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Escale sur Samantha

jeudi 17 juillet 2014 à 10:13
samantha

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Jim reprit son passeport biométrique des pattes velues d’un douanier indigène de type arachnéen. D’un pas rapide, il rejoignit son collègue qui faisait le pied de grue, deux sacs aux couleurs de la Spatiale sur les épaules.
— Nom d’une nébuleuse Jim, qu’est-ce que t’as encore foutu ?
— Cette saloperie d’araignée devait me trouver louche je suppose ; tu me refiles mon sac ?
— Bon, on a deux mille cycles à tuer avant le rembarquement et le retour.
— Deux mille cycles ? Une pleine semaine terrestre ? Bon sang, ça fait pas deux heures qu’on est là et ces espèces d’araignées me foutent déjà le cafard.
— Ah non, les cafards, c’était sur Sygmalia, en trente-deux.
— La fois où une partie de la cargaison a éclos pendant le déchargement ? Ne m’en parle pas, par pitié…
Les deux humains se faufilèrent vers la sortie parmi la masse grouillante du spatioport, se fiant aux symboles Universels tracés sur les murs. Le voyageur de l’espace inexpérimenté est toujours saisi par la foule cosmopolite d’un spatioport, ne pouvant parfois pas retenir son dégoût face à une Morue larvaire du système Aural ou son étonnement face aux bulles irisées et fantomatiques que sont les Esprits de Nar.

Mais Jim et Tom parcouraient le cosmos depuis maintenant près de trente années terrestres. La faune de l’espace avait pour eux autant d’intérêt qu’un morceau de tarmac pour un chauffeur de camion. Ils respiraient l’atmosphère disponible sans sourciller pourvu qu’elle soit fournie en oxygène, ils mangeaient ce qu’on leur servait avec une moue blasée pourvu que cela contienne des protéines. Néanmoins, comme tout astronaute qui se respecte, il était un aspect des coutumes locales qu’ils ne se lassaient pas de découvrir dès que le temps entre deux chargements le permettait.

Tom franchit les portes battantes et renifla l’atmosphère extérieure de Samantha.
— Vingt-six mille cycles qu’on est dans cette boîte à conserve de malheur. Et encore le même nombre pour le retour. Je sens que je vais me payer une tranche de bon temps avant d’embarquer !
— Ouaip, je me demande ce qu’ils ont comme coutumes exotiques dans le coin.
— Quoi qu’il en soit, ça ne peut pas être pire que les espèces de cactus rêches de la mission passée. Absolument inadaptés à un mode de reproduction humanoïde.
— Tu crois qu’ils ont les fameuses limaces baveuses de Shling ? demanda Jim avec un petit sourire.
— Ah, les limaces de Shling. Qu’est-ce qu’elles puent celles-là.
— Clair, mais une fois que tu as passé ce stade, nom d’un réacteur, c’est diantrement bon.
— Oh oui ! Un peu dégueulasse mais, waw, les Terriens ne savent pas ce qu’ils ratent.
— Tu m’as donné envie. Sors le guide et regarde si, à tout hasard, ils n’auraient pas un établissement avec des limaces de Shling dans ce bled pourri.
Tom sortit un petit ordinateur de sa poche et tapota rapidement.
— Raté. Mais il fallait s’y attendre. Samantha n’est pas exactement ce qu’on pourrait appeler une planète développée.
Une mandibule tira sur la manche de Jim.
— Permettez-moi de vous importuner, honorables visiteurs, je me présente, F’thang, guide touristique.
L’être étrange ressemblait à un scarabée qui aurait appris à se déplacer comme un bipède. Ses deux pattes inférieures se séparaient en plusieurs pieds très fins qui devaient lui assurer une grande stabilité. Sa voix sortait en curieux glapissements depuis un orifice situé sur son abdomen. Il avait prononcé son nom comme une onomatopée caverneuse rappelant le bruit d’un ressort qui se détend.
— J’ai cru comprendre que vous êtes à la recherche de nouveaux frissons d’ordre reproductif. Puis-je savoir de quelle planète vous êtes originaires ? Les modestes connaissances de F’thang vous guideront à travers les plaisirs insoupçonnables que recèle Samantha.
— Combien ? demanda immédiatement Jim, en voyageur interstellaire aguerri.
— Seulement cinquante crédits votre magnificence.
Tom ne put retenir une exclamation. Cinquante crédits ? Une paille ! La compagnie leur allouait mille crédits par journée d’étape. Cette planète bien loin des circuits traditionnels n’avait pas encore connu l’inflation consécutive à l’entrée dans la Fédération.
— Dix, dit calmement Jim d’un ton sans appel.
— Votre honneur, nous sommes en dehors des parcours touristiques et les étrangers sont bien rares sur Samantha. Je ne descendrai pas en dessous de quarante crédits. J’ai une couvée sur le point d’éclore et…
— Quinze maintenant et quinze à la sortie, si nous sommes satisfaits.
Jim tendit trois plaques aux couleurs de la Spatiale qui disparurent immédiatement sous la carapace chitineuse.
— Mes chers amis, poursuivit le scarabée, c’est un plaisir de faire affaire avec vous.
— Nous sommes de la planète Terre, étoile Solaire, quatrième quadrant. Qu’as-tu à nous proposer ?
— Ah, la Terre ! Merveille des merveilles. Suivez-moi formidables amis. C’est un honneur pour F’thang de guider des Terrestres sur Samantha.
— Minute Machin, où nous emmènes-tu ?
De par leur métier, les astronautes étaient une race d’hommes prudents. La ridicule somme de quinze crédits pouvait très bien n’être qu’une façon de gagner leur confiance pour les entraîner dans un recoin isolé afin de les dépouiller ou de les vendre comme esclaves, bien que la Constitution de la Fédération l’interdît formellement. Ceci dit, la même Constitution interdisait également la prostitution.
— Il n’est point besoin d’être méfiant mes valeureux voyageurs. Nous avons sur Samantha une race particulière, les Religieuses. Les Religieuses possèdent un mode de reproduction étonnant.
— Tom, vérifie dans le guide.
— Il a raison Jim. Le guide indique : « Les Religieuses de la planète Samantha possèdent un mode de reproduction particulièrement intense qui redéfinit la notion même d’orgasme et de plaisir. L’acte sexuel rappelle celui des Terrestres mais avec une magnitude d’un ordre de grandeur supérieur. Il est dit que plus d’un mâle a perdu la tête dans une bouffée orgasmique grâce au savoir-faire des Religieuses de Samantha. À réserver aux voyageurs expérimentés. »
— Ça me semble très appétissant tout ça.
— J’ai toujours rêvé de me faire une religieuse, murmura Tom, tu crois qu’elles ont des voiles ?
— Tais-toi, tu m’excites tellement que je vais me faire le scarabée avant même d’être arrivé.
Les deux compères éclatèrent d’un rire gras qui résonna dans les ruelles de la ville.
F’thang les introduisit dans un petit bâtiment à l’allure discrète. Le hall d’entrée était chaud et accueillant. Ce qui semblait être un banc était grossièrement sculpté à même le sol, des couloirs rayonnaient dans toutes les directions vers des niches évoquant les chambres d’un internat ou d’un monastère.
— Si mes honorables amis veulent bien se donner la peine, annonça F’thang en montrant un couloir d’une de ses pattes.
— Minute Truc, l’interrompit Jim. Nous n’allons pas ensemble. Pour notre espèce, la copulation se fait de manière individuelle. Nous exigeons une Religieuse pour chacun.
Le scarabée fit mine de réfléchir.
— Je ne sais pas si cela est possible. F’thang est très triste mais…
Jim tendit de nouveau trois plaquettes de cinq crédits. Elles disparurent aussi prestement que la première fois.
— … mais je pense que F’thang a une solution pour ne pas trahir la confiance des honorables étrangers.
Il prit Jim par le bras et lui désigna un couloir.
— Dans ce couloir, vous découvrirez le frisson ultime de l’extase et de la sensualité des Religieuses mon ami. F’thang est de retour dans une fraction de cycle pour indiquer un couloir libre à votre compagnon.
Le gros scarabée s’éclipsa.
— Qu’est-ce qu’on fait Tom ? On attend ?
— Vas-y Jim, je sais que t’en meurs d’envie. J’attendrai mon tour.
— T’es un pote toi tu sais.
Jim donna une claque virile sur l’épaule de son compagnon et s’engouffra dans le couloir avec un sourire concupiscent. Tom le regarda s’éloigner en s’asseyant sur le banc.
— Sacré Jim…
Un hurlement fît bondir Tom. La cigarette aux herbes qu’il était en train de préparer se répandit à ses pieds.
— Tiens bon Jim !
Le hurlement se changea en gargouillis visqueux et infâme. Tom se rua dans le couloir et sortit de sa botte un mince poinçon effilé. La Fédération interdisait et contrôlait strictement le port d’armes dans tous ses territoires, ce qui avait grandement contribué à la paix galactique. Néanmoins, un astronaute avait toujours un « outil » sur lui, au cas où…

La fine tige de métal serrée dans son poing, Tom fit irruption dans une cellule aux murs nus et sans mobilier apparent. Devant lui se dressait un gigantesque corps insectoïde verdâtre. De gros yeux globuleux noirs se détachaient sur une petite tête perchée à plus de deux mètres du sol. Quatre pattes reposaient sur la terre battue mais les deux membres supérieurs se repliaient en une pince effilée de plus d’un mètre de long.

Tom resta bouche bée une seconde.
— Nom d’un Quasar…
Il recula et son pied buta contre une petite masse compacte et sanglante qui le fixait dans un rictus de surprise. La tête de Jim !
— Par tous les cratères, Jim, ce cafard le paiera…
Il aperçut derrière la créature le corps décapité de son compagnon, affaissé dans une posture grotesque. Un éclair se fit dans son esprit.
— Lupanar ! Nous n’avions pas précisé à quelle race de terrestres nous appartenions ! Pour ces espèces de cloportes puants, la Terre est avant tout un paradis d’insectes parasité par quelques humains encombrants.
Résolument, il fit face et tendit son outil dérisoire en direction de la mante religieuse géante.

F’thang remontait le long du couloir en appelant de sa voix stridulante.
— Honorable étranger, un autre couloir vous attend !
La tête de Tom vint rouler à ses pieds. Il la ramassa et contempla le visage contracté par la haine.
— Êtes-vous satisfait merveilleux ami ? Les Religieuses de Samantha sont réputées pour donner les sensations les plus intenses de la planète. C’est un privilège rare que nous n’accordons qu’aux visiteurs les plus exigeants. F’thang lui-même n’a jamais vraiment compris ce mode de reproduction consistant à désolidariser le membre vertical supérieur du corps locomoteur. Votre race est bien particulière pour les pauvres yeux inexpérimentés de F’thang.
Devant le peu de réaction du crâne qu’il tenait entre les mains, il le replaça à l’entrée de la cellule, non loin du cadavre dégoulinant.
— Votre corps est ici tout près, je ne sais si vous en avez encore l’utilité. J’espère que vous n’oublierez pas les modalités de notre accord. Quinze crédits ne seraient pas de trop pour aider le pauvre F’thang et pour le remercier des splendeurs sublimes des Religieuses.
Pendant quelques secondes, il se dandina d’une patte sur l’autre. Dans la cellule, la Mante le regardait sans bouger. Pris d’une inspiration subite, il s’exclama :
— F’thang comprend ! Les étrangers ont mué et abandonné cette carcasse au cours de l’acte. F’thang soliloquait avec un corps vide. Les étrangers ont abusé de la crédulité de F’thang. Pauvre F’thang !
Il battit en retraite et s’éloigna dans le couloir en marmonnant.
— Pauvre F’thang. Pauvre, pauvre F’thang ! Voilà ce qui arrive de faire confiance à des étrangers aux moeurs incompréhensibles. F’thang se démène pour rendre service et F’thang se fait escroquer de quinze crédits. Pauvre, malheureux F’thang qui aurait tant eu besoin de quinze crédits. Misérable F’thang…

 

Waterloo, 15 janvier 2008. Photo par Iñaki Martinez de Marigorta. Relecture par François Martin. Soutenez l’écriture de mes mini-livres sur Patreon.

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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Les prédictions de Goldman Sachs

mercredi 16 juillet 2014 à 16:00
yacht

Avant le début de la coupe du monde de football, la célèbre et influente banque Goldman Sachs avait tweeté son pronostic pour le déroulement de la compétition, prédisant une finale Brésil-Argentine. D’où vient cette prédiction ? Et quelles ont été les conséquences ? Une passionnante enquête de Ploum, agent-blogueur-secret !

prediction

Grâce à quelques billets adroitement placés dans les poches de certains portiers, j’ai pu me faufiler jusqu’à la fête célébrant la finale que donne Isidor Side sur son yacht privé. Isidor Side, le gourou « Market & Prediction » de chez Goldman Sachs. Rendu particulièrement volubile par les coupes de champagnes, il m’invite à venir prendre l’air sur le pont. C’est là que je décide de rentrer dans le vif du sujet.
— Alors, ces prédictions pour la coupe du monde ? Comment as-tu fait ?
— J’ai utilisé le même modèle que pour les simulations de l’économie mondiale. Tous les facteurs sont pris en compte, y compris les probabilités de corruption, les sautes d’humeur des joueurs. En fait, c’est même beaucoup plus facile que l’économie car il n’y a que trente-deux équipes !
— Et ça marche ?
— Infaillible ! C’est infaillible !
Il titube un instant sur le pont et adresse un regard lubrique à deux créatures qui sont au féminisme ce que Goldman Sachs est à la lutte des classes. Je tente de réaccaparer son attention.
— Pourtant les résultats…
— Avait-on prédit l’Argentine en finale, oui ou non ?
— Oui, reconnais-je à contre-cœur. Mais après avoir battu l’Équateur, le Portugal et l’Espagne. L’Espagne, elle, aurait battu l’Italie et la Croatie. Toutes des équipes qui n’ont même pas passé le premier tour !
— Avait-on prévu une demi-finale Allemagne-Brésil, oui ou non ?
— Oui mais votre modèle prévoyait la victoire du Brésil.
Je vois qu’il commence à s’énerver. L’alcool le désinhibe et il fait de grands moulinets avec ses bras. Il me tend brusquement son smartphone.
— Regarde ! Ce sont les statistiques du match Allemagne-Brésil !

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Il commence à déclamer sur un ton véhément :
— 51% de possession de balle pour le Brésil. 18 tirs au but dont 13 cadrés pour respectivement 14 et 12 à l’Allemagne. 7 corners à 5. Et le gardien brésilien n’a du faire que 5 arrêts pour 12 au gardien allemand. Cela prouve bien que le Brésil était la meilleure équipe sur le terrain. Notre modèle est donc parfaitement juste !
Étonné, je jette rapidement un œil sur mon propre smartphone.

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Tout est juste ! Ses statistiques sont exactes. Curieusement, je constate qu’il lui manque le score final. Pour ne pas le vexer, je tente d’enchaîner.
— Et l’Espagne ? Le modèle la voyait en demi-finale et elle a probablement été une des grandes déceptions de ce tournoi.
Il me lance un regard excédé avant de pousser un profond soupir d’exaspération.
— Bon sang, ce n’est quand même pas la mer à boire ! C’est comme l’économie mondiale ! Nous produisons des modèles étudiés, précis, millimétrés. Tout le monde est d’accord : les pays, les banques, les grandes entreprises, les dirigeants. Tout le monde reconnait notre expertise. Mais si les joueurs n’y mettent pas un peu du leur et commencent à faire ce qu’ils veulent, comme ils veulent, on n’arrivera nulle part. Chacun doit faire un effort sinon cela deviendra le chaos, que dis-je, l’anarchie !
Il est complètement exalté, transfiguré.
— On se tue à faire tourner l’économie et quelques anarchistes qui s’auto-proclament « le peuple » veulent détruire toute la société ! Des paresseux, des feignants ! S’il y a des règles et des gouvernements, c’est pour les respecter. Nous sommes en démocratie !
Dans un sinistre gargouillement, il ponctue sa tirade d’un vomissement par dessus le bastingage. Il se relève en essuyant sa bouche et me regarde d’un air étonné. Il semble avoir recouvert une partie de sa lucidité.
— Mais au fait, qui êtes-vous ? Comment êtes-vous monté sur mon bateau ?
Je réponds d’un rire nerveux mais je sens que le moment est venu de tirer ma révérence. Alors qu’il se retourne pour appeler la sécurité, j’arrache ma chemise de smoking, révélant ma combinaison d’apnée. D’un geste, j’enjambe le bastingage et saute dans les flots noirs avant de disparaître dans la nuit.

 

Photo par Vanessa Hall. Pour mes prochaines enquêtes, n’hésitez pas à contribuer à mes frais de smoking et champagne. Et puis, pour rester dans le sujet, je vous invite à lire ce billet sérieux au sujet des observables.

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Le copyright vaut désormais plus que la vie humaine

samedi 12 juillet 2014 à 17:47
crashtest

L’industrie du copyright a réussi un tel lavage de cerveau avec ses campagnes contre le piratage que nous en perdons tout sens commun. Au point d’être prêt à sacrifier des vies au nom du sacro-saint copyright. Aujourd’hui, dans notre pays. La propriété intellectuelle tue.

Vous avez peut-être déjà vu cette vidéo néo-zélandaise visant à sensibiliser les automobilistes sur les conséquences d’une vitesse inappropriée. La campagne a fait un buzz et la sécurité routière française a donc décider de reprendre l’idée pour une campagne similaire en France.

Au fond, cela semble très logique. Si une idée fonctionne bien dans un pays pour sauver des vies, autant tenter de faire pareil partout dans le monde. N’importe quel humaniste irait même jusqu’à applaudir les Français pour avoir pensé à aller chercher ailleurs des idées qui ont fait leur preuve.

Du moins c’était avant que, vingt années durant, l’industrie du copyright nous assène à longueur de films, à longueur d’introductions de DVD, à longueur d’attaques en justice que « copier, c’est voler ».

La preuve avec cet article, même pas un éditorial mais bien un article journalistique publié sur le site lalibre.be. Sous le titre « La sécurité routière française en manque d’inspiration ? Il reste le plagiat ! », le journaliste attaque vertement la sécurité routière française et conclut par ces mots :

Manifestement pas gêné de repomper à ce point sur leurs confrères néo-zélandais, Jean-Robert Lopez, délégué interministériel à la sécurité routière, explique au Figaro que « c’est une campagne qui a bien marché en Nouvelle-Zélande, qui a eu un gros retentissement ». Et de légitimer en une phrase, au nom de l’efficacité d’une campagne, un plagiat éhonté.

Le ton est clair. La vie et la dignité humaine ont complètement disparu de l’esprit des défenseurs du copyright. Nous sommes donc entrés dans la dernière phase du deuil d’une industrie : la plus violente, celle où tous les coups sont permis. Celle où l’humain ne compte plus face à la sauvegarde d’un business model périmé. Ne tentons même pas de souligner qu’il s’agit de la reprise d’une idée assez générique, même pas du film lui-même. Le copyright a détruit les cerveaux et les cœurs, il fonctionne en mode zombie.

J’aurais été heureux, en tant que citoyen néo-zélandais, de savoir qu’une partie de mes impôts avait servi à créer une telle campagne publicitaire. J’aurais été heureux, en tant que citoyen français, de voir mes impôts servir à réaliser une belle adaptation. Je suis honteux, citoyen belge, de voir mes impôts soutenir une presse qui, chaque jour, nous rappelle sa nocivité.

J’ai vu des professeurs refuser de partager leurs notes de cours avec des collègues sous prétexte de « propriété intellectuelle ». Aujourd’hui, la santé de Peter Sunde se dégrade de façon alarmante car il est en prison pour… pour quoi encore ? Il ne le sait pas, son acte d’accusation ne le mentionne pas (une longue histoire que je vous invite à lire). Et aujourd’hui, je viens d’avoir la preuve définitive que les vies humaines, la logique rationnelle ne compte plus dès qu’il s’agit de plagiat.

Le plagiat ou le piratage, moi je l’appelle « partage ». Et, comme vient de le démontrer l’inhumanité de ce journaliste, il peut sauver des vies. Il peut rendre le monde meilleur.

Nous ne sommes pas les mannequins de crash test de l’industrie du copyright. Nous ne pouvons accepter que des intérêts financiers limitent la diffusion des idées qui sauvent des vies. Penser au monde que nous construisons pour nos enfants et pour l’humanité est peut-être plus important que nos mesquins petits intérêts financiers à court terme.

Alors je réagis avec mon seul pouvoir : mon portefeuille. Je ne vais plus au cinéma. Je n’achète plus aucun bien culturel lié à l’industrie du copyright. Je fuis les médias subventionnés. Je fais en sorte de ne pas donner un seul centime, à part mes impôts obligatoires, à tout ceux qui pervertissent l’humanité en tentant d’endiguer le partage naturel et bénéfique. À la place, je donne à ceux qui partagent librement. Bref, je suis un pirate. Par humanisme. Par nécessité. Parce que ne pas l’être est devenu intolérable.

 

Photo par Aaron Brazell.

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Comment je suis devenu le pire gardien de but du monde

samedi 5 juillet 2014 à 09:53
passoire

Des lecteurs mes demandent régulièrement comment on devient blogueur ou comment on devient futurologue. Dans le cadre du Summer of Fail lancé par Alias, je vous propose une réponse : en devenant pas gardien de but.

Un gardien prometteur

Tout petit, j’adorais le foot. Dans la cour de l’école primaire, je ne ratais aucune occasion de jouer. Et si je montrais une maladresse certaine à diriger un ballon du pied, je me rattrapais avec succès au poste de gardien.

Je n’avais en effet aucune crainte à plonger sur le dur pavé de l’école pour protéger le garage à vélo qui servait de goal. Je me jetais sans scrupule dans les pieds des attaquants. J’apprenais à réduire les angles, à serrer les genoux pour ne pas encaisser honteusement entre les jambes, à repousser du poing.

Lors d’un anniversaire chez un camarade de classe, alors que nous jouions au jardin, j’entendis même le père du copain en question parler à mes parents : « Il est vraiment bon votre fils, il a d’excellents réflexes ! Il faudrait l’inscrire dans un club ! ». Mes parents rigolèrent.

Ma première compétition sportive

Devant notre enthousiasme pour le football, l’école décida d’inscrire une équipe au tournoi inter-scolaire de la région. Le jour dit, une quinzaine de gamins se présentèrent tout sourire au bord du terrain. Le prof de gym accompagnant sortit une caisse dans laquelle se trouvait des t-shirts en gros coton éponge au couleurs de l’école.

Les t-shirts, issus d’un surplus des années 30, empestaient le renfermé et nous arrivaient aux genoux. Mais ce n’était pas plus mal car ils cachaient nos shorts dépareillés. Nous étions là, en baskets qui glissaient sur l’herbe, sans protège-tibias, les mains cachées dans des manches trop longues. Moi, au gardien, je n’avais même pas de gants (car, à l’école, nous étions forcés de jouer avec une balle en mousse).

L’équipe adverse se présenta sur le terrain et nous regarda d’un air étonné. Ils étaient tous en tenue impeccable, chaussures à crampons et vareuse spéciale pour le gardien. Un entraîneur élaborait une tactique et les encourageait. Chez eux, chaque joueur avait un rôle précis : défenseur, attaquant, milieu.

De notre côté, nous avions 10 libéros qui couraient après le ballon comme des poules sans tête et moi, un gardien qui se rendit vite compte qu’un ballon en cuir botté par un joueur entraîné en souliers adaptés, c’est vachement plus douloureux qu’un ballon de mousse balancé par un copain en sandalettes.

Chaque fois qu’un attaquant adverse se présentait devant moi, et cela arrivait souvent vu que toute mon équipe jouait désormais en attaque, je multipliais les parades et les plongeons… pour éviter à tout prix la balle qui faisait un mal de chien ! Dans cet exercice d’évitement, je démontrai d’ailleurs un réel talent : je ne touchai presque pas le ballon !

Ce match, nous le perdîmes 15-0. Le suivant 16-0. Et le dernier 18-1 car, profitant d’un fou rire de l’équipe adverse, nous avions réussi à égaliser. Exaspéré, mes camarades me remplacèrent successivement au poste de gardien avant de se rendre compte qu’ils ne faisaient pas un meilleur travail que moi et que j’étais encore pire qu’eux à l’attaque.

Si Marc Wilmots est devenu « Le taureau de Dongelberg », j’avais tout pour être « La passoire de Waterloo ». Ce tournoi tua dans l’œuf une carrière pourtant prometteuse de gardien de but. 49 goals en 3 matchs officiels, je pense sincèrement que mérite une page Wikipédia avec la mention « pire gardien de but de l’histoire du football ».

Changeant de sport, je me tournai vers le judo où je fis partie de l’équipe junior championne de Belgique en 94 (j’étais remplaçant, je ne fis qu’un combat, que je perdis mais je fus le seul de l’équipe à perdre). Je participai également au championnat de Belgique d’escalade en salle où, dans ma catégorie, je terminai 23ème. Sur… 22 participants (une erreur d’impression sur le résultat final). En soi, mon palmarès sportif est digne d’un film de Leslie Nielsen.

Les prémices du blogueur futurologue

Abandonnant tout espoir de carrière sportive, je me tournai vers les sciences et la technologie. Je voulais être chirurgien, physicien, pilote et astronaute. Dévorant les revues de vulgarisation scientifique et les livres de science-fiction, j’en vins naturellement à m’essayer aux prédictions.

Vers 96 ou 97, un ami me montra pour la première fois ce fameux « Internet » dont même les journaux traditionnels se faisaient l’écho. À l’époque, il fallait encore payer à la minute. Je testai un peu, visitai quelque site et déclarai haut et fort : « C’est juste une mode lancée par les journaux. C’est comme les Flippos, ça n’a aucun avenir. » (ceux d’entre vous qui viennent de murmurer « Les flippos ! J’avais complètement oublié, j’en ai encore dans le grenier ! » me paient une citronnade).

Une fois qu’Internet entra dans la maison chez mes parents, en 98, je m’empressai immédiatement d’oublier cette prédiction pour réaliser mon premier site rempli de gifs animés et dont chaque page possédait un fond sonore au format midi. Et des titres défilants grâce à la balise « marquee ». Une grande carrière de webdesigner s’ouvrait à moi.

Lorsque les blog devinrent à la mode, vers 2002-2003, j’annonçai d’un air très sûr de moi que « Un blog, ce n’est jamais qu’un site comme un autre. C’est un mot à la mode mais plus personne n’utilisera ce mot dans un an ou deux ». Pour l’anecdote, je devais faire exactement la même prédiction avec le mot « podcast » qui n’était, après tout, jamais qu’un MP3.

Ceci dit, étant curieux et grand lecteur du Standblog, je décidai en 2004 d’installer un blog Dotclear, juste pour tester. Ce blog ne devait jamais être important et je ne pris même pas la peine d’acheter un nom de domaine séparé (il faudra attendre 2008 pour que je répare enfin cette erreur, pour dire à quel point j’étais visionnaire).

En termes de contenu, j’avais élaboré un plan machiavélique : je mélangerais du contenu de promotion du logiciel libre avec des blagues. Comme les internautes aiment les blagues, ils viendront sur le blog, trouveront des articles qui parlent de Linux et seront convaincus. Imparable, non ? Je pensais même intituler le blog « Évangéblog, le blog d’un évangéliste Linux » mais une boutade privée entre une amie (Valérie, candidate Pirate à Ottignies-Louvain-La-Neuve en 2012) et moi fit que je l’intitulai « Where is Ploum? ». De toutes façons, ce n’était qu’une blague et le blog ne devait pas exister très longtemps…

Moralité

Suivant ce point de vue, le blog que vous lisez aujourd’hui n’est, finalement, que le résultat d’une série d’échecs. La preuve : Il m’est parfois reproché de ne plus parler du tout des logiciels libres et j’ai remplacé mon intérêt pour le football par une passion pour le hockey subaquatique, l’un des sports les plus cons selon le journal l’Équipe. Et mes premières analyses technologiques se sont révélées aussi désastreuses que ma carrière de football.

Pourtant, je n’ai jamais l’impression d’avoir échoué. J’ai à mon actif des dizaines de créations. Alors, certes, j’ai été recalé deux fois au permis de conduire et j’ai du recommencer certaines années d’université mais je n’ai jamais échoué. J’ai juste suivi un chemin différent que celui qui était prévu. Et je suis arrivé dans des endroits imprévus. J’ai réussi à faire des choses dont je n’osais même pas rêver.

L’échec, c’est un mur. Et dans la vie, le seul mur c’est la mort. Le reste, ce ne sont que des déviations, des chemins de traverse qui ne sont pas toujours sur les cartes. Mais qui ont pour eux le charme merveilleux de la découverte.

Finalement, le seul risque que l’on prend dans une vie, c’est celui de découvrir des nouvelles choses. D’apprendre et de s’améliorer. Vu comme ça, l’échec est un concept qui n’existe même pas.

 

Photo par Hyperact.

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Le blog d’un condamné, un an après

vendredi 4 juillet 2014 à 10:13
canoe

Il y a exactement un an, je postais le dernier billet sur Le blog d’un condamné. Une aventure littéraire et philosophique qui m’est venue du fond des tripes et qui a suscité de vives réactions. Pour connaître tous les détails de cette histoire, sa genèse et ses retombées, consultez ce billet.

Aujourd’hui, un an a passé. Alors que les détracteurs m’ont oubliés, que les poursuites en justice contre moi n’ont pas abouties (je vous jure qu’il y a eu des tentatives mais qui n’ont pas été plus loin que le stade des menaces fermes) et que le buzz inattendu s’est complètement calmé, je peux tirer un bilan serein.

Le blog d’un condamné a changé ma vie. En bien. Il a changé ma manière d’exister et de voir le monde. J’ai été bouleversé par cette expérience et je commence seulement à en percevoir les effets. Vous aussi si vous avez suivi mes billets de fiction ou ma série Printeurs qui sont une conséquence directe du blog d’un condamné. Et j’espère publier de plus en plus de billets dans la catégorie « Lifehack » afin de partager mon apprentissage.

Je suis fier d’avoir accompli cette expérience. Je suis fier, un an après, de me sentir grandi. Je suis fier d’être encore en contact avec des lecteurs qui, eux aussi, ont amélioré leur vie grâce à ce texte.

Les critiques, les insultes sont oubliées. Le cerveau est un outil merveilleux pour effacer les événements négatifs. La leçon est simple : si vous voulez avoir un impact durable sur vous, votre vie et le monde, soyez positifs ! Le négatif s’efface et se dilue. Ignorez ce qui ne vous plait pas et encouragez ce que vous aimez ! C’est en y réfléchissant que j’ai créé deux pages Facebook pour ceux qui aiment Un bon bouquin et le Prix libre.

Lorsque je repense au premiers jours du blog d’un condamné, aux doutes qui m’assaillirent, une citation me revient pas à l’esprit : « N’oublie jamais que lorsque tu voudras faire quelque chose tu auras contre toi ceux qui voulaient faire le contraire, ceux qui voulaient faire la même chose et l’immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire. » Un an après, force est de constater que seul le résultat compte. Lorsque l’écho des critiques s’est éteint, seule la création et la fierté du créateur existent encore. D’ailleurs, le billet annonçant toute l’histoire reste l’un des plus « flattés » de ce blog.

Afin de faciliter la (re)lecture, j’avais publié le « Blog d’un condamné » avec un recueil de très courtes nouvelles intitulé : « C’est la vie ». Un an après la fermeture du blog, je vous invite à le (re)découvrir :

C’est la vie !

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Les nouvelles composant ce recueil ont, pour la plupart, été publiées sur ce blog.

Merci pour votre soutien, ponctuel et régulier, au cours de cette dernière année et bonne lecture !

 

Photo par Michael Quinn.

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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