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Bitcoin pour les nuls

mercredi 20 mars 2013 à 00:07

Vous entendez peut-être parler, surtout sur ce blog, du Bitcoin. Mais qu’est-ce donc ? Et bien, il s’agit d’une monnaie. Rien de moins, rien de plus.

Mais au fond, qu’est-ce qui caractérise une monnaie ? C’est un instrument dans lequel vous placez une certaine confiance. La confiance de pouvoir, plus tard, l’échanger contre des biens ou des services dont vous avez besoin. Ce qui vous pousse, vous-même, à l’accepter en échange d’un service ou d’un bien. Dans la plupart des cas, la monnaie n’est qu’un instrument et n’a pas de valeur intrinsèque ou alors une valeur intrinsèque plus faible que la valeur faciale. Depuis plusieurs années, la monnaie est même devenue principalement virtuelle : il s’agit d’un chiffre qui s’affiche sur un écran. Avez-vous déjà songé que vous travaillez uniquement pour augmenter un chiffre sur un « compte » ?

Afin de maintenir la confiance, il faut que la monnaie soit suffisamment rare et difficile à produire. C’est une des raisons qui ont fait que, très tôt, les hommes ont adopté l’or, l’argent ou les coquillages comme monnaie : rare, difficile à trouver ou à contrefaire et facile à transférer ou à diviser en plus petites parties.

Mais les billets de banques ou les chiffres sur un ordinateur peuvent être reproduits très facilement. Une rareté artificielle est donc maintenue par les états et les banques. L’importance de la monnaie fait que ceux qui la contrôlent, les états et les banques, ont un pouvoir énorme.

Bitcoin est également une monnaie virtuelle. Il s’agit simplement d’un chiffre sur un ordinateur. Mais grâce à un algorithme mathématique complexe, il est possible de le rendre  inmultipliable sans recourir à une autorité centrale. Toute personne qui envoie un bitcoin le perd donc, comme pour n’importe quelle monnaie. Cela fonctionne tellement bien que des internautes ont commencé à avoir confiance dans le fait qu’il pouvait acheter des biens, des services, des euros ou des dollars avec des bitcoins. Le Bitcoin a donc acquis une valeur proportionnelle à cette confiance.

Comment fonctionne Bitcoin ?

Pour simplifier très grandement, chaque bitcoin est en fait la solution à un problème mathématique ultra-complexe. De par sa conception, nous savons qu’il existe un total de 21 millions de solutions différentes à ce problème mathématique. Mais les solutions les plus simples étant trouvées les premières, il devient de plus en plus difficile de trouver de nouvelles solutions. À ce jour, 11 millions de bitcoins sont en circulation, de nouveaux bitcoins apparaissent chaque jour chez les « mineurs », personnes équipées de matériel pour la recherche de solutions. Nous savons qu’il n’y aura jamais plus de 21 millions de bitcoins en circulation et chaque nouveau bitcoin est plus difficile à trouver que le précédent.

Un bitcoin est donc unique et rare. Mais il est divisible presqu’à l’infini, ce qui permet de ne pas limiter les échanges.

Le problème qui se pose ensuite est la double dépense. Comment s’assurer que lorsque je donne un bitcoin à quelqu’un, je n’en garde pas une copie. La solution est conceptuellement simple : le logiciel qui permet d’envoyer et de recevoir des bitcoins télécharge, en peer-to-peer, l’historique de tous les propriétaires successifs. Si je donne un bitcoin à Alice mais que j’essaie de le garder pour le dépenser une seconde fois chez Bob, Bob verra immédiatement, dans l’historique du bitcoin en question, qu’il a déjà été donné à Alice. Bob le refusera donc.

Il s’agit évidemment d’une simplification outrancière (et fausse par certains aspects) mais qui vous donne une idée de ce qu’est le bitcoin.

Comment obtenir des bitcoins ?

La première chose à faire c’est d’avoir un portefeuille pour recevoir des bitcoins. Vous pouvez soit vous créer un compte sur un service de portefeuille Bitcoin soit installer un client bitcoin sur votre ordinateur. Votre portefeuille peut générer des adresses de réception qui ressemble à 18Trqk3tKkF8vNoW6am5rx8K6wUSQAqo1q. 

Muni de cette adresse, vous pouvez échanger vos euros ou vos dollars contre des bitcoins. Cet échange peut se faire en direct avec une connaissance ou un ami. Ou bien, vous pouvez vous rendre sur un site d’échange de bitcoins. Le plus connu est sans conteste MtGox, par lequel transite la toute grande majorité des échanges bitcoins/dollars. Mais l’utiliser implique pas mal de contraintes de sécurité. Un échange plus simple d’accès est Bitstamp. Une fois votre compte créé là-bas, vous pouvez faire un versement en euros, qui sera converti en dollars. Avec ces dollars, vous pourrez acheter des bitcoins et vous les envoyer sur votre adresse.

Une autre manière bien plus intéressante est de fournir vos services ou vos biens contre paiement en bitcoins. Il vous suffit de générer une adresse par transaction et de la donner à votre client. Le client ne peut pas ajouter de commentaire avec son paiement, ce qui rend Bitcoin un peu complexe et contre-intuitif lors des transactions.

Comment payer en bitcoins ?

Dépenser les bitcoins est très simple. Si vous faites un achat sur un site acceptant les paiements en bitcoins, vous verrez tout simplement l’adresse de réception du vendeur. Dans votre client bitcoin (en ligne ou sur votre ordinateur), introduisez cette adresse et le montant. Voilà, c’est aussi simple que ça. À titre d’exercice, copiez/coller 18Trqk3tKkF8vNoW6am5rx8K6wUSQAqo1q et envoyez moi ce que vous voulez, par exemple 0,01 bitcoin. Voilà, vous venez de faire un paiement. Ce paiement est anonyme : je n’ai aucun moyen de savoir qui me l’a envoyé. Notons que cet anonymat n’est pas absolument garanti si les investigateurs disposent de moyens suffisants.

Cette facilité et cet anonymat sont une force mais également un danger pour les utilisateurs peu avertis. En effet, imaginons que votre fournisseur d’accès internet décide de remplacer automatiquement les adresses Bitcoin dans les sites que vous visitez par ses adresses à lui. En toutes bonne foi, vous allez envoyer un paiement à l’adresse qui s’affiche sur votre écran. Mais votre destinataire ne recevra rien. Il est donc important de garantir la validité d’une adresse de paiement et Bitcoin ne résout pas ce problème.

Comment garder ses bitcoins en sécurité ?

Si vous avez installé un client Bitcoin sur votre ordinateur, il est impératif de sauvegarder votre fichier wallet.dat et de bien vous souvenir de son mot de passe. Si vous perdez l’un ou l’autre, vos bitcoins sont perdus sans espoir. Vos économies sont donc à la merci d’un crash disque ou d’un vol de laptop si vous n’y prenez garde. D’un autre côté, votre fichier wallet.dat ne doit pas tomber en de mauvaises mains.

Quand aux services de portefeuille Bitcoin en ligne, ils sont la proie des pirates ou des arnaqueurs. J’avais ainsi décidé de ne pas mettre mes œufs dans le même panier en mettant des bitcoins sur TradeHill, qui a fait faillite en emportant tous les bitcoins, sur Bitcoin7, qui a disparu du jour au lendemain et sur Bitmarket, dont le propriétaire s’est fait voler les bitcoins. Une belle leçon…

Garder ses bitcoins en sécurité nécessite donc une attention et une expertise assez pointue.

L’avenir du Bitcoin

Malgré ses défauts, Bitcoin permet de s’affranchir du contrôle des banques et des états. Personne ne contrôle Bitcoin. C’est pourquoi certaines personnes font confiance au Bitcoin. Cette confiance se traduit par une montée des prix. Cette montée des prix est elle même entretenue par les spéculateurs : les personnes qui ne font pas spécialement confiance au Bitcoin mais qui espèrent que les prix vont monter et qui ne font qu’acheter pour revendre plus tard. La proportion entre les spéculateurs et ceux qui achètent des bitcoins pour les dépenser, que ce soit maintenant ou plus tard, est tout à fait inconnue.

Personne ne peut prédire l’avenir. Il est très important de garder à l’esprit que tout achat de bitcoins à titre d’investissement est à haut risque. On n’investit que ce qu’on peut se permettre de perdre totalement.

Dans un futur proche, Bitcoin pourrait résoudre ses problèmes et, en se simplifiant, devenir pour la monnaie ce que l’email est à la communication et finir par s’échanger à plus de 1000$ le bitcoin. De même, une faille dans l’algorithme mathématique pourrait être découverte et faire tomber à zéro la valeur du Bitcoin en quelques heures.

De mon côté, je vous ai déjà raconté comment je voyais l’avenir. À vous de faire confiance au Bitcoin… ou pas !

 

Photo par Zach Copley

 

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Habetis Nuntium (le futur du journalisme)

dimanche 17 mars 2013 à 14:14

J’ai à peine le temps de pousser la porte de mon bar favori que François, mon pote de vingt ans, m’attrape le coude.

— Hey Lio, tu as vu ? Habemus papam ! Il a choisi le nom de règne de Télesphore 2 ! On va enfin arrêter de me faire des blagues.
— Non, je n’ai pas vu. Mais je ne suis pas catholique et pas très intéressé par les choses religieuses. Habetis papam !
— Je ne suis pas moi-même très religieux mais c’est une nouvelle relativement importante dans mon entourage. Je l’ai vu passer plusieurs fois dans mon flux.
— Visiblement, ce n’est pas le cas pour les gens que je suis. D’ailleurs, je t’avoue que je me porte très bien sans le savoir.
— J’ai compris, je ne te partage pas l’article de blog qui analyse le personnage, continue-t-il avec un clin d’œil.

Nous rigolons doucement tandis que je demande à Jean-Paul de m’apporter un demi. La discussion s’engage sur nos vies respectives, sur nos espoirs et nos futurs. Après un instant, François revient sur le sujet.

— Ça me perturbe que tu ne sois pas au courant de l’élection du nouveau pape. Pour le dernier pape, ce fût un événement planétaire. Personne n’aurait pu l’ignorer.
— Pendant des millénaires, les hommes ont lutté contre la faim. Ils ne tendaient qu’à une chose: manger. Lorsque la nourriture devint abondante et disponible, on assistât à l’excès inverse : boulimie, uniformisation mondiale à travers les fast food. En réaction, on redécouvrit les joies de la culture locale, du potager dans son jardin.
— Je vois où tu veux en venir : c’est exactement pareil pour l’actualité. Au cours de l’histoire, l’information a toujours été rare, précieuse. Une fois devenue abondante, l’humain devint boulimique. Il fallait absolument connaître les derniers détails de cette guerre à l’autre bout de la planète, les résultats d’une compétition sportive ou avoir vu la vidéo d’une agression crapuleuse filmée par une caméra de surveillance.
— Le tout étant uniformisé par un petit nombre de médias ayant chacun une grande audience, décidant de ce qui devait être connu mondialement ou complètement ignoré du grand public. L’exemple type, c’est la télévision.

François pose son verre et semble chercher dans ses souvenirs.

— J’ai un peu perdu l’habitude de la télévision. J’étais petit. C’était comme des vidéos en streaming sauf que tu ne pouvais pas choisir quand tu les regardais. Si tu étais en retard de cinq minutes, tu ratais le début.
— C’est exactement cela, dis-je. Du coup, tu captais l’attention des gens, tu les forçais à te suivre et tu leur faisais avaler n’importe quoi.
— Dire que ça me faisait rêver. Je voulais être journaliste à la télévision.
— Encore un métier qui a disparu. Ou s’est radicalement transformé, c’est selon.
— Quand on y pense, il fallait une sacrée technologie pour réussir à diffuser en continu sans que les gens téléchargent directement le fichier vidéo, non ?

Je me rappelle que François est un littéraire. La technologie pour lui, c’est du chinois. Quoiqu’il parle assez bien cette langue, justement. J’essaie de le sortir du bourbeux terrain technique.

— Pourquoi on parle de télévision encore ?
— On comparait cela à la boulimie et au fast-food.
— Ah oui. Et bien moi, tu vois, j’ai repris goût à me nourrir d’aliments locaux, de prêter plus attention à mon potager.

Il rigole :
— Et alors ? Le pape ne fait pas partie de ton potager ?
— Oh, au moins autant qu’un Big Mac.

 

Photo par Whitecat sg

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Feel free to tip free content

jeudi 14 mars 2013 à 13:40

We have entered in an incredible world of free content. If it can be copied, you can find it for free on the Internet. It is as simple as that and it is awesome. We never dared to dream about such a world where every content, every knowledge was free, shareable with everybody. But it’s the world we are living in.

Nevertheless, on the individual scale, this evolution is understandably not accepted by the people who were used to sell content by purposedly confusing a given content and its physical medium. After a failed attempt to artificially make content impossible to copy, some tried to monetize their content through advertisements. The fundamental flaw in that model being that it would keep the money in the real big-blue-ceiling world. A world which, unlike the virtual world, is physically limited. The growing virtual world would become nothing but a huge billboard for the real world. Not realistic…

When you cannot block people to access stuff for free but want to make them pay anyway, you have only one solution left: morality.

Current calls to morality are incredibly negative: “Not paying is bad”, “If you don’t pay, content creators will die”, “If you don’t pay, you will get sued”, “Not paying is stealing”, …

It leads to a business model based on fear and guilt. A world where everyone has to pay the same price before consuming the content. Not to mention the inherent contradiction of wanting to see the content spreading while, at the same time, blocking some from accessing it.

But what if the call to morality was actually positive? “You don’t have to pay but it will be appreciated”. “If you pay, I will be able to create more content”. “If you can’t afford to pay for it, at least share it with your friends, spread it!”.

In that new virtual world, only those who liked the content would pay. And they would pay the amount they want. Does it seems unrealistic because most people would choose to not pay? But it already exists. A lot of waiter and waitress in the world actually earn a living from tips. Or street artists like Amanda Palmer in her early days. Those tips are optional and paid afterwards. The amount being proportional to the quality of the service or the pleasure we had. Why is it working? Because we are used to that system. Because we are positively compelled to give a tip. Because we can give what we find reasonable for our budget.

In order for this system to work in the virtual world, it should be incredibly easy to give a tip without even thinking about it. Yet, such a system already exists. It is called Flattr and I already gave you a presentation. The strength of Flattr is that you pay in advance a monthly tip. There’s no way to get over your budget as it is monthly fixed.

But this would be even more awesome it the tip could be automatized. We spend a lot of time liking picture on Instagram, video on Vimeo, favouriting tweets and listenning to song on Grooveshark. Guess what? Flattr dit it! Starting yesterday, those like/favourite/recommend actions will automatically give a Flattr to the authors (if you enable it, of course).

And this service is open to any content provider. Each time you would like something on your favourite platform, you would send a tip. 90% of that tip goes directly to the author, 5% goes to Flattr and 5% goes to Medium.

For sure, those tips might appear negligible in the first time. But, as a content creator, isn’t it compelling to earn money because people wanted to give you money? Not because they were deceived into buying the entrance ticket but because they actually enjoyed your content? Wouldn’t it send a positive signal to new generation of content creators?

Feel free to consume the content. Feel free to share it. Feel free to tip it.

Just feel free…

 

Disclaimer: I earn between 4€ and 110€ per month with Flattr. I’m not affiliated with Flattr in any way but I’m really excited by the philosophical implications of Flattr. That’s why I’m writing so much about it. I would of course welcome any similar service, especially if it could be decentralized. This post was first written on Medium. Picture by Parisa.

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Le dilemme de l’éditeur

mercredi 6 mars 2013 à 16:17

This text in English

Je suis un éditeur de livres. Devrais-je dire « J’étais un éditeur » ? Ou « Je suis encore un éditeur ? ». En fait, je ne suis plus certain d’avoir encore un travail. Tout ce que je sais c’est que je suis au prise avec « Le dilemme de l’éditeur ». Dois-je m’en réjouir ? Ou, au contraire, être désespéré ? Aucune idée…
En 2016, les ventes de magazines électroniques dépassèrent pour la première fois les ventes papier. Une évolution rendue possible grâce à l’existence de liseuses numériques bon marché, étanches et en couleurs. Sans même parler de l’arrivée des écrans mixtes, combinant amoled et e-ink sur les smartphones et les tablettes.

Néanmoins, les ebooks étaient toujours aussi chers que leurs équivalents papier, encourageant de ce fait le téléchargement illégal. Ou encourageant l’achat de la version papier auprès des utilisateurs ayant toujours le besoin irrationnel de « posséder un objet ».

Tout cela, c’était avant l’apparition de ReadR. Dès sa première année, la startup fût encensée par la presse spécialisée et appelée « le Spotify pour ebooks ». Le business model était simple : vous achetiez un abonnement mensuel et vous pouviez lire autant de livres que vous le souhaitiez. Leur slogan ? « Lire sans contrainte ».

Vous avez probablement déjà utilisé ReadR et vous en connaissez les avantages : une bibliothèque virtuelle synchronisée vers tous vos terminaux. Vous commencez à lire un livre sur votre liseuse à la maison, vous le continuez sur votre smartphone dans la file au supermarché avant de le terminer sur l’écran de l’ordinateur du bureau pendant votre pause déjeuner. Oui, vous pouvez même télécharger une version sans DRM de chacun des livres que vous avez lu.

L’expérience est parfaite. Mais le meilleur reste à venir : vous pouvez ajouter vos propres ebooks sur votre compte ReadR, par exemple ceux achetés sur une autre plateforme. Vous pouvez ensuite les partager avec vos amis. Vous venez de terminer un roman ? Voici automatiquement une liste des livres du même auteur recommandés par vos amis. ReadR fait disparaître les limitations du monde réel. Lire sans contrainte.

La possibilité d’envoyer ses propres ebooks combinée avec les recommandations fut immédiatement perçue comme un appel au piratage. Heureusement, l’industrie du livre décida de ne pas reproduire les erreurs de l’industrie du disque et, au contraire, de marcher dans le sens du progrès.

Après de longues négociations, la plupart des éditeurs, y compris ma propre société, accepta de publier l’entièreté de son catalogue sur ReadR. Chaque livre recevrait une certaine somme à chaque fois qu’il serait lu. Mais, au lieu d’une somme fixée, il fût décidé de s’inspirer de Flattr, une société suédoise permettant les micro-dons.

ReadR offre donc maintenant quatre types d’abonnements : le gratuit, qui vous donne accès au contenu gratuit y compris l’entièreté du Projet Gutenberg, le mini, à 2€ par mois, le normal à 5€ par mois et le premium à 10€ par mois. En fait, 10€ est une somme minimale pour avoir accès au premium mais vous pouvez très bien décider de verser plus.

Chaque livre que vous ouvrez au cours du mois récolte un point ReadR. Si vous avez fait une recommandation pour ce livre, il reçoit un second point ReadR pour ce mois. À la fin du mois, votre abonnement est divisé par le nombre de points que vous avez donné. Si, en janvier, vous avez ouvert trois livres et recommandé un des trois, cela fait un total de quatre points ReadR. Avec l’abonnement mini, chaque point vaut donc 50 centimes. Le livre recommandé recevra 1€ (50 centimes pour la lecture plus 50 centimes pour la recommandation). Nonante pourcent de cette somme va directement à l’auteur.

Secrètement, les auteurs espèrent donc que vous commencerez un livre à la fin du mois et mettrez cinq semaines à le lire, histoire de recevoir trois points ReadR de trois mois différents. Certains commencent même à publier les chapitres séparément.

L’industrie du livre accepta cet accord à une condition : chaque auteur pourrait choisir de ne publier son livre qu’à partir d’un niveau d’abonnement pré-défini. On calcula qu’un lecteur lisant en moyenne deux livres par mois, il serait rentable de n’avoir que des lecteurs abonnés à 5€ ou à 10€ par mois. On réserverait les courtes nouvelles ou les textes à caractère promotionnel pour les abonnés gratuits ou mini.

Tout le monde était enchanté par l’accord. Il nous semblait que, contrairement au disque, le livre avait réalisé une transition en douceur du papier vers le virtuel. Nous avons fait la fête toute la nuit, le futur nous souriait et les auteurs étaient enchantés. L’alcool aidant, on s’est lâché sur le dos de ces crétins de l’industrie musicale.

Ce que je n’avais pas réalisé c’est qu’une nouvelle génération d’auteurs avait fait son apparition durant les dix dernières années. Des auteurs qui vivaient dans la virtualité pure bien avant nous : les blogueurs, les journalistes, les auteurs amateurs. La plupart d’entre eux n’ayant jamais publié un « vrai » livre papier, nous ne les considérions pas comme de « vrais » auteurs. C’était juste quelques amateurs sans talent et nous n’y prêtions pas attention. Néanmoins, ils écrivaient et avaient une audience grandissante.

Ils se ruèrent sur ReadR dès le début, sans prendre la peine de négocier quoi que ce soit. Ils publiaient de tout : depuis des courts articles jusqu’à des romans de centaines de pages. Les journalistes publiaient leurs enquêtes en direct. Grâce aux recommandations et aux réseaux sociaux, ils attiraient des lecteurs sans avoir rencontré un seul éditeur ou un seul rédacteur en chef de magazine.

Ils diffusaient leur contenu aux lecteurs sans avoir besoin de nous ! Ils étaient payés sans notre intermédiaire.

Mais au fond, qui est un écrivain ? Qui est un journaliste ? Qui est un blogueur ? Qui est un adolescent écrivant sur Internet ? Pourquoi se poser la question ? Lisons sans contraintes…

Lire sans contrainte !

C’est à ce moment que j’ai réellement compris le slogan de ReadR.

Le concept même du « livre » est en train de changer et nous sommes les témoins de ces expériences mêlant la vidéo, l’écriture, les images, les sons. Le manuscrit papier du livre à publier qui est à côté de mon clavier me fait de plus en plus penser à un grimoire antique. Je me sens moi-même obsolète, racorni comme une vieille page jaunie.

Deux ans après le lancement de ReadR, l’industrie du livre ne souriait plus. La panique commençait à se faire sentir. Certains des best-sellers des dernières années ne se vendent pas bien du tout sur ReadR. Il y a tellement d’alternatives que chacun lit ce qui lui plaît, suivant plus les recommandations de ses amis que la publicité. Nous devons radicalement repenser notre infrastructure marketing afin que les gens lisent ce que nous voulons qu’ils lisent.

Nous pensions que les abonnements ReadR nous garantissaient un revenu. Les gens ne pourraient pas lire nos livres sans payer. Mais au lieu de payer ou de pirater, ils décidèrent tout simplement de lire autre chose.

Fallait-il publier gratuitement sur ReadR dans l’espoir d’avoir le plus de recommandations et donc de lecteurs (y compris les abonnés premium) ou se réserver uniquement aux abonnés ?

La réponse est évidente : il est toujours préférable de publier gratuitement. C’est le meilleur moyen d’attirer des lecteurs premium. Mais si chaque auteur décide de faire pareil, pourquoi acheter un abonnement ? Quel serait l’incitant ? Nous avons appelé cette question « Le dilemme de l’éditeur » et j’en ai de sérieuses migraines.

Au fond, peut-être aurait-il été préférable de suivre les traces de l’industrie du disque : corrompre des politiciens, faire du lobbying, attaquer en justice et faire le maximum d’argent pendant quelques années même si cela devait être fait au prix d’une corruption morale. Ou alors faire comme la presse et mendier auprès de Google.

Mais je me dis qu’il doit y avoir une autre solution. Je me souviens d’avoir entendu un conversation ce matin dans la rue. Une jeune femme disait « C’est marrant… » à sa petite amie. Quelque chose comme « C’est marrant, j’ai un abonnement premium sur ReadR et je ne lis que des livre du catalogue gratuit. Mais je m’en fiche, je suis même plutôt contente de contribuer quelques euros aux auteurs que j’aime et qui partagent gratuitement leur talent. » Oui, c’était quelque chose dans ce genre là…

Il faut que j’y réfléchisse. Il doit bien y avoir une solution pour lire sans contraintes. Lire sans contrainte…

 

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Photo par Kevin Raybon.

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Tiens, salut tonton !

mardi 5 mars 2013 à 20:37

Il y a quelques années, alors que je rattrapais mon inculture cinématographique en regardant la trilogie de La 7ème compagnie, voilà que, dans le troisième épisode, un individu entre entre dans la chapelle où se sont réfugiés les héros.

— Tiens, salut tonton !

Il faut dire que mon tonton Francis est coutumier de ce genre de surprises. Acteur de théâtre, il a néamoins une floppée de petits (et moins petits) rôles au cinéma à son actif, comme l’atteste sa filmographie. Il m’avait déjà fait le coup dans Les anges gardiens, lors de la scène d’ouverture du Jaguar ou dans les secrets professionnels du docteur Apfelglück où son « Bonjour docteur » est resté dans les annales. Je regarde un film sans me douter de rien et puis « Tiens, salut tonton ! »

À chaque enterrement ou à chaque fête de famille, il en profite pour m’enseigner sa science pour faire le guignol. En une après-midi il m’a appris à jongler avec des quilles, avec un certain succès. Il a tenté de m’expliquer l’accordéon, avec moins de succès.

francis

Mon tonton Francis, en train de me donner une leçon de « Je fais le con dans une fête de famille ».

Appliquant les leçons, je mets en pratique lors du décès de mon tonton Éli, grand amateur de jeu de mot foireux devant l’éternel. Mon tonton Francis apprécie la performance, lui qui partage avec Éli et moi cette dévorante passion de la science-fiction et du jeu de mot foireux. Nous passons l’après-midi ensemble et je découvre une nouvelle facette de la personnalité de cet artiste aux multiples talents, celle qui l’a fait participer à l’aventure de la revue Planète dont la collection complète encombre mon grenier.

Et comme à chaque fois qu’on se voit, il me promet de m’envoyer le texte de son one-man-show. Je lui promet de lui envoyer mes nouvelles de Science-Fiction. Et puis on se quitte : « Salut tonton ! »

Ce vendredi, tonton Francis, tu sacrifieras à la mode chère à toutes les grandes stars parisiennes, à savoir te faire ensevelir dans un petit carré de terre au Père-Lachaise.

Ce n’est pas l’envie qui me manque de venir faire une dernière fois le guignol devant toi, de te réclamer ce one-man-show tant promis et de balancer quelques jeux de mots foireux. Mais je laisserai faire ceux qui te connaissaient mieux. Je me contenterai d’un petit signe de la main en murmurant :

— Tiens, salut tonton !

 

 

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