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Geektionnerd : TAFTA

vendredi 18 octobre 2013 à 11:19

Pour rappel, demain, samedi 19 octobre, Gee sera à Paris pour une libre séance de dédicaces.


Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

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Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)

Quand l'open source investit dans la diversité, tout le monde y gagne

jeudi 17 octobre 2013 à 15:40

Le groupe d’utilisateurs Python de Boston est passé en 2 ans de presque rien à 15% de femmes.

Ce qui est intéressant ici c’est qu’il semblerait qu’on se soit moins focalisé sur les femmes que sur les débutant(e)s, avec pour conséquence une croissance du nombre de femmes.


Jessica McKellar


Quand l’open source investit dans la diversité, tout le monde y gagne

When open source invests in diversity, everyone wins

Lynn Root - 15 octobre 2013 - OpenSource.com
(Traduction : lyn, SonicWars, aKa, Théotix, Cryptie, Moosh + anonymes)

Jessica McKellar est une entrepreneuse, une ingénieure logiciel et une développeuse open source. Elle aide à l’organisation du groupe d’utilisateurs Python à Boston et joue un rôle important dans la sensibilisation de la diversité en favorisant l’arrivée d’encore plus de débutants et de femmes. La participation a augmenté de 0-2% à 15% et le groupe d’utilisateurs a connu la même progression pendant les 2 dernières années.

Ce sont de tels résultats qui ont convaincu Jessica que quand des communautés open source s’investissent dans la diversité, cela profite à tout le monde. Depuis la création de cours pour débutants, des ateliers de niveau intermédiaire et des marathons open source, le groupe de Boston a vu sa taille plus que quintupler en passant de 700 membres à plus de 4000. C’est maintenant le groupe d’utilisateurs le plus important du monde. Ce type de croissance est quelque chose à laquelle toutes les communautés open source devraient aspirer.

Plus d’informations sur Jessica McKellar dans cette interview.

Depuis combien de temps participez-vous à la communauté open source ? Avez-vous eu un mentor quand vous avez commencé ?

Ma toute première contribution à un projet open source était sur la documentation du projet Twisted en 2009 (Twisted est un moteur réseau événementiel écrit en Python). Je suis restée impliquée dans le projet depuis, je suis désormais une contributrice principale et j’ai même eu le plaisir d’écrire un livre sur Twisted.

Contribuer à Twisted a été une première expérience fantastique : la communauté disposait d’une documentation à l’usage des nouveaux contributeurs, et a été à la fois une aide et un soutien patient lorsque j’ai satonné dans mes premières utilisations des processus et des outils. Je ne dirais pas que j’ai eu un mentor en particulier, mais j’ai bénéficié de l’aide collective de la communauté Twisted et du feedback patient des reviewers sur mes premiers tickets.

Comment voyez-vous l’évolution des logiciels libres depuis que vous avez rejoint la communauté ?

Il y a eu une formidable progression vers la diversité elle-même et sa sensibilisation, en particulier vers les débutants et tout ce qui s’y rapporte. L’augmentation de l’adoption de codes de conduite dans les conférences techniques, le programme GNOME de sensibilisation auprès des femmes, le programme de sensibilisation et d’éducation de la fondation Python ainsi que les événements PyCon’s Young Coders sont quelques exemples du très beau travail que la communauté open source accomplit pour devenir un environnement accueillant et favorable.

Vous êtes profondément impliquée dans la communauté Python. Pourquoi Python ? Quelle était votre première expérience avec ce langage ?

J’ai utilisé Python pour la première fois à l’école (j’étais au MIT au moment du changement dans le tronc commun Informatique de Scheme vers Python) et je l’ai utilisé dans chacun des emplois que j’ai pu avoir. C’est aussi mon langage par défaut pour la plupart de mes projets parallèles. En plus d’être un langage qui, à mon avis, est un bonheur pour développer, je me suis investie dans la communauté Python encouragée par son engagement dans un environnement favorable et accueillant pour tous.

Vous et Asheesh Laroia avez fait une belle présentation lors de la PyCon 2012 à propos du groupe d’utilisateur de Boston Python augmentant son champ d’action. Pouvez-vous décrire ce que vous avez fait ?

Ces 2 dernières années, le Boston Python a lancé une liste d’événements récurrents qui se concentrent sur les moyens d’amener plus de femmes dans les communautés Python locales. La première étape de la liste est de faire un week-end workshop pour les personnes programmant pour la première fois, ce que nous avons fait huit fois pour plus de 400 femmes.

Dans ce projet nos objectifs sont :

Avant de lancer ces workshops, il y avait entre 0 à 2% de femmes à un événement standard du groupe d’utilisateurs Python de Boston. Depuis la participation des femmes à ce type d’événement a atteint, voire dépassé, les 15%. Ces manifestations rassemblent de 80 à 120 personnes : le nombre de femmes présentes a donc littéralement bondi, à la fois en pourcentage et en valeur absolue. Encore plus impressionnant, ces résultats se maintiennent depuis maintenant 2 ans !

Le grand secret de cette initiative est que même si vous vous concentrez sur un groupe particulier de personnes sous-représentées, tout le monde en bénéficie. Lancer ces worshops introductifs nous a forcé à apprendre comment aider les débutants. Nous avons commencé un projet de suivi mensuel Project Night de ces workshops, pour donner aux débutants et intermédiaires plus d’opportunités d’apprendre et de pratiquer le langage avec un mentor présent. Nous avons développé des cursus et des projets pratiques qui ont été utilisé partout dans le monde. Nous avons lancé des worskhops pour les niveaux intermédiaires et des marathons open source. À travers tout cela, le groupe d’utilisateurs a quintuplé, passant de 700 à plus de 4000 membres, en faisant de notre groupe le plus grand groupe d’utilisateurs de Python au monde.

Pour résumer, quand vous investissez dans la diversité, tout le monde y gagne.

Crédit photo : Jessica McKellar

Histoire d'une photo : le phare de Battery Point #Wikipedia

jeudi 17 octobre 2013 à 13:43

Voici une histoire toute simple mais qui raconte peut-être quelques chose de notre époque.

Lorsque KoS a demandé à son auteur l’autorisation de traduction voici quelle a été sa réponse :

Last week, someone contacted me via email and asked politely if I was ok with him translating one of my latest blog posts into French. I replied that the content of my blog was under a CC-BY SA 3.0 license, which allows the free re-use of the material for any purpose. A few days later, this person sent me the French version of my text that he had created with three other free knowledge enthusiasts. I’m still blown away by so much kindness and I’m deeply grateful for the work of the four people that I still don’t know who they are. Alors, “KoS, lamessen, Paul Scailyna and goofy” – merci beaucoup pour la traduction, vous êtes extraordinaire !


Frank Schulenburg - CC by-sa


Histoire d’une photo : le phare de Battery Point

Story Behind The Shot: Battery Point Lighthouse

Frank Schulenburg - 28 septembre 2013 - Site personnel
(Traduction : KoS, lamessen, Paul Scailyna et goofy)

« Alors, vous avez fait tout le chemin depuis San Francisco hier juste pour prendre une photo du phare ? »

« Oui, je suis photographe pour Wikipédia ».

Je suis assis à côté de Rick, conducteur de taxi à Crescent City, à six heures de voiture de là où je vis. Rick me conduit à l’aéroport, où je pourrai louer une voiture suite à un accident que j’ai eu la nuit dernière. Il me regarde et rigole. « Combien ils vous paient ? »

« Rien, je fais ça bénévolement. »

Rick me regarde. Il est stupéfait. « Mais ils remboursent au moins l’essence et l’hôtel. »

« Non, je paye tout de ma poche. »

« Pour prendre une photo de notre phare ? »

Visiblement Rick pense que je suis fou. « Oui, le phare. Nous n’avons pas de bonne photo du phare de Battery Point. »

Rick rigole encore, secoue la tête et sourit, « La prochaine fois, appelez-moi, je vous prendrai toutes les photos que vous voulez ».

Je n’avais pas envie de me lancer dans une discussion sur la difficulté de prendre vraiment une bonne photo d’un bâtiment. Combien de tentatives il me faut pour obtenir la bonne exposition, la bonne composition. Je n’ai pas non plus abordé « Wiki Loves Monuments », la compétition annuelle pour laquelle je prenais le phare en photo. Mais la réaction de Rick m’a fait réfléchir. C’était la troisième personne à qui je racontais mon histoire depuis mon arrivée à Crescent City, cette petite ville voisine de la frontière de l’Oregon. Et toutes les personnes avec qui j’avais parlé avaient eu la même réaction. Ils ont tous pensé que j’étais fou. Ou du moins étrange.

Crescent City est située sur la côte pacifique, dans la partie nord-ouest supérieure de la Californie. La pêche, le bois et le tourisme sont les principales sources de revenus. D’après Wikipédia, le revenu moyen par habitant en 2003 était de 13 000 dollars et près de 34 % des familles vivaient en dessous du seuil de pauvreté.

Est-ce bizarre de conduire près de 500 kilomètres pour prendre une photo d’un phare ? Peut-être. Du moins du point de vue de quelqu’un vivant à Crescent City. La plupart des gens avec qui j’ai discuté connaissaient Wikipédia. Cependant, aucun d’entre eux ne savait que les articles sont rédigés par des bénévoles. Pareil pour les photos. Certains pensaient que j’étais un photographe professionnel. À chaque fois que je disais « C’est une bonne chose de donner aux autres l’accès à une information libre », les gens acquiesçaient. Mais on voyait bien que le bénévolat n’est pas quelque chose de très répandu dans cette partie de la Californie.

Je suis rentré chez moi le même jour que celui où j’avais parlé avec Rick. J’ai beaucoup pensé aux gens que j’avais rencontrés. Et à leur réaction face à mon histoire.

Oui, c’est une bénédiction de pouvoir faire des choses qu’on aime pendant son temps libre. Ce mois-ci, des bénévoles du monde entier ont participé à « Wiki Loves Monuments », la plus grande compétition photo du monde. Ils y investissent leur savoir-faire, leur temps libre et parfois leur propre argent pour documenter le patrimoine culturel de plus de 50 pays. Au moment où je vous parle, plus de 250 000 images ont été déposées sur Wikimedia Commons, le dépôt de médias de Wikipédia. C’est un énorme succès ! Chapeau à ceux qui mettent en ligne mais aussi aux nombreux volontaires qui ont fait un super boulot dans l’organisation de ce concours. J’ai adoré, même si mon voyage à Crescent City s’est terminé de façon inattendue. J’aurais aimé prendre plus de photos de phares et passer le mot sur Wikipédia à des dizaines de milliers de bénévoles.

Heureusement, j’ai eu quelques photos acceptables du phare de Battery Point. Et je suis sûr que je vais y retourner. Il y a encore de nombreux phares le long de la côte de Californie et de l’Oregon qui n’ont pas une bonne photo sur Wikipédia…

Crédit photo : Frank Schulenburg (Creative Commons By-Sa)

BD Framabook : Sortie du 5e (et dernier) GKND How I met your sysadmin

jeudi 17 octobre 2013 à 08:59

GKND 5 - Couverture - Gee - CC by-sa


Les fans de la première heure et des tomes précédents l’attendaient avec impatience : Le tome 5 de notre série BD Framabook GKND vient de voir le jour !

Son titre et sa couverture interpellent : How I met your sysadmin. Quelque chose me dit qu’on y fait la part belle à la Geekette. Mais nous n’irons pas plus loin dans la description, le spoiling c’est pas le genre de la maison, d’autant que nous vous proposons une interview de son auteur ci-dessous.

La sortie a été annoncée sur Linuxfr d’où l’on peut lire le commentaire suivant : « C’est exactement le reflet de ce que j’ai vécu à l’IUT Info :D (Le club info, les projets de 4 semaines que l’on faisait en une nuit blanche, les soirées LAN, les tests à l’arrache après compil…), dommage que la série se termine mais j’adore ! »

Simon « Gee » Giraudot sera à Paris samedi 19 octobre prochain pour dédicacer son livre (en compagnie de Pouhiou). Une occasion unique de pouvoir dire : How I met l’un des meilleurs dessinateurs de sa génération ;)


Simon Gee Giraudot - Dédicace


Entretien avec Simon « Gee » Giraudot

Pouhiou : Alors débarrassons-nous de LA question à laquelle tu n’échapperas pas : à quel point cette histoire est-elle autobiographique ? Non parce que, ça sent le vécu, quand même ?

Gee : Comme dans les autres bouquins, je puise pas mal d’inspiration dans ma propre vie, mais il y a aussi une grande part de fiction. La nuit blanche pour finir un projet qui a traîné pendant des semaines, j’ai pratiqué, la procastination devant des séries stupides aussi. Et pour la fameuse « friend zone », c’est du 100% vécu. Hé oui… Mais on est beaucoup à être passés par là, non ? Sauf que ça finit rarement comme dans cette histoire !

Par contre, et c’est pourtant l’élément principal de l’histoire, je n’ai jamais fréquenté de geekette. Mais après tout, c’est parfois plus enrichissant d’être avec quelqu’un qui ne vient pas du même monde. Et puis ça fait une personne de plus à rallier à la cause des barbus/libristes :)

Pour ce dernier volume, tu as décidé de bousculer les codes, en confiant par exemple la narration à la Geekette… pourquoi ces choix ?

J’ai eu très tôt l’idée de faire cette histoire avec ce titre et cette couverture (oui, quand même). Après, au moment de me pencher sérieusement sur le scénario, j’avais plusieurs angles d’approche :

Finalement, n’arrivant pas à me décider sur un angle, j’ai décidé de mélanger les trois ! C’est donc un tome de conclusion raconté depuis le futur par la Geekette. Il reprend les éléments des 4 premiers tomes (même s’il ne se limite pas à ça, contrairement à mon intention originale, puisqu’il offre aussi la suite et fin de l’histoire).

Avoir la Geekette comme narratrice, ça permet de revivre les anciennes aventures de son point de vue. C’est un personnage un peu compliqué, ses actions et ses pensées sont parfois diamétralement opposées : je trouvais cela amusant de revoir ses actions passées à la lumière de ce qu’elle pense véritablement.

Cela veut-il dire que tes personnages (d’ordinaire chastes et polis) vont se mettre à jurer ? Aura-t-on droit à une scène de sexe ?

Non, ça reste tout public ! Ça n’a jamais été officiel, mais je limite toujours les mots grossiers dans mes bandes dessinées. Ils sont soit remplacés par des symboles abscons du genre #£&*#! (un grand classique), soit gribouillés pour qu’on ne puisse pas les lire directement mais les deviner. Ce tome ne déroge pas à la règle.

Pour la scène de sexe, je pense que la couverture offre une partie de la réponse… Mais de même, ça reste suggéré. Je n’ai pas été jusqu’à la jouer façon « série puritaine américaine » où les femmes font l’amour en gardant leur soutif (mouarf), mais il n’y aucune image interdite aux mineurs dans le livre ;)

On est loin du vieux clicheton où le super héros moustachu sauve la princesse cruche en rose… Dirais-tu qu’il s’agit d’une BD féministe ?

J’ai essayé de rester loin des clichés, que ce soit le geek asocial qui ne connait que des filles en .JPG ou le héros à 2 balles qui finit par avoir la fille en « prouvant sa valeur » et en « montrant qu’il en a » : ce sont juste deux jeunes adultes encore un peu ados dans leurs têtes qui ne savent pas trop comment s’y prendre.

Une BD féministe ? Je ne sais pas, elle n’est pas militante en tout cas. Dans mon cas, le féminisme n’est pas une cause, ça fait juste parti des principes selon lesquels je vis, au même titre qu’être contre le racisme ou pour la paix dans le monde (et pour les bisounours et les poneys, oui je sais). Ça ne veut pas dire que la BD est antiraciste ou pacifiste, mais puisque l’auteur l’est, ça peut en être imprégné. Après, écrire d’un point de vue féminin, c’est une expérience intéressante : tu te poses des questions comme « comment je réagirais dans cette situation si j’étais une fille ? ». Au final, je ne sais pas si mon texte sonne juste, mais j’ai essayé de rester loin de la caricature sans en rajouter dans l’autre sens.

C’est le dernier tome de GKND… Cela veut-il dire qu’on ne reverra plus jamais ces personnages ?

Non, bien sûr. Les personnages reviennent de toute façon régulièrement dans les articles quotidiens du Geektionnerd. La fin de cette saga, c’est surtout la fin d’une forme (une BD à trois images par page et beaucoup de texte) dans laquelle je commençais à me sentir un peu à l’étroit. Je ne m’interdis pas du tout de raconter d’autres histoires sur ces personnages, sous une forme ou une autre. J’ai quelques idées, mais rien de concret pour le moment.

Après, je rappelle que ces œuvres sont libres, ce qui signifie que n’importe qui peut s’emparer de l’histoire et la continuer à sa guise. Avec plus de 1500 articles et 5 livres, la base de dessins du Geektionnerd commence à être fournie. Alors vous savez ce qu’il vous reste à faire…

Et tu as des projets pour la suite ?

Des tonnes, je croule sous les projets (le tout étant de venir à bout de quelques-uns, pas toujours simple quand on veut garder une vie sociale et une vie professionnelle). Le Geektionnerd reste toujours actif. J’ai aussi Superflu, ma « jolie-BD-pas-geek », qui me prend du temps mais progresse tranquillement (11 épisodes au moment où j’écris ces lignes) : ça, c’est vraiment un projet qui me tient à cœur… Il y a les projets avec Framasoft, qui sollicitent parfois mes compétences de dessinateur. Enfin, il est aussi possible que je réalise prochainement (comprendre : je ne sais pas quand) une BD dont je ne serai pas scénariste (uniquement dessinateur), mais c’est encore un projet top secret ;)

Enfin, en vrac : des histoires écrites (nouvelles voire romans), des bandes dessinées « one shot » (histoire unique hors-série), de la musique… Mais je m’arrête là car je diverge (et dix verges, c’est énorme, comme disait Pierre…).

» Lire, télécharger, acheter, partager, etc. le GKND tome 5 sur Framabook

GKND 5 - Gee - CC by-sa

La « politique » Framabook et les licences libres, Par C. Masutti et B. Jean

mercredi 16 octobre 2013 à 11:07

Un « livre libre » est un un livre qui offre à l’auteur, au lecteur et à l’éditeur les mêmes libertés (et obligations) qu’un programmeur, un utilisateur ou un éditeur de logiciel libre. Mais comment ces libertés s’accordent-elles avec le droit d’auteur ? Comment faire vivre une collection de livres libres dans le contexte d’une économie culturelle ?

La collection Framabook a dû élaborer une stratégie qui la positionne assez clairement (politiquement et économiquement) à la fois par rapport au droit d’auteur et par rapport aux multiples licences libres (et assimilées) existantes. À l’issue du processus créatif d’un auteur, celui-ci effectue un choix : doit-il on non placer son œuvre sous licence libre? Si oui, quelles sont les clauses les plus susceptibles de protéger son œuvre ? Pour un auteur qui n’est pas forcément spécialiste du droit et familier avec certains concepts inhérents aux licences libres, il peut-être difficile de comprendre le choix de la collection Framabook à ne pas accepter de clauses empêchant les modifications ou limitant les usages commerciaux. Ceci est d’autant plus étonnant que le penchant légitime, et presque naturel, d’un auteur est de souhaiter que son œuvre soit transmise en toute intégrité, dans un respect très strict de ses idées.

Christophe Masutti et Benjamin Jean se font l’écho d’un débat déjà assez ancien, à la fois dans la communauté du Libre mais aussi à l’intérieur de l’association Framasoft. Ils voient que finalement, le choix d’une licence ne s’établit pas seulement sur l’idée qu’une licence libre suffit à elle seule pour protéger une œuvre, mais que cette protection s’établit dans un dialogue entre les droits d’auteur et les licences libres.

Ce débat, ici rapporté pour ce qui concerne la collection Framabook, dépasse ce seul cadre et s’adresse à différents modèles d’édition, du simple blog personnel aux modèles d’éditions ouvertes (dans les sciences ou d’autres domaines). Nous vous invitons après lecture à le poursuivre dans les commentaires.

Remarque : Vous trouverez en pièce-jointe ci-dessous une version de l’article sous différents formats : PDF, HTML, ODT et TeX.

La « politique » Framabook et les licences libres

Article placé sous triple licence Licence Art Libre 1.3, GNU Free Documentation License 1.3 et Creative Commons By-SA 3.0.

Par Christophe Masutti, Benjamin Jean

Christophe Masutti est docteur en histoire des sciences et des techniques, chercheur associé au SAGE (Société, Acteurs, Gouvernements en Europe, Université de Strasbourg), responsable des affaires européennes à la Direction Générale des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. Président de l’association Framasoft depuis janvier 2012.

Benjamin Jean est membre de l’équipe du CUERPI (Centre Universitaire d’Enseignement et de Recherches en Propriété Intellectuelle) co-fondateur de la société Inno3, consultant au Cabinet Gilles Vercken et maître de conférence à Science Po. Co-fondateur de l’association Veni, Vidi, Libri et du cycle de conférences European Open Source & Free Software Law Event (EOLE).

Initié en mai 2006, Framabook est le nom donné au projet de collection de livres libres édités par Framasoft[1]. Basée sur une méthode de travail collaborative entre l’auteur et des bénévoles de l’association, la collection dispose d’un comité de lecture et d’un comité éditorial. Elle propose des manuels, des essais et même des bandes dessinées et des romans en lien avec le logiciel libre ou la culture libre en général. Le choix des licences qui les accompagnent les inscrit dans la culture libre et la participation aux biens communs.

Depuis que Framasoft a choisi de devenir éditeur de sa collection, nous avons tant bien que mal travaillé à la construction d’un modèle alternatif et collaboratif d’édition. Dans nos discussions avec les auteurs, la question des licences acceptées pour la diffusion des projets est récurrente (pour ne pas dire systématique). Ce sujet relativement technique a mobilisé le débat de nos assemblées générales, se poursuivant parfois tard en soirée et sur nos listes de discussion, pour des réponses finalement toujours similaires (« des licences libres et seulement des licences libres »). Nous nous sommes aperçus que cette recherche répétée de consensus résultait surtout du manque d’exposition claire des principes auxquels adhère la collection Framabook. C’est pour y remédier que cet article a été écrit. Il cherche à exposer les principes de la politique éditoriale du projet Framabook tout en rassemblant les différents éléments de discussion issus des archives de nos listes et qui concernent précisément les licences libres. D’une certaine manière, il témoigne aussi d’une réflexion devenue mature et qui nous semble valider la pertinence d’un modèle d’édition ouverte.

Nous destinons aussi ces quelques lignes aux auteurs et éditeurs, afin de les aider à cerner les enjeux du choix d’une licence pour une œuvre destinée à être publiée dans la collection Framabook ou ailleurs. Nous avons conscience que ce choix n’est pas anodin et peut même être difficile, tant d’un point de vue culturel après presque trois siècles d’histoire du droit d’auteur, que d’un point de vue économique et éthique, dans le contexte d’une économie de la culture qui multiplie les abus en tout genre. Nous ne cherchons pas non plus à prétendre que ce modèle devrait remplacer les modèles existants, nous souhaitons seulement démontrer qu’il peut être viable et, surtout, qu’il ne génère pas tous les risques et déviances qu’on lui rattache fréquemment.

Bien que l’un de nos ouvrages compte désormais comme une référence en la matière (Benjamin Jean, Option Libre. Du bon usage des licences libres)[2], certaines subtilités nécessitent à la fois une connaissance du droit d’auteur, une connaissance du domaine de l’édition et une connaissance des licences libres. L’ensemble est néanmoins à la portée de tous et n’excède pas les quelques minutes de la lecture à laquelle nous vous invitons, sous la forme de questions fréquemment posées (QFP)…

1. Sous quelle licence dois-je placer mon œuvre dans la collection Framabook ?

Le premier postulat de notre collection est que les auteurs sont absolument libres d’utiliser les licences qu’ils souhaitent pourvu qu’elles soient « libres », c’est-à-dire qu’elles assurent à l’utilisateur une libre utilisation, copie, modification ou redistribution de l’ouvrage ou de ses dérivés (ce qui exclut donc toutes les licences Creatives Commons limitant l’usage commercial « NC » ou la modification « ND », ainsi que nous allons le développer plus loin).

Dans l’esprit du Libre auquel nous adhérons, cette définition n’exclut pas les licences dites copyleft qui imposent la pérennité des libertés assurées à l’utilisateur (garantissant à l’auteur que le livre ne pourra être exploité que librement). Ce choix n’est pas neutre puisque ce type de licences permet d’alimenter un « pot commun » auquel tout le monde peut puiser à condition d’y reverser à son tour ses propres contributions.

En d’autres termes, un Framabook pourra être aussi bien sous Licence Art Libre 1.3, sous licence CC-By-SA 3.0, que sous licence CC-By 3.0 (« tout court ») voire sous CC-0[3]. Vous serez toujours libre de réutiliser ces ouvrages (même commercialement), mais à votre charge de respecter les obligations que ces licences contiennent.

Par exemple – Si quelqu’un rédige un texte incluant un passage substantiel (en termes qualitatifs ou quantitatifs) tiré d’un Framabook, et même si cet usage dépasse le cadre délimité du droit de citation, la licence libre associée par l’auteur lui accordera les droits nécessaires (à condition que soient parallèlement respectées les contraintes qu’elle impose). Au titre de ces contraintes, certaines licences copyleft imposeront que toutes modifications apportées à ce texte soient diffusées selon la même licence, voire que l’intégralité de l’œuvre utilisatrice soit distribuée selon la même licence (ce qui, contrairement à la première hypothèse, limite grandement le type d’exploitation possible). Ainsi qu’indiqué précédemment, cette obligation permet d’assurer une relative pérennité au projet initial et s’ajoute aux obligations classiques telle que l’obligation d’attribuer la paternité de l’œuvre initiale à nos auteurs (et ceux-ci seulement ; vous serez pour votre part auteur de votre propre version dérivée).

2. Pourquoi utiliser des licences libres ?

Avant toute autre considération, le Libre procède d’une volonté de partage. Si vous placez une œuvre sous licence libre, c’est que vous désirez la partager avec le plus grand nombre d’« utilisateurs » ou de contributeurs possible. Importante dans le monde physique, cette notion de partage se révèle encore plus évidente dans le monde immatériel (celui de la propriété intellectuelle) où l’acquisition par un individu n’implique pas l’aliénation ou la perte par l’autre (bien au contraire)[4].

Ainsi, « Libre » ne signifie donc pas « libre de droits » (notion qui n’a aucune valeur juridique) et les licences libres sont là pour traduire et sécuriser juridiquement la relation souhaitée[5].

Le projet Framabook repose donc sur :

Ainsi, l’utilisation d’une licence libre est indispensable pour assurer aux utilisateurs les libertés proclamées par l’auteur et par la collection.

3. N’est-ce pas contradictoire avec la commercialisation des livres ?

L’adage « libre ne signifie pas gratuit » s’applique parfaitement pour ce qui concerne la collection Framabook. La politique de la collection consiste à proposer un modèle économique du livre basé à la fois sur la primauté de la diffusion et la juste rémunération des auteurs. Puisque nous vendons les livres « papier » et encourageons d’éventuelles rééditions, nous ne voulons pas utiliser de clause de licence interdisant à priori la vente (pas de -NC dans le cas des licences Creative Commons). Bien que la clause NC puisse être légitimée, il y a un contexte propre à la collection Framabook.

Framasoft est un réseau d’éducation populaire dédié au Libre qui s’appuie sur une association d’intérêt général à but non lucratif. De cette orientation découle toute l’importance de la diffusion au plus grand nombre. C’est pour cela que nous avons fait le choix de distribuer gratuitement les versions numériques des ouvrages. Mais elles auraient pu aussi bien être vendues au même titre que les livres « papier ». Quoi qu’il en soit, les sources (les fichiers originaux servant à la composition de l’œuvre) étant elles aussi disponibles, tout le monde peut les utiliser afin de diffuser à son tour gratuitement ou non.

Par essence, la clause de type -NC contrevient au principe de libre diffusion et de partage, à moins de lever à chaque fois cette clause pour chaque cas particulier (et, même dans cette situation, nous nous placerions dans une situation privilégiée qui serait contre-productive compte tenu du partage qui nous motive). Certaines maisons d’édition effectuent ainsi une sorte de « Libre-washing » en profitant de leur position de monopole sur l’œuvre pour lever cette clause temporairement moyennant une rémunération que l’auteur ne touche pas obligatoirement. L’idée est de prétendre une œuvre libre mais en conservant le monopole et en exerçant des contraintes indues. Nous pensons que dans la mesure où une maison d’édition désire rééditer un Framabook, moyennant les conditions exposées à la question numéro 4, elle devrait pouvoir le faire indépendamment de Framasoft, en directe relation avec l’auteur. Nous n’avons donc pas à fixer un cadre non-commercial et encore moins fixer un prix pour ces rééditions. L’exemple typique est le besoin d’une réédition locale hors de France afin d’économiser des frais de port parfois exorbitants : soit il s’agit d’une réédition, soit il s’agit d’une simple ré-impression, mais dans les deux cas, nous n’avons aucun profit à tirer puisqu’il s’agit de toute façon d’un territoire ou d’un secteur dans lequel nous ne sommes pas présent ou actif. Au contraire, une telle diffusion par un tiers (partenaire ou non) est créateur de valeur pour ce tiers, pour la collection ainsi que pour l’auteur (qui, selon nous, mérite un intéressement bien que les négociations ne nous regardent pas). Par ailleurs, ne bénéficiant que d’une simple cession de droits non exclusive de la part de nos auteurs, nous assumons pleinement le risque d’être concurrencés dans notre rôle d’éditeur si jamais nous ne remplissions pas nos engagements (éthiques ou économiques).

Dans le cas d’une traduction, l’usage d’une licence contenant une clause -NC interdirait à priori la vente de l’œuvre traduite (et donc modifiée). En faisant une nouvelle voie d’exploitation, des maisons d’édition proposent parfois de lever la clause pour cette traduction moyennant une somme forfaitaire sur laquelle l’auteur peut le plus souvent ne rien toucher puisque son contrat ne le lie qu’à la première maison d’édition. Par ailleurs, comme le contrat de cet auteur est généralement exclusif, il ne peut contracter librement avec la maison d’édition qui édite la traduction, sauf accord préalable avec la première. Nous pensons au contraire que non seulement les contrats d’édition ne doivent pas « lier » (au sens premier) un auteur avec sa maison d’édition mais aussi que celle-ci doit prendre la mesure de sa responsabilité éditoriale sans exercer de monopole et signer avec l’auteur des contrats non exclusifs qui lui permettent d’être contacté par une maison d’édition cherchant à traduire son œuvre à lui, sans pour autant passer par un intermédiaire rendu obligatoire uniquement pour des raisons mercantiles (il peut y avoir des raisons tout à fait acceptables, cependant)[6].

Concernant les livres « papier », nous avons fait le choix de ne pas (tous) les vendre à prix coûtant. Il y a deux raisons à cela :

  1. Depuis 2011, Framasoft a choisi de devenir son propre éditeur. À ce titre nous passons directement des contrats d’édition avec les auteurs, comprenant une rémunération à hauteur de 15% du prix de vente de chaque exemplaire. Ce pourcentage est toujours négociable, mais nous essayons d’en faire une règle, sans quoi il influe trop sur le prix de vente. Nous avons bien conscience que ce pourcentage est nettement plus élevé que ce qui se pratique habituellement dans le monde de l’édition. Il nous semble en effet important que nos auteurs qui ont fait le choix et le pari de la licence libre avec nous s’y retrouvent financièrement et bénéficient ainsi du modèle contributif dans lequel s’inscrit la collection[7].
  2. Framasoft est composé de bénévoles mais repose sur une association qui compte aujourd’hui plusieurs permanents[8]. À ce titre, le budget de tout projet doit être le plus équilibré possible. Or, éditer un livre suppose de nombreux coûts : le prix de vente est basé sur la fabrication, les frais de port et les frais annexes (administration, BAT, pertes, dons de livres, commission de l’association EnVentelibre.org qui se charge de la vente, des livraisons, de la charge TVA, etc.). Dans les frais annexes, nous pouvons aussi inclure les livres qui sont vendus à prix coûtant (afin de maintenir un prix « acceptable »[9]). Ainsi, en faisant en sorte de rester en deçà des prix habituellement pratiqués et gardant comme objectif de favoriser la diffusion des connaissances dont elle est responsable, l’association Framasoft perçoit une somme forfaitaire à chaque vente qui lui permet de contribuer à faire vivre les projets éditoriaux de l’association[10].

Ainsi, l’usage d’une licence qui autorise les usages commerciaux est à la fois conforme à nos objectifs internes (et à la mission d’intérêt général que revêt Framasoft) et constitutive d’un modèle d’édition ouvert qui tire plein profit des opportunités de notre société numérique et internationale.

4. Puis-je rééditer un Framabook ?

Oui, c’est même encouragé, sans quoi le modèle économique que nous défendons n’aurait pas de sens. Cependant, n’oubliez pas que les licences libres imposent certaines contraintes ! En plus de celles-ci, pour ce qui concerne les Framabooks, il y a d’autres éléments à prendre en compte.

5. Alors, tout le monde pourrait modifier mon œuvre et je n’aurais rien à dire ? Ne devrais-je pas plutôt utiliser une licence comme CC-BY-ND (sans modification) ?

La réponse mérite un développement.

Certaines personnes, et c’est en particulier le cas de Richard M. Stallman, affirment que dans le cas d’œuvres dites « d’opinion », la pensée de l’auteur ne devrait pas pouvoir être déformée[12]. Ces œuvres constitueraient donc autant de cas où une licence doit pouvoir empêcher toute modification de l’œuvre[13].

En réalité, le droit d’auteur[14] est bien plus subtil que ne laisse paraître ce genre de posture.

Premièrement, Richard M. Stallman confond le fond et la forme : le droit d’auteur protège la forme que donne l’auteur à certaines idées, en aucun cas il ne protège les idées ou l’opinion d’un auteur (celles-ci n’étant, en tant que telles, génératrices d’aucun droit).

À partir de là, apposer sur la forme une licence qui limite la réutilisation qui peut en être faite apparaît comme une limitation qui empêche in fine (pour un auteur) d’utiliser une certaine matière (les écrits, tournures, etc.) sans pour autant apporter de garantie quant à la réutilisation (ou non) des idées ou opinions qu’elle contient. Cela est d’autant plus dommage que la société actuelle donne une place de plus en plus grande au « mashup », ainsi qu’à tous ces processus de créations utilisant des œuvres premières comme matière, et qu’une licence qui interdit les dérivations s’oppose frontalement à cet usage.

Aussi, jamais une licence libre (qui ne porte donc que sur le droit d’auteur – l’expression, la forme) n’autorisera de modifier une œuvre de telle sorte que cette modification porte atteinte à l’intégrité de l’œuvre. Dans le cadre d’une œuvre conçue par son auteur comme ouverte et collaborative, la modification par un contributeur est par principe entièrement respectueuse de l’intégrité de l’œuvre. Néanmoins, s’il était porté sur l’œuvre une modification manifestement non conforme à la représentation qu’en avait son auteur, il serait tout à fait valable qu’un auteur agisse sur le fondement de ses droits moraux pour faire cesser cette atteinte (de la même façon qu’il pourrait le faire en l’absence de licence libre), en particulier si l’œuvre était utilisée pour véhiculer des messages manifestement contraires à l’intention de l’auteur.

Au-delà du champ du droit d’auteur, ajoutons qu’il reste bien entendu interdit de publier toute version dérivée qui serait présentée de telle sorte qu’elle véhiculerait une idée fausse : soit que l’auteur initial de l’œuvre en serait aussi l’auteur, soit qu’il ait écrit certaines choses de certaines façons, etc. Ce type de comportement serait tout à fait sanctionnable d’un point de vue civil comme pénal. Il n’est bien sûr pas inutile de le rappeler, mais en revanche nul besoin d’utiliser une « licence verbatim » (interdisant toute modification) à cette seule fin.

Dans le cas des Framabooks, une clause de type -ND (ou toute autre clause de la même famille) est donc superflue. La suite va nous montrer qu’elle peut même être gênante.

Le second argument concerne la réédition. En effet, une modification de l’œuvre n’a d’intérêt que pour la diffuser. Il s’agit dans ce cas d’une réédition. Comme il est expliqué dans la question numéro 4, toute réédition d’un Framabook est soumise à certaines conditions. Parmi celles-ci, le contrat d’édition signé par l’auteur : puisque le contrat est « nommé », il lie l’auteur à son œuvre de manière formelle. Ainsi, il resterait toujours possible pour un imprimeur de réaliser des copies papiers « à la demande » dès lors qu’il ne rentrerait pas dans une démarche similaire à celle d’un éditeur et toute nouvelle édition serait nécessairement rattachable à un auteur (soit l’auteur initial de l’œuvre s’il choisit de souscrire à un nouveau contrat et dès lors que ce nouveau contrat ne souffre pas de la non exclusivité accordée à Framasoft ; soit l’auteur d’une version dérivée dès lors que les apports de chacun des auteurs sont clairement identifiés).

Le troisième argument, « l’absence de risque », est sans doute le plus important. Une licence sans clause -ND (ou autre clause du même genre) aura seulement pour conséquence :

Ainsi, dans la mesure où notre objectif premier est celui de la diffusion, une clause interdisant toute modification fait obstacle à l’apparition de nouvelles créations susceptibles de devenir le support second de cette propagation.

En guise d’illustration, nous pouvons citer deux extraits du préambule de la Licence Art Libre, mise à disposition pour des œuvres artistiques : « Avec la Licence Art Libre, l’autorisation est donnée de copier, de diffuser et de transformer librement les œuvres dans le respect des droits de l’auteur (…) L’intention est d’autoriser l’utilisation des ressources d’une œuvre ; créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création. La Licence Art Libre permet d’avoir jouissance des œuvres tout en reconnaissant les droits et les responsabilités de chacun ». Cet esprit est d’autant plus présent dans la LAL que le texte distingue l’original de la copie : les droits portant sur les copies de l’original (qui pour sa part ne peut être modifié sans autorisation de son auteur et qui doit être mentionné comme tel).

Pour revenir au contexte d’édition dans lequel nous nous situons, le choix d’une licence entièrement libre est aussi une assurance pour le projet et ses contributeurs : même si l’auteur se désengage et ne souhaite ou ne peut assurer de nouvelle version, d’autres pourront prendre le relais (comme ce fut le cas pour le premier Framabook Utilisez Thunderbird 2.0 !).

6. Et si je décide de ne pas m’encombrer les neurones ?

Les raisons esthétiques ci-dessus ne s’appliquent que peu aux ouvrages de la collection Framabook, mais restent néanmoins discutables dans le cadre d’une démarche de partage libre. A contrario, nous pouvons signaler que certains ouvrages de la collection sont, eux, sous licence CC-Zéro. C’est-à-dire qu’il s’agit de ce que l’on pourrait appeler le « domaine public volontaire ».

Certes, nous avons dit plus haut qu’il était impossible pour un auteur, du point de vue légal et dans beaucoup de juridictions, de renoncer à tous ses droits d’auteurs (en particulier les droits moraux). Cela dit, les choses peuvent aussi s’envisager d’un point de vue beaucoup plus pratique : le fait de déclarer que non seulement l’œuvre est libre mais aussi qu’elle a pour vocation de suivre son cours en pleine autonomie, un cours que l’auteur s’engage à ne pas influencer (à ne pas exercer son droit d’auteur qui pourtant lui colle à la peau).

La licence CC-0 cherche à traduire ces effets au sein d’un contrat qui propose alternativement et successivement : une renonciation aux droits, une cession de tous les droits patrimoniaux et moraux ou une cession des seuls droits patrimoniaux. En d’autres termes, les droits de Propriété Intellectuelle (et régimes associés) étant territoriaux, la licence CC-0 fonctionne différemment selon que l’auteur peut renoncer à ses droits, céder ses droits moraux ou non. Dans les faits, la licence confère ainsi à l’œuvre le statut juridique s’approchant le plus de la volonté de l’auteur (en France, un statut très proche de la CC By : une cession très large des droits patrimoniaux avec une obligation de citer l’auteur – sauf si ce dernier souhaite rester anonyme).

C’est notamment le cas du roman Le Cycle des NoéNautes, par Pouhiou[15]. Nous pouvons le citer :

« Dès aujourd’hui, je fais passer Les Noénautes dans le domaine public volontaire. Cela veut dire que tu as le droit d’en faire ce que tu veux. Tu n’as aucun compte à me rendre. Tu peux éditer et vendre cette œuvre pour ton propre compte, tu peux la réécrire, l’adapter, la recopier, en faire de la pub ou des navets… Tu es libre. Parce que légalement, cette œuvre est libre. La loi Française imposerait que tu fasses mention de l’auteur malgré tout : OSEF, j’irai pas t’attaquer ! J’avoue que si tu fais quelque chose de tout cela, ça m’amuserait que tu me tiennes au jus. Mais tu n’as plus d’autres obligations que celles que tu te crées. »[16]

Conclusion

Elle s’exprime en une phrase : la collection Framabook édite des livres sous licence libre, sans clause non commerciale ou empêchant toute modification de l’œuvre. Voici des exemples de licence qui peuvent être utilisés :

Cette liste n’est pas limitative et nous nous ferons un plaisir de vous accompagner si vous souhaitez discuter de la pertinence de toute autre licence. Le choix de la licence de la part de l’auteur doit être un choix éclairé et mûrement réfléchi. Il entre dans une démarche de partage et en même temps dans un circuit éditorial. Il n’échappe néanmoins pas à la juridiction du droit d’auteur.

– Framasoft, le 15 octobre 2013

Notes

[1] Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Framasoft#cite_note-32. La collection est coordonnée par Christophe Masutti.

[2] Nous avons également publié un essai qui propose, lui, de se passer complètement du droit d’auteur : J. Smiers, et M. van Schijndel, Un monde sans copyright… et sans monopole.

[3] De manière plus complexe, certains de nos ouvrages sont soumis à plusieurs licences libres : tel l’ouvrage précité « Option Libre » qui est diffusé sous triple licence CC-By-SA 3.0, Licence Art Libre 1.3, GNU FDL 1.3.

[4] Lorsque je souhaite donner un fichier, je fais une copie, ce qui devient du partage : ce principe est évidemment contrarié par la pléthore de dispositifs de surveillance et de protection de la part des ayants droits (type DRM, ou lobbying législatif) qui visent à empêcher le partage pour des raisons plus ou moins défendables.

[5] Il est en effet admis, au moins en Europe, qu’un auteur ne peut décider d’élever de lui-même une œuvre dans le domaine public (un tel acte serait certainement sans valeur juridique et l’auteur ou ses ayants droit pourraient valablement revenir dessus plusieurs années plus tard).

[6] Nous avons récemment rencontré le cas avec la traduction d’un chapitre de l’ouvrage de C. Kelty, tiré de Two Bits. The Cultural Significance of Free Software (http://twobits.net), que nous souhaitions intégrer dans le Framabook Histoires et cultures du Libre. Bien qu’ayant l’accord de l’auteur, son livre étant sous licence CC-BY-NC-SA, c’est l’éditeur seul qui pouvait lever temporairement la clause NC, moyennant une rétribution (certes faible, de l’ordre d’une centaine de dollars), afin que nous puissions inclure ce chapitre dans l’ouvrage destiné à la vente. La clause -SA posait aussi un grave problème pour l’ensemble de l’ouvrage. Nous l’avons donc inclus uniquement dans la version numérique gratuite.

[7] Pour les ouvrages où il n’y a pas de contrat d’auteur, les bénéfices sont reversés à Framasoft et entrent dans le cadre de l’équilibre budgétaire (en principe, lorsque celui-ci peut être atteint).

[8] Framasoft compte trois permanents à ce jour, affectés à la gestion des multiples projets de l’association ainsi qu’à son administration.

[9] C’est par exemple le cas des bandes dessinées GKND pour lesquelles nous avons fixé un objectif de prix (pas au-delà de 12 euros la version imprimée). Ce prix permet à l’auteur de toucher un intéressement, mais ne couvre pas les frais annexes (stockages, frais de port pour les approvisionnements, etc.). Cela peut bien entendu changer si nous empruntons une autre voie plus économique pour la production.

[10] L’essentiel des revenus de l’association étant composé des dons faits à l’association. Les revenus provenant de la vente des ouvrages permet d’avoir à disposition un fonds de roulement permettant d’acheter des stocks d’imprimés.

[11] Voir article L132-1 du CPI : « Le contrat d’édition est le contrat par lequel l’auteur d’une œuvre de l’esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l’œuvre, à charge pour elle d’en assurer la publication et la diffusion ». Constitue une faute de la part de l’éditeur le fait de n’avoir pas passé un contrat d’édition avec une personne à laquelle il reconnaissait la qualité d’auteur (Paris, 4e chambre, 22 novembre 1990).

[12] R. M. Stallman affirme en effet : « Selon moi, les licences non libres qui permettent le partage sont légitimes pour des œuvres artistiques ou de divertissement. Elles le sont également pour des œuvres qui expriment un point de vue (comme cet article lui-même). Ces œuvres ne sont pas dédiées à une utilisation pratique, donc l’argument concernant le contrôle par l’utilisateur ne s’y applique pas. Ainsi, je ne vois pas d’objection à ce qu’elles soient publiées sous licence CC BY-NC-ND, qui ne permet que la redistribution non commerciale de copies identiques à l’original. »

[13] Dans le même registre, et pour des motifs tout à fait recevables selon l’usage, certaines licences libres – une principalement : la GNU Free Documentation License – permettent d’identifier des passages spécifiques d’une œuvre comme invariants (cela notamment afin d’assurer une plus grande diffusion des textes philosophiques et/ou politiques annexer à une documentation).

[14] Le droit d’auteur se décompose entre droit moral et droit patrimonial : en vertu du droit patrimonial, l’auteur a la possibilité d’exploitation son œuvre (par des contrats de cession telle qu’une licence libre) ; en vertu du droit moral, l’auteur peut limiter certains usages préjudiciables pour son œuvre ou le lien qu’il entretient avec cette dernière.

[15] Ainsi que Joost Smiers et Marieke van Schijndel, op. cit.

[16] Voir : http://noenaute.fr/bonus-13-inspirations-et-digestion/2.