemple de la volonté de la classe capitaliste de maintenir le système de profits et d’empêcher une révolte ouvrière. Dans son article « Le Gospel de la Richesse », publié en 1889, il défend l’idée que les riches peuvent diminuer la contestation sociale par le biais de la philanthropie. Il est préférable selon lui de ponctionner les salaires ouvriers, collecter les sommes puis les redistribuer à la communauté. S’adressant aux ouvriers avec condescendance, Carnegie expliquait : « Si j’augmente vos salaires, vous allez dépenser votre argent pour acheter une meilleure pièce de viande ou plus de boissons. Mais ce dont vous avez besoin, même si vous l’ignorez, ce sont mes bibliothèques et mes salles de concert ».

La générosité de Carnegie était bien comprise : diminuer les possibilités de révolte ouvrière et maintenir ou augmenter ses propres profits. Certes c’était un homme généreux, mais il n’était pas vraiment impliqué dans un changement de société, comme il l’a démontré par ses multiples actions autour de la ségrégation. À l’époque de la ségrégation raciale, les Noirs n’avaient généralement pas accès aux bibliothèques publiques dans le Sud des États-Unis. Plutôt que de favoriser l’intégration raciale dans ses bibliothèques, Carnegie a fondé des bibliothèques distinctes pour les Afro-Américains. Par exemple, à Houston, Carnegie a ouvert la Bibliothèque Carnegie pour Personnes de Couleur en 1909. Même si l’on doit reconnaître néanmoins sa générosité dans la construction de plus de la moitié des bibliothèques sur le territoire des États-Unis avant 1930. En outre, les bibliothèques se sont multipliées en réponse au besoin d’éducation publique, notamment pour les quelque 20 millions d’immigrés arrivés dans le pays entre 1880 et 1920,dans le but de fournir de la main-d’œuvre bon marché et de soutenir le système capitaliste.

Dans notre monde régi par le capitalisme, les guerres sont presque toujours le fait de deux classes dirigeantes (ou davantage) qui se disputent l’accès à des profits, des ressources ou des territoires. Dans ces luttes, la propagande est un outil précieux. Ainsi, durant la Première Guerre Mondiale, la vocation des bibliothèques a basculé vers une américanisation progressive des immigrés, y compris par l’élimination d’ouvrages « antipatriotiques car pro-Allemands ». Durant la Seconde Guerre Mondiale, par opposition aux autodafés nazis, les bibliothécaires américains ont considéré les livres comme des armes de guerre. Pendant la Guerre Froide (1947-1991), certaines bibliothèques publiques ont également servi d’instruments de propagande pour la politique étrangère du gouvernement fédéral : comme la loi sur l’enregistrement des agents étrangers (Foreign Agents Registration Act, FARA) qui a conduit les bibliothèques à filtrer des documents soviétiques.

À la même époque, l’association ultraconservatrice John Birch Society dépêchait ses membres dans toutes les bibliothèques publiques du pays pour vérifier si le Livre bleu de l’association était bien disponible dans leurs rayonnages. Ce Livre bleu mettait en garde contre l’ennemi qui s’apprêtait à transformer les États-Unis en état policier communiste et laissait entendre que le Président Eisenhower était un agent communiste. En 1953, au plus fort de la chasse aux sorcières, un membre de la Commission des recueils de textes de l’Indiana a dénoncé l’œuvre Robin des bois comme une œuvre de propagande communiste, et demandé son retrait des écoles et des bibliothèques au prétexte que le héros prenait aux riches pour donner aux pauvres. Fort heureusement, quelques étudiants courageux de l’Université d’Indiana ont résisté et organisé le mouvement de la plume verte (Green Feather Movement) en référence à la plume sur le chapeau de Robin des bois.

L’offensive économique contre les bibliothèques

À la fin des années 1970, la formation des travailleurs immigrés n’est plus la préoccupation des entreprises capitalistes car la main-d’œuvre ne manque plus. À partir de ce moment également, le financement des bibliothèques publiques commence à reculer. Après le 11 septembre 2001, la peur s’intensifie dans la population, tout comme s’intensifie la surveillance d’État. L’une des mesures prises par le gouvernement, conformément à la section 215 du Patriot Act, consiste à forcer les bibliothèques à divulguer des informations sur leurs usagers.

Quelques bibliothécaires courageux protestent, comprenant qu’une telle exigence représente un danger pour les libertés individuelles. Ainsi, l’association des bibliothécaires du Vermont adresse une lettre au Congrès pour s’opposer aux dispositions du Patriot Act concernant les bibliothèques. La propagande des États-Unis face à la montée des tensions au Moyen-Orient pose problème à un certain nombre de bibliothécaires qui s’alarment des symboles hyper-patriotiques affichés dans les bibliothèques juste après les attaques du 11 septembre (affiches, posters, pamphlets). Dans une lettre cosignée faisant état de leurs inquiétudes, ils écrivent : « ce type de communications inhabituelles risque de créer une atmosphère intimidante pour certains usagers des bibliothèques. »

Dès la fin du XXe siècle et au début du XXIe, la plupart des bibliothèques publiques offrent un espace commun et accueillant, qui encourage l’exploration, la création et la collaboration entre étudiants, enseignants et citoyens. Innovantes, elles combinent des supports physiques et numériques pour proposer des environnements d’apprentissage. En 1982, l’American Library Association (ALA) organise la semaine des livres censurés (Banned Books Week) pour attirer l’attention sur les livres qui expriment des opinions non orthodoxes ou impopulaires et mettent ces ouvrages à disposition de tous les lecteurs intéressés.

Mais à l’époque, la classe capitaliste est mal à l’aise et craint des « effets de démocratisation » liés à l’activisme des années 1960 : droits civiques, droits LGBTQ, sensibilisation écologique, mouvements étudiants et actions de dénonciation de la guerre du Vietnam. Les milieux d’affaires conservateurs contestent alors le capitalisme régulé hérité du New Deal et introduisent le néolibéralisme, une variante du capitalisme favorisant le libre échange, la privatisation, l’intervention minimum de l’État dans les affaires, la baisse des dépenses publiques allouées aux services sociaux (dont les bibliothèques) et l’affaiblissement du pouvoir de la classe ouvrière. Certains d’entre eux se réfèrent au Mémorandum Powell (1971), une feuille de route destinée aux milieux d’affaires conservateurs pour les encourager à s’élever et se défendre contre une prétendue attaque de la libre entreprise par des activistes comme Ralph Nader, Herbert Marcuse et d’autres qui étaient censés avoir pris le contrôle des universités, des médias et du gouvernement. À l’autre bout du spectre, les internationalistes progressistes de la Commission trilatérale publient un document intitulé La crise de la démocratie (1975), qui suggère que l’activisme des années 1960 a transformé des citoyens auparavant passifs et indifférents en activistes capables d’ébranler les équilibres en place.

Le ralentissement de l’immigration des travailleurs dans les années 1970 et le stress de l’austérité due à la montée du néo-libéralisme ont provoqué le déclin des services sociaux, dont le système des bibliothèques publiques. Certaines d’entre elles dérivent vers un modèle d’entreprise lucrative qui considère les utilisateurs comme des clients et suivent un modèle entrepreneurial. Elles utilisent les relations publiques, la marchandisation de l’information, l’efficacité, l’image de marque et le mécénat pour augmenter leurs capacités de financements. L’argent qui provenait de taxes locales, nationales et fédérales, indispensable au maintien des services publics, a été transféré dans les poches des sociétés privées, dans l’entretien du complexe militaro-industriel, ou entassé dans des paradis fiscaux. La classe moyenne s’est fait berner par les promesses de réductions d’impôt, parce qu’on lui a dit que la baisse des taxes allait augmenter les dépenses, et donc dynamiser l’économie américaine. Elle a donc suivi, à tort, les grandes entreprises, alors que la perte des institutions publiques nuit à tous sauf aux riches.

Et pourtant toutes ces attaques contre les bibliothèques publiques ont eu lieu en dépit du fait qu’elles sont un excellent investissement pour les contribuables. Par exemple, une étude de 2007 à propos de la bibliothèque de San Francisco a montré que pour chaque dollar dépensé par la bibliothèque, les citoyens avaient reçu 3 dollars en biens et services.

Bien qu’utilisées par un nombre croissant de personnes, les bibliothèques ont encore vu leurs moyens diminuer sous l’effet de la récession de 2008. En Californie, les aides d’État pour les bibliothèques ont été complètement supprimées en 2011. La Louisiane a suivi l’exemple de la Californie en 2012. Des coupes budgétaires sévères ont frappé simultanément les bibliothèques publiques de la ville de New York, la bibliothèque de Dallas, celles de l’État du Massachusetts et bien d’autres. Le budget fédéral actuel contient un plan qui élimine l’agence de support des musées et bibliothèques (Institute of Museum and Library Services) dont les ressources ont été progressivement réduites par les administrations précédentes, qu’elles soient démocrates ou républicaines.

Le renforcement des coupes budgétaires cause l’extinction de nos biens communs littéraires. Alors, comment les défenseurs des bibliothèques publiques peuvent-ils aider celles-ci à survivre et à promouvoir des valeurs démocratiques réelles et une pensée critique ? Tout d’abord, nous devons bien cerner le sort des bibliothèques publiques à la lumière de l’histoire du capitalisme. Ensuite, nous devons nous organiser et mener une lutte pour protéger les bibliothèques publiques comme espaces de lien communautaire et d’action potentielle, contre ce fléau qu’est l’asservissement au capitalisme oligopolistique.