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La SACD veut faire payer la lecture de contes aux enfants dans les bibliothèques !

lundi 17 mars 2014 à 10:21

La Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) souhaite désormais soumettre à une tarification les « heures du conte », ces lectures publiques organisées en bibliothèque devant les enfants pour leur donner le goût de la lecture.

Nous publions ci-dessous la salutaire réaction du collectif SavoirsCom1.

Mais dans quel monde vivons-nous ?

Remarque : D’où l’intérêt aussi de faire en sorte que de plus en plus d’auteurs pour enfants publient sous licence libre et de valoriser et prendre soin du domaine public (cf cet exemple de numérisation et de traduction de contes pour enfants sur Romaine Lubrique)


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La SACD veut faire payer les heures du conte en bibliothèque ! Protégeons cet usage collectif de la culture !

URL d’origine du document

Collectif SavoirsCom1 - 17 mars 2014

Partout en France, les bibliothèques de lecture publique organisent des « heures du conte », au cours desquelles des ouvrages sont lus en groupe à des enfants. Ces animations sont très courantes dans les bibliothèques et elles participent à l’éveil du goût pour la lecture chez les plus jeunes. Jusqu’à présent, cette pratique est restée libre, bien que ces lectures publiques puissent être assimilées à des représentations en public d’oeuvres protégées.

Mais comme on peut le lire sur le forum de l’Association des Bibliothécaires de France, plusieurs établissements ont récemment reçu des courriers de la part de la SACD, la société des gestion collective des auteurs dans le domaine du spectacle vivant. Cet organisme réclame visiblement que les bibliothèques déclarent la tenue de telles animations et la liste des livres utilisés, afin de les soumettre à une tarification. Ce faisant, cette société manifeste sa volonté de mettre fin à une tolérance admise depuis des décennies, ce qui fragilise la capacité des bibliothèques à jouer leur rôle de médiation culturelle. Rappelons également que les bibliothécaires promeuvent ainsi et depuis longtemps, une diversité et une richesse éditoriale pour la jeunesse dont la France s’enorgueillit.

Ce ne serait pas la première fois que de telles revendications seraient adressées à des bibliothèques par des représentants des titulaires de droits. En Belgique, à partir de 2012, la société de gestion collective SABAM s’est mise elle-aussi à appliquer des tarifs aux bibliothèques organisant des lectures publiques à destination des enfants, pouvant atteindre 1600 euros par an pour de petits établissements.

Au-delà du principe, c’est le procédé employé par la SACD qui s’avère choquant : ses agents surveillent les sites de bibliothèques pour repérer les annonces de tenue d’une heure du conte et envoyer des courriers aux bibliothèques, sans qu’aucune concertation n’ait eu lieu sur ce sujet. Rappelons également que la SACD ne dispose d’aucun mandat général pour représenter l’intégralité des auteurs. Elle ne peut agir que pour les auteurs membres de la société et n’a aucun droit en dehors de ce périmètre.

Les bibliothèques se sont de tout temps constituées comme des lieux de développement des usages collectifs de la culture, qui font intrinsèquement partie de leur mission de service public. Elles aménagent à côté de la sphère marchande un espace d’usages non-marchands, indispensables pour que la découverte de la lecture puisse s’épanouir.

L’approche maximaliste de la revendication des droits d’auteur qui se déploie depuis des années remet en cause la capacité des bibliothèques à remplir leurs fonctions fondamentales. Les achats de livres effectués par les bibliothèques ainsi que le droit de prêt dont elles s’acquittent annuellement constituent pourtant des contributions importantes au secteur de l’édition jeunesse, en particulier pour les éditeurs indépendants. Les bibliothèques favorisent également la création en faisant intervenir des conteurs professionnels devant les enfants. Et grâce à leur inventivité, la formule de l’heure du conte a aussi été renouvelée ces dernières années, sous la forme de lectures numériques utilisant des tablettes ou des ordinateurs.

Par son attitude, la SACD remet en cause l’équilibre entre le droit des auteurs et les droits du public dans l’usage de la culture. Même si les paiements restent modiques, les modalités que la SACD entend imposer, autorisation préalable des auteurs et déclarations à la société, auront fatalement pour effet de freiner la mise en place de lectures pour les enfants dans les bibliothèques. Est-ce ainsi que l’on favorisera le goût pour la lecture chez les nouvelles générations, alors qu’il s’agit d’un enjeu fondamental de politique culturelle ?

La semaine dernière, François Hollande a déclaré vouloir « se battre contre la fracture de la lecture, mais aussi pour mettre des livres dans les mains des enfants ». Le Ministère de la Culture a également fait de l’éducation artistique et culturelle une de ses priorités. Ces objectifs ne peuvent être atteints si les usages collectifs de la culture ne sont pas préservés.

Cet épisode montre que ces usages ne doivent plus seulement faire l’objet de tolérances pouvant à tout moment être remises en cause par les titulaires de droits. Les usages collectifs de la culture doivent au contraire être reconnus et garantis par la loi, dans un souci d’équilibre avec le respect du droit d’auteur. Il n’est pas normal par exemple que l’exception pédagogique actuellement prévue dans le Code de Propriété Intellectuelle ne soit pas mobilisable dans le cadre des bibliothèques. Le même livre, lu par un enseignant devant ses élèves, ne peut l’être par un bibliothécaire devant des enfants.

Plus largement, il existe actuellement dans le Code de Propriété Intellectuelle une exception prévue pour les représentations privées et gratuites effectuées au sein du cercle de famille. Cette exception pourrait être élargie aux représentations sans finalité commerciale d’oeuvres protégées dans des lieux accessibles au public.

La SACD devrait comprendre que sa conception maximaliste et déséquilibrée des droits exclusifs ne fait que fragiliser un peu plus la légitimité du droit d’auteur. Ce jusqu’au-boutisme de l’usage conçu comme un « préjudice » ne peut qu’engendrer la réprobation. Les auteurs eux-mêmes sont-ils d’accord avec les revendications que l’on adresse en leur nom ?

SavoirsCom1 appelle les bibliothécaires, mais aussi les parents, les élus locaux, les auteurs, les enseignants, en particulier les professeurs documentalistes, les agences régionales du livre et tous ceux qui accordent de l’importance à la diffusion de la culture à se mobiliser pour protéger les usages collectifs que constituent les heures du conte en bibliothèques.

Crédit illustration : Wikimedia Commons (Domaine public)

Popcorn Time est mort, vive Popcorn Time ! (et vive les sources libres) 3/3

samedi 15 mars 2014 à 21:25

Popcorn Time épisode 3 le retour… Parce qu’avec les licences libres rien ne meurt jamais et surtout pas les bonnes idées ;)

Rappel des épisodes précédents :

  1. Popcorn Time, mieux que Netflix pour voir des films en streaming via BitTorrent !
  2. Popcorn Time « le pire cauchemar d’Hollywood » n’est déjà plus


Neeta Lind - CC by


Après sa mort, Popcorn time sera ressuscité par YTS (YIFY)

Popcorn Time Shuts Down, Then Gets Resurrected by YTS (YIFY)

Andy - 15 mars 2014 - TorrentFreak
(Traduction : Karl, JonathanMM, r0u, Mooshka, loicwood, aKa, Diab, GregR, Cellular_PP, Noon, lamessen, Amazigh + anonymes)

Une semaine riche en rebondissements pour la très contreversée application Popcorn Time, qui a touché le fond hier soir après avoir appris que les créateurs du logiciel jetaient l’éponge. Allons messieurs, pas si vite ! Les gens derrière YTS (YIFY) informent TorrentFreak qu’ils reprennent le projet immédiatement.

Samedi dernier, TorrentFreak annonçait la sortie du logiciel de streaming torrent Popcorn Time, un article qui fut suivi dans la semaine par des douzaines d’autres sur des sites d’envergure. Il est devenu rapidement évident que ce logiciel a levé un lièvre avec son ergonomie et sa simplicité.

Sans surprise, les premiers problèmes ne se sont pas fait attendre. Au milieu de la semaine, le logiciel a été retiré du site Mega.co.nz. Ce qui reste confus, c’est de savoir si cette action a été entreprise par Mega de son propre chef ou après une injonction d’Hollywood.L’équipe de développeurs de Popcorn Time ayant confirmé qu’ils n’en étaient pas à l’origine, l’un ou l’autre peut donc être à blâmer.

Après une semaine agitée, le logiciel ayant reçu d’importants soutiens, le projet s’est donc arrêté la nuit dernière. Dans un long communiqué sur le site web de l’outil, l’équipe de Popcorn Time a confirmé qu’elle arrêtait son travail.

« Popcorn Time ferme aujourd’hui. Pas parce que nous n’avons plus ni énergie, ni motivation, ni détermination, ni même d’alliés. Juste parce que nous avons envie de poursuivre nos vies. », explique ainsi l’équipe.

« Notre expérimentation nous a amenés aux portes d’un débat sans fin entre piratage et copyright, menaces légales et machinerie douteuse qui nous donne l’impression d’être en danger à cause de ce que nous aimons faire. Et ce n’est pas une bataille à laquelle nous souhaitons prendre part. »

L’équipe basée en Argentine a ajouté que le piratage n’est pas un problème d’utilisateurs, c’est un problème créé par l’industrie qui « se représente l’innovation comme une menace à l’encontre de leur modèle économique obsolète ».

Mais alors que d’autres articles sont écrits par la presse généraliste, chacun enterrant Popcorn Time avant de passer à autre chose, il y a d’importantes et bonnes nouvelles à rapporter.

Popcorn Time n’est pas mort et va continuer à être développé, en toute transparence.

Interviewé par TorrentFreak, le développeur d’YTS (anciennement YIFY-torrents) Jduncanator a confirmé que Popcorn Time ne mourra pas avec le retrait de l’équipe l’ayant créé. À la place, l’équipe de YTS va reprendre le flambeau et poursuivre.

« L’équipe YTS reprend actuellement le projet Popcorn Time et va le poursuivre comme si de rien n’était. Nous sommes en meilleure position vis-à-vis des droits d’auteur, car le projet est basé sur notre (propre) API, c’est comme si nous avions construit une autre interface pour notre site web. Il n’y a une faible différence entre gérer le projet PopCorn Time et mettre à disposition les films comme nous le faisons déjà », affirme le développeur.

« À YTS nous nous reconnaissons dans les projets de ce genre et l’émoi les entourant ne signifie pas qu’ils doivent être arrêtés. Cette agitation est bénéfique rendant les gens plus conscients et concernés par les problèmes engendrés par le copyright. »

Le projet, qui est désormais disponible sur GitHub, est ouvert aux anciens développeurs, qui recevront un accès aux contributions à leur demande. L’installeur Popcorn Time sera disponible prochainement.

Crédit photo : Neeta Lind (Creative Commons By)

Popcorn Time « le pire cauchemar d'Hollywood » n'est déjà plus 2/3

samedi 15 mars 2014 à 11:10

Il y a quelques jours à peine nous annoncions la sortie de l’application Popcorn Time, mieux que Netflix pour voir des films en streaming via BitTorrent !

Popcorn Time y était qualifié de « pire cauchemar d’Hollywood ».

Hollywood s’est réveillé et a réagi…

L’équipe de développement nous annonce déjà le clap de fin, en restant évasif sur les explications. Mais nul doute qu’ils ont reçu des pressions. Ils disent avoir vérifié quatre fois que Popcorn Time était légal (puisqu’ils proposaient une technologie neutre, n’hébergeait rien sur leurs serveurs et ne faisant que combiner trois bases de données externes : pour les torrents, pour les informations des films et pour leurs affiches).

Cela n’a, semble-t-il, pas suffi.

Edit : il y a une suite heureuse à cette histoire !


Goodbye Popcorn Time


Adieu Popcorn Time

Goodbye Popcorn Time

L’équipe de développement - 14 mars 2014

(Traduction : Piup, aKa, Kcchouette, loicwood, Noon, lumi, Amazigh + anonymes)

Au revoir

Nous avions commencé Popcorn Time comme un défi lancé à nous-mêmes. C’est notre devise… C’est ce à quoi nous aspirons.

Nous sommes très fiers de ce projet. C’est le plus important que nous ayons construit. Nous avons constitué une équipe géniale en le faisant, avec des gens avec qui nous adorons travailler. Et pour être honnête, au moment où je vous écrit, nous sommes tous un peu écœurés et abasourdis. Nous aimons Popcorn Time et ce qu’il défend, et nous avons l’impression de laisser tomber nos géniaux contributeurs chéris. Ceux qui ont traduit l’application en 32 langues, y compris certains dont nous ne connaissions même pas l’existence. Nous sommes en admiration devant ce que la communauté libre peut faire.

Nous sommes avant tout de jeunes entrepreneurs passionnés d’informatique. Nous lisons Techcrunch, Reddit et Hacker News dont nous avons fait deux fois la une. Dans le même temps, nous avons eu des articles dans Time Magazine, Fast Comany, TechCrunch, TUAW, Ars Technica, Washington Post, Huffington Post, Yahoo Finance, Gizmodo, PC Magazine et Torrent Freak, pour ne nommer que ceux-là. Et nous sommes intervenus à la télévision et dans des émissions de radio, sans parler des nombreuses interviews, et celles que nous avons aussi déclinées en raison de l’excès de sollicitation(s) de la part des médias.

Et aucun de ces médias ne nous blâmait. Non, ils nous soutenaient. Nous étions devenus les outsiders qui se battaient pour le public et les consommateurs. Des gens que nous respections, certains de nos héros, ont dit monts et merveilles à propos de Popcorn Time, ce qui a largement dépassé nos espérances pour un projet expérimental monté en seulement quelques semaines.

En tant que projet, Popcorn Time est légal. Nous avons vérifié. Quatre fois.

Mais comme vous vous en doutez, cela est rarement suffisant. Notre soudaine popularité nous a mis en contact avec des tas de gens, des journaux aux créateurs de nombreux sites et apps, qui étaient extrêmement populaires. Nous avons beaucoup appris à leur contact. En particulier que s’opposer à une industrie obsolète, arc-boutée sur son modèle économique, a un prix. Un prix que personne ne devrait payer en aucune manière.

Vous savez quelle est la meilleure chose à propos de Popcorn Time ? Que des tas de gens se sont accordés pour reconnaître que l’industrie du cinéma avait établi bien trop de barrières et de restrictions sur le marché. Prenons l’exemple de l’Argentine : les diffuseurs de streaming, là-bas, pensent que “There’s something about Mary” (Mary à tout prix) est un film récent. Ce film est ici, aux États-Unis, tellement vieux, qu’il aurait l’âge de voter !

La majorité de nos utilisateurs n’est pas localisée aux États-Unis. Ils sont de partout ailleurs. Popcorn Time s’est installé dans chaque pays sur Terre. Même dans les deux (pays) n’ayant pas accès à Internet.

Le piratage n’est pas un problème de personnes. C’est un problème de services. Un problème créé par une industrie qui voit l’innovation comme une menace à leur recette dépassée pour ramasser la monnaie. Un problème dont ils n’ont que faire.

Mais les gens si.

L’expérience montre que les gens risquent des amendes, des poursuites judiciaires ou toute autre conséquence possible uniquement pour pouvoir regarder un film récent chez eux. Juste pour avoir le type de partage qu’ils méritent.

Il se peut que demander gentiment quelques pièces par mois pour donner l’accès à n’importe quel film soit une bien meilleure solution.

Popcorn Time ferme aujourd’hui. Pas parce que nous n’avons plus ni énergie, ni motivation, ni détermination, ni même d’alliés. Juste parce que nous avons envie de poursuivre nos vies.

Notre expérimentation nous a amenés aux portes d’un débat sans fin entre piratage et copyright, menaces légales et machinerie douteuse qui nous donne l’impression d’être en danger à cause de ce que nous aimons faire. Et ce n’est pas une bataille à laquelle nous souhaitons prendre part.

Bises
Pochoclín

Geektionnerd : Le Web a 25 ans

vendredi 14 mars 2014 à 15:30

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Voir aussi :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)

Ce que cache la gratuité des photos embarquées de Getty Images (et des autres)

vendredi 14 mars 2014 à 08:50

Le Parisien nous annonce que YouTube a connu une panne mondiale hier soir 13 mars 2014, entraînant avec lui la pléthore de sites qui proposent ses vidéos à mêmes leurs pages web via le lecteur embarqué. On remarquera que pour mieux nous informer l’article en question intègre deux tweets (paresse de journaliste ?).

Vidéos YouTube, encarts Twitter, musiques Soundcloud, boutons Facebook… nos pages web deviennent de plus en plus souvent un savant mélange entre notre propre contenu et celui des autres, apporté sur un plateau par des multinationales à forte dominante américaine.

C’est pratique et gratuit. Il y a un juste à faire un copier/coller avec un bout de code pour que, ô magie, le contenu des autres apparaisse instantanément sur votre page, l’enrichissant ainsi à moindre frais.

Mais il y a un risque et un prix à payer. Le risque c’est que comme rien n’est éternel, le jour où YouTube, Facebook, Twitter… disparaîtront (si, si, ça leur arrivera à eux aussi), on se retrouvera avec des pages pleines de zones vides qui n’auront plus de sens. Avant de disparaître, ces sociétés en difficulté auront pris le soin de modifier le contenu même de toutes ces (frêles) embarcations avec, qui sait, toujours plus de publicité. Elles en ont parfaitement le droit, c’est un accord tacite que vous signez avec elles lorsque vous recopiez leur code. Google peut ainsi très bien du jour au lendemain ne faire afficher qu’une seule et unique vidéo dans tous les milliards lecteurs YouTube embarqués avec, disons, une pub pour Coca-Cola : impact marketing garanti !

Quant au prix à payer il est lourd à l’ère de l’informatique post Snowden, c’est celui de votre vie privée car, comme on le verra plus bas, ces intégrations collectent de nombreuses informations vous concernant.

Ici donc c’est au tour de l’énorme banque Getty Images de vous proposer d’embarquer ses photos. Et vous avez le choix parmi… 35 millions d’images ! D’un côté cela rend service et sensibilise au respect du crédit, de la licence et du lien vers le document d’origine. De l’autre ça participe à la fameuse citation « si c’est gratuit, c’est que c’est vous le produit »…

À comparer avec ce qu’a fait la British Library, l’équivalent britannique de la BnF, en décembre dernier : verser 1 million d’images du domaine public en haute résolution sur Flickr. Un autre monde, un monde à défendre, promouvoir et encourager.


Potzuyoko - CC by


Getty Images autorise l’incorporation gratuite, mais quel en est le prix pour la vie privée ?

Getty Images Allows Free Embedding, but at What Cost to Privacy?

(Traduction : r0u, Juliette, Achille, goofy)

Getty Images — probablement la plus grande banque d’images d’illustrations et de photos éditoriales au monde — a annoncé un changement majeur dans ses offres d’images à destination des sites web. Depuis cette semaine, en plus des traditionnelles options de contenus sous licence, il est possible d’incorporer leurs images à son site, gratuitement et sans filigrane, pour peu que soient utilisés le code d’incorporation et l’iframe fournis (par Getty).

Il existe au moins une raison pour que ce changement soit positif et enthousiasmant : c’est encourageant de voir des entreprises expérimenter différents modèles économiques et faire appel à la carotte proverbiale plutôt qu’au bâton. En d’autres termes, Getty facilite le fait de s’engager dans un comportement souhaitable — en citant comme il faut ses sources et en donnant un lien — plutôt que de se contenter d’augmenter les pénalités des contrevenants en proférant des menaces et en intentant des poursuites judiciaires. C’est mieux pour les utilisateurs et cela pourrait s’avérer au final plus efficace pour l’entreprise.

Getty a aussi un point de repère. Ils se sont déjà lancés auparavant dans une stratégie de lettres de menaces et ils ont même intenté des procès pour lutter contre les utilisations illégales. Et il y a d’autres précedents. Même si l’échelle est fondamentalement différente, la Recording Industry Association of America (NdT : la RIAA, association interprofessionnelle qui défend les intérêts de l’industrie du disque aux États-Unis) a déjà pratiqué à peu près la même technique dans son infortunée campagne de long terme contre ses fans. Il n’y a aucune certitude que Getty ait abandonné cette stratégie — selon Businessweek, la société aurait lancé cinq nouvelles actions pour atteinte au copyright en une seule semaine au mois de janvier — mais si c’est le cas, c’est une avancée dans la bonne direction.

Mais pour d’autres raisons cette décision doit nous inquiéter — tout spécialement sur le plan du respect de la vie privée. Certaines de ces critiques sont communes à tous les sites pourvoyant des ressources ou des scripts tiers : quand un site embarque ce type de contenu, que ce soit Google Analytics, une vidéo de Youtube, un bouton Facebook Like ou désormais une iframe Images de Getty, une connexion supplémentaire est créée entre le lecteur et l’hébergeur tiers. Cet hébergeur de contenu tiers peut possiblement obtenir et enregistrer votre IP et l’heure précise de la requête, des informations à propos du type de navigateur que vous utilisez, son numéro de version, sur votre sytème d’exploitation, votre processeur, vos préférences de langue et d’autres données encore ; l’URL du site que vous consultiez et parfois des cookies traceurs.

Ce problème, malheureusement, est une caractéristique fondamentale du Web tel que nous le connaissons. Mais quelques faits à propos de Getty rendent cette situation particulièrement troublante. En effet, en raison de la taille et de la popularité de Getty, un utilisateur unique pourra retrouver ces images incorporées sur un nombre significatif de sites qu’il visite. Cela permettra à Getty de croiser plus d’informations sur l’historique de navigation de l’utilisateur que n’importe quel autre site unique avant lui. Ces informations, à leur tour, sont susceptibles d’être réquisitionnées par un gouvernement, vendues à des courtiers de données, voir même victimes de fuites ou de failles de sécurités.

Ces préoccupations pourraient être atténuées par une politique ferme de respect de la vie privée ou par quelques indications sur ce que Getty compte archiver et sur la façon dont cela sera utlisé. Malheureusement, c’est l’inverse qui s’est produit. Un responsable du développement commercial de Getty Images a déclaré à The Verge que l’entreprise avait « sûrement pensé » à monétiser les données, mais qu’elle n’a pas de plans précis. Nous avons parlé à un responsable de Getty Images qui nous a confié, qu’à ce jour, l’entreprise ne collecte pas plus d’informations qu’il n’est nécessaire pour connaître le nombre de vues de chaque image. C’est louable, mais puisque cette pratique est significativement plus protectrice de la vie privée que ce que l’entreprise affirme dans sa déclaration de confidentialité générale - mise à jour en mai 2012 - cela peut changer à tout moment. Les bonnes pratiques consistent à limiter, en fonction des besoins du site, le nombre de données collectées et conservées, mais ces bonnes pratiques sont mises à mal par la tentation de collecter les données en masse et de trier ce qui est utile plus tard.

Au-delà de ce que Getty Images fait avec les données de ces utilisateurs, les images sont actuellement fournies au moyen d’une connexion HTTP non chiffrée. En conséquence, une personne sur le même réseau, ou le fournisseur d’accès internet de l’utilisateur, peut intercepter ces requêtes HTTP. Dans le cas d’un site d’actualité protégeant l’anonymat de ses lecteurs à l’aide d’une connexion HTTPS, ce lien parallèle pourrait dévoiler les articles qu’ils lisent.

Ces menaces pour la vie privée n’auront probablement pas de conséquences pour tout le monde, mais elles en auront pour certaines personnes. Elles en auront également pour les archives ou pour les sites soucieux de conserver leur propre historique : laisser un autre site héberger les images peut sembler être une bonne affaire, mais ces images ne seront peut-être pas toujours disponibles et cela pourrait interférer avec la capacité de l’Internet Archive à conserver une page telle qu’à sa publication.

Si Getty Images continue de proposer ses images par le biais d’iframes embarquées, il existe plusieurs moyens pour eux d’améliorer leur service pour l’utilisateur final. Il leur faudrait offrir leurs images à travers une connexion HTTPS par défaut. Ils devraient expliquer clairement et publiquement leurs pratiques pour limiter la collecte et le stockage de données sur les utilisateurs. Et même si l’entreprise respecte son standard actuel de collecte minimale de données, elle devrait s’engager à suivre un niveau d’exigence plus élevé comme celui donné par les spécifications Do Not Track : si l’utilisateur envoie un signal indiquant qu’il ne souhaite pas être suivi, Getty Images se devrait de le respecter.

Enfin, les responsables des sites web devraient se demander si le fait d’intégrer des ressources en provenance de tiers est ce qu’il y a de mieux pour leurs visiteurs. Il y a, après tout, d’autres options. Certaines publications ont décrit Getty Images comme la plus grande banque d’images et de photos mais c’est oublier une catégorie majeure : Flickr à lui seul dispose de plusieurs millions d’images distribuées sous licence Creative Commons, et Wikimedia Commons en a des dizaines de millions d’autres. À l’inverse des conditions d’utilisation des contenus embarqués de Getty Images, les licences Creative Commons permettent au site hébergeur de proposer directement des images qui ne seront pas susceptibles d’être modifiées dans le futur, et parfois certaines licences autorisent même de modifier ou de recombiner ces images.

C’est une bonne chose de voir Getty explorer ces nouvelles pistes, et nous serons encore plus rassurés si cette stratégie remplace complètement l’ancienne posture procédurière. Mais il est important pour les utilisateurs de savoir que, dans certains cas, l’incorporation gratuite de photos peut avoir un véritable coût pour le lecteur.

Crédit photo : Potzuyoko (Creative Commons By)